Prise en charge d’une mucocèle biliaire - Le Point Vétérinaire expert canin n° 406 du 01/06/2020
Le Point Vétérinaire expert canin n° 406 du 01/06/2020

CHIRURGIE ABDOMINALE

Analyse d’article

Auteur(s) : Mélanie Olive

Fonctions : CHV Atlantia
22, rue René Viviani
44200 Nantes

Une mucocèle se définit comme la distension d’une cavité par une quantité inappropriée de mucus [6]. Une stase biliaire et une motilité amoindrie de la vésicule biliaire, associées à une absorption d’eau modifiée, sont les facteurs prédisposant à la formation d’une boue biliaire. Cette dernière peut favoriser le développement des mucocèles biliaires chez le chien.

DIAGNOSTIC

La maladie affecte souvent les chiens âgés et une prédisposition des races shetland, schnauzer miniature et cocker est décrite [1]. L’étiopathogenèse exacte reste inconnue. Plusieurs études rapportent une forte prévalence d’endocrinopathies sous-jacentes (syndrome de Cushing, hypothyroïdie, diabète). La lésion précurseur décrite correspond à une hyperplasie kystique de la muqueuse. Le contenu biliaire est compact et perd sa fluidité normale. Par ailleurs, la cholécystite nécrosante est souvent à l’origine d’une rupture de la vésicule biliaire. Elle est désignée comme la cause de 78 % des cas de péritonite biliaire [3, 4].

La plupart des animaux atteints de mucocèle biliaire présentent des signes aigus associés à une obstruction biliaire extrahépatique ou à une rupture de la vésicule : ictère, vomissements, léthargie, polyurie, polydipsie, diarrhée et douleurs abdominales. Bien qu’une intervention chirurgicale soit recommandée pour traiter cette maladie, une prise en charge médicale est également décrite.

TRAITEMENT

1. Prise en charge médicale

Le traitement médical d’une mucocèle ou d’une cholécystite inclut plusieurs étapes : l’endocrinopathie concomitante est d’abord traitée, puis une antibiothérapie adaptée est administrée, enfin le contenu biliaire est fluidifié. Le traitement antibiotique initial fréquent est à base d’amoxicilline (à la dose de 10 mg/kg) et de métronidazole (à raison de 15 mg/kg), deux fois par jour. La fluidification du contenu biliaire peut être obtenue à l’aide d’acide ursodésoxycholique (15 mg/kg/jour). L’administration d’antioxydants tels que la S-adénosylméthionine est aussi indiquée [5]. Lors de cholécystite, après une analyse bactériologique, la durée du traitement est adaptée selon les évolutions clinique, biologique et échographique et peut durer de quatre à six semaines. Au terme de ce suivi, le contrôle biochimique réalisé n’indique pas toujours une amélioration de l’activité sérique des phosphatases alcalines (PAL) et des gamma-glutamyl transpeptidases (GGT). En cas d’hyperbilirubinémie initiale, elle doit avoir diminué. Si le contrôle échographique ne montre aucune amélioration, voire une aggravation, un traitement chirurgical est recommandé [5, 6].

2. Prise en charge chirurgicale

La cholécystectomie est indiquée chez les animaux qui présentent une obstruction des voies biliaires extrahépatiques ou une péritonite biliaire. Une prise en charge chirurgicale précoce est préconisée afin de diminuer le risque de morbidité et de mortalité postopératoires [2].

La voie d’abord est celle d’une laparotomie exploratrice craniale, depuis l’appendice xiphoïde jusqu’à l’ombilic. Le tractus biliaire extrahépatique est exploré en entier et la perméabilité du canal cholédoque est vérifiée. Le duodénum peut être ouvert pour cathétériser le canal cholédoque de façon rétrograde. Le pancréas, tout proche du canal cholédoque, est également exploré. La vésicule biliaire est ensuite extériorisée, en faisant ressortir le foie, puis elle est disséquée de la fosse hépatique en partant du fundus et en progressant vers son col. Le conduit cystique et son artère sont clampés, et l’artère est ligaturée. La vésicule biliaire est sectionnée au niveau de la base de son col. Le canal cholédoque est flushé par une cathérisation et des hydropulsions répétées. Le conduit cystique est ensuite ligaturé à sa base à l’aide d’un fil non résorbable ou d’un clip hémostatique [1, 3, 6]. Enfin, un test d’étanchéité est effectué. Cette procédure peut aussi être réalisée par cœlioscopie.

COMPLICATIONS ET PRONOSTIC

Les principales complications postopératoires sont une pancréatite et une péritonite biliaire. Cette dernière, parfois compliquée d’une créatininémie élevée, d’une augmentation du temps de Quick et d’une hypotension postchirurgicale, est associée à un mauvais pronostic. Ces éléments soulignent l’importance d’une réanimation médicale adaptée. Le pronostic opératoire ne semble pas être modifié par la présence ou non d’une rupture. En revanche, l’existence d’une péritonite biliaire septique l’assombrit nettement (55 à 73 % de mortalité lors de péritonite septique versus 0 à 13 % lors de péritonite non septique). Une intervention précoce est donc recommandée dès qu’un processus de rupture est suspecté. Le pronostic est sombre en cas d’hypotension postopératoire immédiate et d’hyperlactatémie postopératoire. Il est excellent pour les animaux qui survivent à la période postopératoire directe [2, 4].

Conclusion

Le traitement chirurgical d’une mucocèle biliaire donne les meilleurs résultats, en termes de survie à long terme, chez les chiens qui survivent à la période postopératoire immédiate (14 jours). Bien que la prise en charge médicale soit associée à une survie plus courte par rapport au traitement chirurgical, elle représente une solution alternative raisonnable lorsque la chirurgie n’est pas envisageable. Le diagnostic et le traitement précoces d’une mucocèle biliaire sont importants pour garantir un bon taux de survie.

Références

  • 1. Aguirre AL, Center SA, Randolph JF et coll. Gallbladder disease in Shetland sheepdogs : 38 cases (1995-2005). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2007;231 (1):79-88.
  • 2. Amsellem PM, Seim HB 3rd, MacPhail CM et coll. Longterm survival and risk factors associated with biliary surgery in dogs : 34 cases (1994-2004). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2006;229 (9): 1451-1457.
  • 3. Cornejo L, Webster CRL. Canine gallbladder mucoceles. Compen. Contin. Educ. Pract. 2005:912-930.
  • 4. Malek S, Sinclair E, Hosgood G et coll. Clinical fi ndings and pronostic factors for dogs undergoing cholecystectomy for gallbladder mucocele. Vet. Surg. 2013;42 (4):418-426.
  • 5. Walter R, Dunn ME, D’Anjou MA et coll. Nonsurgical resolution of gallbladder mucocele in two dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2008;232 (11):1688-1693.
  • 6. Worley DR, Hottinger HA, Lawrence HJ. Surgical management of gallbladder mucocels in dogs : 22 cases (1999-2003). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2004;225:1418-1422.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Comparer le taux de survie des chiens traités pour une mucocèle biliaire selon une gestion médicale, chirurgicale, ou la combinaison des deux.

MÉTHODE

Étude rétrospective menée entre 2011 et 2017 à l’université vétérinaire de Géorgie chez 89 chiens diagnostiqués puis traités médicalement, chirurgicalement, ou selon les deux procédures. Les données collectées comprennent l’historique de l’animal, les résultats de l’examen clinique, les données échographiques, le type de traitement reçu. Le taux de survie et les variables pronostiques sont évalués pour chacun des trois groupes.

RÉSULTATS

• 89 chiens sont répartis en trois groupes : 46 animaux dans le groupe “chirurgie”, 33 dans le groupe “médical” et 10 dans le groupe “combiné”.

• Les races cocker spaniel, shetland et schnauzer miniature sont surreprésentées.

• La médiane de survie pour les chiens qui survivent au-delà de 14 jours après le diagnostic est de 1 802 jours pour le groupe “chirurgie”, 1 340 pour le groupe “médical” et 203 pour le groupe “combiné”. Une différence signifi cative est notée entre chaque lot.

• Dans le groupe “combiné”, la durée du traitement médical avant l’intervention chirurgicale est de 90 jours en moyenne.

• Une augmentation de l’activité sérique de la créatinine, des phosphatases alcalines et du phosphore est corrélée à une baisse signifi cative du taux de survie dans chacun des groupes.

• Une hyperbilirubinémie ou une leucocytose n’ont pas d’infl uence signifi cative sur le taux de survie.

• Pour les trois groupes, plus la classifi cation échographique de la mucocèle biliaire est avancée, plus le taux de survie est faible.

• Le traitement par cholécystectomie est associé à un meilleur taux de survie, surtout si la mucocèle biliaire est détectée à un stade précoce.

Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr