Traitement chirurgical de l’arthrite septique chez le veau - Ma revue n° 019 du 01/01/2019 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 019 du 01/01/2019

ARTHRITE

Membres et appareil locomoteur

Auteur(s) : Salem Djebala*, Corinne Van Leeuw**, Calixte Bayrou***, Hélène Casalta****, Linde Gille*****, Arnaud Sartelet******

Fonctions :
*Clinique vétérinaire universitaire
Faculté de médecine vétérinaire
Quartier Vallée 2
Avenue de Cureghem 7
4000 Liège
Belgique

Les arthrites septiques du veau peuvent être prises en charge médicalement et/ou chirurgicalement, en fonction de la sévérité de l’affection, des chances de guérison et de la valeur économique de l’animal.

Les troubles du système locomoteur sont à l’origine d’environ 9 % des cas de mortalité chez les veaux [18]. Parmi eux, l’affection la plus fréquemment rencontrée est l’arthrite septique (AS) [8]. Bien que sporadiques, les AS peuvent avoir une répercussion importante sur le devenir de l’animal et l’économie de l’élevage.

L’arthrite est une inflammation des membranes synoviales et des surfaces articulaires provoquant une boiterie [13]. L’AS aiguë se caractérise par une réponse inflammatoire aiguë à une contamination bactérienne. L’AS aiguë peut évoluer en une AS chronique si l’inflammation se poursuit après la disparition de l’agent infectieux, conduisant à une diminution de la lubrification de l’articulation et à une destruction progressive du cartilage, puis de l’os sous-chondral [5]. Cette inflammation auto-entretenue endommage de plus en plus l’articulation. L’AS est une urgence médicale, il convient donc de la prendre en charge très tôt, avec un traitement adapté et long, car les lésions apparaissent rapidement.

SIGNES CLINIQUES ET DIAGNOSTIC

1. Anamnèse

De manière générale, dans le cas d’une boiterie chez un veau, les circonstances d’apparition, selon les dires de l’éleveur (soudaine = plutôt traumatique ; progressive = plutôt infectieuse), et la durée des symptômes sont les premiers éléments permettant d’orienter le diagnostic. Bien que l’examen visuel du veau suffise souvent à établir le diagnostic, quelques questions peuvent permettre d’orienter le traitement (historique de diarrhée, de broncho-pneumonie ou cas d’arthrite récurrents dans le troupeau) et de proposer des mesures adaptées. En effet, lorsqu’une complication (échec de transfert de l’immunité colostrale, hygiène du box de vêlage et de la zone d’élevage des veaux nouveau-nés, immunité des mères en fin de gestation, absence de prévention des gastro-entérites néonatales et des maladies respiratoires, etc.) à l’échelle du troupeau peut être mise en évidence, des mesures correctives sont alors proposées.

De façon plus précise, les antécédents de maladies peuvent orienter le diagnostic et le traitement, car chez les veaux, la plupart des arthrites sont d’origine hématogène postsepticémique [13]. Cependant, dans 80 % des cas, l’éleveur n’a rien remarqué auparavant (observations personnelles). Toutes les maladies infectieuses (phénomènes primaires) provoquant une septicémie (phénomène secondaire) peuvent être à l’origine d’AS hématogène (phénomène tertiaire). Les plus courantes sont les infections ombilicales (omphalites), les gastro-entérites néonatales et les broncho-pneumonies [11]. Des escarres en regard d’une articulation, provoquées par un défaut d’aplomb ou une période de décubitus prolongée, un traumatisme ou une plaie pénétrante peuvent aussi être des causes d’AS, pouvant être qualifiées de traumatiques.

2. Examen clinique et orthopédique

Bien que l’observation du veau suffise souvent à établir le diagnostic, il est nécessaire que l’examen général et orthopédique soit complet et systématique, afin d’établir un pronostic aussi exact que possible. Les articulations le plus souvent touchées sont le carpe, le boulet et le tarse. Les articulations coxo-fémorale et scapulo-humérale sont parfois concernées. Plus rarement, l’arthrite intervertébrale (ou discospondylite) peut être envisagée, lors d’apparition d’une paralysie progressive chez un jeune bovin.

Les signes cliniques sont différents selon la durée de l’atteinte :

- lors d’AS aiguë, le veau présente une atteinte de l’état général avec de l’abattement, une congestion des muqueuses, de l’inappétence, voire de l’anorexie, et de l’hyperthermie. Au niveau locomoteur, une boiterie de grade variable (de la boiterie légère au refus de se lever en fonction de l’état général, de la douleur et de l’articulation touchée), une distension articulaire plus ou moins importante (en fonction de la durée de l’infection), ainsi qu’une articulation chaude et douloureuse (en raison de la distension et de l’inflammation) sont observées. La manipulation passive est douloureuse, mais aisée ;

- dans le cas d’AS chronique, le veau ne présente pas d’atteinte de l’état général, cependant un retard de croissance, dû à la période d’anorexie ou à une diminution de l’ingestion, est généralement noté. Au niveau locomoteur, la boiterie est également de grade variable, allant de la boiterie légère au refus de se déplacer. Dans certains cas, une amyotrophie du membre atteint, une déformation des aplombs sur le membre controlatéral, qui devient souvent long jointé, et/ou un déplacement du centre de gravité sur le bipède sain sont notés (par exemple, une boiterie du membre postérieur gauche entraîne un défaut d’aplomb de l’autre membre postérieur et un déplacement du centre de gravité vers l’avant).

L’articulation atteinte est tuméfiée, douloureuse, tiède et ferme (photo 1). La manipulation passive est douloureuse et l’amplitude est réduite (ankylose), des crépitements peuvent être mis en évidence.

3. Examens complémentaires

Différents examens complémentaires permettent de confirmer le diagnostic, et de préciser le degré d’atteinte, ainsi que le pronostic.

Arthrocentèse

L’arthrocentèse (ou ponction articulaire) nécessite une aseptie adéquate (avec une tonte et une asepsie chirurgicale de l’articulation à ponctionner). La synovie, physiologiquement translucide, visqueuse et sans odeur, devient trouble lors d’AS, plus liquide, et son pH est diminué (photos 2a et 2b) [4]. Une arthrocentèse négative ne permet pas d’exclure l’AS, car elle peut être la conséquence d’une accumulation de fibrine, empêchant la sortie de synovie.

La cytologie peut mettre en évidence un nombre important de cellules nucléées dans la synovie (leucocytes et polymorphonucléaires neutrophiles), révélateur d’une AS [14]. Un california mastitis test (CMT) peut aussi être réalisé sur place sur le liquide d’arthrocentèse. Économique, ce test qualitatif permet de détecter une quantité anormale de cellules inflammatoires dans la synovie. Vu le faible nombre de leukocytes dans la synovie saine (< 250/µl), un CMT positif à une croix est indicateur d’une arthropathie et à deux croix, plutôt d’une arthrite septique (> 50 000/µl) [2].

La culture bactériologique sur la synovie n’est positive que dans 50 % des cas d’AS, car les germes colonisent plutôt les franges synoviales que le liquide [5]. Les germes les plus fréquemment isolés sont arcanobacterium pyogenes, escherichia coli, fusobacterium necrophorum, staphylococcus sp., streptococcus sp. et les germes anaérobies [3]. Les mycoplasmes sont à rechercher lors d’une incidence élevée d’AS dans un troupeau, surtout en association avec d’autres symptômes (avortement, mammite, pneumonie, otite) [6].

Imagerie médicale

L’imagerie médicale permet de préciser le diagnostic et le pronostic, selon les lésions visualisées.

La radiographie met en évidence l’importance des lésions au niveau de l’os sous-chondral [20]. Les lésions radiographiques sont surtout de type lytique. Lorsque l’arthrite est aiguë, durant la première semaine d’évolution, les signes visibles sur une radiographie concernent uniquement les tissus mous. Ces signes non spécifiques sont la distension articulaire, la tuméfaction péri-articulaire et l’augmentation de l’espace articulaire (photo 3) [1]. Après un délai d’environ 2 semaines, des irrégularités au niveau des contours articulaires, signes d’une lyse des os sous-chondraux, sont présentes [12]. Une prolifération périostée en continuité avec l’articulation peut également être visible. Lors de cas chroniques, une minéralisation des tissus mous proches de l’articulation est possible (photos 4a, 4b et 5) [1]. L’échographie (réalisée avec une sonde linéaire de 7,5 MHz ou une sonde transrectale de 5 MHz) permet d’évaluer la qualité du liquide synovial et les lésions du cartilage articulaire dans les AS aiguës à subaiguës (photos 6a et 6b) [10].

Une fois le diagnostic établi, le pronostic d’une AS est de manière générale réservé. Cependant, il peut être nuancé en fonction :

- de l’état général du veau et des maladies associées (omphalites, diarrhée, etc.) ;

- de la sévérité des lésions : plus la lyse est importante, plus le pronostic s’assombrit ;

- de l’articulation touchée : plus sombre pour le jarret, le grasset, l’épaule, le coude et la hanche, qui sont des articulations difficiles d’accès, meilleur pour le carpe ou le boulet, pour lesquels l’arthrodèse donne de bons résultats ;

- du nombre d’articulations atteintes : plus sombre dès que deux articulations ou plus sont touchées.

TRAITEMENT DE L’ARTHRITE SEPTIQUE

1. Traitement médical

L’objectif du traintement d’une AS est de gérer la douleur, de contrôler l’infection, d’éliminer le liquide anormal, de contrôler l’inflammation et de rétablir la fonction articulaire.

En cas d’AS aiguë, un traitement antibiotique doit être mis en place le plus tôt possible, avant même la réception du résultat de l’antibiogramme (lorsqu’une culture est décidée). Le choix de l’antibiotique chez le veau repose sur plusieurs critères :

- l’agent primaire suspecté, de manière générale : l’antibiotique doit être actif contre A. pyogenes, les Gram positifs et négatifs [12] ;

- sa diffusion au travers de la membrane synoviale ;

- son efficacité en milieu acide et en présence de débris nécrotiques ;

- sa facilité d’administration [3].

En première intention, il est recommandé d’utiliser des ß-lactamines associées aux aminoglycosides, des macrolides, des lincosamides ou des tétracyclines.

Le traitement systémique doit être mis en place dans les 5 premiers jours après le début des symptômes de l’AS [3]. La voie intraveineuse (IV) est conseillée au cours des premiers jours de traitement, afin d’obtenir rapidement des concentrations sériques importantes. Le traitement peut être poursuivi par voie intramusculaire (IM) ou sous-cutanée (SC), bien que des doses plus importantes soient nécessaires et que les concentrations intra-articulaires obtenues soient mal connues. La voie IV sous garrot, bien que difficile à mettre en place dans les fermes, est une voie de choix pour obtenir une concentration minimale inhibitrice (CMI) 10 à 100 fois supérieure au site d’intérêt par rapport à la voie systémique seule [3]. La durée du traitement antibiotique est au minimum de 2 à 3 semaines après l’arrêt des symptômes. Une réponse clinique au traitement médical d’une AS aiguë doit être observée 2 à 4 jours après la mise en place du traitement [9].

L’antibiothérapie est systématiquement associée à l’administration d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), une fois par jour pendant 4 à 5 jours, pour diminuer la douleur, permettre une alimentation correcte et, surtout, stopper le cercle vicieux de l’inflammation. Une injection d’AINS par voie articulaire, juste après le drainage, présente un bon pouvoir anti-inflammatoire sans effet néfaste [17]. En revanche, leur utilisation prolongée est discutable, car ils induisent à long terme une immunodépression, une dégradation des cartilages et une diminution des chondroblastes et des ostéoblastes.

2. Traitement chirurgical

Le traitement chirurgical peut intervenir en complément du traitement médical (lavage articulaire) ou en seconde intention, lorsque le traitement médical n’est pas efficace, c’est-à-dire lorsqu’aucune amélioration clinique n’est obtenue après 3 à 4 jours [15].

Lavage articulaire

Le traitement médical peut être associé à un lavage articulaire, qui consiste en l’irrigation sous pression de l’articulation. Entrepris 3 à 4 jours suivant le début de l’infection, il permet d’éliminer les débris nécrotiques et de diminuer la pression d’infection, ainsi que la quantité de médiateurs de l’inflammation [12]. Le traitement médical ne doit pas pour autant être arrêté.

La sédation s’obtient avec de la xylazine par voie IM à la dose de 0,2 mg/kg, complétée par une anesthésie locale par infiltration de lidocaïne 2 % à l’endroit des aiguilles de drainage. Après l’asepsie du site chirurgical, deux aiguilles sont placées de part et d’autre de l’articulation atteinte. Elles servent de voie d’entrée et de sortie pour l’irrigation sous pression de l’articulation, avec au minimum 1 litre de Ringer lactate ou de NaCl 0,9 % [3]. Le lavage doit être abondant et cette opération répétée plusieurs fois, jusqu’à ce que le liquide récupéré soit clair et exempt de pus ou de fibrine (photo 7) [12]. Il est recommandé d’administrer des anti-inflammatoires stéroïdiens en intra-articulaire tels que la dexaméthasone (de 4 à 8 ml de dexaméthasone 2 mg/ml, selon l’articulation et la taille de l’animal) et des antibiotiques tels que la gentamicine (de 4 à 8 ml de gentamicine 50 mg/ml, selon l’articulation et la taille de l’animal) à la fin du lavage Après les lavages, un bandage compressif est mis en place pour 24 à 48 heures.

Le principal risque de complication, lors de lavage articulaire, est l’introduction d’un nouvel agent pathogène si l’asepsie n’est pas rigoureusement respectée [9]. La formation rapide de caillots de fibrine, abondante chez le bovin, empêche souvent un lavage articulaire correct ; le recours à l’arthrotomie est alors nécessaire.

Arthrotomie

L’arthrotomie est l’ouverture chirurgicale de l’articulation [16]. Peu coûteuse, elle peut être envisagée si le traitement médical n’est pas efficace au bout de 4 à 5 jours, et pour un veau qui ne survivrait pas en l’absence de traitement. Elle permet de nettoyer l’articulation des médiateurs de l’inflammation, des débris nécrotiques et des caillots de fibrine. Elle est réalisable sur les articulations du coude, du carpe, du boulet, du grasset, de l’épaule et du jarret. Pour les articulations du boulet, du carpe et du jarret, des drains de Penrose sont placés pour favoriser le drainage de l’articulation. L’arthrotomie est effectuée sous sédation profonde ou sous anesthésie générale (exemple : xylazine à la dose de 0,2 mg/kg, associée à de la kétamine à la dose de 4 à 8 mg/kg par voie IM) [8]. Une anesthésie locorégionale (10 à 15 ml de lidocaïne 2 % par voie IV rétrograde sous garrot pour le membre antérieur, ou 1 ml/10 kg de lidocaïne 2 % par voie épidurale haute pour le membre postérieur) est associée lors de cette intervention, sauf pour les articulations de l’épaule et du coude, où sa réalisation est impossible (la pose de garrot n’est pas possible au-dessus de ces articulations). L’arthrotomie est une technique chirurgicale simple, réalisable en ferme, tout en respectant une hygiène correcte. Malgré l’inflammation chronique qui fait perdre tout repère anatomique de l’articulation, rares sont les structures auxquelles il convient de faire attention. De manière simple et générale, l’incision de 2 à 3 cm se pratique longitudinalement sur la distension articulaire. Pour l’épaule, le coude et le grasset, une seule incision est réalisée ; elle est ensuite suturée avec du fil synthétique résorbable en trois couches à l’aide de points en X. Dans tous les autres cas, deux incisions sont réalisées pour permettre de flusher l’articulation, un drain de Penrose est placé entre les deux incisions et un bandage est mis en place (photo 8). Le bandage est renouvelé tous les 2 à 3 jours et l’articulation flushée jusqu’à ce que les plaies ne soient plus productives. La cicatrisation se fait par seconde intention après le retrait des drains. ll est important d’effectuer un lavage articulaire avec un volume de liquide suffisant : 2 à 3 litres au minimum de NaCl 0,9 % ou de Ringer lactate sont nécessaires.

La réalisation d’une arthrotomie prend entre 30 minutes à 1 heure, selon l’articulation à traiter.

L’arthrotomie donne de bons résultats. Dans une étude rétrospective, menée à l’université de Liège, 14 veaux sur 20 traités par arthrotomie ont présenté une évolution favorable, avec une croissance normale, et certaines femelles ont pu être mises à la reproduction. Les complications rencontrées dans cette étude sont la récidive au niveau de l’articulation traitée ou le développement d’une polyarthrite. Cependant, les animaux traités par arthrotomie ont conservé une légère boiterie [15].

Arthrodèse

L’arthrodèse, qui a pour objectif d’obtenir une ankylose de l’articulation, est indiquée en cas d’échec du traitement médical sur une AS chronique. Elle n’est réalisable que sur les articulations du boulet, du carpe, tarso-métatarsienne, et interphalangienne distale et proximale ; elle est plus coûteuse que l’arthrotomie. Néanmoins, elle donne de très bons résultats, avec un taux de réussite de 85 à 90 %, et améliore les pronostics économique et vital [15, 19].

Le protocole d’anesthésie est le même que celui de l’arthrotomie (0,2 mg/kg de xylazine IM et 4 à 8 mg/kg de kétamine, associées à une anesthésie locorégionale avec 10 à 15 ml de lidocaïne 2 % en IV rétrograde sous garrot pour le membre antérieur, ou 1 ml/10 kg de lidocaïne 2 % par voie épidurale haute pour le membre postérieur) [8]. Lorsque l’anesthésie gazeuse est possible, une prémédication est effectuée avec 0,2 mg/kg de xylazine par voie IM, suivie 15 minutes plus tard par 2 mg/kg de kétamine par voie IV, permettant l’intubation immédiate du veau et la mise sous isoflurane 1,5 à 3 %, à ajuster selon la profondeur de l’anesthésie observée, et oxygène (1,2 l/min). Le veau est placé en décubitus latéral, le membre atteint en position supérieure, avec un garrot en amont de l’articulation atteinte. Après asepsie du site chirurgical, une incision en U est réalisée au niveau de l’articulation (démarrant sur la face latérale de l’articulation, parallèle à l’axe du membre, la partie horizontale du U passe en regard de l’articulation du boulet ou de l’articulation carpo-métacarpienne, puis l’incision est prolongée en remontant sur la face médiale) (photo 9). Les tendons, les ligaments et la capsule de la face dorsale de l’articulation sont incisés pour pouvoir mettre en évidence les surfaces articulaires (photo 10). La totalité du cartilage articulaire et l’os sous-chondral altérés sont curetés à la curette de Volkman ou à l’aide d’une mini-perceuse Dremel® (photos 11 et 12). L’articulation et les gaines tendineuses sont nettoyées avec 1 à 2 litres de Ringer lactate ou de NaCl 0,9 % sous pression [7]. La peau est suturée au moyen d’un surjet simple avec un fil polyfilament synthétique résorbable. Un étrier de ruban adhésif est placé sur l’extrémité des doigts. Un jersey tubulaire est mis en place avant la pose de deux couches d’ouate et d’une bande de gaze en partant de l’onglon. Un plâtre en résine complet est posé du bout des onglons jusqu’au coude ou au jarret non inclus. Il est retiré 5 jours plus tard et le pronostic est de nouveau évalué. S’il est bon (plaie propre et articulation sèche et non douloureuse à la palpation), une nouvelle résine est mise en place pour 4 à 6 semaines (photo 13). Si l’évolution n’est pas bonne (plaie productive, déhiscence, articulation gonflée), l’euthanasie est recommandée. Pour les jeunes veaux, la résine est changée au milieu de cette période (après 3 semaines) pour respecter la croissance. Le traitement médical est identique à celui mis en place lors d’AS aiguë (antibiotiques pendant 3 semaines et AINS), associé à une injection quotidienne de 5 ml d’antibiotique par la canule, jusqu’au retrait de celle-ci.

Lors d’arthrodèse du carpe, la conservation de l’intégrité des ligaments des os d’une même rangée est nécessaire pour conserver son intégrité. Cependant, lors d’arthrite sévère, l’excision de l’une ou des deux rangées est indiquée, et dans ce cas le taux de réussite diminue respectivement à 69 et 35 % [19]. Les lésions radiographiques (sévère lyse osseuse) et l’inspection de l’os sous-­chondral après curetage (aspect sain : rosé et brillant ; en cas d’atteinte : blanc pâle) permet de décider de la ou des rangées à exciser. Lorsque les os du carpe restent pâles malgré le curetage, il est préférable d’exciser.

Conclusion

Ainsi, le traitement médical (antibiotique et AINS) doit être précoce et long, mais, même associé à des lavages articulaires, il peut être insuffisant. Le choix du traitement chirurgical est discuté avec l’éleveur, en fonction des résultats des examens complémentaires, de la ou des articulations atteintes, de la valeur économique du veau, des infections concomitantes et du pronostic vital. Cependant, le traitement chirurgical reste une option thérapeutique de choix, avec un bon taux de succès. Ces interventions sont réalisables au cabinet ou sur le terrain. La gestion de la douleur postopératoire reste problématique, en raison du faible arsenal à disposition des vétérinaires ruraux.

Références

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Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ L’arthrite septique du veau est une urgence qui doit être prise en charge précocement.

→ Le traitement médical comprend une antibiothérapie adaptée, mise en place avant les éventuels résultats de l’analyse bactériologique du liquide synovial, et un traitement anti-inflammatoire.

→ Le traitement chirurgical consiste a minima en un lavage articulaire. Une arthrotomie incluant la pose de drains ou l’arthrodèse (lavage et curetage articulaires, suivi d’une immobilisation par une résine) offrent un meilleur pronostic de récupération.

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