Aménager ses locaux pour la chirurgie et la prise en charge médicale du veau à la clinique - Ma revue n° 019 du 01/01/2019 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 019 du 01/01/2019

AMÉNAGEMENT

Autour de la chirurgie

Auteur(s) : Jocelyn Amiot*, Arnaud Bohy**, Édouard Grosbois***, Nancy Savoye****, Thomas Delost*****, Benjamin Girard******

Fonctions :
*Clinique vétérinaire de Monestoy
Le Grand Chemin
71360 Épinac
joce71@orange.fr

L’aménagement d’un local destiné à de nouvelles activités est une démarche collective au sein d’un cabinet vétérinaire et doit être motivant pour tous. Cet article propose des clés pour aménager un local d’hospitalisation des veaux et des petits ruminants, ou pour installer un bloc chirurgical consacré à la pratique rurale. Le nettoyage et la désinfection des lieux doivent être réfléchis en amont (surfaces, écoulement, mise en place d’un protocole), tout comme le transport des animaux et la circulation des personnes.

L’élevage a changé ces dernières années avec l’agrandissement des fermes, la diminution drastique de la main-d’œuvre et l’augmentation de densité des animaux. La pratique vétérinaire a également évolué ; il est ainsi possible de se diversifier en développant des activités telles que la chirurgie des animaux de rente en clinique ou de valoriser des actes plus classiques, comme la prise en charge médicale des veaux au cabinet.

Cet article présente quelques clés susceptibles d’inspirer des confrères désireux de se lancer ou de faire évoluer de telles activités.

MISE EN PLACE DU PROJET

Le projet de création d’une zone d’hospitalisation et/ou de chirurgie des veaux doit être un projet “de clinique”, dans lequel sont impliqués tous les membres du personnel, vétérinaires comme auxiliaires spécialisés vétérinaires (ASV) ou secrétaires. En effet, tous les praticiens d’une même structure doivent être d’accord et motivés pour la réalisation d’un tel projet, afin d’éviter les écueils de communication. Après (voire en parallèle de) la construction et l’aménagement, l’information des clients doit être organisée : un argumentaire d’explication des services d’hospitalisation et/ou de chirurgie à la clinique est préparé et distribué, notamment aux assistants, qui informeront les éleveurs des nouveaux services et les inciteront à y adhérer. Dans le même temps, l’organisation de la clinique est à revoir dans son ensemble, afin de permettre la prise en charge des animaux. Les assistants doivent proposer systématiquement aux éleveurs de transporter l’animal malade à la clinique, en expliquant les avantages (importance de préparer un support écrit destiné aux assistants, comprenant une liste d’arguments). Un vétérinaire doit être disponible pour prendre en charge les animaux à leur arrivée. Une organisation claire, respectée de tous, permet d’éviter les erreurs (doublons de soins, par exemple). Ainsi, chaque praticien est responsable de son veau et, au besoin, désigne une personne unique pour le remplacer. Il est impératif que chaque box soit équipé d’un casier pour mettre à disposition une fiche d’hospitalisation, afin d’identifier clairement l’animal, son propriétaire et le suivi des soins. Tout est scrupuleusement noté sur la fiche. Une formation du personnel est également nécessaire pour l’aide aux soins.

HOSPITALISATION DES VEAUX

1. Le local

Est-il impératif de construire un local ? La réponse est non. Il est possible d’aménager une petite partie de la clinique en y créant, par exemple, un box ou deux, ou de travailler en extérieur avec des niches à veau. Le nombre de box ou de niches est à adapter à la clientèle (distance des clients, quantité de veaux soignés par an, etc.).

Ce service s’adresse à tous les types de structures ; l’essentiel est la motivation de l’ensemble du personnel. En effet, ce doit être un projet commun et non une initiative individuelle.

Pour les projets en extérieur, il est possible d’aménager un espace avec des niches à veaux sur aire bétonnée, par exemple, en évitant si possible les zones de courant d’air. Les odeurs produites par ce service de prise en charge hospitalière peuvent aussi être très dérangeantes au sein du cabinet ou de la clinique. Pour la même raison, lors de la création d’un local, il est impératif de le séparer du reste de la clinique, au moins par une porte étanche, afin d’éviter les odeurs désagréables pour le reste de la clientèle, mais aussi pour le personnel de la structure (photo 1).

De plus, il doit disposer d’un accès indépendant du reste de la clinique, à savoir une porte extérieure avec accès direct au local, pour prévenir la contamination des lieux. Enfin, il est impératif que le local serve uniquement à l’hospitalisation des veaux. Par principe, l’hôpital est réservé aux animaux malades (atteints de diarrhée, le plus souvent), qui ne doivent pas être mélangés avec les animaux opérés, par exemple (des box servant à l’hospitalisation pré- et postopératoire doivent être prévus dans un autre local). Ainsi, il existe un trajet emprunté uniquement par les veaux pris en charge dans l’hôpital.

Le local est conçu avec une surface facile d’entretien au sol (carrelage, par exemple, ou béton lisse), mais aussi sur les parois verticales. Il doit être équipé d’un évier avec eau chaude et d’étagères pour disposer les ustensiles nécessaires à la prise en charge des veaux (photo 2). Du matériel propre à l’hôpital est impératif.

2. La création des box

Quelques installations sont à envisager pour le ou les box d’hospitalisation.

→ Un système de ventilation mécanique est à prévoir, si possible avec variateur de vitesse et indépendant de celui de la clinique (dans notre structure, la ventilation est commune avec le chenil des carnivores).

→ La surface au sol doit être facile à nettoyer ; peu importe si cette surface est glissante, les veaux hospitalisés ne sont pas amenés à se déplacer. Il convient de faciliter le plus possible le nettoyage et la désinfection. Ainsi, un béton lisse traité ou non avec une peinture pour sol est très pratique et évite les joints de carrelage. Si l’option carrelage est choisie, des joints époxy, étanches à l’eau, sont à appliquer, permettant un décapage au nettoyeur haute pression. Les parois verticales des box doivent également être revêtues d’une surface facile à désinfecter. Pour les matériaux, libre à chacun d’utiliser ce qu’il veut, mais il est impératif de limiter les joints et les matériaux poreux. Nous avons choisi d’habiller les murs avec des panneaux de matériaux compacts du type panneaux Trespa®. Les “panneaux sandwichs” sont également pratiques. Un béton lissé et verni ou peint est également intéressant. Enfin, des box entièrement en inox sont disponibles.

→ Au sol, les box peuvent être aménagés avec des tapis en caoutchouc ou des tapis plastiques du type caillebotis (photo 3). L’essentiel est d’assurer un certain confort au nouveau-né. Certains confrères ont aménagé un chauffage au sol dans les box afin d’assurer le confort thermique du veau. L’usage de lampes chauffantes est courant, mais ce système aggrave la déshydratation et n’assure qu’une mauvaise répartition de la chaleur dans le corps du veau, avec de fortes variations selon la position de l’animal (debout ou couchée) (photo 4). La zone de confort thermique du veau se situant entre 10 et 25 °C, la salle est maintenue autour de 14 °C, c’est-à-dire dans cette zone de confort, tout en limitant les proliférations bactériennes. Un système de chauffage indépendant de celui de la clinique est recommandé.

→ Nous avons opté pour des box de petite taille, la tête de l’animal étant fixée par un licol à deux anneaux coulissant sur des barres (photo 5). Les mouvements de l’animal sont ainsi limités, mais les positions assise et couchée autorisées. Nous avons créé cinq petits box (100 cm × 60 cm) et deux box plus larges (100 cm × 80 cm) dans lesquels les animaux peuvent être en liberté.

→ Le sol est conçu avec une légère pente vers le fond du box pour permettre l’évacuation des excréments. Nous avons prévu un caniveau au fond de chaque box, ainsi qu’un caniveau central dans la salle, ce dernier permettant d’assurer un nettoyage aisé, sans écoulement vers les box, des jus de rinçage (photo 6).

→ Enfin, un système de barres ou d’étagères est recom­mandé dans les box pour suspendre les perfusions.

HYGIÈNE DES LOCAUX

1. Règles de biosécurité

Des règles de biosécurité strictes doivent être imposées. Ainsi, les éleveurs doivent pénétrer a minima dans le local. L’idéal est d’imposer des surbottes ou de disposer au moins d’un pédiluve sec. De plus, les animaux hospitalisés ne doivent pas avoir de contacts directs entre eux (prévoir des parois assez hautes). Les déjections ne doivent pas couler dans les autres box (pente vers le fond du box, permettant aux liquides de couler dans le caniveau). Les eaux de rinçage des parties communes doivent être évacuées sans entrer en contact avec les animaux. Les soins doivent être assurés animal par animal, avec nettoyage des mains de l’opérateur et du matériel.

2. Nettoyage et désinfection

L’usage du nettoyeur haute pression (idéalement à eau chaude) est intéressant, mais il ne doit pas être utilisé sans nettoyage préalable (prétrempage et nettoyage avec un détergent-désinfectant en brossant efficacement, puis rinçage). En effet, son usage provoque une nébulisation dans le local et ainsi une dissémination des germes.

Nous avons opté pour un nettoyage au jet (avec une petite touche écologique en recyclant l’eau de pluie des toitures), puis un brossage actif à l’aide d’un produit détergent. Un temps de pause est respecté, selon les recommandations du fabricant, avant un rinçage au jet. Le nettoyeur haute pression est ensuite utilisé pour les finitions. Les parois et le sol sont essuyés à la raclette.

Enfin, il est nécessaire de gérer au mieux les effluents. En l’absence de cadre légal, les évacuations doivent être adaptées aux locaux et à l’utilisation. Une récupération des jus de l’hôpital devrait être nécessaire, mais lorsque l’hospitalisation ne concerne que des jeunes veaux, la quantité d’effluents reste faible. Dans la mesure du possible, un filtre peut être mis en place à la sortie du local pour récupérer a minima les boues afin de les composter (photo 7).

AMÉNAGEMENT D’UN BLOC CHIRURGICAL POUR LA PRATIQUE RURALE

Comme pour le service d’hospitalisation, il est préférable, d’un point de vue sanitaire, d’avoir une salle réservée à la chirurgie des bovins et des petits ruminants, et séparée, notamment, de la pièce d’hospitalisation.

1. Prévoir une table adaptée

Différents systèmes existent. Il est ainsi possible d’utiliser des tables élévatrices industrielles en acier inoxydable, électriques ou mieux, hydrauliques, sur lesquelles des roues de brancard peuvent être fixées (photos 8 et 9). Elles permettent, en général, de soulever jusqu’à 500 kg de charge. Il est également possible d’utiliser un transporteur de palettes à roulettes sur lequel un plateau en acier inoxydable peut être fixé. L’avantage de ce type de système est de pouvoir transporter sans difficulté le veau de la clinique au véhicule de l’éleveur.

2. Penser aux zones de préparation, d’anesthésie et de réveil

Lorsqu’une table “classique” est choisie, il convient de prévoir soit un box de réveil, soit un brancard pour transporter le veau encore endormi dans le véhicule de l’éleveur (photo 10). Le box de réveil ne doit pas être situé dans le service d’hospitalisation des veaux, pour des raisons sanitaires évidentes (respect de la biosécurité, l’animal opéré étant supposé sain).

Pour la partie préparation de l’animal, il est important d’avoir un espace aménagé : soit au sol, avec une douche et une évacuation appropriée, soit un bac de préparation adapté à la taille des veaux (de fabrication artisanale, en général) (photos 11 et 12).

Disposer d’un box spécifique pour gérer l’anesthésie est un plus. Il doit cependant être possible d’intervenir sur le côté de ce box pour anesthésier le veau. Il convient donc de veiller au dégagement lors de son installation. Un caniveau doit également être prévu pour le lavage et la désinfection. Un protocole systématique de nettoyage renforcé est préconisé (table et sol de la salle).

3. Favoriser l’autonomie du chirurgien

Enfin, il est possible de prévoir un système de rail suspendu à la charpente (photo 13). Ce système en ellipse permet de soulever le veau du sol, de le poser sur le bac de préparation, puis de le déplacer jusqu’à la table de chirurgie et, enfin, de le déposer dans le box de réveil. Le tout peut ainsi être assuré par une personne seule.

Conclusion

Ces informations sont des “trucs et astuces” pour pouvoir aménager un espace au sein du cabinet ou de la clinique. Il existe différents systèmes et idées et il est nécessaire, avant tout, de bien réfléchir au projet et à l’investissement en fonction de l’activité ou du potentiel à développer. L’hygiène doit rester une préoccupation principale dans tous les cas et un protocole affiché est nécessaire pour éviter toute déception.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Il est important d’impliquer l’ensemble du personnel dans la création d’un local d’hospitalisation et/ou de chirurgie pour la pratique rurale au cabinet.

→ Les auxiliaires spécialisés vétérinaires (ASV) jouent un rôle essentiel : ils sont les ambassadeurs des nouveaux services auprès des éleveurs.

→ Le local d’hospitalisation doit être soumis à des règles strictes de biosécurité.

→ Le bloc de chirurgie doit être séparé du local d’hospitalisation. Des aménagements adaptés facilitent la manipulation des animaux et permettent l’autonomie du chirurgien.

REMERCIEMENTS

Les auteurs remercient vivement les cabinets et les cliniques vétérinaires du Donjon (Allier), de Marcigny (Saône-et-Loire), d’Évron (Mayenne) et de La Clayette (Saône-et-Loire) pour leur participation à l’élaboration de cet article.

EN SAVOIR PLUS

Amiot J, Richard L. Création d’une hospitalisation de veaux en structure vétérinaire. Point Vét. 2016:144p.

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