NUTRITION DES NAC
Étude
Auteur(s) : Auriane Massonneau*, Annabelle Meynadier**
Fonctions :
*Cabinet vétérinaire des 3 Clochers
19, rue Charles Marchand
86230 Saint-Gervais-les-Trois-Clochers
**ENV de Toulouse
23, chemin des Capelles
31300 Toulouse
Une étude répertorie les différents types d’alimentation du furet et tente de déterminer lesquels sont les plus adaptés aux besoins de l’animal, en corrigeant quelques idées reçues.
Les croquettes sont souvent accusées d’être néfastes sur les forums spécialisés consacrés au furet, en raison de leur teneur élevée en glucides. Certains propriétaires se tournent alors vers une alimentation ménagère, une solution alternative jugée plus qualitative. Cependant, mal conduite, une alimentation de type “nourriture crue biologiquement appropriée” (biologically appropriate raw food, ou Barf) peut avoir des conséquences préjudiciables pour la santé de l’animal.
Une étude(1) de grande envergure a permis d’inventorier les différents types d’alimentation utilisés en France et de mettre en évidence leur adéquation aux besoins du furet (encadré).
Afin de déterminer quelle alimentation est la plus adaptée au furet, les informations sur les différents types d’aliments distribués ont été recueillies auprès des propriétaires, avant d’analyser leur composition nutritionnelle. Les marques d’aliments industriels les plus utilisées ont été collectées pour en faire une analyse comparée et ciblée. Les erreurs de rationnement les plus fréquentes ont ainsi pu être identifiées dans l’objectif de proposer une solution correctrice satisfaisante.
Un travail bibliographique sur la biologie digestive du furet a été effectué en amont de l’étude afin de déterminer les critères auxquels doit répondre une ration équilibrée. Des valeurs de référence considérées comme idéales pour cette espèce ont été choisies pour comparer les aliments. Elles sont issues d’une synthèse de la littérature scientifique et de l’analyse du régime alimentaire sauvage du putois, dont l’anatomie et la physiologie digestive sont très proches de celles du furet (tableau 1).
Les besoins d’un animal sont fortement liés à son mode de vie. Ainsi, la dépense énergétique est beaucoup plus élevée chez le putois sauvage (chasse, reproduction, lutte contre le froid, etc.) que chez le furet de compagnie gardé à la maison et nourri par son propriétaire. Les valeurs présentées dans cet article sont indicatives et doivent être adaptées à la situation de chaque animal.
Les régimes alimentaires distribués ont été classés en différents types d’alimentation.
Les aliments industriels se présentent sous trois formes :
– croquettes : regroupe les aliments industriels secs complets, spécifiquement destinés au furet ou non (photo 1) ;
– pâtées : regroupe les aliments industriels humides complets, spécifiquement destinés au furet ou non ;
– régime Barf industriel : regroupe les aliments industriels humides composés d’un mélange de viandes et d’os crus broyés. Cette catégorie, plus hétérogène que les deux précédentes, contient des aliments complets et complémentaires qui nécessitent l’ajout de différents ingrédients afin d’être équilibrés.
L’alimentation ménagère à base de produits carnés regroupe :
– la ration ménagère, qui contient en quantité et en nature tous les nutriments nécessaires à l’organisme (notion d’équilibre). Cette catégorie inclut les rations calculées de préférence par un vétérinaire nutritionniste, à base de viandes, préparées à la maison par le propriétaire. La recette doit être rigoureusement suivie. La viande peut être distribuée crue ou cuite ;
– le régime Barf, qui vise à fournir l’alimentation la plus “naturelle” possible, et ne contient donc généralement pas d’aliment minéral et vitaminé (AMV) ni de céréales. Le propriétaire peut par exemple proposer au furet des cuisses, ailes ou pilons de poulet, des carcasses, des morceaux de foie qui seront complétés d’un peu de crème fraîche, jaune d’œuf ou encore de levure de bière (photo 2).
D’autres aliments peuvent être distribués aux furets :
– des proies entières : le propriétaire distribue par exemple des souris ou des poussins entiers, non éviscérés avec les phanères (photo 3) ;
– un régime mixte : désigne toute combinaison des différents types d’alimentation précédemment cités (par exemple, distribution d’une ration ménagère matin et soir avec des croquettes laissées à disposition pendant la journée) ;
– des friandises : tout aliment distribué ponctuellement ou quotidiennement, à condition de ne pas dépasser 10 % de la ration du furet (un petit morceau de viande par jour, par exemple) ;
– un aliment complémentaire naturel.
Les informations concernant les différents types d’alimentation distribués par les propriétaires sont issues d’un sondage en ligne (https://www.sondageonline.fr) basé sur le volontariat et diffusé du 27 avril au 17 août 2016 sur des sites web spécialisés. Les participants sont des propriétaires de furets francophones disposant d’un accès à Internet. L’enquête est composée de seize questions, avec une prédominance de questions ouvertes (annexe complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr).
Les participants ne répondent qu’aux questions qui les distribuent le même aliment et seulement 33 % changent concernent grâce à un chemin conditionnel amenant directement à la question adaptée suivante. Les questionnaires complétés sont ensuite analysés individuellement pour déterminer leur cohérence et pour les classer selon les différents types d’alimentation. Les questionnaires contenant un nombre insuffisant d’informations (question n° 4 non renseignée : « Que donnez-vous à manger à votre furet au cours d’une semaine typique ? ») sont exclus de l’étude, de même que ceux présentant des réponses incohérentes (résultats inexploitables). En revanche, les questionnaires non remplis jusqu’à la fin, mais avec une réponse à la question n° 4 sont pris en compte.
Les marques d’aliments sont recensées et leur composition nutritionnelle comparée aux valeurs de référence. Toutes les valeurs sont exprimées avec la même unité : le pourcentage de matière sèche (% de MS). Elles sont ensuite classées dans des tableaux comparatifs par ordre alphabétique. Un code couleur permet de repérer rapidement si l’aliment présente des valeurs proches de celles de référence ou non (tableau 2 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr).
Les recettes des rations ménagères et du régime Barf les plus populaires sont analysées à l’aide d’un tableur Excel. Les compositions nutritionnelles des différents ingrédients utilisés sont tirées de la table Ciqual, disponible sur le site de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) [1].
Au total, 751 participations sont retenues et exploitées. En raison d’un certain nombre de questionnaires incomplets et de questions ne concernant qu’une certaine sous-population de l’échantillon, les résultats ne portent pas toujours sur l’ensemble des sondés.
Parmi les sondés, 66 % utilisent des croquettes pour nourrir leur furet, 37 % des proies entières et 33 % une ration ménagère. Les aliments industriels humides sont peu distribués (6 % donnent du Barf industriel et 4 % des pâtées) (figure 1). Comme certains propriétaires nourrissent leur furet avec plusieurs types d’aliments, le total des pourcentages dépasse les 100 %.
Ainsi, 42 % des répondants ont choisi une alimentation mixte et donnent plusieurs types d’aliments à leur animal, tandis que 58 % se limitent à un seul type.
Parmi ceux qui préfèrent un seul type d’alimentation, 67 % distribuent le même aliment et seulement 33 % changent régulièrement de marque, de recette ou de proies. Les propriétaires qui optent pour une alimentation industrielle sèche sont souvent fidèles à une marque de croquettes. En revanche, ceux qui donnent une ration ménagère ont l’habitude de varier les viandes utilisées dans les recettes. Lors d’alimentation mixte, certaines associations sont privilégiées, notamment celles qui allient les croquettes et les rations ménagères (30,2 %), les rations ménagères et les proies entières (23,4 %) ou encore les croquettes et les proies entières (17,5 %) (figure 2).
Les friandises et autres aliments complémentaires naturels sont très prisés puisque 47 % des participants ayant répondu à cette question (n° 4 du questionnaire) en donnent au moins une fois par semaine.
Certaines marques de friandises et de compléments sont particulièrement citées (figures 3 et 4 complémentaires sur www.lepointveterinaire.fr). La levure de bière et l’huile de saumon sont les aliments complémentaires naturels les plus utilisés. Ils peuvent être distribués ponctuellement en plus d’une alimentation complète (croquettes, pâtées, proies et certains Barf industriels) ou bien incorporés dans des Barf à la place d’un aliment minéral vitaminé normalement utilisé dans les rations ménagères. La levure de bière, ainsi que les différentes pâtes apportent des vitamines (en majorité du groupe B) tandis que les huiles de poissons sont riches en acides gras essentiels et plus particulièrement en oméga 3.
Toutes les marques de croquettes, pâtées, Barf industriels et friandises ont été recensées.
Pour les croquettes, trois marques sont privilégiées (Versele Laga® complete ferret, Orijen® chat et chaton et Totally® ferret active formula). Une grande diversité dans les choix des propriétaires est notée : 76 marques différentes sont ainsi citées au total dans cette étude. Certaines sont destinées aux furets et furetons, mais la plupart sont élaborées pour les chats et chatons (figure 5 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr). Cela peut s’expliquer par un manque de croquettes spécialisées pour les furets sur le marché. Ce phénomène est particulièrement marqué pour les croquettes concernant des stades physiologiques spécifiques (furetons, femelles en gestation/ lactation, furet âgé). Les propriétaires se tournent, par défaut, vers des croquettes destinées aux chats, dont les besoins nutritionnels sont pourtant différents [7].
La majorité des pâtées distribuées sont destinées aux furets, avec une nette préférence pour la marque Greenwoods®, suivie de Vitakraft® delikatess menu pour furet (figure 6 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr).
Pour les Barf industriels, les participants ont une préférence pour la marque St Laurent® Barf mix volaille plébiscitée sur les forums, Poher® Carcasse volaille et Dogador® viandes pour chiens (figure 7 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr).
Les recettes des rations ménagères sont très variées en termes de composition et d’ingrédients, d’un propriétaire à l’autre. Toutes les gammes d’alimentation sont représentées dans le sondage, des rations conçues par un vétérinaire jusqu’à la “nourriture de table” totalement inadaptée. Peu d’entre elles sont complémentées avec un aliment minéral et vitaminé. Il est souvent remplacé par divers suppléments “bruts” comme la poudre d’os, la levure de bière et les abats, plus abordables financièrement et jugés plus naturels que les aliments minéraux et vitaminés, considérés à tort comme des additifs (à connotation négative dans l’esprit du grand public).
Les personnes qui distribuent des proies entières à leurs furets respectent les règles fondamentales d’hygiène (respect de la chaîne du froid, stockage dans un congélateur dédié, etc.). D’autres souhaiteraient en donner, mais des problématiques d’approvisionnement et de stockage (région isolée, manque de place pour un congélateur par exemple) les ont conduites à choisir un autre mode d’alimentation. Les proies entières les plus utilisées sont les poussins et les souris.
La moitié des propriétaires ont changé l’alimentation de leur furet au cours de sa vie ou envisagent de le faire. Parmi les raisons évoquées, la volonté de passer à une alimentation de meilleure qualité est la plus souvent citée. Seuls 27 % de ces changements sont prescrits par un vétérinaire, ce qui laisse présager que la plupart des rations ménagères distribuées aux furets de cette étude n’ont jamais fait l’objet d’une analyse nutritionnelle.
Les résultats des analyses nutritionnelles des différents aliments ont été comparés aux valeurs de références. Il en ressort des tendances générales qui peuvent servir à conseiller les propriétaires de façon simple lorsqu’ils hésitent entre plusieurs types d’alimentation (tableau 3).
L’alimentation du furet est une pratique encore très empirique qui manque de données scientifiques fiables et d’études expérimentales correctement menées [3, 15, 19]. En effet, les besoins nutritionnels conseillés dans la littérature sont, pour la plupart, issus de l’analyse de rations distribuées dans de grandes fermes d’élevage ou bien extrapolés de ceux du vison, du putois ou du chat [11, 14, 15, 19]. Si les besoins en macronutriments sont de mieux en mieux connus, les connaissances sur les micronutriments dont le furet a besoin sont très éparses et incomplètes, rendant difficile l’élaboration d’une ration adéquate.
Parallèlement et depuis de nombreuses années, des “recettes” et autres conseils circulent entre passionnés sur Internet. De nombreuses idées reçues sont ainsi colportées, dont certaines, dangereuses, peuvent conduire à des maladies telles que l’ostéodystrophie nutritionnelle due à la consommation de viande crue non complémentée en calcium, ou l’hypervitaminose A, en raison de la distribution d’huile de foie de morue quotidiennement notamment.
Le sondage, proposé en ligne sur plusieurs sites web spécialisés, a permis de cibler les habitudes des propriétaires “connectés” qui font davantage confiance aux forums qu’aux vétérinaires et font donc potentiellement plus d’erreurs. Le recrutement des participants via des forums spécialisés induit un biais important qui empêche d’extrapoler les données récoltées à la population générale des furets en France. Cette étude n’a toutefois pas pour objectif de réaliser des statistiques selon les populations, cet aspect ayant fait l’objet d’une thèse(2) et ayant abouti à la publication d’un article en 2018 [4]. Elle vise plutôt à donner la parole aux propriétaires de furet. C’est pourquoi le sondage comporte de nombreuses questions ouvertes, de façon à établir un dialogue avec les participants. Si le questionnaire leur a permis d’aborder des sujets d’intérêt et de susciter des remarques pertinentes sur leur expérience personnelle, il a aussi mis en évidence la grande confusion qui existe dans la dénomination des régimes alimentaires. Les différences entre ration ménagère, Barf et Barf industriel ne sont pas claires et auraient mérité d’être expliquées au début de l’enquête. En raison de cette confusion, les résultats pour les rations ménagères et les Barf sont regroupés sous le terme “d’alimentation ménagère”.
Les croquettes restent le type d’alimentation le plus utilisé, dans le cadre d’un régime mixte ou exclusif. Elles ont pour avantage d’être très pratiques, appétentes et peu oxydables à l’air libre, ce qui permet de les laisser à disposition toute la journée [14]. Si la plupart des propriétaires disent avoir recherché la meilleure qualité possible pour leur furet, les marques les plus populaires ne sont pas celles qui s’approchent le plus des valeurs de référence considérées comme idéales. Ainsi, le choix des croquettes fait davantage appel à l’affectif et au ressenti du propriétaire plutôt qu’à des calculs précis, peu d’entre eux sachant déchiffrer une étiquette et interpréter ce qui est indiqué. Plusieurs sources d’influence ont en outre guidé leur choix vers tel ou tel produit.
Peu de marques proposent des croquettes destinées aux furets. Leur part de marché est donc importante et elles sont largement utilisées par les propriétaires : Versele Laga® complete ferret, Totally® ferret active formula et Hamiform® repas premium optima+ pour furet font ainsi partie du top 5 des marques citées. Pourtant, leur composition nutritionnelle n’est pas optimale, puisque les croquettes apportent des glucides en proportion trop élevée pour les furets. En effet, la tenue et la texturisation de cet aliment nécessitent l’utilisation systématique d’amidon [14, 20]. Les glucides sont apportés par les céréales (blé, maïs, riz, orge, etc.) ou, dans les formules sans céréales, par les légumineuses (pommes de terre, patate douce ou autres féculents). Il existe un amalgame fréquent qui consiste à croire que les croquettes sans céréales n’apportent pas ou peu de glucides, ce qui est inexact. Cela explique sans doute l’engouement des propriétaires pour les marques “sans céréales”, qu’elles soient destinées aux furets ou à d’autres espèces, les plus utilisées étant Versele Laga® complete ferret, Orijen® chat et chaton, Porta 21® feline finest sensible, Nutrivet® Inne adulte ou Acana® regionals. Certaines s’attachent effectivement à diminuer la quantité de glucides dans leur produit : c’est le cas des croquettes Porta 21®, Amikinos® reference, Frettchen4you®, Petcurean Go !® fit+free qui contiennent moins de 15 % de MS de glucides. Cependant, la plupart contiennent un taux de cendres très élevé (risque d’urolithiase) et ne sont donc pas équilibrées pour autant. D’autres encore contiennent autant de glucides, voire davantage, que des formules avec céréales.
Certains propriétaires accordent une importance primordiale à la quantité de protéines apportées par les croquettes, mais ne prêtent pas attention à leur qualité ni à leur provenance. Le furet étant un carnivore strict, il doit consommer des protéines d’origine animale de bonne qualité. Si certaines marques jouent la transparence et indiquent lisiblement sur les paquets le pourcentage de protéines animales par rapport à la teneur totale en protéines, d’autres jouent sur les ingrédients pour gonfler artificiellement le taux de protéines final, en ajoutant par exemple des protéines végétales ou du gluten. Les ingrédients sont listés le plus souvent par ordre de pourcentage décroissant avant cuisson. Or le processus d’extrusion qui permet de fabriquer les croquettes réduit considérablement la quantité d’eau des matières premières. Les produits riches en eau (comme la viande fraîche) se retrouvent donc minoritaires en termes de poids en fin de cuisson par rapport à ceux qui en contiennent peu (notamment les céréales et les graisses) [20].
Face aux interrogations des propriétaires ou à leurs certitudes parfois erronées, c’est au vétérinaire de faire la lumière sur les erreurs induites par les indications marketing figurant sur les paquets.
La faible popularité des pâtées peut s’expliquer par la mauvaise publicité qui en est faite sur les forums. Leur faible teneur en protéines et en matières grasses est notamment pointée du doigt. Cette croyance vient d’une mauvaise interprétation des étiquettes par les propriétaires qui omettent de convertir les valeurs en pourcentage de matière sèche (% de MS). Les pâtées sont ainsi considérées comme peu intéressantes nutritionnellement en raison du fort taux d’humidité (« elles sont pleines d’eau »), alors que le procédé de fabrication permet une moindre incorporation de glucides par rapport aux croquettes et que l’humidité permet, au contraire, de réduire la concentration énergétique de l’aliment et de limiter la surconsommation [14]. L’apparition rapide de tartre en l’absence de mesures préventives reste l’un des inconvénients majeurs de ce type de nourriture [3, 10, 15].
La plupart des sondés sont séduits par une alimentation plus “naturelle”, comme les rations ménagères et les proies entières qui sont distribuées dans 70 % des cas.
D’après une enquête menée en 2012 auprès de propriétaires de furets, 65 % des changements de type d’alimentation consistent en l’abandon de l’alimentation industrielle sèche au profit des produits carnés (alimentation ménagère ou à base de proies entières) [4].
Cependant, les recettes de Barf qui circulent sur les forums sont, la plupart du temps, déséquilibrées en vitamines et en minéraux, notamment en oligo-éléments et/ou acides gras essentiels. Les Barf industriels ne sont pas recommandés, car ils sont souvent trop gras, trop riches en minéraux et contiennent peu de protéines digestibles.
Une recette régulièrement citée dans notre étude consiste à reconstituer une proie entière en donnant au furet 70 % de viande (le plus souvent de volaille), 10 % de graisses (le plus souvent sous forme de peau), 10 % d’abats (dont 5 % de foie) et 10 % d’os broyés. Cette recette semble facile à réaliser, pourtant elle n’est pas appropriée, pour plusieurs raisons. La quantité de matières grasses apportée doit normalement être adaptée au type de viande choisi (maigre ou grasse), ce qui n’est pas le cas ici. La même remarque peut être appliquée aux abats qui apportent des vitamines et des oligo-éléments très différents selon leur nature (cervelle, foie, reins, etc.) et dont les teneurs sont très variables et non contrôlables, au contraire des aliments minéraux et vitaminés utilisés dans les rations ménagères prescrites par les vétérinaires. En comptant uniquement sur les abats pour les apports en vitamines et en oligo-éléments, des carences ou au contraire des excès peuvent s’accumuler au fil du temps. La graisse sous forme de peau n’apporte pas suffisamment d’acides gras essentiels (et notamment d’oméga 3) pour couvrir les besoins du furet. À l’inverse, 10 % d’os fournissent une quantité de calcium trop élevée (autour de 5 % de la matière sèche dans la ration, pour des recommandations allant de 0,95 à 2,3 % de MS). Enfin, cette recette ne contient aucune source de fibres (ni de phanères jouant le rôle de lest digestif), pourtant nécessaire en faible quantité à la bonne santé digestive.
Peu de propriétaires interrogés distribuent des rations ménagères. Sans doute que recrutés auprès de la clientèle de cliniques vétérinaires, ils auraient été plus nombreux à nourrir leur furet avec ce type d’alimentation.
Adopter cette alimentation présente pourtant de nombreux avantages nutritionnels pour le furet, mais sa préparation est contraignante pour le propriétaire. Il est en effet nécessaire de fournir tous les ingrédients prescrits initialement par le vétérinaire traitant dans les bonnes quantités, ce qui demande du temps et représente un coût non négligeable. Devant la rigueur que demande ce type d’alimentation, il est fréquent que les propriétaires substituent un ingrédient par un autre, pensant que cela n’aura pas de conséquence notable, ou qu’ils en suppriment un (souvent le complément minéral vitaminé).
Or, sous peine d’être déséquilibrée, une ration doit obligatoirement contenir une source de protéines animales d’excellente qualité (viande ou poisson), une source de matières grasses avec des acides gras à longue chaîne (huile de colza et de poisson), une source de vitamines et minéraux, ainsi qu’une petite quantité de fibres (son de blé, par exemple) [14, 20].
Les proies entières sont une excellente solution alternative à l’alimentation ménagère carnée, à condition que le furet les mange entièrement (tête et phanères compris). Elles constituent un aliment plus physiologique, couvrant globalement les besoins spécifiques de l’espèce, à condition qu’elles aient été convenablement nourries et conservées [6, 14, 21]. Les propriétaires ont, en revanche, plus de difficultés à s’en procurer et/ou à les stocker. Le risque sanitaire associé à la congélation domestique de la proie, avec ses viscères, n’est pas à négliger dans ce type d’alimentation.
Aucun type d’alimentation ne fait consensus auprès des experts ou des particuliers. Les aliments industriels, très pratiques, ont une composition nutritionnelle constante et complète, mais pour la plupart assez éloignée de ce qui pourrait être considéré comme une alimentation idéale. Les rations ménagères, faciles à adapter aux besoins nutritionnels de l’animal et utilisant des ingrédients de qualité sont intéressantes, mais compliquées à gérer au quotidien et nécessitent un temps de préparation. Quelle que soit la nourriture distribuée par les propriétaires, il est nécessaire de s’approcher au plus près des besoins du furet en choisissant l’aliment avec minutie.
L’adaptation des résultats de cette étude en e-book, disponible en ligne(1), a pour objectif d’apporter des informations fiables aux propriétaires de furet qui n’ont pas l’habitude de consulter un vétérinaire et préfèrent s’informer sur Internet. Cependant, le vétérinaire doit être capable de guider ceux qui lui demandent conseil, afin qu’ils puissent faire un choix éclairé. L’e-book permet donc également au praticien de disposer d’arguments pour répondre convenablement aux interrogations de ses clients.
(1) Les résultats de ce travail de thèse ont abouti à la réalisation d’un e-book accessible librement en ligne via ce lien : https://payhip.com/b/wSJo.
(2) Thèse de doctorat vétérinaire de Roselyne Bourassin portant sur la « caractérisation de la population de furets en France et de ses habitudes alimentaires », Alfort 2014.
Aucun.
ENCADRÉ : Définitions utiles
→ Valeur biologique d’un aliment : elle correspond à la proportion d’acides aminés assimilés et utilisés par la cellule pour ses synthèses protéiques. Elle est corrélée à la qualité de l’aliment. Un morceau de filet, par exemple, est composé de protéines d’excellente qualité qui seront mieux assimilées que les bas morceaux contenant beaucoup d’aponévrose, de tendons ou de peau dont la valeur biologique est plus faible.
→ Digestibilité : c’est la capacité d’un aliment à être correctement digéré et absorbé, donc à laisser moins de résidus dans les fèces. Plus un aliment est digestible, plus il profite à l’animal. Elle dépend également de l’espèce animale considérée.
→ Aliment complémentaire naturel : c’est une matière première riche en micronutriments (acides gras essentiels, vitamines, minéraux ou acides aminés essentiels).
→ Aliment minéral et vitaminé : c’est un aliment complémentaire à plus de 40 % de minéraux (règlement CE 767/2009), formulé pour équilibrer une ration ménagère en vitamines et minéraux pour un animal donné. Par conséquent, il contient tous les micronutriments dont l’animal a besoin et ses teneurs sont contrôlées. Dans l’étude, ces aliments sont traités avec les rations ménagères afin de les distinguer des autres compléments alimentaires.
→ L’alimentation doit être abordée en consultation afin de détecter les erreurs ou les déséquilibres et les rectifier.
→ Croire que les croquettes sans céréales sont sans glucides et que celles avec des ingrédients d’origine animale sont de bonne qualité est une erreur fréquente.
→ Une idée erronée courante consiste à penser que les pâtées n’ont pas d’intérêt nutritionnel car elles sont “pleines d’eau” et favorisent l’apparition de tartre.
→ Les recettes de Barf qui circulent sur Internet sont souvent déséquilibrées en vitamines et minéraux.
→ Des conseils d’achat et de stockage des proies entières doivent être fournis pour prévenir tout risque sanitaire.