Démarche diagnostique lors de diarrhée du veau : à l’échelle du troupeau - Ma revue n° 017 du 01/01/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 017 du 01/01/2017

DIARRHÉES NÉONATALES

Diagnostic

Auteur(s) : Alexandre Belliard*, Cyrielle Franchi**

Fonctions :
*Cabinet vétérinaire
6, rue du Général-de-Gaulle
03130 Le Donjon

Lorsque les diarrhées néonatales sont fréquentes en élevage, il convient de réfléchir aux actions à mener à l’échelle du troupeau. Une intervention à chaud peut être poursuivie, en dehors de la saison, afin de préparer la suivante.

Les diarrhées néonatales des veaux représentent un trouble récurrent et majeur en élevage tant laitier qu’allaitant. Une étude américaine a montré que plus de 20 % des éleveurs allaitants estiment que les diarrhées ont un impact significatif sur leurs résultats économiques [3].

Si, en France, le vétérinaire est essentiellement appelé pour perfuser un veau malade, la situation change rapidement quand les cas se multiplient au sein de l’élevage. Le « vétérinaire pompier » doit alors devenir le « vétérinaire conseil » afin d’enrayer l’épisode de diarrhées.

L’objectif de cet article est de dégager de manière synthétique de quelques revues et formations la démarche à adopter face à une épizootie de diarrhées dans un élevage bovin allaitant. Même s’il existe des points communs, il semble important de distinguer deux situations dans lesquelles le vétérinaire est amené à intervenir à l’échelle du troupeau : l’intervention « à chaud » au cours de l’épisode de diarrhées et l’intervention « à froid » en fin de saison (à l’occasion d’un bilan sanitaire, par exemple).

INTERVENTION EN COURS DE SAISON : GÉRER L’URGENCE

L’intervention pendant l’épizootie est souvent délicate (éleveur « tendu ») et parfois frustrante car les résultats en cours de saison ne sont pas toujours à la hauteur des attentes. Elle est néanmoins primordiale pour réaliser des analyses autour de la naissance (qualité du colostrum et du transfert colostral, etc.). Elle permet également d’accompagner l’éleveur le temps que les mesures mises en place portent leurs fruits (« occuper le terrain »).

L’attention du vétérinaire doit se porter essentiellement sur des critères qui vont permettre une action corrective immédiate. Les points clés à aborder sont par conséquent la recherche d’agents pathogènes, l’évaluation des défenses immunitaires du veau (immunité colostrale) et celle de la pression d’infection (figure 1, encadré 1, photo 1). Le point de départ est l’analyse des fèces (encadré 2).

Des valeurs seuils permettent d’interpréter les résultats des différentes analyses (tableau 3).

INTERVENTION EN INTERSAISON : PRÉPARER L’AVENIR

L’intervention en intersaison doit permettre de faire le point sur les événements passés et de préparer la saison suivante à partir des résultats d’analyses obtenus au cours de l’épidémie. Cette (ou ces) visite (s) est (sont) effectuée (s) préférentiellement juste en fin de saison de vêlage afin d’éviter que l’éleveur ne perde ses motivations quant à la mise en place des mesures correctives. Sans aller toujours jusqu’à un rapport d’audit détaillé, il est néanmoins indispensable d’établir un calendrier des analyses à réaliser et des dispositifs à instaurer avant la saison suivante (figure 2).

À la différence de l’intervention en urgence, le praticien peut, cette fois, avoir des projets plus ambitieux incluant d’autres mesures correctives inenvisageables en hiver, comme :

– réaliser des modifications du bâtiment (surface, volume, ventilation, places à l’auge, abreuvoirs, etc.) ;

– pratiquer une vraie désinfection précédée d’un nettoyage et suivie d’un long vide sanitaire ;

– revoir en profondeur le mode de rationnement et proposer des mesures correctives en fonction des analyses de fourrage afin que la préparation au vêlage soit optimale dès les premières mises bas (photo 2) ;

– instaurer une complémentation en oligoéléments aux dates optimales pour le veau (2 à 3 mois avant le vêlage) [1] ;

– revoir l’organisation des lots de vaches en fonction des dates estimées de mises bas (échographies et réorganisation des lots avant la période à risque).

Conclusion

La limite de cette démarche est souvent la valorisation financière du travail du vétérinaire. « À chaud », il est souvent difficile de valoriser son investissement. En revanche, le travail « à froid », une fois la saison terminée, peut l’être au moment du bilan sanitaire d’élevage. L’accompagnement de l’éleveur pour la saison suivante est plus facilement « vendable ». En s’engageant dans cette voie, à chaud, les résultats sont souvent décevants. L’éleveur doit avoir conscience de cette situation, au risque d’une incompréhension qui va bloquer par la suite le travail en intersaison.

Cette démarche et sa chronologie sont adaptées à un système allaitant charolais avec une pause dans les vêlages. L’idée générale est cependant modulable et de petites modifications permettent une application dans d’autres systèmes d’élevage.

Références

  • 1. Guélou K, Liron M, Schelcher F. Alimentation en fin de gestation et immunité du veau. Point Vét. 2013;n°spéc.« Prévention nutritionnelle en élevage bovin » :16-23.
  • 2. Harit C. Indicateurs biochimiques de l’équilibre nutritionnel chez les vaches charolaises en péripartum : évaluation de leur pertinence et recherche de seuil. Thèse, ENVL. 2016.
  • 3. Smith GW. Pathophysiology of diarrhea in calves. Vet. Clin. North Am. Food Anim. Pract. 2009;25 (1):13-36.
  • 4. Spieser F. Utilisation des tests rapides diagnostiques en clientèle bovine : intérêts et limites. Congrès SNGTV. 2014:126-133.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ L’intervention à chaud vise à isoler les agents pathogènes, et à évaluer l’immunité et la pression d’infection.

→ L’intervention à froid (en dehors de la saison de vêlage) vise à déterminer (et à corriger) les points faibles de l’élevage. Elle permet aussi de modifier la conduite d’élevage pour préparer la saison suivante.

→ L’analyse de fèces est un outil incontournable dans le diagnostic.

ENCADRÉ 1
Dosage des immunoglobulines G sériques

Le dosage des immunoglobulines G (IgG) sériques peut se faire de façon directe ou indirecte (tableau 1).

En pratique, 6 prélèvements de sérum chez des veaux âgés de 2 à 5 jours sont au minimum nécessaires. Au besoin, ces sérums peuvent être congelés avant un envoi groupé au laboratoire (si le troupeau ne comporte pas 6 veaux dans la fourchette d’âge le jour de la visite).

Il est aussi possible d’estimer indirectement les g-globulines au cabinet grâce à un analyseur en mesurant les protéines totales et l’albumine (PT - albumine = γ-globulines).

ENCADRÉ 2
Analyse de fèces

→ Il paraît important de réaliser cette étape en premier lieu car :

– le résultat permet si besoin d’adapter les traitements individuels à l’agent pathogène détecté (par exemple cryptosporidiose, salmonelles, etc.) ;

– le résultat est souvent pédagogique pour l’éleveur qui prend alors conscience d’une cible sur laquelle agir directement, et qui comprend les éventuels échecs de traitement ou de prévention (agent pathogène multirésistant, cryptosporidiose, etc.) ;

– le résultat permet parfois d’instaurer une prévention vaccinale, dont l’effet n’est pas immédiat ; l’agent « vaccinable » impliqué doit donc être identifié sans perdre de temps ;

– lorsque la réponse au traitement n’est pas satisfaisante, la réglementation sur les antibiotiques critiques impose le recours à des antibiogrammes afin d’utiliser ces derniers en seconde intention.

Il est préférable de multiplier les prélèvements (au moins 2), et ce d’autant plus que l’épizootie se prolonge.

→ Ces analyses de fèces peuvent être réalisées avec des tests rapides ou bien sont confiées à un laboratoire départemental (tableau 2).

Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr