MÉDECINE FÉLINE
Analyse d’article
Auteur(s) : Laetitia Lucarelli
Fonctions : Clinique vétérinaire VetHorizon
16 A, rue Jules Ferry
13220 Châteauneuf-lès-Martigues
Le plus souvent, les chats présentés pour un épanchement pleural sont dans un état critique. L’identification des paramètres cliniques ou biologiques utiles pour préciser l’origine de l’épanchement permettrait d’administrer rapidement le traitement et d’établir le pronostic.
Dans cette étude, les cardiopathies et les tumeurs sont les deux principales causes d’épanchement pleural recensées (35,3 % et 30,7 %, respectivement). Dans une précédente étude incluant 82 chats, les néoplasies (23 %), les pyothorax (18 %) et la péritonite infectieuse féline (PIF, 18 %) représentent les origines les plus fréquentes, tandis que les cardiopathies concernent seulement 11 % des cas [5]. Cette différence notable peut être liée à un dépistage des cardiopathies plus performant dans l’étude actuelle, car les échocardiographies réalisées l’ont été par des vétérinaires spécialistes.
Par ailleurs, la différence de proportion de cas avec un pyothorax peut s’expliquer par des différences géographiques et de modes de vie des chats. En effet, dans l’étude analysée, 59,7 % vivent strictement à l’intérieur et sont donc moins exposés aux morsures par des congénères ou à la présence de corps étrangers végétaux à l’origine d’épanchements septiques [1]. De surcroît, le nombre de chats atteints de PIF est assez faible par rapport aux données antérieures [6, 8].
Les radiographies disponibles pour 230 chats sur 306 montrent un épanchement pleural bilatéral dans la majorité des cas (photos 1 et 2). Cette observation est en accord avec l’hypothèse d’une communication entre les cavités pleurales dans l’espèce féline [4]. En pratique, c’est un bon argument pour pratiquer une thoracocentèse à l’aveugle.
La température corporelle des chats présentant un épanchement pleural dû à une cardiopathie sous-jacente est significativement plus basse que celle des chats des autres groupes. Ce résultat s’explique par la diminution du débit cardiaque qui conduit à une hypoperfusion [9]. En outre, les chats des autres lots ont probablement une température plus élevée en lien avec l’infection (PIF ou pyothorax) ou l’hyperthermie paranéoplasique.
Les chats du groupe cardiopathie présentent des taux d’alanine aminotransférase (Alat) majorés par rapport aux autres. Cette augmentation est engendrée par la baisse du débit cardiaque qui induit une hypoperfusion et une hypoxie des cellules hépatiques [7].
L’analyse du liquide d’épanchement est caractérisée par une faible densité, ainsi que des taux bas de protéines et de cellules nucléées.
Les chats atteints de PIF sont significativement plus jeunes que ceux souffrant d’une cardiopathie ou d’une tumeur. Comme l’indique une étude précédente, la majorité des chats atteints de PIF ne présentent pas d’hyperglobulinémie significative. En outre, le taux de bilirubine sérique est significativement plus élevé chez ceux du groupe PIF par rapport aux chats des groupes cardiopathie, néoplasie et chylothorax [10].
Contrairement aux résultats d’une autre étude, le taux de glucose semble être un paramètre utile pour différencier la nature septique ou non de l’épanchement [2]. En effet, le taux de glucose dans l’épanchement est plus faible chez les chats avec un pyothorax. Une utilisation du glucose par les bactéries et les cellules phagocytaires, ainsi qu’un phénomène de glycolyse au sein de l’épanchement, semblent être à l’origine de cette observation [2].
Le taux de cellules nucléées dans l’épanchement, lié à l’afflux des neutrophiles dans la cavité thoracique, est également plus important dans ce groupe.
Cette étude confirme que le pronostic des chats présentés avec un épanchement pleural, toutes causes confondues, reste réservé. Sur le suivi disponible (249 chats sur 306), 8 % sont morts et 47,8 % ont été euthanasiés lors de leur hospitalisation. La durée d’hospitalisation est significativement plus importante pour les chats avec un chylothorax (médiane de 5 jours, versus 2 jours pour les autres). Les chats souffrant d’une cardiopathie bénéficient d’un meilleur pronostic. Enfin, en accord avec les résultats d’une étude antérieure, le plus mauvais pronostic est associé aux chats atteints de PIF ou présentant une néoplasie [5].
À ce jour, peu de publications ont exploré la nature et la prévalence des différentes affections à l’origine des épanchements pleuraux chez le chat. Cette étude a l’avantage d’être récente et d’inclure un grand nombre de chats (306). Compte tenu de son caractère rétrospectif, elle comporte néanmoins des limites. Les radiographies (230 sur 306), la durée d’hospitalisation (222 sur 306) et le suivi (249 sur 306) ne sont pas disponibles pour tous les animaux. L’analyse du liquide d’épanchement n’a pas été réalisée pour chacun d’eux. La mesure du taux de NT-proBNP dans l’épanchement aurait été intéressante, mais elle n’a pas été effectuée systématiquement. En effet, ce test possède une très bonne sensibilité et une bonne spécificité pour le diagnostic d’une origine cardiaque lors d’un épanchement [3].
Enfin, le nombre de chats par groupe reste faible et les données collectées dans ceux avec les plus petits effectifs sont à interpréter avec précaution.
Les cardiopathies et les néoplasies constituent les causes les plus fréquentes d’épanchement pleural chez le chat. L’âge, la température corporelle, les paramètres hépatiques, les taux cellulaire, protéique et de glucose dans l’épanchement peuvent orienter le praticien sur sa nature. Le pronostic des épanchements pleuraux chez le chat reste malgré tout réservé.
Aucun.
OBJECTIF
Identifier des paramètres cliniques et/ou biologiques qui permettent d’orienter vers la cause de l’épanchement pleural chez le chat.
MÉTHODE
Étude rétrospective menée à l’université de Munich chez 306 chats présentés avec un épanchement pleural. Les diverses causes sont réparties en six groupes : cardiopathie, péritonite infectieuse féline (PIF), néoplasie, pyothorax, chylothorax et divers. Les données cliniques et biologiques, l’analyse des épanchements, les radiographies et le suivi à court terme (dix jours) sont évalués.
RÉSULTATS
• Les cardiopathies représentent la cause la plus fréquente d’épanchement pleural (35,3 %), suivies des néoplasies (30,7 %), des pyothorax (8,8 %), de la PIF (8,5 %), et des chylothorax (4,6 %). Chez 26 chats (8,5 %), plusieurs causes ont pu être identifiées.
• Les chats atteints de PIF sont significativement plus jeunes que ceux avec une cardiopathie ou une tumeur (âge médian de 4,5 ans).
• Les chats souffrant d’une cardiopathie sont présentés avec une température corporelle significativement plus basse que ceux du groupe “PIF”. Leur taux d’Alat est significativement plus élevé que celui de tous les autres chats, les valeurs de PAL sont plus importantes que celles mesurées dans les groupes “pyothorax” et “PIF”, la concentration en protéines totales et la cellularité dans l’épanchement sont plus faibles par rapport aux autres chats.
• Le taux de glucose dans l’épanchement dû à un pyothorax est significativement plus faible que celui des chats souffrant de cardiopathie, de néoplasie ou de chylothorax.
• Des radiographies du thorax sont disponibles pour 230 des 306 chats (75 %). Un épanchement bilatéral est objectivé dans la majorité des cas (88,6 %).
• Parmi les 249 chats suivis, 55,8 % sont morts ou ont été euthanasiés.
• Les chats du groupe “cardiopathie” sont significativement plus nombreux à sortir d’hospitalisation.