Dermoïde cornéen chez un pinscher nain - Le Point Vétérinaire expert canin n° 407 du 01/07/2020
Le Point Vétérinaire expert canin n° 407 du 01/07/2020

OPHTALMOLOGIE

Cas clinique

Auteur(s) : Delphine Dullin

Fonctions : Bristol-Myers Squibb
3, rue Joseph Monier
92506 Rueil-Malmaison

Les affections congénitales, nombreuses chez le chien, sont parfois graves, voire létales. Néanmoins, certaines peuvent être corrigées, comme les hétérotopies qui atteignent la cornée.

Une chienne croisée pinscher nain stérilisée, âgée de 2 ans, est référée pour des “poils oculaires”. Dès l’adoption, les propriétaires rapportent la présence de poils courts sur la surface de l’œil gauche, accompagnée d’un larmoiement quasi permanent, ainsi que de quelques épisodes de conjonctivite inflammatoire, non traités. Avec le temps, les poils se sont allongés, sans autre altération apparente.

L’examen clinique général ne montre pas d’anomalie. L’examen à distance révèle un épiphora à l’œil gauche (l’œil droit est sain). Sur sa surface cornéenne, des poils d’environ 1 cm poussent de manière centripète et recouvrent le quadrant latéro-ventral, en position périphérique “à 3-4 h”. Sous les poils, un tissu pigmenté, discrètement en relief, recouvre environ 20 % de la cornée. La conjonctive palpébrale ventrale est inflammée (érythème et chémosis) (photo 1).

Le reste de l’examen structurel (chambre antérieure, iris, cristallin, rétine) et fonctionnel (réponse à la menace, réflexes photomoteurs direct et indirect, test à la boule de coton) de l’œil gauche ne met en évidence aucune autre atteinte. Le test à la fluorescéine est négatif. L’examen neuro-ophtalmique de l’œil droit est normal.

DIAGNOSTIC

La précocité de l’apparition des lésions et leur aspect sont pathognomoniques d’un dermoïde cornéen, compliqué d’une conjonctivite engendrée par l’irritation chronique des poils.

TRAITEMENT CHIRURGICAL

Le traitement consiste en l’exérèse de la lésion.

Une kératectomie lamellaire est réalisée au couteau à cornée, sous microscope opératoire. L’incision initiale est effectuée au niveau de l’extrémité limbique du dermoïde. Celui-ci est ensuite disséqué dans sa profondeur, en veillant à pratiquer une exérèse complète pour ne laisser qu’un stroma cornéen transparent sous-jacent.

Ensuite, le raisonnement chirurgical est le même que lors d’un ulcère cornéen. Puisque la perte de matière est de moins de 50 % en profondeur, sur 25 % de la surface, il est décidé de ne pas réaliser de greffon conjonctivo-cornéal et de laisser l’œil cicatriser par seconde intention. Une tarsorraphie est pratiquée.

Le plan thérapeutique comprend un antibiotique et un cycloplégique (Atropine 1 %®), en collyres jusqu’à l’examen de contrôle. Des anti-inflammatoires systémiques sont aussi prescrits (méloxicam) pendant cinq jours, ainsi que le port d’une collerette.

Deux semaines plus tard, l’œil n’est pas douloureux, ne présente pas de sécrétion purulente et les conjonctives sont calmes. La tarsorraphie est retirée. Un greffon conjonctivo-cornéen naturel s’est développé depuis le canthus latéral et recouvre entièrement l’ancien ulcère iatrogène (photo 2). La régression du greffon va permettre de retrouver la transparence cornéenne. Le traitement en place est donc remplacé par l’association corticoïde/ antibiotique topique.

Après deux semaines, le greffon s’est nettement affiné (photo 3). Après dix mois, la cornée est normale.

DISCUSSION

Le dermoïde cornéen, une affection congénitale de type choristome, se caractérise par la formation d’un tissu normal en position ectopique. Il s’agit, dans le cas de ce pinscher, de la formation de peau au niveau de la cornée [1, 2, 3]. Présent dès la naissance, sa détection peut parfois être plus tardive lors du développement pilaire et des complications qui y sont associées [2]. La lésion est généralement unilatérale, au niveau du limbe temporal entre “2 et 3 h” [1].

Le traitement consensuel est la kératectomie lamellaire superficielle, suivie d’une gestion médicale et/ou chirurgicale de l’ulcère qui en résulte (greffe conjonctivo-cornéenne ou de biomatériaux) [2]. Une fois la réépithélialisation cornéenne aboutie (test à la fluorescéine négatif), un collyre associant corticoïde et antibiotique peut être appliqué pour prévenir la formation d’une cicatrice cornéenne [3]. Les résultats à en attendre sont excellents, avec une absence de récidive des symptômes (épiphora, kératoconjonctivite) et, dans la plupart des cas, une normalisation de l’aspect oculaire lors d’exérèse complète [1, 2].

Références

  • 1. Abu-Seida AM. Corneal dermoid in dogs and cats : a case series and review of literature. Global Vet. 2014;13 (2):184-188.
  • 2. Gelatt KN. Essentials of veterinary ophtalmology. 3rd edition, Wiley-Blackwell. 2014:221-222
  • 3. Jae-il L, Myungjin K, Il-hwan K et coll. Surgical correction of corneal dermoid in a dog. J. Vet. Sci. 2005;6 (4):369-370.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr