MÉDECINE INTERNE
Dossier
Auteur(s) : Antoine Dunié-Mérigot
Fonctions : (DESV, Dipl. ECVS)
CHV Languedocia
Service de chirurgie
395, rue Maurice Béjart
34080 Montpellier
Après la stabilisation de l’animal et le traitement médical des plaies, plusieurs options chirurgicales sont à considérer.
Lors de traumatisme thoracique pénétrant, la plaie cutanée représente souvent la partie émergée de l’iceberg. La gravité des lésions nécessite fréquemment une prise en charge en urgence. Selon les résultats des examens d’imagerie, le praticien doit être en mesure de prendre les bonnes décisions, qu’elles soient médicales ou chirurgicales(1). Il convient de prioriser certains actes et d’envisager une exploration chirurgicale dans de nombreux cas. La chirurgie est notamment indiquée lors de pneumothorax avec perte de vide pleural. Sa réalisation passe par certains gestes techniques à connaître.
À l’admission d’un animal avec une plaie pénétrante thoracique, l’urgence est de le stabiliser, avant de s’occuper de la lésion elle-même. Un examen clinique doit être réalisé avec en priorité une évaluation respiratoire et cardiovasculaire (couleur des muqueuses, temps de recoloration capillaire, auscultation, pouls). La détection de troubles tels qu’une dyspnée ou une discordance permet de déterminer si la fonction respiratoire est affectée, notamment en présence d’un volet costal(2).
Il est aussi important de vérifier l’existence d’autres lésions (fractures de membre et du rachis), fréquentes dans ce contexte.
L’animal est placé sous oxygène en cas de détresse respiratoire. Une sonde nasale à oxygène est utilisée chez les animaux de plus de 10 à 15 kg. La cage à oxygène représente également un bon moyen d’oxygénation. Ces deux techniques permettent d’obtenir une fraction inspirée en oxygène (FiO2) de 40 à 60 % et de 60 à 80 %, respectivement.
Une réanimation (cristalloïdes/colloïdes) doit être mise en place rapidement, ainsi qu’une analgésie.
L’examen de la ou des plaies a lieu une fois ces gestes effectués et l’animal stabilisé. La taille des plaies cutanées par morsure, par empalement ou par balle n’est pas corrélée au grade des dégâts tissulaires ou profonds [4]. Souvent, seule une effraction cutanée de 1 à 2 mm est détectée, plusieurs dans le cas d’une morsure. Sous la plaie ou en périphérie, les tissus apparaissent souvent écrasés, avulsés, déchirés (muscles intercostaux), fracturés (côtes, vertèbre, sternum), avec un certain degré d’espace mort et de contamination bactérienne. Il est donc important de savoir si la plaie est superficielle, profonde ou pénétrante, via une manipulation délicate de la peau ou par une exploration sous-cutanée à l’aide d’un clamp stérile sous sédation.
Depuis quelques années, un score de triage (Animal Trauma Triage score, ATT) est utilisé pour grader la sévérité de l’atteinte chez l’animal. Il va de 0 à 18, au sein de six catégories (perfusion, cardiaque, respiratoire, neurologique, squelette, peau/yeux/muscles) notées de 0 à 3 selon la gravité. Ce score permet de prédire la survie à sept jours : chaque augmentation de 1 point diminue les chances de survie de 2,3. Ainsi, un score supérieur à 7 chez un chien qui présente une fracture de côtes est associé à un pronostic sombre, avec une sensibilité de 88 % et une spécificité de 81 % [9]. De même, au-delà de 7, ce score est également utilisé pour estimer le taux de mortalité lors de traumatisme crânien chez le chien, avec une sensibilité de 85 % et une spécificité de 64 %.
Les traumatismes pénétrants du thorax nécessitent le plus souvent une prise en charge chirurgicale. Les lésions cutanées ne sont pas corrélées aux lésions internes [1, 12]. De plus, les traumatismes pénétrants thoraciques sont la plupart du temps associés à un pneumothorax. Dès qu’il existe une communication entre la cavité thoracique et l’extérieur, la chirurgie s’impose. Selon certaines études sur les lésions par morsure, un traitement chirurgical est indiqué face à une plaie pénétrante et/ou en présence de trois lésions visualisées à l’examen radiographique(1) [1]. Idéalement, l’anesthésie doit être induite au moyen d’un ventilateur mécanique et un monitorage complet est nécessaire (oxymétrie, capnographie, électrocardiogramme, température et pression artérielle). Ces mesures sont essentielles dans le cadre de la chirurgie thoracique.
Une intervention chirurgicale est indiquée pour permettre :
– de traiter la plaie cutanée (exploration de son étendue et de celle du décollement sous-cutané, débridement des tissus nécrosés ou présentant des contusions) ;
– de traiter les lésions (retrait d’un éventuel corps étranger, réalisation d’une lobectomie si un ou plusieurs lobes pulmonaires sont perforés ou endommagés de manière irréversible, réparation d’une hernie diaphragmatique, d’éventuelles brèches trachéales ou perforations œsophagiennes) [1, 3, 5, 6, 7] ;
– de diminuer la contamination bactérienne (via l’irrigation de la plaie et des tissus sous-cutanés) ;
– de reconstruire la paroi thoracique (sutures musculaires intercostales, transposition du muscle grand dorsal, avancement diaphragmatique, réalignement ou exérèse des côtes mobiles, etc.) ;
– de drainer (pose d’un drain thoracique, voire d’un ou plusieurs drains sous-cutanés lors de décollement de la peau).
Des thérapies par un système d’aspiration continue telles que le vaccum assisted closure (VAC), qui permettent la mise sous pression négative d’une plaie, ont donné de bons résultats chez un chien victime d’une morsure au thorax [10].
Lors de traumatismes pénétrants thoraciques, l’exploration chirurgicale est souvent réalisée à partir d’une plaie de taille modérée (photo 1a). Après le parage et l’agrandissement de la plaie, les lésions profondes peuvent apparaître beaucoup plus graves qu’attendu. La déchirure des muscles intercostaux est ainsi très fréquente (photo 1b). Une fois la paroi inspectée pour vérifier l’absence d’autres atteintes, les lobes pulmonaires doivent faire l’objet d’une recherche de contusions, de déchirures ou de perforations.
Après une inspection visuelle, le test dit “de la chambre à air” est effectué. Il s’agit d’immerger la cavité thoracique dans du NaCl à 0,9 % et de ventiler jusqu’à une pression normale de 20 cm d’H2O. Cela permet de mettre en évidence d’éventuelles brèches pulmonaires (perforation/ lacération) via la présence de bulles. En cas de lacération, de perforation, ou de nécrose pulmonaire, une lobectomie doit être entreprise, puis le test d’immersion est répété afin de s’assurer qu’aucune fuite d’air ne subsiste sur la zone de section ou ailleurs. Un lavage thoracique peut être réalisé par la suite (immersion et aspiration de la cavité thoracique avec du NaCl à 0,9 % tiédi), dans le but de diminuer la charge bactérienne éventuelle.
Les muscles intercostaux sont suturés au moyen de plusieurs sutures circumcostales avec un fil monofilament résorbable lent (figure 1). Il est primordial de rapprocher les muscles, sans tension excessive. Une anesthésie locale de type bloc intercostal est parfois utile pour limiter la douleur postopératoire. Elle peut également être réalisée en début d’intervention, après le lavage-débridement des tissus contaminés ou nécrotiques.
Pour finir, le reste de la musculature (scalène, dentelé ventral, oblique externe) et le muscle grand dorsal sont repositionnés et suturés, ainsi que la peau. Un drain thoracique doit être mis en place, au moins pendant les 24 premières heures. Un drain sous-cutané passif (Penrose) ou actif (Jackson-Pratt) peut se révéler nécessaire en cas de décollement sous-cutané important (lors de morsure, notamment).
La plupart des cas de fracture de côtes peuvent être traités de manière conservatrice avec un repos en cage durant trois à quatre semaines, des antalgiques, voire un bandage en veillant toutefois à ne pas restreindre la capacité d’expansion thoracique.
Cependant, si une côte fracturée présente un déplacement important ou susceptible de compromettre l’intégrité d’un organe, une ou plusieurs sutures circumcostales peuvent être réalisées (autour des côtes) à l’aide d’un fil résorbable monofilament. La côte ou les côtes non fracturées adjacentes jouent alors le rôle d’attelles naturelles. Lors de volet costal grave, une stabilisation par contention externe est parfois nécessaire (figure 2). Ce volet, ainsi qu’une côte qui lui est craniale et une autre qui lui est caudale, sont suturés à un cadre rigide, en passant de manière percutanée les sutures autour des côtes (de préférence avec du fil non résorbable). Ce cadre peut être réalisé en résine. Il permet ainsi au volet costal de suivre les mouvements respiratoires. Il est laissé en place au moins deux semaines afin de favoriser la formation d’un tissu fibreux.
En revanche, la mise en place d’une plaque d’acrylate, ou d’un cerclage, n’a pas montré de bénéfice chez le chien et le chat [4].
Dans certains cas de traumatisme pénétrant du thorax, des pertes musculaires ou de la paroi thoracique sont observées. Deux techniques, utilisant des tissus biologiques autologues, permettent alors d’aider à refermer le thorax de manière étanche.
→ La transposition du muscle grand dorsal (figure 3) : le principe est de détacher le muscle grand dorsal de son attache dorsale sur les processus épineux des vertèbres thoraciques caudales et lombaires, afin de le mobiliser cranio-ventralement et de colmater une brèche thoracique éventuelle. Le muscle est suturé aux tissus environnants au moyen de fil résorbable monofilament.
→ L’avancement diaphragmatique (figure 4) : il est indiqué lorsque la partie caudale de la paroi thoracique est compromise et qu’aucune étanchéité n’est possible (muscles intercostaux et grand dorsal lésés) (photo 2a). Parfois, cette technique est plus simple et moins délétère que la transposition du grand dorsal, par exemple lorsque les trois dernières côtes seulement sont touchées et que le diaphragme est déjà attaché. Elle consiste à détacher le diaphragme partiellement ou totalement sur l’hémithorax concerné. Il est ensuite transposé cranialement en le fixant à une côte normale par des sutures circumcostales (photos 2b et 2c). Cette option doit être connue, mais elle reste rare en pratique dans le cas d’un traumatisme pénétrant du thorax, car elle n’est souvent pas nécessaire.
Des mèches de polypropylène peuvent également être utilisées. Cependant, elles confèrent une étanchéité relative et ne sont pas recommandées en milieu contaminé, notamment lors de morsures.
Le pronostic d’une plaie thoracique perforante reste globalement bon si une prise en charge médicale et chirurgicale adéquate est assurée.
Le taux de survie lors de plaie pénétrante du thorax est de 87 %, selon une étude [11]. Pour les cas de traumatismes par morsure, les taux de mortalité oscillent entre 15,4 et 22 % chez le chat [1, 3, 13]. Pour les lésions d’empalement, le taux de survie après une thoracotomie est de 93 % chez le chien [8]. Pour les blessures par balle de haut calibre et haute vélocité, il est beaucoup plus faible (31 à 54 %) [2]. Le score ATT reste un bon outil pronostique dès l’admission, sachant qu’un score supérieur à 7 est sensible à 88 % et spécifique à 81 % [9].
Les traumatismes pleuraux peuvent également venir de l’intérieur. Ils font partie des plaies pénétrantes du thorax, bien qu’ils soient plus rares car souvent ignorés.
La cause principale est la migration d’un corps étranger digestif perforant, comme un os ou un hameçon resté bloqué dans l’œsophage et à l’origine d’une lacération ou d’une nécrose œsophagienne [14]. Un pic de brochette peut aussi stagner dans la lumière gastrique et induire une perforation gastrique, diaphragmatique, voire pulmonaire. Des signes de péritonite, de pleurésie, de pyothorax, de pneumothorax, ou d’abcès de paroi sont alors observés. Le traitement de ces plaies repose sur le retrait du corps étranger en cause via une gastrotomie et la réparation de la lésion gastrique, ou sur une thoracotomie pour réaliser une lobectomie pulmonaire, un lavage thoracique, la pose d’un drain thoracique, la réparation des brèches œsophagiennes si nécessaire, etc.
Dans le cas du pic de brochette, le pronostic est généralement favorable.
Les plaies pénétrantes du thorax doivent être stabilisées médicalement. La chirurgie est souvent indispensable et doit être mise en œuvre rapidement, notamment si un pneumothorax est présent. L’anesthésie nécessite la mise en place d’une ventilation assistée. De nombreuses techniques opératoires sont disponibles afin de gérer au mieux les brèches ou les pertes de substance dans la paroi thoracique. Le pronostic varie selon le type de lésion, avec des taux de survie qui vont de 46 à 93 %. Les plaies par balle sont associées à un taux de mortalité plus élevé.
(1) Voir l’article « Outils diagnostiques des plaies pénétrantes du thorax » dans ce dossier.
(2) Voir l’article « Étiologie des plaies pénétrantes du thorax » dans ce dossier.
Aucun.