MÉDECINE INTERNE
Dossier
Auteur(s) : Clément Baudin*, Antoine Dunié-Mérigot**
Fonctions :
*(Dipl. ECVDI)
Service d’imagerie médicale
**(DESV, Dipl. ECVS)
Service de chirurgie
CHV Languedocia
395, rue Maurice Béjart
34080 Montpellier
Examens complémentaires et techniques d’imagerie sont indispensables au diagnostic, à la prise en charge de l’animal et aux décisions thérapeutiques.
Les traumatismes pénétrants de la paroi thoracique et de la plèvre ont des origines variées. De nombreux outils diagnostiques, parfois complémentaires, peuvent être utilisés par le praticien pour orienter son diagnostic : examens de laboratoire, électrocardiogramme et techniques d’imagerie médicale permettant d’évaluer l’extension des lésions post-traumatiques, d’adapter la réanimation et de prévoir, si nécessaire, le traitement médical ou chirurgical ultérieur.
À l’arrivée d’un animal présentant une suspicion de plaie du thorax, un bilan sanguin doit être effectué en urgence. Il permet de renseigner sur l’état de choc et les conséquences du traumatisme.
Les mesures de l’hématocrite et de la concentration plasmatique des protéines totales sont indiquées pour détecter un saignement actif, car elles sont diminuées dans ce cas. Des examens hématologique et biochimique plus complets sont également à envisager. Les gaz artériels sont de bons indicateurs de l’oxygénation et de la ventilation de l’animal. En effet, les lésions de la cage thoracique, qu’elles soient musculaires, costales ou pulmonaires, entraînent souvent un défaut de ventilation chez l’animal, et par conséquent une acidose respiratoire.
La mesure de la concentration des lactates sanguins informe sur l’état de perfusion tissulaire périphérique et permet d’adapter les mesures de réanimation/perfusion. Leurs valeurs usuelles sont inférieures à 2,5 mmol/l. Il est montré que la valeur de la concentration des lactates est un facteur pronostique négatif, notamment lorsque les valeurs sont supérieures à 6 mmol/l en cas de dilatation et de volvulus gastriques. Toutefois, la détermination d’une valeur de lactatémie discriminante en termes de pronostic reste difficile en médecine vétérinaire, car les études incluent généralement un nombre limité d’animaux et l’évaluation d’un dosage unique des lactates. Plusieurs dosages et une évaluation de leur cinétique peuvent se révéler nécessaires [11].
Dans certains cas, un traumatisme thoracique peut être à l’origine d’une myocardite post-traumatique qui provoque l’apparition d’arythmies, plus fréquemment observées chez le chien que chez le chat [17]. Elles sont généralement d’origine multifactorielle. Parmi les causes suspectées figurent les traumatismes contondants du cœur, l’ischémie myocardique, les déséquilibres acide-base et électrolytiques et un déséquilibre du contrôle du rythme cardiaque par le système nerveux autonome, secondaire à des lésions du système nerveux central ou périphérique [17]. Les arythmies les plus fréquemment observées sont des tachycardies ventriculaires (extrasystoles ventriculaires, rythme idioventriculaire accéléré). Elles sont la plupart du temps bénignes, mais peuvent dans les cas plus graves nécessiter une adaptation de la thérapeutique au cours de la réanimation post-traumatique. Il est souvent judicieux de réaliser un électrocardiogramme dans le cadre d’une plaie pénétrante du thorax, et de le répéter toutes les quatre à six heures, car les arythmies peuvent apparaître de manière retardée.
L’échographie est une modalité d’imagerie médicale facile d’accès et non invasive qui peut être réalisée au chevet de l’animal, nécessite peu de contention et ne produit pas de radiations ionisantes. Ces qualités en font l’examen de choix pour l’évaluation initiale. En revanche, l’échographie présente l’inconvénient d’être dépendante de l’expérience de l’opérateur et de la physique de diffusion des ultrasons. Elle est donc notamment inutile en cas d’emphysème sous-cutané marqué et ne permet pas l’évaluation complète de la cavité thoracique en cas de volumineux pneumothorax.
Les lésions recherchées lors de traumatisme perforant du thorax sont diverses. La présence d’un pneumothorax est mise en évidence dans les portions dorsale et latérale des 7e à 9e espaces intercostaux par la disparition du signe de “glissement pleural”, qui correspond au mouvement de la plèvre viscérale contre la plèvre pariétale. La présence d’un épanchement pleural ou péricardique peut en outre être confirmée. La réalisation d’un prélèvement échoguidé de ce dernier, grâce à cette technique, permet d’en préciser la nature (photo 1a). La présence d’une lésion “en marche d’escalier”, décrite comme un décalage de la surface de glissement pleural comparée à celle normalement attendue le long de la concavité de la paroi thoracique, est également indicative d’une plaie thoracique [6].
Pour l’évaluation de l’animal traumatisé, une technique d’échographie focalisée (TFast) reposant sur l’évaluation de quatre fenêtres échographiques, en décubitus latéral ou sternal, a été proposée et s’est révélée d’une sensibilité, d’une spécificité et d’une précision satisfaisantes par rapport à la radiographie [6]. Elle trouve donc tout son intérêt lors de l’exploration initiale, puis dans le monitoring d’un animal en état critique.
Une technique échographique d’évaluation du champ pulmonaire (Vet Blue), validée dans le cadre de l’insuffisance cardiaque, pourrait être appliquée à l’évaluation d’un animal traumatisé [5]. Elle repose sur l’identification d’un nombre significatif d’artefacts de réverbération (au moins deux) formant des lignes verticales hyperéchogènes au sein du champ pulmonaire, appelées “lignes B”, et l’évaluation de leur répartition (photo 1b). Ces lignes sont formées par la présence de bulles de gaz au sein d’un comblement alvéolaire liquidien qui peut être observé en cas de contusions pulmonaires. Ces dernières peuvent aussi être plus étendues (photo 1c). Leur distribution anatomique dépend de la région où le traumatisme a eu lieu. Cette technique peut être couplée à l’échographie TFast et ainsi compléter l’évaluation initiale d’un animal en état critique.
Une échographie thoracique plus complète peut enfin être réalisée lorsque l’animal est stabilisé. Elle permet de mettre en évidence des corps étrangers perforants ou migrants (fragments de bois ou de crocs, pic à brochette, projectiles balistiques, graines de graminées, etc.), une cavitation ou un épaississement nodulaire de la plèvre expliquant une vidange incomplète par thoracocentèse, ou encore des lésions pulmonaires sousjacentes telles qu’un abcès compliquant un traumatisme thoracique [2].
La radiographie thoracique complète l’évaluation échographique initiale et représente l’examen de choix pour explorer le thorax dans sa globalité chez l’animal traumatisé stabilisé. Elle nécessite une contention mécanique ou chimique pour le positionner correctement et doit donc être envisagée seulement après la stabilisation de son état. Un examen radiographique est à effectuer systématiquement, y compris chez les animaux qui ne présentent pas de signes d’atteinte respiratoire ni de lésion cutanée. En effet, des études rapportent la détection de lésions thoraciques traumatiques chez 20 à 45 % des animaux sans signe de dyspnée, ainsi qu’une non-concordance entre les lésions tégumentaires et radiographiques (photos 2 et 3) [1, 7, 14].
L’examen radiographique permet de rechercher :
– des lésions du rachis thoracique ;
– des lésions des côtes et du sternum (fracture, luxation, volet costal ou pseudo-volet costal) ;
– des lésions des tissus mous sous-cutanés et des muscles intercostaux (brèche intercostale, tuméfaction des tissus sous-cutanés, emphysème sous-cutané, hernie thoracique) ;
– des lésions pleurales (pneumothorax, épanchement pleural, hernie diaphragmatique) ;
– des lésions médiastinales (épanchement médiastinal, pneumomédiastin, avulsion trachéale) ;
– des lésions pulmonaires (contusions pulmonaires) ;
– des corps étrangers minéralisés ou métalliques.
De telles atteintes sont détectées chez 77 % des chiens et 94 à 100 % des chats ayant subi un traumatisme thoracique [1, 3, 12]. La visualisation à la radiographie d’au moins trois lésions, d’une fracture sternale ou de côtes fracturées est statistiquement associée à une plaie thoracique profonde nécéssitant plus probablement de recourir à une exploration chirurgicale du thorax [1, 3].
Malgré ces avantages, la radiographie présente des limites, telles que la superposition de l’ensemble des structures, l’émission de radiations ionisantes et une résolution de contraste moins élevée que celle du scanner ou de l’IRM. Elle est ainsi particulièrement limitée pour évaluer l’intégrité de la paroi thoracique et rechercher des corps étrangers non minéralisés ou non métalliques [8, 12, 15, 16]. Il faut alors parfois se tourner vers la tomodensitométrie pour compléter l’exploration par l’imagerie.
L’examen tomodensitométrique est la technique d’examen tomographique la plus fréquemment indiquée pour compléter l’exploration du traumatisme pénétrant thoracique, notamment en cas de suspicion d’empalement ou de lésions pulmonaires multiples. Il est plus exhaustif que la radiographie pour établir le bilan lésionnel et permet une meilleure planification chirurgicale. Toutefois, il nécessite une anesthésie générale et doit donc être effectué, dans la mesure du possible, chez un animal dont les paramètres vitaux sont stables. Le recours à un scanner équipé de plusieurs rangées de détecteurs permet de diminuer le temps nécessaire à l’acquisition des images, limitant ainsi le risque anesthésique et les artefacts de mouvements lors de l’examen du thorax. En effet, cette région anatomique est soumise à de nombreux mouvements physiologiques tels que la respiration et les battements cardiaques [13]. L’absence de superposition des structures anatomiques, associée à une meilleure résolution de contraste que la radiographie, permet de visualiser, en plus des lésions précédemment citées :
– de discrètes fractures de côtes ;
– des discontinuités de la musculature intercostale (photos 4a et 4b) ;
– des lésions pulmonaires associées au traumatisme ou au déplacement d’une fracture costale (contusion ou perforation pulmonaire, abcès secondaire à une plaie d’inoculation pénétrante, formation de bulles ou blebs post-traumatiques) ;
– des corps étrangers végétaux (photos 5 et 6).
Dans une étude sur des plaies thoraciques par empalement, le scanner a détecté 64 % des cas avec des fragments de bois résiduels dans le thorax, au lieu de 43 % pour la radiographie [8]. De plus, des corps étrangers végétaux, non visibles à la radiographie, ont été visualisés au scanner dans plusieurs autres études [4, 15, 16]. Ces derniers sont spontanément hyperatténuants au scanner et se démarquent particulièrement bien des tissus mous adjacents, sur les images acquises sans injection de produit de contraste (photos 7a et 7b). Ils peuvent aussi être entourés de bulles de gaz qui indiquent leur localisation [15, 16]. En cas de présence chronique d’un corps étranger, des réactions périostées, ou involucrum, sont parfois observées sur le rebord des structures osseuses à son contact, facilitant l’identification de son emplacement (photo 8). Dans une autre étude, ce type de lésion n’est visible que sur les images tomodensitométriques, pas sur les clichés radiographiques [9].
L’IRM est une technique de choix pour l’examen des tissus mous, mais elle nécessite d’être associée à un dispositif de maintien d’une pression pulmonaire positive ou d’une synchronisation des images au rythme cardiaque et respiratoire, afin d’éviter les artefacts liés aux mouvements physiologiques du thorax. Cette technique d’imagerie est peu utilisée en cas de traumatisme pénétrant du thorax, car elle est moins disponible, moins précise pour l’évaluation des structures osseuses et du parenchyme pulmonaire et nécessite un temps d’acquisition bien plus long que les scanners modernes. Elle est donc contre-indiquée chez les animaux victimes d’un traumatisme thoracique pénétrant dont l’état n’est pas stable.
L’IRM est néanmoins utilisée avec succès pour repérer des corps étrangers végétaux ou en bois aux extrémités des membres, et permettrait l’identification de corps étrangers au sein de la plèvre ou des parois du thorax [10]. Le champ magnétique important utilisé par cette technique peut provoquer la migration d’éléments métalliques et est donc à proscrire chez les animaux victimes d’un tir d’arme à feu.
L’imagerie est un outil indispensable dans la gestion clinique et chirurgicale des plaies pénétrantes du thorax. Dans le cas de traumatismes par morsure, l’échographie est un examen de choix face à un animal en état critique, tandis que la radiographie permet d’établir un bilan lésionnel suffisant. Pour les traumatismes liés à la présence de corps étrangers (empalement, traumatisme par balle, autre corps étranger), le scanner se montre plus précis. Les décisions thérapeutiques dépendent de ces examens.
Aucun.