La rachianesthésie chez le veau : retour sur les pratiques et les protocoles des 15 dernières années en France - Ma revue n° 019 du 01/01/2019 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 019 du 01/01/2019

ANESTHÉSIE

Autour de la chirurgie

Auteur(s) : Gwenola Touzot-Jourde

Fonctions : Oniris
Le Grand Chemin
UMR 1229 RMeS
Site de la Chantrerie
Route de Gachet
44300 Nantesjoce71@orange.fr

Technique déjà ancienne, la rachianesthésie peut avantageusement se substituer à l’anesthésie générale chez le veau, en fonction du protocole utilisé.

La rachianesthésie, ou anesthésie sous-arachnoïdienne, est une technique d’anesthésie loco­régionale ancienne, déjà rapportée dans le recueil de médecine vétérinaire, dès 1901, par Cuillé et Sandrail [4]. Elle consiste en l’injection, dans le liquide cérébrospinal (LCS), d’un anesthésique local, souvent associé à une substance analgésique. Chez le veau, elle est pratiquée au niveau de l’espace lombo-sacré, pour obtenir une anesthésie de l’abdomen moyen à caudal et des membres postérieurs. L’étendue de la zone anesthésiée est fonction du couple dose/volume injecté de l’anesthésique local. Combinée à une tranquillisation ou à une sédation, cette technique d’anesthésie loco­régionale peut se substituer à une anesthésie générale et offre des avantages pratiques particulièrement intéressants pour l’animal et le vétérinaire, dans les conditions de terrain où le temps, le coût et le plateau technique à disposition sont des facteurs limitants. L’indication la plus courante est la chirurgie de l’ombilic chez le veau de quelques semaines.

L’ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE PAR VOIE INTRA­RACHIDIENNE (SOUS-ARACHNOÏDIENNE)

1. Principe

Le dépôt d’un anesthésique local dans un compartiment tubulaire (à savoir l’espace liquidien situé sous les méninges, entourant la moelle épinière, pour la voie sous-arachnoïdienne, et le canal vertébral, localisé autour des méninges, pour la voie péridurale) entraîne une anesthésie segmentaire, par insensibilisation in situ de la moelle épinière et des racines nerveuses qui en émanent, en amont et en aval du site de dépôt de l’anesthésique local. L’étendue et la profondeur de l’anesthésie obtenue sont proportionnelles au couple dose/volume d’anesthésique local : plus le volume est important, plus la migration craniale (et caudale) l’est et donc plus le territoire anesthésié est grand ; plus la concentration de l’anesthésique local est élevée, plus l’anesthésie est intense et souvent durable. Le dépôt de l’anesthésique local, directement dans le LCS, offre l’avantage d’une diffusion rapide et homogène autour des segments de moelle épinière concernés. De ce fait, l’installation de l’anesthésie est plus rapide et, souvent, plus prédictible qu’elle ne l’est par la voie péridurale ; sa qualité est également plus homogène. Toutefois, la durée d’action est plus courte, en raison du flux et du renouvellement constants du LCS.

Pour obtenir une anesthésie complète de l’abdomen, la colonne d’anesthésique local doit remonter jusqu’en région thoracique moyenne (T6-T7). À la dose de 0,1 ml/kg, l’injection post-mortem de bleu de méthylène colore la moelle épinière jusqu’aux environs de la jonction thoraco-lombaire (photos 1a à 1c)

Les fonctions sensitive et motrice sont bloquées par les anesthésiques locaux, alors que la xylazine a un effet principalement analgésique, moins marqué sur la composante motrice.

En conséquence, le site d’injection préférentiel et les volumes injectés sont dictés par les paramètres suivants :

- absence d’interférence avec la mécanique respiratoire (en évitant la remontée de l’anesthésique local vers les segments thoraciques craniaux et cervicaux) ;

- facilité de localisation et d’insertion de l’aiguille dans l’espace sous-arachnoïdien par le placement de l’aiguille au niveau de l’espace lombo-sacré (espace intervertébral large) et de la citerne lombo-sacrée (renflement des méninges, avec volume de LCS plus important).

2. Indications

Les indications de cette technique découlent de ces impératifs. Chez le veau de quelques semaines, les avantages à mettre en avant sont :

- la facilité de localisation de l’espace lombo-sacré ;

- l’aspect superficiel de la citerne lombo-sacrée, à quelques centimètres sous la peau (4 à 8 cm) ;

- la facilité de gestion du décubitus consécutif à l’anesthésie complète de l’arrière-main ;

- la mise en place rapide de l’anesthésie et le retour de la sensibilité et de la motricité des membres postérieurs dans les 2 à 3 heures après l’injection.

La rachianesthésie lombo-sacrée permet la réalisation d’interventions chirurgicales intéressant la région postdiaphragmatique du corps, telles que la chirurgie abdominale de l’ombilic, l’entérectomie, la laparotomie exploratrice, la chirurgie des membres postérieurs (jarret droit), l’immobilisation, ou encore l’intervention intéressant l’appareil uro-génital [1, 8, 13, 16].

3. Réalisation pratique de l’injection

Les quatre étapes de l’injection sont les suivantes :

- repérage de l’espace lombo-sacré. Le pouce et le majeur sont placés sur les crêtes iliaques, l’index palpant l’espace (photos 2a à 2c) ;

- injection sous-cutanée de 0,5 à 1 ml d’anesthésique local à l’aide d’une aiguille de 25 G ;

- ponction lombo-sacrée. L’aiguille traverse la peau, le tissu sous-cutané, le ligament supraépineux, le ligament interépineux et le ligament jaune, avant de franchir les méninges. Le passage de ces dernières s’accompagne souvent d’un mouvement de la queue ou d’une réaction du type génuflexion de la part du veau ;

- écoulement du LCS au passage des méninges et à l’entrée dans la citerne lombo-sacrée.

Le geste technique est facile à maîtriser [11, 12]. Toutefois, il soulève un certain nombre de questions.

Une sédation est-elle nécessaire ?

Le geste technique étant rapide et facile à réaliser, une immobilisation de l’animal avec une sédation intraveineuse (IV) ou intramusculaire (IM) n’est pas obligatoire. Toutefois, le passage des méninges fait réagir systématiquement les veaux et peut entraîner le déplacement de l’aiguille plus profondément (avec un risque de trauma et de lésion du cône médullaire) ou plus superficiellement (délogement de l’aiguille, avec nécessité de ponctionner de nouveau les méninges pour garantir l’injection in situ). La situation de terrain est donc à analyser systématiquement en fonction du tempérament et de l’état de stress et de vigilance de l’animal. Au cours de la phase d’apprentissage de la technique, il est recommandé de pratiquer une sédation préalable pour s’approprier le geste dans de meilleures conditions. Celle-ci peut être accompagnée d’une anesthésie sous-cutanée au niveau du site de ponction. Ainsi, l’aiguille peut être placée de manière adéquate dès le premier essai et l’injection réalisée d’un seul trait, mais lentement.

Quel protocole de sédation ou de tranquillisation utiliser ?

Une sédation à la xylazine par voie IV (0,05 mg/kg) ou IM (0,1 mg/kg) est le plus souvent suffisante chez des veaux de quelques semaines ; elle est ensuite prolongée par l’effet systémique de la xylazine injectée lors de la rachianesthésie. L’injection IM dans le triceps brachial permet une mise en place de la sédation aussi rapide que celle obtenue par voie IV : l’effet débute au cours des 2 premières minutes, le pic étant obtenu 4 à 5 minutes après l’injection [2].

La tranquillisation est privilégiée chez des veaux débilités ou présentant un statut hémodynamique instable. Dans ce cas, l’utilisation de brotizolam (Médérantil®, 0,2 mg/ml) constitue une alternative intéressante : une injection IV à la dose de 0,006 mg/kg (soit 0,3 ml/10 kg, trois fois la dose orexigène) procure une immobilisation suffisante pour le placement en décubitus des veaux de moins de 2 mois. L’effet est obtenu au bout de 5 à 10 minutes, et ce pour une durée d’environ 15 minutes.

Quelles sont les conditions de stérilité à respecter ?

Une antisepsie chirurgicale est indiquée, l’injection étant réalisée dans un compartiment central. Elle comprend la tonte ou le rasage de la zone, un nettoyage chirurgical et une technique stérile d’injection.

Quelle aiguille convient-il d’utiliser ?

Le respect des bonnes pratiques impliquerait de préférer l’emploi d’une aiguille spinale, dont le biseau est conçu pour limiter le trauma des méninges. Toutefois, la réalité du terrain est nuancée par la disponibilité et le coût de ces aiguilles. En fonction de la taille du veau, et selon les auteurs, différentes tailles d’aiguille sont préconisées (tableau 1). Chez un animal de plus de 100 kg, l’utilisation d’une aiguille spinale, disponible en grande longueur, semble faire consensus. Une étude pilote, menée sur des veaux anesthésiés en vue d’une myélographie et sur cadavres, a montré que l’injection peut s’avérer mixte (sous-arachnoïdienne/péridurale), même en présence de gouttes de LCS sortant en continu par l’aiguille avant le branchement de la seringue (photos 3a et 3b) [5]. L’étude n’a cependant pas permis de préciser si le risque d’effectuer une injection mixte dépend du type d’aiguille utilisée (aiguille hypodermique au biseau long ou aiguille spinale), en raison de la petite taille de l’échantillon testé. La diffusion péridurale pourrait également survenir après l’injection, au travers de l’orifice laissé dans les méninges par l’aiguille, bien que cette hypothèse n’ait pas pu être confirmée par myélographie [5].

À quelle vitesse le contenu de la seringue doit-il être injecté ?

L’injection rapide sous pression dans le LCS provoque un déplacement de la colonne de liquide dans les méninges, faisant varier la pression intrarachidienne. Cette variation de pression se propage le long de la colonne de LCS, celle-ci étant continue entre le canal vertébral et l’espace intracrânien. Un changement brusque de pression provoque des perturbations autonomiques, généralement visibles par un changement du rythme respiratoire “sous la seringue” (tachypnée initiale) pouvant aller jusqu’à l’apnée. Une injection lente est ainsi préconisée [18].

Les recommandations varient selon les auteurs (tableau 2). En pratique, il est plus aisé d’injecter lentement si le veau est immobile, d’où l’intérêt d’effectuer au préalable une anesthésie locale sous-cutanée, ainsi qu’une sédation ou une tranquillisation. L’injection peut être réalisée sur veau debout, maintenu contre une paroi ; il est alors essentiel de bien soutenir l’arrière-main pendant l’injection lente, afin de bien garder l’aiguille en place et d’accompagner la chute du veau (elle est instantanée au cours ou à la fin de l’injection). Une durée d’injection de 1 minute semble un bon compromis pour limiter à la fois les risques de changement brutal de la pression intracrânienne et ceux de délogement de l’aiguille.

Est-il nécessaire d’enlever un volume équivalent de LCS avant l’injection ?

Le compartiment méningé et intracrânien montre une compliance limitée pour une variation de volume. Toutefois, l’injection d’un volume de 0,2 à 0,4 ml/kg, sans ponction préalable (à l’exception des gouttes perlant de l’aiguille), est bien tolérée si elle est effectuée lentement, pendant 1 minute au minimum (expérience personnelle). Le branchement d’une seringue avec aspiration rallonge la procédure, augmente le risque de déplacement de l’aiguille et fait diminuer la pression, entraînant de probables maux de tête (déclenchés par les variations de pression). Il est plus avantageux d’utiliser ce temps pour rallonger la durée totale de l’injection, en la réalisant plus lentement (avis personnel). De plus, l’orifice présent dans les méninges après le retrait de l’aiguille entraîne systématiquement une petite fuite de LCS, donc un risque très faible de surpression.

LES PROTOCOLES D’ANESTHÉSIE INTRARACHIDIENNE

Historiquement, l’anesthésie intrarachidienne lombo-sacrée est fondée sur l’utilisation d’un anesthésique local. Celui-ci a rapidement été associé à un α2-agoniste, pour améliorer la qualité de l’anesthésie, mais aussi pour en prolonger la durée. Depuis 2005, plusieurs doctorants vétérinaires nantais ont évalué et comparé les différents protocoles entre eux afin de les faire évoluer, en fonction des problématiques de terrain et des impératifs réglementaires. Les protocoles raffinés sont répertoriés dans le tableau 3. L’association d’un anesthésique local et de xylazine apporte une qualité d’anesthésie supérieure à celle obtenue avec un anesthésique local seul [16, 17]. L’utilisation de lidocaïne seule à la dose de 2 mg/kg n’entraîne pas d’effet suffisant pour pratiquer une omphalectomie, mais à la dose de 4 mg/kg, l’analgésie obtenue dure 170 ± 1,6 minute, et 145 minutes pour l’ataxie, après une installation en 3 ± 2 minutes [6, 16].

La sécurité de la dose a toutefois été évaluée : extension de l’anesthésie jusqu’à la jonction thoraco-lombaire, tendance à l’augmentation de la fréquence cardiaque avec peu de variations de la pression artérielle, effet négligeable sur les paramètres respiratoires.

Associée à la xylazine, une dose de 2 mg/kg de lidocaïne apparaît suffisante dans le contexte clinique [7, 15, 16]. La puissance anesthésique de la procaïne correspondant à 50 % de celle de la lidocaïne, la dose efficace de procaïne est donc de 4 mg/kg [17]. Pour pallier les variations individuelles et les conditions d’injection sur le terrain, son association avec la xylazine est également intéressante pour bénéficier d’une marge de sécurité concernant la durée de l’anesthésie et d’un effet sédatif, utile pour l’acceptation du décubitus dorsal par le veau. La détomidine, initialement testée, n’a pas permis d’obtenir une analgésie renforcée sans effet secondaire indésirable [16]. Une étude, menée dans les conditions de terrain par des étudiants anesthésistes et chirurgiens vétérinaires, a permis de comparer l’association de la xylazine avec de la lidocaïne ou de la procaïne [15]. Elle a mis en évidence :

- l’existence d’une variation individuelle de la durée d’anesthésie et de réveil assez marquée, avec la lidocaïne comme avec la procaïne, probablement liée à la technicité de l’opérateur qui réalise l’anesthésie intrarachidienne, mais aussi à la dextérité du geste chirurgical et à la gravité de l’affection ombilicale ;

- un confort du veau amélioré par l’utilisation d’un coussin du type Doggy Relax et d’un oreiller sous la tête ; l’isolation du veau est également améliorée, limitant l’hypothermie et les complications postopératoires qui en découlent (photo 4) ;

- une étendue d’anesthésie parfois insuffisante cranialement pour intervenir lors d’atteinte importante de l’ombilic ; l’administration supplémentaire d’anesthésique local par infiltration au niveau du pôle cranial de l’ombilic est alors nécessaire ;

- la nécessité d’une sédation supplémentaire, voire d’une administration d’anesthésique local au niveau des lèvres de la plaie abdominale, si la durée d’intervention dépasse 60 minutes (pour un temps d’anesthésie intrarachidienne de 75 à 80 minutes, incluant le temps de préparation, puis de chirurgie).

COMPLICATIONS ET ÉCHECS

Une enquête a été réalisée en 2017-2018 auprès de praticiens ruraux, afin d’évaluer leur usage de la rachianesthésie : 210 questionnaires ont été complétés [10]. De rares complications sont rapportées (variant de quelques cas par an à quelques cas dans toute la carrière). Elles incluent :

- une implantation difficile de l’aiguille et une localisation laborieuse de la citerne ;

- une réaction du veau à l’injection : un changement de rythme respiratoire (tachypnée, bradypnée, apnée), un arrêt cardiaque, des convulsions et un opisthotonos ;

- une durée insuffisante de l’anesthésie/analgésie.

Durant la période postanesthésique, le relever tardif (plus de 3 heures après la chirurgie), l’ataxie persistante (plus de 2 heures après le relever), l’hypothermie modérée sont peu à assez fréquents. La persistance de l’absence de motricité des membres postérieurs, plus de 6 heures après la chirurgie, est peu fréquente. Cette dernière complication n’a d’ailleurs été rencontrée chez aucun des veaux pris en charge à Oniris ces 6 dernières années. Toutefois, les veaux atteints d’affections ombilicales très graves (péritonite avec adhérences et abcès hépatiques) ont été le plus souvent euthanasiés pendant l’anesthésie. Si un traumatisme du cône médullaire à la jonction lombo-sacrée est à suspecter lors de décubitus prolongé et de défaut de motricité des membres postérieurs, les autres causes de décubitus prolongé ne doivent pas être exclues, en particulier un statut hémodynamique et métabolique, souvent compromis lors d’affections à retentissement systémique (déshydratation, hypovolémie, hypotension, hypoglycémie), ou encore une hypothermie. La pose d’un cathéter jugulaire et d’une perfusion intraveineuse est, dans ce cas, indiquée en traitement adjuvant :

- avant : réanimation fluidique nécessaire pour stabiliser le statut hémodynamique avant la réalisation de la rachianesthésie ;

- pendant : soutien de la fonction cardiovasculaire pendant l’intervention pour compenser la vasodilatation des territoires anesthésiés (consécutive à l’effet des anesthésiques locaux par voie intrarachidienne) et corriger l’évaporation due à l’ouverture de l’abdomen, ainsi que les pertes sanguines ;

- et poursuivie après lors de choc septique et de maladie systémique persistante.

La perfusion de 10 à 20 ml/kg (jusqu’à 50 ml/kg) d’une solution isotonique balancée (Ringer lactate, par exemple) est recommandée en réanimation préanesthésique. La perfusion doit être poursuivie jusqu’à l’amélioration de la vigilance et la baisse de la fréquence cardiaque et respiratoire. Pendant l’anesthésie, le débit recommandé est de 5 à 10 ml/kg/h (jusqu’à 20 ml/kg/h). En postanesthésique, le débit est fonction de l’état de l’animal et des traitements antérieurs : du débit d’entretien simple (100 ml/kg/j pour un veau pédiatrique) à un débit multiplié par deux ou trois, en fonction de l’état de l’animal.

Un apport énergétique peut se révéler nécessaire, particulièrement en cas de choc septique. Les solutés hypertoniques sont utilisables, en particulier dans la phase initiale de stabilisation, mais doivent être administrés avec précaution, en respectant la dose et la vitesse d’administration (2 à 4 ml/kg sur 10 à 20 minutes pour le NaCl hypertonique 7,5 % ; pour les autres, respecter les consignes du résumé des caractéristiques du produit). Leur administration doit ensuite être complétée par celle d’un soluté isotonique balancé pour remplacer l’eau manquante.

Enfin, l’évaluation de la douleur postopératoire ne doit pas être oubliée : l’administration d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), en relais de la rachianesthésie, est nécessaire et peut être renouvelée, selon les cas.

Les échecs plus ou moins partiels de la rachianesthésie (mise en place, durée) peuvent trouver leur cause parmi les facteurs suivants :

- une évaluation erronée du poids du veau, avec un risque de manque d’efficacité par sous-dosage ou de migration trop craniale et des complications respiratoires (rares aux doses préconisées). La mesure préventive est l’utilisation d’un peson ou d’une balance de façon systématique ;

- des conditions d’injection difficiles, en raison de la taille du veau ou de ses mouvements ;

- une injection partiellement effectuée dans l’espace péridural, entraînant un défaut de diffusion craniale en sous-arachnoïdien, en raison d’un moindre volume efficace injecté ;

- une prolongation du temps chirurgical, avec déclin des effets de la rachianesthésie.

Lorsque l’effet de la rachianesthésie s’estompe et que la prolongation de l’anesthésie est nécessaire (ou lorsque l’effet est inférieur à celui attendu), il est possible de compléter l’anesthésie locorégionale par les stratégies suivantes :

- injections locales par infiltration dans les tissus insuffisamment insensibilisés, en particulier au niveau du pôle cranial de l’ombilic, qui n’est pas toujours complètement insensibilisé ;

- administration d’une sédation supplémentaire avec de la xylazine (0,025 à 0,05 mg/kg IV ou 0,1 mg/kg IM) ;

- administration d’une faible dose de kétamine en sus de la sédation (0,5 à 1 mg/kg IV ou IM, soit 0,25 à 0,5 ml de kétamine 100 mg/ml).

La kétamine, à faible dose, renforce l’effet de la xylazine pendant une dizaine de minutes, sans montrer d’effet marqué sur les constantes hémodynamiques et respiratoires ni sur les risques de régurgitation. Si la dose totale de xylazine et de kétamine reste faible (un bolus supplémentaire de la xylazine et un ou deux bolus pour la kétamine), le réveil/relever est peu, voire pas rallongé.

Conclusion

La rachianesthésie du veau est une technique d’anesthésie locorégionale applicable en pratique, qui répond aux impératifs économiques et réglementaires de la médecine des animaux de production. Le protocole le plus utilisé allie un anesthésique local et de la xylazine. Les complications sont rares. Une évaluation préanesthésique de la stabilité hémodynamique et métabolique du veau et la prévision des besoins de réanimation permettent de diminuer les risques de décubitus prolongé après la chirurgie. La réalisation de l’injection avec administration lente sur un veau calme et immobilisé garantit une efficacité optimale. L’amélioration du confort de décubitus et du confort thermique du veau contribue aussi à la qualité de l’anesthésie et à la réalisation d’un geste chirurgical rapide et précis. Le relais postopératoire analgésique peut être réalisé efficacement par l’administration d’un AINS.

Références

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  • 2. Bellanger A. Évaluation de la sédation et des effets cardio-respiratoires de la xylazine et du brotizolam chez le veau. Thèse de doctorat vétérinaire, Oniris-université de Nantes. 2016:136p.
  • 3. Condino MP, Suzuki K, Taguchi K. Antinociceptive, sedative and cardiopulmonary effects of subarachnoid and epidural xylazine-lidocaine in xylazine-sedated calves. Vet. Anaesth. Analg. 2010;37(1):70-78.
  • 4. Cuillé & Sandrail. Analgésie cocaïnique par voie rachidienne. Revue de Médecine Vétérinaire. 1901:580-582.
  • 5. David P. Modélisation de la distribution de l’anesthésie sous-arachnoïdienne lombo-sacrée chez le veau : comparaison de deux volumes par examens myélographique et post-mortem. Thèse de doctorat vétérinaire, Oniris-université de Nantes. 2016:130p.
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  • 9. Guatteo R, Holopherne D. L’anesthésie des bovins. 2006:176p.
  • 10. Maïno M. Enquête sur l’utilisation de la rachianesthésie lombo-sacrée chez le veau par les vétérinaires ruraux en France. Thèse de doctorat vétérinaire, Oniris-université de Nantes. 2018:109p.
  • 11. Milon J. Documents pédagogiques à support multimédia en anesthésie vétérinaire. Thèse de doctorat vétérinaire, Oniris-université de Nantes. 2016:105p.
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Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Chez le veau, l’anesthésie sous-arachnoïdienne lombo-sacrée permet de réaliser des interventions chirurgicales intéressant l’abdomen et les membres postérieurs.

→ Le protocole le plus couramment utilisé comprend l’association d’un anesthésique local et de xylazine ; la qualité et la durée de l’effet obtenu sont meilleures qu’avec un anesthésique local seul.

→ La xylazine, administrée par voie intrarachidienne, a un effet sédatif qui se développe en moins de 10 minutes, en raison d’une résorption systémique.

→ L’évaluation de la stabilité hémodynamique du veau doit être incluse dans l’examen préanesthésique ; une fluidothérapie intraveineuse de soutien est indiquée lorsque l’affection entraîne des signes systémiques (état fébrile, septique, anorexie, entre autres).

→ L’injection dans l’espace sous-arachnoïdien est réalisée lentement sur 1 minute au minimum.

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