Masse périanale chez une chienne - Le Point Vétérinaire n° 405 du 01/05/2020
Le Point Vétérinaire n° 405 du 01/05/2020

ONCOLOGIE

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Pierre Guigo*, Maureen Lazard**, Marion Fusellier***

Fonctions :
*Service d’imagerie médicale
CHUV d’Oniris
44300 Nantes

Présentation clinique

Une chienne labrador croisée bouvier bernois, stérilisée et âgée de 12 ans, est référée pour une abcédation récidivante de la glande anale gauche. Un mois et demi auparavant, une masse sous-cutanée est apparue en regard de cette glande. Associée à un prurit, un ténesme et une dyschésie, elle s’est abcédée à trois reprises. Un traitement d’une durée de quinze jours, associant un anti-inflammatoire non stéroïdien (méloxicam) et un antibiotique (clindamycine), n’a apporté aucune amélioration.

L’examen clinique révèle une hyperthermie à 39,6 °C, sans altération de l’état général. Un épaississement de la marge anale gauche est noté. Le toucher rectal met en évidence une masse de 3 cm de diamètre, fortement indurée, non dépressible et non réductible, au niveau du sac anal.

Une échographie de la région périanale est réalisée. Les sacs anaux droit et gauche sont visualisés en coupe frontale par voie transpérianale (photo 1). La sonde est ensuite positionnée plus latéralement vers la gauche (photo 2).

Qualité des images échographiques

→ Les images sont de bonne qualité. La définition et le gain permettent de distinguer les différentes structures.

Description des images

→ L’échographie de la région périanale permet la visualisation des sacs anaux droit et gauche. Le sac anal droit présente une taille et une échostructure normales. Un artefact de renforcement postérieur est couplé aux sacs anaux dont les contenus apparaissent anéchogènes. Une masse ovoïde de 2,8 cm de diamètre, aux contours irréguliers et avec un cône d’ombre associé, est mise en évidence latéralement, en continuité avec la paroi du sac anal gauche. Son parenchyme, à l’échogénicité hétérogène, apparaît globalement hypoéchogène et comprend des plages hyperéchogènes et d’autres hypoéchogènes à anéchogènes. L’échographie abdominale révèle l’existence d’une hypertrophie au niveau d’un nœud lymphatique iliaque médial (3,3 cm d’épaisseur), aux contours réguliers. Son parenchyme est hétérogène et apparaît globalement hypoéchogène avec un centre hyperéchogène (aspect en cible).

Interprétation

→ Les images échographiques de la masse périanale sont évocatrices d’un processus tumoral de type adénome ou adénocarcinome des glandes apocrines du sac anal gauche.

→ L’aspect du nœud lymphatique iliaque médial conduit à suspecter une atteinte réactionnelle ou métastatique.

→ Une cytoponction à l’aiguille fine est réalisée pour préciser la nature de la masse du sac anal. L’analyse cytologique met en évidence une prolifération épithéliale maligne évocatrice d’un adénocarcinome des glandes apocrines du sac anal (Agasa).

DISCUSSION

L’échographie, du fait de son faible coût, de son accessibilité et de sa facilité d’emploi, constitue un examen de première intention dans l’exploration des affections des sacs anaux. La position superficielle de ces derniers nécessite idéalement l’emploi d’une sonde linéaire à haute fréquence et d’un coussin acoustique d’interposition (pad). Des images des sacs anaux en coupe frontale peuvent être obtenues par voie transpérianale. Bien que l’échogénicité de leur contenu varie selon la viscosité et la consistance des sécrétions, l’échographie permet d’évaluer les parois des sacs, ainsi que les structures anatomiques adjacentes (sphincters anaux externe et interne, rectum, etc.) [2].

L’Agasa est une tumeur rare chez le chien, souvent unilatérale, invasive localement et au potentiel hautement métastatique. Une hypercalcémie paranéoplasique y est associée dans 27 % des cas [4]. L’échographie permet d’évaluer les nœuds lymphatiques du lymphocentre sacro-iliaque (iliaques médiaux, hypogastriques et sacraux) qui sont fréquemment le site d’une dissémination métastatique locale, d’identifier d’autres sites de métastases abdominales, et de réaliser des cytoponctions ou biopsies guidées des lésions observées [4]. Chez le chien sain, les nœuds lymphatiques iliaques sont fusiformes, isoéchogènes à hypoéchogènes par rapport aux tissus environnants, et varient de 0,43 à 0,75 cm d’épaisseur selon le format de l’animal. Une adénomégalie marquée de ces nœuds lymphatiques est très souvent le signe d’un phénomène tumoral, même si elle peut aussi être observée lors de maladies inflammatoires sévères (prostatite bactérienne, abcès, etc.) [5]. Le scanner et l’IRM présentent une sensibilité supérieure à l’échographie pour la mise en évidence d’une adénomégalie lors d’adénocarcinome des glandes apocrines du sac anal et sont à privilégier pour la réalisation d’un bilan d’extension exhaustif [1, 3].

Références

  • 2. Jung Y, Jeong E, Park S, et coll. Diagnostic imaging features of normal anal sacs in dogs and cats. J. Vet. Sci. 2016;17 (3):331-335.
  • 4. Unterer S. Rectoanal disease. In: Ettinger SJ, Feldman EC. Textbook of veterinary internal medicine. 8th ed. Elsevier Saunders. 2010:3915-3916.
  • 5. Widmer WR, Mattoon JS, Nyland TG. Peritoneal fluid, lymph nodes, masses, peritoneal cavity, great vessel thrombosis, and focused examinations. In: Mattoon JS, Nyland TG. Small animal diagnostic ultrasound. 3rd ed. Elsevier Saunders. 2015:504-509.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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