Intérêt de l’échographie avant la chirurgie : thorax, ombilic et miscellanées - Ma revue n° 019 du 01/01/2019 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 019 du 01/01/2019

DIAGNOSTIC

Autour de la chirurgie

Auteur(s) : Renaud Maillard*, Aurélie Dailledouze**, Mélissandre Géraud***, Guillaume Belbis****

Fonctions :
*Pathologie des ruminants
École nationale vétérinaire de Toulouse
23, chemin des Capelles
31076 Toulouse
r.maillard@envt.fr
**Pathologie des ruminants
École nationale vétérinaire de Toulouse
23, chemin des Capelles
31076 Toulouse
***Pathologie des ruminants
École nationale vétérinaire de Toulouse
23, chemin des Capelles
31076 Toulouse
****Unité de pathologie des animaux de production
École nationale vétérinaire d’Alfort
7, avenue du Général-de-Gaulle
94700 Maisons-Alfort
guillaume.belbis@vet-alfort.fr

En pratique rurale quotidienne, l’échographie ne se limite pas à celle de l’appareil reproducteur ou digestif. Elle est également utile lors d’affections cardiaques, ombilicales ou de la mamelle.

L’examen échographique des bovins est devenu une routine en gynécologie. Les autres indications venant immédiatement à l’esprit concernent la sphère digestive, siège de dominantes pathologiques à la symptomatologie fruste. Mais il existe aussi de nombreuses affections nécessitant une intervention chirurgicale (ou une prise de décision en faveur ou non d’une intervention), qui concernent des organes divers (poumons-plèvres, cœur, rein, mamelle, etc.) ou l’ombilic chez le veau. Pour certaines de ces affections, l’usage d’une sonde linéaire utilisée en reproduction est nécessaire et suffisante ; c’est souvent, pour le praticien qui n’a pas encore investi dans une sonde convexe, l’occasion de faire ses premières armes avec un outil qu’il maîtrise par ailleurs.

INTÉRÊT DANS LA PRISE DE DÉCISION LORS D’AFFECTION THORACIQUE (CŒUR, PLÈVRE)

La chirurgie thoracique des bovins est limitée à des interventions de “petite” chirurgie (péricardiocentèse ou thoracentèse) ou à une intervention de chirurgie “lourde”, la péricardiostomie. Dans ces deux cas, l’échographie est d’un intérêt majeur.

1. Pronostic de la péricardiostomie

Chez les bovins, les péricardites sont principalement exsudatives et septiques, d’origine traumatique (cheminement d’un corps étranger métallique). Un exsudat à l’intérieur du péricarde est retrouvé facilement par échographie, son aspect variant d’anéchogène, pour un contenu de faible cellularité, à hypoéchogène et hétérogène (aspect floconneux) pour un contenu purulent. Ce dernier aspect est le plus fréquent. Des flammèches de fibrine peuvent être observées, attachées par leur base à l’épicarde ou libres dans l’épanchement péricardique. Selon l’avancement du processus infectieux, un épaississement du péricarde et de l’épicarde peut également être observé.

La péricardiostomie est d’autant moins indiquée que les images échographiques montrent :

- un contenu péricardique rempli de fibrine ;

- un péricarde et un épicarde épaissis (photo 1) ;

- une péritonite craniale sévère accompagnant la péricardite [2, 7].

À l’inverse, le pronostic est meilleur lorsque le contenu péricardique est essentiellement anéchogène (la vidange complète du sac péricardique étant obtenue plus facilement) et que le réseau présente une contractilité normale (photo 2) [7, 11].

2. Différencier péricardite et pleurésie

Afin de différencier une péricardite d’un épanchement pleural ou d’un empyème, un examen des plèvres doit être réalisé ventralement (photo 3). Chez les bovins, les pleurésies sont essentiellement unilatérales (le média­stin étant non fenestré chez 95 % des bovins). Il est donc très rare d’observer des images d’épanchement pleural à gauche et à droite, alors que les images d’épanchement péricardique sont classiquement observables tout autour du cœur.

3. Ponction échoguidée

Une ponction échoguidée du liquide péricardique ou de l’épanchement pleural, selon le cas, est recommandée pour compléter la démarche diagnostique, voire pour identifier les germes en cause et adapter l’antibiothérapie (pleurésie). Le guidage par l’image permet de limiter les risques de fausse manœuvre (ponction d’un gros vaisseau cardiaque et tamponnade, injection d’un embole septique dans la circulation ou le myocarde, etc.). La ponction avec vidange permet aussi un soulagement immédiat, mais souvent temporaire. Si l’échographie montre une péricardite fibrineuse très organisée, les tentatives de ponction peuvent se révéler vaines, la quantité de liquide étant très réduite.

INTÉRÊT DANS LA PRISE DE DÉCISION LORS D’AFFECTION OMBILICALE CHEZ LE VEAU

L’examen échographique de l’ombilic permet le diagnostic précis des structures infectées (omphalite, omphalophlébite, omphalo-artérite, omphalo-ouraquite, etc.) et aussi d’assurer le diagnostic différentiel avec les hernies [9, 12]. Comme chez le bovin adulte, la mise en évidence d’une péritonite généralisée (liquide d’effusion, fibrine, pus, dans toutes les zones explorées de l’abdomen) est de mauvais pronostic en phase préopératoire(1).

En phase préopératoire, l’échographie d’une masse ombilicale permet un premier repérage (trajets infectés vers le foie ou vers la vessie) et la visualisation d’éventuels éléments compliquant l’intervention (abcès hépatique unique à la base de l’insertion de la veine ombilicale, ouraquite avec fistule vésicale, nécessité de marsupialisation de la veine ombilicale, etc.) ou assombrissant le pronostic avant l’intervention (abcès hépatiques multiples, péritonite) [13].

L’objectif de l’échographiste est d’identifier la ou les structures infectées et de mettre en perspective la taille et le contenu avec ceux observables lors d’involution normale [12, 14]. La technique opératoire est ensuite adaptée en conséquence.

Le canal de l’ouraque régressant pratiquement le jour de la naissance, toute persistance, avec ou sans signe d’infection, doit être considérée par l’échographiste comme anormale (photo 4) [14]. L’absence de communication avec la vessie est objectivée par un écart de plus de 3 cm mesuré entre le pôle apical de celle-ci et l’ouraque : si c’est le cas, l’intervention est plus facile et de meilleur pronostic.

Les artères ombilicales ne sont normalement plus visibles à l’échographie au terme de la première semaine de vie [14]. Leur visualisation, latéralement à la vessie, est donc anormale, passé ce délai.

La veine ombilicale régresse plus lentement. Si son diamètre dépasse le centimètre, une infection est fortement probable. Mais la présence de plusieurs abcès hépatiques assombrit le pronostic : l’échographie ombilicale doit donc s’accompagner de celle du foie. Si un seul abcès hépatique est présent au point d’insertion de la veine ombilicale, une résection est parfois envisageable (photo 5). Mais lorsque plusieurs abcès se sont développés, leur ablation est impossible, et l’intervention elle-même sur l’ombilic est à déconseiller, en raison du mauvais pronostic [9].

Lors de hernie, l’échographiste peut confirmer facilement la présence d’intestin ou d’épiploon dans le sac herniaire. De plus, l’échographie est plus sensible que la palpation pour le diagnostic de complication de la hernie par l’infection d’une des composantes de l’ombilic, ou en cas d’adhérences entre les anses intestinales [13].

MISCELLANÉES (MAMELLE, REIN, TUMÉFACTIONS)

L’utilisation de l’échographie est peu répandue dans la gestion des affections de la mamelle des bovins. Il s’agit pourtant d’un examen complémentaire utile pour l’identification et la différenciation des lésions du trayon et du parenchyme, l’établissement du pronostic et le choix de la suite thérapeutique à donner (chirurgicale ou non), ainsi qu’après le traitement, pour vérifier l’absence de séquelles. La glande mammaire et le trayon sont des structures anatomiques assez simples, directement et facilement accessibles, au moins chez les vaches laitières.

1. Évaluer et drainer les abcès mammaires

Si le praticien n’a pas besoin de l’échographie pour établir un diagnostic de mammite, il peut y recourir avant toute intervention sur un abcès (débridement, drainage), afin d’évaluer son importance (taille, profondeur). Il peut ainsi vérifier s’il s’agit d’un abcès unique ou si de multiples abcès occupent le parenchyme. Dans le premier cas, le traitement chirurgical simple est indiqué et conforté par l’échographie. Dans le second, la réforme est à recommander, éventuellement précédée d’une mammectomie “sèche” par ligatures vasculaires (photo 6)(2) [3].

2. Évaluation des sténoses du trayon

L’échographie du trayon est un outil précieux dans le diagnostic des causes de perturbations du flux de lait [5]. Elle aide le praticien à déterminer la nature et la localisation précise des sténoses (papillome, hématome, etc.), afin d’opter pour la prise en charge la plus adaptée. Elle est moins sensible (mais plus facile à mettre en œuvre) que l’endoscopie en cas de lésion du canal du trayon, mais trouve tout son intérêt dans les affections distales ou proximales du trayon (sensibilité de 80 à 100 %, selon les études, spécificité de 100 %) (photo 7).

3. Intérêt lors d’affections urinaires

Les affections urinaires nécessitant une intervention chirurgicale sont relativement rares dans l’espèce bovine [8]. L’échographie permet de vérifier si l’atteinte est uni- ou bilatérale : le rein droit observé par voie transabdominale avec une sonde convexe, le rein gauche par voie transrectale avec une sonde linéaire (photo 8). Dans certains cas de lésion unilatérale (tumeur, hydronéphrose, pyélonéphrite, etc.), la néphrectomie peut être envisagée, en s’assurant qu’un seul des deux reins est bien affecté et que le rein restant va suffire à maintenir une fonction rénale (vérification préalable de la concentration sanguine en urée et en créatinine) [10].

Lors de pyélonéphrite bilatérale, l’échographie permet de constater la réussite du traitement (fluidothérapie et antibiothérapie), en mettant en évidence la disparition du pus dans les reins et les uretères.

4. Identifier la nature des tuméfactions

La présence d’une tuméfaction sur une partie quelconque du corps est un défi diagnostique [1]. L’examen clinique seul permet de décrire l’aspect de la lésion (taille, zones d’induration ou de fluctuation, adhérence aux tissus environnants, etc.), mais donne en général peu d’informations sur sa nature. L’image échographique permet souvent de différencier, d’après la forme, la structure interne et l’absence ou non de contour, l’hypertrophie d’un nœud lymphatique, d’un abcès, d’un hématome ou d’un phlegmon (photos 9 à 12). Dans les deux premiers cas uniquement, un traitement chirurgical, une biopsie échoguidée ou une ponction pour examen cytologique sont justifiés [1, 4, 6].

Conclusion

Actuellement, les cliniques vétérinaires sont généralement équipées d’un échographe pourvu au minimum d’une sonde linéaire, employée classiquement en gynécologie, mais très utile également pour l’exploration de certaines affections cutanées ou superficielles (mamelle, ombilic, affections rénales par voie transrectale). En revanche, l’investissement dans une sonde convexe est indispensable à l’exploration de zones plus profondes. L’échographie permet aujourd’hui d’aller au-delà du simple examen des appareils reproducteur et digestif. Elle aide à orienter le traitement chirurgical et à assurer un suivi postopératoire (absence de recollection de liquide d’effusion après ponction péricardique ou pleurale, vidange d’un abcès, etc.).

  • (1) Voir l’article “Intérêt de l’échographie avant la chirurgie : appareil digestif” des mêmes auteurs, dans ce numéro.

  • (2) Voir les articles “Mammectomie physiologique de la vache” de G. Belbis et coll. et “Gestion du syndrome de lactation anormale de la chèvre par ligatures vasculaires de la mamelle” de B. Ravary-Plumioën et coll., dans ce numéro.

Références

1. Abouelnasr K, El-Shafaey ES, Mosbah E et coll. Utility of ultrasonography for diagnosis of superficial swellings in buffalo (Bubalus bubalis). J. Vet. Med. Sci. 2016;78 (8):1303-1309. 2. Bataille G, Mogicato G, Maillard R. Intérêt de l’échographie dans l’établissement d’un diagnostic de réticulopéritonite traumatique. Bull. GTV. 2015;78:69-77. 3. Belbis G, Chastant-Maillard S, Quentin X. Mammectomie par ligatures vasculaires chez la vache : retour d’expérience. Journées nationales GTV, Nantes. 2012:131-136. 4. Buczinski S, Descoteaux L. Échographie des bovins. Point Vét. 2009:220p. 5. Durand M. Échographie de la mamelle et du trayon chez les ruminants. Thèse de doctorat vétérinaire, ENVT. 2018:69p. 6. Kofler J, Schilcher F, Buchner A. Ultra-sonographic appearance of normal superficial cervical and sub iliac lymph nodes in cattle. Vet. Rec. 1998;142:425-428. 7. Marhuenda C, Holopherne D, Cesbron N. La péricardiostomie chez les bovins : indications et réalisation. Point Vét. 2008;n°sp. “Chirurgie et anesthésie des bovins en pratique” (39):93-100. 8. Mulon PY. Néphrectomie chez les bovins. Journées nationales GTV, Nantes. 2012:221-222. 9. Nouvel M. Pathologie ombilicale du veau : évaluation de la valeur prédictive de l’outil échographique et correspondance entre images échographiques, palpation abdominale et observations chirurgicales. Thèse de doctorat vétérinaire, ENVT. 2015:94p. 10. Nuss K, Braun U. Contexte et technique de la néphrectomie chez les bovins. Point Vét. 2009;298:41-44. 11. Schelcher F, Roch N. Syndrome occlusif chez les bovins : urgence médicale et/ou chirurgicale ? Journées nationales GTV, Nantes. 2016;817-822. 12. Staller G, Tulleners E, Reef V et coll. Concordance of ultrasonographic and physical findings in cattle with an umbilical mass or suspected to have infection of the umbilical cord remnant: 32 cases. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1995;206 (1):77-81. 13. Steiner A, Lejeune B. Ultrasonographic assessment of umbilical disorders. Vet. Clin. North Am. Food Anim. Pract. 2009;25 (3):781-794 doi: 10.1016/j.cvfa.2009.07.012 14. Watson E, Mahaffey M, Crowell W et coll. Ultrasonography of the umbilical structures in clinically normal calves. Am. J. Vet. Res. 1994;55 (6):773-780.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ L’échographie légitime et facilite une intervention chirurgicale, notamment lors d’infection ombilicale chez le veau.

→ L’échographie est utile lors de nombreuses interventions chirurgicales mineures (biopsies, ponctions) et en suivi postopératoire.

→ Certaines affections superficielles peuvent être explorées à l’aide d’une sonde linéaire (sonde “de reproduction”).

→ L’échographie des trayons est d’intérêt majeur dans les sténoses distales et proximales des trayons.

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