Syncopes chez un british shorthair - Le Point Vétérinaire expert canin n° 406 du 01/06/2020
Le Point Vétérinaire expert canin n° 406 du 01/06/2020

CARDIOLOGIE

Cas clinique

Auteur(s) : François Serres

Fonctions : (DESV médecine interne,
option cardiologie)
Oncovet
Avenue Paul-Langevin
59650 Villeneuve-d’Ascq

La prise en charge thérapeutique d’une cardiomyopathie hypertrophique primitive, avec peu ou pas de symptômes, est discutée chez le chat.

Un chat british shorthair mâle est présenté dans le cadre de l’exploration d’une baisse d’état général modérée, associée à deux épisodes de syncope survenus récemment lors de phases de jeu (avec perte de connaissance brève et récupération rapide). Un souffle systolique de forte intensité a été mis en évidence par le vétérinaire traitant. Aucun traitement n’est actuellement administré. Aucun symptôme cardiaque n’a été rapporté précédemment.

DIAGNOSTIC

Examens clinique et échocardiographique

À l’examen clinique, l’animal est très calme et présente un état corporel satisfaisant. L’auscultation révèle l’existence d’une tachycardie modérée (200 battements par minute) sans arythmie. Un souffle sternal d’intensité 4 sur 6 est perceptible.

Un examen échocardiographique est réalisé, afin d’identifier l’origine du souffle et le lien avec les épisodes de syncope observés. La coupe temps-mouvement transventriculaire et transmitrale, obtenue par voie parasternale droite, montre un ventricule gauche de taille et de morphologie anormales (photo 1). L’épaisseur diastolique du septum interventriculaire est nettement augmentée, avec une hypertrophie modérée des piliers ventriculaires gauches et de la paroi postérieure du ventricule gauche. Un reflux mitral systolique mineur, excentré, est identifié à l’examen Doppler, lié à l’existence d’un mouvement systolique antérieur de la valve mitrale. Ce mouvement systolique est dû à la présence d’un épaississement du septum sous-aortique (photo 2). À l’examen Doppler du flux aortique, une accélération du flux est visualisée dans la chambre de chasse du ventricule gauche, associée à cette obstruction dynamique. L’atrium gauche n’est pas dilaté.

Hypothèse diagnostique et traitement

L’examen met donc en évidence une hypertrophie myocardique, évocatrice d’une cardiomyopathie hypertrophique primitive sans dilatation atriale, associée à une obstruction dynamique de la chambre de chasse du ventricule gauche. Les symptômes observés évoquent en priorité des signes circulatoires suraigus, probablement liés à l’obstruction dynamique et à la survenue de phases de tachycardie ou d’arythmies concomitantes.

La mise en place d’un traitement à base d’aténolol est préconisée, à la dose de 1 mg/kg/12 heures. Le traitement est instauré progressivement, sur quelques jours. Un contrôle clinique, pour le suivi de la fréquence cardiaque, est recommandé après une semaine.

DISCUSSION

Lors de cardiomyopathie hypertrophique primitive féline avec peu ou pas de symptômes, la prise en charge thérapeutique est, encore actuellement, l’objet d’incertitudes. Une ancienne étude rétrospective indique des médianes de survie allant de 1 129 jours pour des animaux asymptomatiques à 654 jours chez ceux présentant des syncopes [3]. Des études rétrospectives ou prospectives plus récentes confirment que moins d’un quart des chats atteints d’une cardiomyopathie hypertrophique primitive sans symptômes meurent des suites d’une maladie cardiaque dans les cinq ans qui suivent le diagnostic [1]. Cette affection ne condamne donc pas l’animal à court terme, mais elle doit, a minima, être surveillée et l’intérêt de mettre en place un traitement est à évaluer.

L’établissement d’un consensus sur le sujet n’est cependant pas encore d’actualité chez le chat, alors qu’il existe chez le chien lors de maladie valvulaire mitrale [2]. Une étude prospective - présentant des limites, notamment l’absence de placebo chez les animaux non traités - ne montre pas d’effet bénéfique (ou négatif) de la prise d’aténolol lors de cardiomyopathie hypertrophique primitive asymptomatique chez le chat [4]. L’effet bénéfique théorique d’un traitement à base de bêta-bloquants chez un animal qui présente des épisodes de syncope a cependant justifié sa mise en place dans le cas décrit. Les bêta-bloquants, de par leur mode d’action, combinent un certain nombre d’avantages plus ou moins théoriques en cas de cardiomyopathie hypertrophique primitive : ils diminuent la fréquence cardiaque, font régresser le phénomène d’obstruction dynamique du flux aortique et améliorent la perfusion myocardique.

Références

  • 1. Fox PR, Keene BW, Lamb K et coll. International collaborative study to assess cardiovascular risk and evaluate long-term health in cats with preclinical hypertrophic cardiomyopathy and apparently healthy cats : the REVEAL study. J. Vet. Intern. Med. 2018;32 (3):930-943.
  • 2. Keene BW, Atkins CE, Bonagura JD et coll. ACVIM consensus guidelines for the diagnosis and treatment of myxomatous mitral valve disease in dogs. J. Vet. Intern. Med. 2019;33:1127-1140.
  • 3. Rush JE, Freeman LM, Fenollosa NK et coll. Population and survival characteristics of cats with hypertrophic cardiomyopathy : 260 cases (1990-1999). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2002;220:202-207.
  • 4. Schober KE, Zientek J, Li X et coll. Effect of treatment with atenolol on 5-year survival in cats with preclinical (asymptomatic) hypertrophic cardiomyopathy. J. Vet. Cardiol. 2013;15:93-104.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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