NEUROLOGIE
Article de synthèse
Auteur(s) : Pierre Guigo*, Maureen Lazard**, Marine Lafarge***, Marion Fusellier****
Fonctions :
*Service d’imagerie médicale
**Service d’imagerie médicale
***Service de chirurgie
Oniris, Atlanpôle de La Chantrerie
44300 Nantes
****Service d’imagerie médicale
La spondylodiscite, bien connue chez le chien, est rare chez le chat. Ce cas original illustre la prise en charge diagnostique et thérapeutique de cette affection.
Si la spondylodiscite est une affection du rachis bien documentée et relativement répandue chez le chien, elle est en revanche rarissime chez le chat. Face au faible nombre de cas décrits, la conduite diagnostique et thérapeutique ne fait pas l’objet d’un consensus. Néanmoins, elle peut être adaptée au chat, d’après la prise en charge connue dans l’espèce canine, selon plusieurs critères.
Une chatte maine coon stérilisée, âgée de 10 ans, est référée pour l’exploration d’une ataxie et d’une faiblesse des membres pelviens évoluant depuis trois semaines (photo 1). Elle est correctement vaccinée, régulièrement vermifugée et traitée contre les parasites externes.
À la suite d’une première consultation chez le vétérinaire traitant pour une ataxie des membres pelviens apparue une semaine plus tôt après un traumatisme (bagarre avec un autre chat), un traitement à base d’anti-inflammatoires non stéroïdiens et stéroïdiens, administrés simultanément par voie injectable (méloxicam et dexaméthasone, posologies non renseignées), a permis le retour à une démarche normale. Les signes récidivent deux semaines plus tard et l’animal est référé le lendemain de la consultation de contrôle. Aucun examen complémentaire n’est réalisé avant sa présentation.
L’examen clinique révèle un animal en bon état général, avec un indice de condition corporelle évalué à 5 sur 9. La température rectale est de 38,2 °C. L’examen orthopédique met en évidence une posture voussée, une parésie non ambulatoire des membres pelviens, ainsi qu’une chaleur et une vive douleur à la palpation du rachis entre les vertèbres T13 et L2. L’examen neurologique révèle un placer proprioceptif normal aux quatre membres et des placers tactile et visuel diminués aux membres pelviens. Les réflexes médullaires sont normaux, les sensibilités superficielle et profonde sont conservées aux quatre membres et l’examen des nerfs crâniens ne montre aucune anomalie.
Les données cliniques et anamnestiques sont évocatrices d’une atteinte neurologique médullaire chronique progressive, de type motoneurone central des membres pelviens, avec une neurolocalisation en T3-L3, qui évolue depuis trois semaines sans répercussion sur l’état général. Les causes des atteintes médullaires sont diverses (tableau 1). Les principales hypothèses envisagées à partir de l’examen clinique et de l’évolution progressive des signes, dans un contexte initialement traumatique, sont une contusion ou un œdème médullaire, une fracture ou une luxation vertébrale, une hernie discale, une méningomyélite (infectieuse), une spondylodiscite, ou encore un processus tumoral extradural ou intradural.
Compte tenu des hypothèses avancées, une exploration du rachis est réalisée par imagerie.
Une radiographie sans préparation du rachis thoraco-lombaire est effectuée, en vue de profil (photo 2). Elle met en évidence une spondylose des vertèbres T9 à L2. L’espace intervertébral, ainsi que le foramen intervertébral entre L1 et L2 sont réduits et les plateaux vertébraux concernés présentent un contour irrégulier. Une perte d’opacité minérale, au niveau de l’aspect ventral des plateaux vertébraux, est observée. Elle est centrée sur l’espace intervertébral L1-L2 et associée à une sclérose médullaire. Ces images sont compatibles avec un processus inflammatoire ou infectieux de type spondylodiscite de l’espace intervertébral L1-L2.
Afin d’évaluer l’extension des lésions aux tissus mous adjacents à la lésion (moelle épinière, émergences nerveuses, méninges, muscles paralombaires), un examen d’imagerie en coupe par résonance magnétique est proposé. Le bilan sanguin préanesthésique ne révélant pas d’anomalie notable (tableau 2), un examen d’IRM du rachis thoraco-lombaire est réalisé sous anesthésie générale, dans les trois plans, en pondération T1, T2 et T2 Stir(1). Une séquence en T1, après l’injection intraveineuse d’un produit de contraste à base de gadolinium, est effectuée dans le plan sagittal uniquement, en raison de la durée de l’anesthésie. Au niveau de l’espace intervertébral L1-L2, une lyse complète du disque intervertébral est observée, associée à une lyse des plateaux vertébraux adjacents, avec la présence d’un foyer infectieux central néovascularisé. Les lésions hypointenses des plateaux vertébraux, visibles en T1 et T2 et rehaussant après l’injection du produit de contraste, suggèrent l’existence d’un infiltrat inflammatoire au sein de l’os spongieux, de part et d’autre de l’espace intervertébral L1-L2, ce qui est confirmé par la séquence Stir. Un pontage lisse en face ventrale est également visualisé. Un foyer péridural en hypersignal T2, prenant fortement le produit de contraste, est à l’origine d’une compression médullaire modérée et d’un hypersignal médullaire minime. La prise de contraste péridurale s’étend jusqu’en regard de L4.
L’examen révèle également un hypersignal musculaire en T2, de part et d’autre du foyer lésionnel, en région paralombaire. Un second foyer bien délimité de 3 cm de long (non exploré en T1) est décelé dans le muscle long du dos à gauche de L4, avec au centre un petit foyer en hyposignal (photos 3a à 3f).
Ces images sont fortement évocatrices d’une spondylodiscite centrée sur l’espace intervertébral L1-L2 et associée à un empyème. La lésion observée à gauche de L4 est en faveur d’un abcès, avec la présence éventuelle d’un corps étranger.
L’échographie de l’espace intervertébral L1-L2 montre une hypoéchogénicité marquée entre L1 et L2 au niveau du disque intervertébral, une irrégularité des plateaux vertébraux adjacents et, ventralement, une ostéoprolifération lisse. Les tissus mous périphériques apparaissent hypoéchogènes. Ces images renforcent la suspicion d’un processus inflammatoire centré sur l’espace intervertébral L1-L2.
L’examen des muscles paralombaires gauches adjacents à la vertèbre L4 dévoile une zone mal définie, hyperéchogène et hétérogène avec une perte de la structure musculaire fibrillaire. Ces images sont compatibles avec une atteinte inflammatoire chronique de ces muscles, ou avec une fibrose, sans visualisation de signes pouvant évoquer la présence d’un corps étranger (photos 4a à 4c). En raison de la localisation de la lésion, proche de l’insertion du diaphragme et de l’aorte, la ponction échoguidée du matériel intervertébral, en vue d’une analyse cytologique et microbiologique, n’est pas réalisée.
Le diagnostic est celui d’une spondylodiscite centrée sur l’espace intervertébral L1-L2. La recherche d’un foyer infectieux primitif n’est pas entreprise. En effet, le contexte anamnestique et les lésions des tissus mous adjacents rendent l’hypothèse d’une contamination bactérienne par voie transcutanée très probable (morsure, par exemple). Une analyse du liquide cérébrospinal, un prélèvement de la lésion musculaire pour l’analyse bactériologique, une analyse d’urine, une numération formule sanguine, une hémoculture, une échographie abdominale, une échocardiographie et des radiographies thoraciques auraient pu compléter l’exploration d’un foyer infectieux primaire et la caractérisation de l’agent infectieux impliqué.
Compte tenu de l’impossibilité d’obtenir un prélèvement pour une analyse bactériologique et un antibiogramme, une antibiothérapie à large spectre est instaurée, avec une bonne diffusion tissulaire (amoxicilline et acide clavulanique à la dose de 25 mg/kg toutes les 12 heures pendant un mois). L’association d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (méloxicam à la posologie de 0,05 mg/kg toutes les 24 heures) et d’un opioïde (tramadol à raison de 4 mg/kg toutes les 12 heures) est également prescrite pendant 15 jours en cas de douleur.
Deux jours après la mise en place du traitement, l’animal est de nouveau ambulatoire et ne présente plus de douleur à la manipulation du rachis. Deux mois plus tard, l’état clinique de la chatte est stable. Le contrôle des lésions par imagerie est décliné par les propriétaires.
Chez le chat, les affections des disques intervertébraux sont peu décrites par comparaison avec celles qui touchent le chien et l’homme. Cela peut être corrélé à leur faible prévalence, entre 0,02 et 0,12 % chez le chat versus plus de 2 % chez le chien [12]. Les spondylodiscites félines sont donc anecdotiques. Ainsi, seuls six cas cliniques ont fait l’objet d’une publication jusqu’à présent [1, 10, 15, 16, 17, 23]. Deux autres suspicions sont rapportées dans une série de cas chez des chats souffrant d’affections de la colonne vertébrale, et treize cas sont décrits dans une série récente qui détaille les caractéristiques de la spondylodiscite féline à l’imagerie [8, 7] (encadré).
Dans la plupart des cas observés chez le chien, la spondylodiscite est la conséquence d’une dissémination hématogène d’un foyer infectieux primaire jusqu’à la vascularisation métaphysaire et épiphysaire vertébrale, avec une extension secondaire au disque intervertébral [12]. En effet, les plateaux vertébraux comportent des réseaux capillaires qui permettent une réduction de la vitesse du flux sanguin, donc une meilleure diffusion des nutriments au noyau pulpeux des disques intervertébraux via des pores situés à la surface des plateaux vertébraux. Ces pores permettent également le passage des agents pathogènes dans le disque intervertébral lors de la dissémination hématogène. De plus, le cas échéant, la faible vascularisation du disque intervertébral participe à l’entretien de son infection [17]. Le foyer infectieux primaire intéresse le plus souvent l’appareil urogénital, la cavité orale, les valves cardiaques ou la peau [22]. Ainsi, des cystites, des prostatites, des pyodermites ou encore des otites peuvent être à l’origine d’une bactériémie transitoire et sont impliquées dans 68 % des cas de spondylodiscite canines [4]. Il existe également des formes de spondylodiscite secondaires à des aspergilloses disséminées, en particulier chez le berger allemand en raison d’une anomalie héréditaire de la réponse immunitaire humorale et cellulaire suspectée chez cette race [2]. Cependant, il est fréquent qu’aucune infection concomitante ne soit identifiée au moment du diagnostic. Plusieurs cas de spondylodiscite chez le chat sont corrélés à l’existence d’un foyer infectieux (pyélonéphrite, bronchopneumonie, infection après une castration) probablement à l’origine de la maladie [15, 17, 23].
Les spondylodiscites d’origine iatrogène sont occasionnellement décrites chez le chien et peuvent être secondaires à une chirurgie du rachis. Les autres causes possibles sont une plaie pénétrante, un abcès des tissus adjacents, la migration d’un corps étranger (certaines graminées, par exemple) ou de parasites [12, 17]. Les corps étrangers migrants proviennent soit de l’appareil respiratoire (par inhalation puis migration à travers les poumons et le long du diaphragme jusqu’à son insertion entre les vertèbres lombaires L2 et L4), soit de l’appareil digestif (par ingestion puis migration jusque dans le mésentère et la zone thoraco-lombaire), soit d’une effraction cutanée (le long des aponévroses de la musculature abdominale ou épiaxiale jusqu’à la colonne vertébrale axiale) [12]. Chez le chat, les abcès à la base de la queue et autres plaies par effraction cutanée peuvent avoir pour conséquence l’inoculation directe de bactéries à l’origine d’une spondylodiscite, d’une méningite et des signes d’une myélopathie lombosacrée [5].
Le premier signe clinique observé chez le chien est une douleur qui peut être cervicale ou dorsale, selon la localisation de la lésion. Dans la moitié des cas de spondylodiscite, des troubles neurologiques sont observés, tels qu’une ataxie ou une parésie, des déficits posturaux, une augmentation ou une diminution des réflexes médullaires suivant la neurolocalisation de la lésion [12]. La présence éventuelle de proliférations osseuses anormales, d’empyème, de méningite ou de myélite focale, de subluxation ou encore de fracture pathologique contribue aux signes cliniques constatés [7]. Une paraplégie et une tétraplégie surviennent rarement. La jonction lombosacrée est la plus fréquemment touchée, mais les régions cervicale caudale, mi-thoracique et thoraco-lombaire sont aussi affectées [20]. Dans 40 % des cas, les atteintes de spondylodiscite sont multiples [4]. Les signes de myélopathie apparaissent lors d’une compression de la moelle épinière ou des racines nerveuses par la prolifération des tissus mous ou des structures osseuses adjacentes, une subluxation vertébrale secondaire, ou un abcès péridural [17]. Des signes non spécifiques, en lien avec l’infection, sont notés dans environ 30 % des cas : un abattement, une hyperthermie, une anorexie éventuellement associée à une perte de poids [17]. La présentation n’est pas toujours aiguë, car les signes peuvent être intermittents, frustes, et évoluer sur de longues périodes avant que le diagnostic ne soit établi.
Bien que plus rares chez le chat que chez le chien, les spondylodiscites entraînent des signes similaires dans cette espèce. De même, l’absence d’hyperthermie ne permet pas d’exclure une spondylodiscite, comme le montrent deux cas décrits [17, 23]. En outre, un historique de traumatisme peut être rapporté, comme une plaie de morsure adjacente au rachis. Cela illustre l’importance de rechercher, lors de l’examen clinique, des plaies de bagarre ou des abcès, relativement fréquents mais parfois difficiles à mettre en évidence [17]. Comme chez le chien, la jonction lombosacrée est la plus fréquemment touchée et représente près de la moitié des cas de spondylodiscite féline décrits [7]. Les chats semblent plus résistants aux ostéomyélites vertébrales et aux spondylodiscites que les chiens, ce qui peut s’expliquer par des différences spécifiques relatives aux voies de contamination [19].
Une étude récente, fondée sur une série de treize cas de spondylodiscite féline, détaille les caractéristiques de cette affection dans le cadre d’examens radiographiques, tomodensitométriques et par imagerie par résonance magnétique. Les critères décrits sont similaires à ceux observés chez le chien [7].
L’examen radiographique sans préparation est un examen complémentaire de première intention dans l’exploration des affections du rachis chez les carnivores domestiques. Les principales modifications radiographiques générées par une spondylodiscite sont un rétrécissement, voire un collapsus de l’espace intervertébral, ainsi qu’une perte de définition symétrique des plateaux vertébraux adjacents au disque infecté, avec l’apparition progressive de zones d’ostéolyse et de zones de sclérose de l’os sous-chondral des plateaux vertébraux. Ces deux caractéristiques sont retrouvées dans 80 % et 60 % des cas de spondylodiscite féline, respectivement [7]. Des lésions de prolifération osseuse peuvent être notées ventralement aux corps vertébraux (spondylosis deformans) et aux disques intervertébraux touchés. L’opacité des tissus mous adjacents est parfois augmentée. Enfin, une subluxation de la jonction lombosacrée est possible lors de spondylodiscite de l’espace L7-S1 [7]. Chez le chien, les modifications radiographiques apparaissent quelques semaines après la survenue des signes cliniques. Ainsi, d’autres méthodes d’imagerie sont souvent requises lors de stades peu avancés de spondylodiscite [20].
La myélographie et l’épidurographie viennent compléter l’examen radiographique pour évaluer les degrés de compression médullaire et d’instabilité vertébrale associées à une infection spinale. Désormais, elles sont largement supplantées par des techniques d’imagerie en coupe [12].
Le scanner présente un intérêt majeur dans le diagnostic des spondylodiscites puisqu’il permet de détecter des modifications osseuses à des stades plus précoces que la radiographie [7]. Les atteintes observées sont similaires aux lésions radiographiques et incluent notamment la lyse des plateaux et des corps vertébraux adjacents, la prolifération osseuse ventrale, ainsi que le rétrécissement, voire le collapsus de l’espace intervertébral atteint. L’injection intraveineuse d’un produit de contraste iodé favorise la mise en évidence de lésions dans l’espace péridural et au sein des tissus adjacents. Aucune étude ne documente la sensibilité et la spécificité de cette technique dans le diagnostic et le suivi du traitement des spondylodiscites chez les animaux de compagnie [20].
L’imagerie par résonance magnétique présente les meilleures sensibilité et spécificité dans l’exploration des affections médullaires inflammatoires et infectieuses, chez l’homme comme chez le chien. Depuis 1998, elle est utilisée pour le diagnostic des spondylodiscites canines [14]. Dans une série de 23 cas canins de spondylodiscite, dont 18 avec l’identification d’un agent infectieux, des lésions d’irrégularité et d’érosion des plateaux vertébraux sont systématiquement observées. Les modifications fréquemment notées sont un hypersignal en T2 de l’espace intervertébral, des hypersignaux multifocaux des plateaux vertébraux et des tissus mous paravertébraux isointenses à hyperintenses. En pondération T1, après l’injection du produit de contraste, les disques et les plateaux vertébraux sont souvent rehaussés, de façon hétérogène. Un hypersignal de la moelle épinière en T2 est rapporté, mais la présence et le type de ce signal, focal ou diffus, ne sont pas corrélés à la sévérité du score neurologique [9]. À l’examen d’IRM, les caractéristiques des lésions de spondylodiscite féline sont similaires à celles décrites chez le chien [7]. Cependant, chez ce dernier, un empyème est souvent présent dans l’espace péridural. À l’origine d’une compression médullaire, il apparaît hypointense à isointense en T1, et hyperintense en pondérations T2 et Stir [9]. L’atteinte de l’espace péridural et la compression de la moelle épinière ou des racines nerveuses n’ont été identifiées que sur cinq sites de spondylodiscite sur quatorze chez le chat [7].
L’échographie est occasionnellement utilisée pour le diagnostic des spondylodiscites chez le chien. L’abord échographique ventral des disques intervertébraux atteints permet d’identifier des pertes partielles ou totales de leur architecture. Les contours vertébraux hyperéchogènes deviennent irréguliers et sont parfois interrompus par la présence de foyers lytiques hypoéchogènes. L’examen échographique des vertèbres et des espaces intervertébraux, réalisé chez cinq chiens issus d’un groupe de dix âgés de moins de 6 mois et atteints de spondylodiscite, a révélé une perte de l’artefact de réverbération normalement observé en regard des disques intervertébraux sains, ainsi que la protrusion d’un matériel tissulaire hypoéchogène ventralement aux espaces intervertébraux atteints [13].
L’échographie des tissus paraspinaux est également utile, en complément des autres techniques, pour caractériser les lésions et suivre la réponse au traitement. Elle peut montrer une augmentation du diamètre des muscles par rapport à la normale et identifier des abcès (cavités anéchogènes avec des particules ou des régions hyperéchogènes associées à un éventuel corps étranger).
La scintigraphie osseuse, avec l’utilisation de technétium, est très sensible pour détecter les remodelages osseux précoces et pour évaluer l’activité des lésions. Cette technique a été utilisée à plusieurs reprises, et avec succès, pour l’identification d’infections spinales ou paraspinales occultes [12].
L’identification des germes en cause est importante pour prévenir l’extension de l’infection dans les stades précoces et éviter, à terme, les répercussions sur les corps vertébraux (cyphose, fracture pathologique, subluxations). La grande variété des vecteurs infectieux (agents fongiques, bactéries aérobies et anaérobies dont des souches résistantes à certains antibiotiques) rend l’antibiothérapie probabiliste hasardeuse. Les biopsies chirurgicales et les cultures de germes représentent le gold standard mais sont rarement réalisables en pratique courante. Les cytoponctions échoguidées du matériel intervertébral sont plus faciles à mettre en œuvre. Elles permettent de drainer le foyer infectieux et de recueillir un échantillon pour les analyses cytologique et microbienne, sous réserve de l’accessibilité des lésions et de la prise en compte du risque de rupture d’abcès et de péritonite, le cas échéant [17]. L’accès est possible ventralement en régions cervicale, lombaire caudale et lombo-sacrée [13]. Des aspirations transcutanées des disques intervertébraux, assistées par fluoroscopie ou scanner, peuvent également être réalisées. Pour cela, après l’introduction d’une aiguille spinale jusqu’au foyer infectieux par voie latérale (disques cervicaux et lombaires) ou dorsale (disque lombo-sacré), l’injection d’une petite quantité de soluté stérile (0,3 à 0,5 ml), suivie de son aspiration immédiate, permet le recueil des échantillons nécessaires aux analyses [6].
La concomitance fréquente des infections de l’appareil urogénital autorise parfois l’isolement des germes en cause à partir d’une analyse d’urine, avec succès dans 29 % des cas d’après une étude [4]. Une hémoculture peut également être effectuée afin d’isoler l’agent pathogène circulant. Les germes les plus fréquemment isolés dans les cas de spondylodiscite chez le chien sont Staphylococcus intermedius, Streptococcus spp., Brucella canis et Escherichia coli [22]. Des agents fongiques sont occasionnellement identifiés (Aspergillus spp., Paecilomyces spp.) [2, 3]. Parmi les cas de spondylodiscite publiés chez le chat, deux rapportent l’isolement d’E. coli [1, 22], l’un dans les urines et l’autre dans le liquide cérébrospinal et le disque intervertébral à l’examen nécropsique. Un troisième mentionne l’isolement de Streptococcus canis, Actinomyces viscosus et E. coli dans un abcès paravertébral à l’examen nécropsique. Dans un quatrième cas, Enteroccocus spp. et Clostridium perfringens sont isolés dans les urines [17]. Enfin, dans les deux autres cas, le prélèvement de matériel discal à l’examen nécropsique du premier, et le prélèvement d’urines et de matériel discal échoguidé du second n’ont pas permis d’identifier l’agent infectieux [10, 16].
Le traitement de choix de la spondylodiscite repose sur une antibiothérapie ciblée contre l’agent infectieux impliqué, si possible sur la base d’une culture microbienne et d’un antibiogramme à partir d’un prélèvement effectué sur le foyer infectieux primaire [12]. En attendant les résultats de l’antibiogramme, une antibiothérapie probabiliste doit être dirigée contre les bactéries les plus fréquemment rencontrées (Staphylococcus spp., Streptococcus spp., E. coli). Ainsi, les antibiotiques bactéricides, actifs contre les bactéries Gram positif et Gram négatif, qui présentent en outre une bonne diffusion dans le tissu osseux, sont les molécules de choix pour le traitement médical [17]. À titre d’exemple, une antibiothérapie probabiliste à base de céphalosporines de première génération (céfalexine), de pénicillines bêta-lactamases résistantes (amoxicilline et acide clavulanique) ou de macrolides (clindamycine) peut être instaurée. Les doses utilisées sont supérieures à celles habituellement considérées (amoxicilline et acide clavulanique à 25 mg/kg deux fois par jour, clindamycine à 11 mg/kg deux fois par jour). Une administration par voie intraveineuse pendant trois à cinq jours est à privilégier pour l’initiation du traitement lors de sepsis ou de troubles neurologiques sévères. Chez le chien, le traitement dure le plus souvent entre six et huit semaines. L’antibiothérapie doit être poursuivie jusqu’à la disparition des signes radiographiques (absence de zones d’ostéolyse et pontage des vertèbres adjacentes au disque atteint) [4]. Une phase de progression des lésions radiographiques, qui peut durer jusqu’à trois à neuf semaines malgré une antibiothérapie adaptée, illustre l’importance de poursuivre le traitement au-delà de la rémission clinique [21]. Dans le cas d’une infection fongique, le fluconazole (à la dose de 10 mg/kg une fois par jour) est recommandé jusqu’à deux mois après la résolution des symptômes. Un suivi clinique et radiographique régulier est conseillé pour adapter le traitement. Certains auteurs utilisent le scanner pour suivre la réponse à l’antibiothérapie. Il n’existe pas de donnée publiée faisant état d’une meilleure méthode pour décider de l’arrêt du traitement [20]. La gestion de la douleur est un élément important de la gestion médicale. Elle peut être réalisée au moyen d’anti-inflammatoires non stéroïdiens et d’opioïdes. Une amélioration des signes cliniques est attendue dans les trois à cinq jours suivant la mise en place du traitement. En cas d’échec de ce dernier, un corps étranger persistant, une infection fongique ou des résistances bactériennes doivent être recherchées. Un traitement chirurgical peut se révéler nécessaire lors de fracture vertébrale pathologique ou de compression médullaire importante [18].
Des mesures hygiéniques doivent être instaurées, notamment avec un repos strict en cage, en particulier lors de risque de fracture pathologique. La durée du repos à préconiser n’est pas déterminée chez le chien, ni chez le chat [12].
Le pronostic de la spondylodiscite varie selon la cause et la gravité de la maladie. Il est favorable sous réserve d’un traitement médical approprié. Il devient réservé lors de déficits neurologiques associés [17]. Chez le chien, les spondylodiscites dues à des agents fongiques ou à Brucella canis sont liées à un pronostic plus sombre en raison de la possible récurrence des signes malgré un traitement adéquat [11]. De plus, la brucellose, une maladie contagieuse chez les animaux d’élevage, présente un risque zoonotique. Ainsi, malgré sa faible prévalence, la brucellose devrait être systématiquement recherchée par sérologie ou réaction en chaîne par polymérase (PCR) chez tous les chiens atteints de spondylodiscite [12].
Bien que très rare chez le chat, la spondylodiscite est une affection du rachis qui doit faire partie du diagnostic différentiel des dorsalgies et des atteintes médullaires compressives dans cette espèce. L’IRM représente l’examen complémentaire de choix pour le diagnostic de cette affection. À défaut, le rétrécissement d’un espace intervertébral objectivé à la radiographie du rachis, associé à une irrégularité des plateaux vertébraux adjacents, doit être considéré comme fortement évocateur d’une spondylodiscite.
Aucun.
• Épiphysite vertébrale : infection centrée sur l’épiphyse de la vertèbre sans infection du disque adjacent.
• Spondylite ou ostéomyélite vertébrale : infection du corps vertébral.
• Discite : infection du disque intervertébral seul.
• Spondylodiscite ou discospondylite : infection des plateaux vertébraux cartilagineux avec atteinte secondaire du disque intervertébral.
• Empyème spinal péridural : processus septique suppuratif au sein de l’espace péridural du canal vertébral avec accumulation d’un contenu purulent.
• Infections paraspinales : infections des tissus mous et des muscles adjacents au rachis parfois consécutives aux affections précédemment citées.
D’après [12].
→ La spondylodiscite est une affection relativement répandue chez le chien, mais très rare chez le chat.
→ Comme chez le chien, la dissémination hématogène d’un foyer infectieux primitif peut provoquer une spondylodiscite chez le chat.
→ L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet de mettre en évidence des atteintes de l’espace intervertébral, de la moelle épinière et des tissus mous paravertébraux associées à une spondylodiscite.
→ L’isolement et l’identification de l’agent infectieux en cause précèdent la mise en place d’un traitement spécifique adapté.
→ Le pronostic varie selon la gravité des lésions osseuses et la présence de signes nerveux associés.