Amputation et pose d’une prothèse métallique chez un veau charolais - Ma revue n° 019 du 01/01/2019 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 019 du 01/01/2019

APPAREIL LOCOMOTEUR

Membres et appareil locomoteur

Auteur(s) : Franck Dapremont

Fonctions : Clinique vétérinaire des portes du Morvan
Rue du Mattrait
58170 Luzy

L’amputation d’un membre chez un animal gravement blessé ou malformé peut être envisagée dans la perspective d’un engraissement.

Lors de fractures gravissimes, la pose de fixateurs externes n’est pas toujours possible, principalement pour des raisons économiques. Pour éviter l’euthanasie, l’amputation du membre, associée à la pose d’une prothèse métallique sur une base de résine synthétique, assure une station debout confortable, permettant l’engraissement. Cette technique est décrite ici chez un veau atteint d’une malformation du membre postérieur droit.

CAS CLINIQUE

1. Anamnèse

Un veau charolais âgé de 3 jours, d’environ 60 kg, né par les voies naturelles, est vu pour une malformation du membre postérieur droit au niveau du tiers proximal du métatarse : l’os présente une angulation à 90° vers l’arrière, non stable à la manipulation, avec pour conséquence une incapacité totale d’appui sur le membre (photos 1a et 1b).

L’examen clinique général est bon. Le veau est tonique et capable de téter seul sa mère. Aucune autre lésion ­musculo-squelettique n’est relevée.

Pour conserver la station debout, le veau a trouvé un équilibre avec une rotation importante de l’axe vertébral. Cette posture entraîne un inconfort notoire, qui a provoqué un arrêt de sa croissance.

En accord avec le propriétaire, l’amputation du membre et la pose d’une prothèse métallique ont été décidées.

L’objectif de l’intervention chirurgicale est de rétablir une station debout confortable, afin de permettre à l’éleveur d’envisager un avenir économique pour son animal (engraissement).

2. Préparation de l’animal

Le veau est amené à jeun à la clinique.

Une anesthésie générale à base de xylazine par voie intraveineuse (IV) est réalisée à la dose de 0,2 mg/kg.

Elle est complétée par une anesthésie sous garrot en région proximale du métatarse de 5 ml de lidocaïne 2 % injectés dans la veine saphène latérale.

La zone opératoire est tondue puis désinfectée à l’aide de trois applications successives de povidone iodée et d’alcool. Le veau est placé en décubitus latéral, le membre atteint vers le haut.

3. Incisions cutanées et musculaires

Une première incision cutanée est pratiquée à la limite proximale de la malformation, perpendiculairement à l’axe longitudinal du métatarse et sur toute sa circonférence. L’incision est poursuivie en profondeur dans les muscles jusqu’à atteindre la zone osseuse en regard de la malformation. Cette dernière est constituée d’un tissu osseux de faible densité et de cartilage. Une dissection au bistouri a permis, dans ce cas, d’amputer le membre (photo 2).

Une seconde incision cutanée est pratiquée sur la face latérale du métatarse, perpendiculairement à la première, sur 4 cm, pour permettre la réalisation d’un lambeau cutané de recouvrement (photos 3a et 3b). La longueur du métatarse doit être réduite pour disposer d’une base d’appui aussi large que possible pour la prothèse.

4. Découpe de l’os

La découpe du métatarse est pratiquée à l’aide d’une scie à fil. Afin de faciliter sa réalisation, une incision de départ est effectuée à la scie manuelle (photo 4).

5. Réalisation du moignon

Le moignon est constitué grâce à une suture cutanée à base de points simples et espacés de 1 à 1,5 cm afin de permettre l’écoulement des liquides inflammatoires et du sang lors du retrait du garrot (photos 5a et 5b). La plaie chirurgicale ne doit surtout pas être étanche (les points ne doivent pas être trop serrés), car les saignements sont systématiques pendant quelques heures lors de la reprise de la marche et toute collection de liquide peut entraîner une infection.

Une antibiothérapie à base d’amoxicilline par voie intramusculaire (IM), à la dose de 15 mg/kg toutes les 48 heures, est mise en place pendant 8 à 10 jours.

La gestion de la douleur est assurée par une injection quotidienne de kétoprofène (3 mg/kg) par voie IM durant 3 jours.

6. Pose d’une résine synthétique d’appui de la prothèse

En soutien de la prothèse, plusieurs couches successives sont d’abord posées : une chaussette de jersey au contact de la peau, puis une bande de ouate de rembourrage synthétique et, enfin, deux couches de résine synthétique de 7,5 cm de large.

Au cours de cette phase, il est primordial :

- d’assurer une bonne épaisseur de résine synthétique autour du moignon, afin d’éviter toute compression de ce dernier (ici, deux résines de 7,5 cm ont suffi) ;

- de disposer d’un point d’ancrage solide pour la prothèse ;

- de laisser la plaie chirurgicale à l’air libre afin de faciliter les écoulements liquidiens (photos 6a à 6e).

7. Pose et réalisation de la prothèse

La prothèse est réalisée à l’aide d’un fer plat de 4 mm d’épaisseur et de 25 mm sur 1 mètre, acheté en magasin de bricolage (environ 3,50 €).

Une forme en Y lui est donnée à froid et la partie inférieure (base) est soudée pour plus de solidité (photo 7).

En l’absence de poste à souder, il est possible de percer deux ou trois trous de 6 mm de diamètre et de fixer l’ensemble avec des boulons (ici, la perceuse à colonne est appréciable).

À l’aide d’un étau et d’un marteau, la prothèse est adaptée à la forme de la résine du moignon. Les pointes des jarrets servent de points de repère pour adapter la longueur de la prothèse à celle de l’autre membre (photos 8a et 8b).

Il convient de veiller aux points suivants :

- au niveau de l’extrémité du moignon, la prothèse doit être la moins biseautée possible pour éviter un phénomène d’encastrement ;

- une prothèse un peu trop courte est moins handicapante que si elle est trop longue, car l’animal peut plus facilement trouver son appui (photo 8c).

La prothèse est fixée sur la première résine par deux ou trois bandes de résine synthétique de 10 cm de largeur en l’alignant sur le milieu du membre (photos 8d et 8e).

8. Devenir du veau

L’objectif de cette intervention conservatrice est de permettre d’engraisser l’animal amputé.

Ainsi, ce veau sera engraissé comme veau de lait pendant 3 ou 4 mois.

Il est possible de rallonger la prothèse avec une cale de bois ou de fer en cas de croissance rapide ; pour cela un trou de 10 mm est percé en bout de prothèse pour une fixation ultérieure plus aisée.

DISCUSSION

Cette méthode est surtout utilisée lors de fractures ouvertes gravissimes, pour éviter une euthanasie ou lorsque l’éleveur ne souhaite pas investir dans la pose de fixateurs externes. Elle présente l’avantage de nécessiter des soins postopératoires limités (surveillance et éventuellement nettoyage de la plaie ainsi qu’antibiothérapie par voie générale).

Si la technique est idéale chez le jeune veau en raison de son faible poids (50 à 100 kg), elle est transposable à des animaux plus âgés. Ainsi, de bons résultats ont été obtenus avec des broutards charolais d’environ 1 an (200 à 400 kg), l’animal le plus lourd ainsi pris en charge étant une génisse de 2 ans (500 kg) que l’éleveur a pu engraisser avec succès durant quelques mois (photo 9a).

Cette technique peut également être employée sur les membres antérieurs, mais la pose des premières résines est plus délicate car l’accessibilité de l’extrémité distale de l’humérus est moindre (plus difficile de tourner autour) (photo 9b).

Conclusion

L’amputation, telle que décrite ici, avec pose de prothèse métallique est une intervention rapide (environ 1 h 30) qui permet à l’animal de reprendre une croissance normale pour un coût acceptable (environ 150 €). Cependant, le coût de l’intervention peut devenir prohibitif sur des animaux lourds, le prix des résines étant conséquent (environ quatre résines sont nécessaires pour un veau et six à huit pour un animal de 400 kg) ; de plus, il devient alors indispensable de disposer de matériel de chaudronnerie tel qu’un chalumeau pour plier du fer plat de plus grande épaisseur (40 mm de large et 6 mm d’épaisseur) pour un broutard ou un animal de 2 ans.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Chez les veaux, lorsque l’amputation d’un membre est nécessaire, la pose d’une prothèse métallique permet de conserver la station debout. La pose d’une résine d’appui permet de disposer d’un point d’ancrage pour la prothèse, tout en laissant le moignon à l’air libre.

→ Cette technique est utilisée chez les veaux, mais donne également de bons résultats sur des animaux plus lourds.

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