Aides techniques et aménagement de l’environnement - Le Point Vétérinaire n° 406 du 01/06/2020
Le Point Vétérinaire n° 406 du 01/06/2020

ERGOTHÉRAPIE

Dossier

Auteur(s) : Ludivine Jacquemin-Bietrix

Fonctions : (DU rhumatologie du sujet
âgé, DIU kinésithérapie
et réhabilitation gériatriques)
Clinique vétérinaire de l’Arche
192, avenue de Romans
26 000 Valence

Le champ de la rééducation fonctionnelle vétérinaire inclut le maintien de la qualité de vie des animaux, via les conseils prodigués pour adapter le milieu de vie et la prescription de dispositifs d’assistance adaptés à l’animal.

Pour accompagner un animal âgé dans ses mouvements, le recours à différents dispositifs d’assistance vise trois objectifs principaux : aider au déplacement et aux transferts de position, protéger l’animal et prévenir les blessures, constituer un outil de rééducation. Ces dispositifs permettent de compenser une douleur, une ankylose articulaire, une faiblesse musculaire, un déficit proprioceptif ou moteur. Ils sont plus couramment utilisés chez le chien, mais peuvent, pour certains, être envisagés chez le chat.

1 Aides techniques

Deux consignes d’usage sont de rigueur :

- dans un souci de préservation des capacités fonctionnelles de l’animal âgé, il convient, dans la mesure du possible, d’accompagner, et non de “faire à la place” ;

primum non nocere : il faut prêter attention aux blessures qui peuvent être provoquées par ces aides techniques.

Ainsi, pour tous ces dispositifs, il est important de réaliser une prise de mesures soigneuse avant d’équiper l’animal et de surveiller tout signe de gêne ou de douleur, ainsi que l’apparition de rougeurs ou de plaies.

L’allégement du poids du corps

Il existe plusieurs modèles de harnais pour permettre au propriétaire de soutenir son animal et de l’accompagner dans la réalisation de mouvements difficiles (la marche, le lever, les escaliers, les besoins, etc.). Certains d’entre eux sont équipés de poignées, d’autres d’anses. Selon l’affection dont souffre l’animal, il est possible de s’orienter vers un harnais dédié au train avant, par exemple lors d’arthrose des coudes (photo 1), au train arrière, par exemple lors d’arthrose des hanches ou de parésie des postérieurs (photo 2), ou encore vers un harnais “corps entier” qui permet d’intervenir préférentiellement à l’avant ou à l’arrière, selon l’activité de l’animal (photos 3 et 4).

Le soutien articulaire

Plusieurs modèles d’attelles, spécifiques à chaque articulation, sont adaptées aux animaux de compagnie. Le type de soutien (souple ou rigide) doit être choisi selon l’affection.

Une attelle souple est choisie pour maintenir une articulation arthrosique (photo 5), en particulier lors des sorties. En outre, certaines attelles à base de fibres de céramique ont la propriété de préserver la chaleur autour de l’articulation (photo 6).

Une attelle rigide est utilisée pour immobiliser une articulation lors de déficit proprioceptif. Ainsi, elle permet à l’animal de retrouver un appui sur son membre, sans se blesser (photos 7 et 8).

La compensation d’un déficit proprioceptif

Outre les attelles rigides qui permettent d’immobiliser une articulation, il existe des systèmes qui compensent simplement un déficit proprioceptif, en agissant sur la protraction du membre ou sur l’extension des doigts, par une bande textile, élastique ou non.

Deux dispositifs sont proposés : le système Biko® (photo 9), et les attelles Dorsiflex® et Balto® (photos 10 et 11).

Les dispositifs antidérapants

Afin de compenser un déficit proprioceptif, une faiblesse musculaire ou une douleur articulaire, l’animal peut être équipé de dispositifs antidérapants. Les chaussons Paws® sont une bonne solution, car ils sont peu coûteux (photos 12).

Il existe également différents modèles de bottines (photo 13). Néanmoins, il faut être attentif à leur épaisseur, qui peut être un élément gênant pour l’animal. De surcroît, elles diminuent les afférences extéroceptives, nécessaires au contrôle postural, qui proviennent des coussinets plantaires.

Les protège-griffes Softclaws® ainsi que la solution Tœgrips® peuvent aussi être une option à envisager pour augmenter l’adhérence des pattes sur les sols glissants (photos 14).

Les autres modes de protection

Les chaussons et les bottines utilisés comme éléments antidérapants sont aussi parfaitement adaptés pour protéger les pattes des plaies d’abrasion, fréquentes lors de déficit neurologique et/ou de faiblesse musculaire.

En outre, il existe des housses antifrottements. Il s’agit d’un sac dans lequel la moitié du corps de l’animal paraplégique est introduite, afin de protéger l’ensemble des zones susceptibles d’être lésées (photo 15).

Le chariot

Le choix d’équiper un animal paralysé à l’aide d’un chariot roulant doit être raisonné :

- s’il reste un espoir que l’animal récupère, la mise en place trop précoce d’un chariot peut être un frein pendant sa rééducation, car il entretient un schéma moteur erroné. Son utilisation est cependant envisagée si le moral de l’animal est atteint (exclusion des promenades, etc.) ;

- un chariot ne restitue pas son autonomie à un animal paralysé. Ce dernier ne peut ni se coucher, ni faire ses besoins, ni se relever en cas de chute, etc. Ainsi, l’usage d’un tel dispositif se fait sous la surveillance du maître et, en général, en extérieur pour les grands chiens (photo 16).

2 L’aménagement du milieu de vie

À l’instar de ce qui est entrepris chez l’homme, il est possible et conseillé d’adapter l’aménagement du milieu de vie de l’animal âgé. Ces améliorations ont pour effet d’apporter davantage de confort au propriétaire et à l’animal durant ses dernières années de vie.

Repas

Pour le chien âgé, il peut être judicieux de lui présenter ses gamelles en hauteur, de façon à ce qu’il n’ait pas besoin de baisser la tête pour manger et boire. Cela évite de le mettre en difficulté en cas de douleurs cervicales ou des membres antérieurs, voire lors d’atteinte du contrôle postural.

Couchage

Il existe des couchages adaptés pour les affections orthopédiques. Confortables, mœlleux, certains permettent également de réverbérer la chaleur du corps. Ces commodités permettent de minimiser les douleurs ressenties par l’animal au lever. Il convient également d’adopter un panier spacieux, avec un accès facilité par l’absence de rebord. Pour les animaux habitués à dormir sur un lit ou un canapé, il existe des petits escaliers de trois marches et des mini rampes imaginés pour les animaux de compagnie.

Obstacles

Afin de compenser un éventuel déficit de l’acuité visuelle ou du contrôle postural, des repères visuels (scotch de couleur par exemple) peuvent baliser les différents obstacles de la maison (rebords de porte-fenêtre, bords des marches d’escalier, etc.).

Par ailleurs, certains obstacles peuvent être supprimés (fils électriques, tapis épais, etc.).

Sol

Un sol non glissant doit être privilégié ; des tapis fins ou des chutes de moquette peuvent être utilisés pour garantir cet effet.

Étages

Si le déplacement dans les escaliers devient dangereux pour l’animal, le propriétaire peut être encouragé à faire vivre son animal de plain-pied, via l’installation d’une barrière au pied des marches.

Voiture

Pour les grands chiens qui ne parviennent plus à sauter et/ou descendre de la voiture, le recours à une rampe d’accès peut être une solution confortable pour le maître. Il est conseillé d’anticiper le moment où la rampe est vraiment nécessaire, afin que le chien puisse s’y habituer avant d’être trop handicapé.

Luminosité

La cataracte provoque un éblouissement exacerbé lors de forte luminosité. Il faut en tenir compte dans le quotidien de l’animal.

Hygiène

Lors d’incontinence, les couches sont utiles pour éviter de souiller l’arrière-train de l’animal, son couchage et le lieu de vie des maîtres.

Des couches spécifiques pour animaux sont référencées, mais il est possible d’adapter des modèles “humains” facilement.

Le recours à un lit de camp spécifiquement conçu pour les animaux est également une solution pour maintenir au sec le couchage de l’animal.

Pour les chats âgés, l’accès à la litière doit rester aisé. La taille du bac doit être suffisamment grande pour permettre “les manœuvres” nécessaires à l’intérieur. Il peut être judicieux d’aménager une grande caisse en plastique en litière, en découpant un côté pour l’accès du vieux chat.

Soin des pattes

Les griffes et les poils présents entre les coussinets doivent faire l’objet d’une attention toute particulière. En effet, lorsqu’ils sont trop longs, ils peuvent perturber l’adhérence des pattes au sol.

Vie sociale

L’organisation de rencontres avec des congénères, de promenades en groupe, permet de motiver le chien âgé et d’encourager son activité physique.

Exercice cognitif

Comme cela est démontré chez l’homme, un enrichissement de l’activité cognitive est supposé favorable au vieillissement neurologique et à la fonction locomotrice. Des “jeux d’intelligence” voient le jour pour les animaux. Ils sont couramment fondés sur la recherche de friandises. Il est également possible de cacher ces dernières dans le lieu de vie. De façon générale, diversifier les stimulations sensorielles (visuelles, olfactives et tactiles) est bénéfique. Pour un chien, l’organisation de sorties dans de multiples lieux, à la découverte de nouveautés, est aussi profitable.

Conclusion

L’aménagement du lieu de vie, comme le recours à de simples aides techniques, permettent d’améliorer le confort et le bien-être des animaux âgés. L’objectif est de les aider à vivre le mieux possible avec leur handicap, tout en essayant de préserver une certaine autonomie. Prescrire des dispositifs d’assistance, ainsi que des aménagements particuliers, fait partie des missions du vétérinaire gériatre. Cet accompagnement est particulièrement apprécié par les maîtres.

Les dispositifs montrés en exemple sont les modèles mis à la disposition des praticiens français par les différents distributeurs. Cette liste n’est pas exhaustive.

Conflit d’intérêts

Aucun.

REMERCIEMENTS :

À la société Mikan, pour le prêt des images [1].

Référence

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