Les vaccins disponibles chez le chat - Le Point Vétérinaire n° 404 du 01/04/2020
Le Point Vétérinaire n° 404 du 01/04/2020

VACCINATION

Dossier

Auteur(s) : Séverine Boullier

Fonctions : École nationale vétérinaire
de Toulouse
23, chemin des Capelles
31300 Toulouse
s.boullier@envt.fr

Une vaccination raisonnée débute par une parfaite connaissance des affections ciblées, passe par une maîtrise optimale de l’utilisation des vaccins disponibles et se termine par une information claire des propriétaires.

Une enquête récente de l’Observatoire national de la vaccination du Syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (SIMV) montre qu’un peu moins d’un quart des chats français sont vaccinés contre le typhus et le coryza, deux valences pourtant considérées comme essentielles pour cette espèce (1).

Il est donc nécessaire de sensibiliser les propriétaires à l’importance de cet acte médical, dans un contexte actuel de défiance. Pour atteindre cet objectif, il faut pratiquer une vaccination raisonnée, associée à une information claire sur la balance bénéfice/risque. La première étape passe par une connaissance des caractéristiques et de l’immunogénicité des vaccins disponibles, en lien avec la physiopathologie des infections ciblées (photo 1).

1 Types de vaccins et immunogénicité

Bien qu’il existe peu de maladies infectieuses contre lesquelles un vaccin soit disponible chez le chat, la nature des vaccins proposés est assez diverse (figure 1).

Les vaccins vivants

Les vaccins vivants sont issus de l’agent pathogène sauvage, qui est atténué in vitro par différents procédés. Cette atténuation cible les facteurs de virulence et minimise ou annule ainsi l’expression du pouvoir pathogène. En revanche, elle permet à la souche vaccinale de garder son pouvoir réplicatif, qui mime ainsi une infection naturelle. Ces vaccins stimulent une réponse qualifiée de complète, avec une activation des réponses à médiation cellulaire et à médiation humorale. Ils sont souvent très immunogènes et génèrent une réponse de longue durée. Cependant, selon les agents pathogènes ciblés, le protocole vaccinal peut varier. Dans tous les cas, les vaccins vivants sont neutralisés par les anticorps d’origine maternelle.

Les vaccins vectorisés

L’objectif de cette stratégie vaccinale est de faire exprimer un ou plusieurs antigènes issus de l’agent pathogène dans un vecteur non pathogène. Chez le chat, le vecteur vaccinal est un poxvirus aviaire. Non pathogène pour les félins, il ne peut pas se répliquer chez cette espèce [9]. En revanche, ce vecteur viral infecte les cellules cibles et débute son cycle d’infection, ce qui permet l’expression des antigènes vaccinaux dans les cellules infectées. Le cycle réplicatif est dit abortif, c’est-à-dire que la formation de nouveaux virus vaccinaux à partir des premières cellules infectées ne peut avoir lieu. Ces vaccins miment les étapes précoces de l’infection par l’agent pathogène et génèrent une réponse immunitaire cellulaire de phénotype Th-1. Ils sont moins immunogènes que les vaccins vivants. Les protocoles vaccinaux dépendent des antigènes exprimés et des maladies ciblées.

Les vaccins inertes, inactivés ou sous-unités

Les vaccins inertes sont, par définition, non réplicatifs. Ils peuvent être produits à partir de l’agent pathogène entier (vaccins inactivés) ou à partir d’antigènes issus de l’agent pathogène (vaccins sous-unités).

Pour les vaccins inactivés, le système immunitaire reconnaît principalement les antigènes de surface de l’agent pathogène. La réponse induite est alors humorale, avec la production d’anticorps polyclonaux.

Pour les vaccins sous-unités, les anticorps cibles issus de l’agent pathogène sont produits et purifiés in vitro. Ces vaccins activent une réponse humorale dirigée uniquement contre les antigènes présents dans le vaccin.

De façon générale, les vaccins inertes induisent uniquement une réponse humorale et sont peu immunogènes. Ils sont souvent adjuvés pour améliorer leur immunogénicité.

Les adjuvants

De nombreuses formulations vaccinales sont intrinsèquement peu immunogènes. L’ajout d’adjuvants est nécessaire pour améliorer la qualité de la réponse immunitaire induite. La nature des adjuvants et leurs propriétés immunologiques sont très variées. Cependant, ils ont tous en commun d’activer la réponse inflammatoire, première étape de la mise en place de la réponse spécifique [2].

Certains adjuvants peuvent aussi agir directement sur l’orientation de la réponse spécifique, en améliorant la synthèse d’anticorps ou en stimulant la mise en place d’une réponse à médiation cellulaire Th-1.

Ainsi, l’utilisation des adjuvants permet de diminuer le nombre d’injections nécessaires pour les primovaccinations, d’améliorer la qualité de la réponse immunitaire et la durée de la réponse mémoire et, dans certains cas, d’orienter la réponse immunitaire vers le profil voulu (figure 2).

Chez le chat, les principaux adjuvants présents dans les vaccins sont :

- les sels d’aluminium, qui favorisent la prise en charge de l’antigène par les cellules présentatrices d’antigène (CPA) et augmentent le taux d’anticorps synthétisés ;

- les carbomères, qui ont un effet dépôt local et augmentent la réponse humorale pro-Th-1 [4] ;

- les dérivés de la saponine (Quillaja saponaria), connus pour induire une forte réponse à médiation cellulaire [11].

2 Vaccins contre la panleucopénie

La panleucopénie, ou typhus du chat, est due au parvovirus félin. La contamination peut se faire par contact direct à partir de chats excréteurs, ou par contact indirect, ce virus étant très résistant dans le milieu extérieur [12]. Compte tenu du risque infectieux, tous les chats doivent être correctement vaccinés contre la panleucopénie : c’est une valence essentielle. À l’exception d’une présentation (Fevaxyn® Pentofel), tous les vaccins disponibles sont vivants atténués. Pour ceux-ci, une seule injection de primovaccination est suffisante si les anticorps d’origine maternelle ont disparu. En revanche, comme pour tous les vaccins vivants, ces derniers neutralisent la réplication vaccinale et bloquent la mise en place de la réponse spécifique. Même si peu d’études sont disponibles chez le chat, par analogie avec ce qui est montré pour la parvovirose canine, une dernière injection de primovaccination à 16 semaines ou au-delà est recommandée chez le chaton [7]. Après un protocole complet, qui inclut un rappel dans l’année qui suit la primovaccination, la durée d’immunité induite est longue. Il est donc possible de réaliser des rappels tous les trois ans.

La réponse vaccinale permet une protection clinique efficace, mais pas forcément une protection contre l’infection. Les chats vaccinés peuvent donc être excréteurs du virus (photo 2).

3 Vaccins contre le syndrome coryza

Les vaccins destinés à protéger contre le coryza contiennent les valences herpèsvirus (HVF) et calicivirus (FCV).

L’herpèsvirus, responsable de la rhinotrachéite infectieuse, est un virus à ADN stable génétiquement. Il se caractérise par sa capacité à entrer en latence quand la pression immunitaire est trop forte. La plupart des chats sont infectés très jeunes. Les vaccins disponibles ne protègent pas contre l’infection, mais la réponse induite maintient le virus en latence. Toute baisse de la pression immunitaire peut entraîner la sortie de cette latence, donc une reprise de la réplication virale responsable des signes cliniques [5]. Compte tenu de la forte prévalence de l’herpèsvirus, la vaccination est considérée comme essentielle. À l’exception d’un vaccin dans lequel il est inactivé, tous les autres vaccins disponibles sont vivants atténués.

Comme cette valence est toujours associée à la valence calicivirus (tableau 1), il est nécessaire d’adapter le protocole de vaccination selon les contraintes de chacune d’elles.

Le calicivirus est très résistant dans le milieu extérieur, la contamination peut donc avoir lieu par contact direct, mais aussi de façon indirecte. La calicivirose est enzootique et tous les chats, quel que soit leur mode de vie, sont à risque. La vaccination contre le calicivirus est donc également essentielle.

Le calicivirus est un virus génétiquement très variable. Des mutations aléatoires apparaissent à chaque cycle de réplication. Elles sont principalement localisées sur le gène qui code pour une portion immunodominante de la protéine de capside, cible de la réponse protectrice. Cette extrême variabilité permet au virus d’échapper à la réponse immunitaire. Les souches en circulation présentent donc une grande diversité [10].

Deux grands types de vaccins sont disponibles, les vivants et les atténués. Les vaccins vivants contiennent tous la même souche, la souche F9. Pour les inactivés, il existe une présentation avec une seule souche, la souche 255, et une autre qui combine deux souches, G1 et 431.

La réponse vaccinale induite par les deux types de vaccins n’aura pas le même profil et les protéines de capside reconnues seront différentes. Le spectre de reconnaissance et de protection différera donc probablement selon les vaccins. Au vu de la diversité des souches de calicivirus qui circulent, seules des études épidémiologiques peuvent fournir des indications sur le niveau de protection procuré par chacune d’elles. Une étude multicentrique récente, réalisée dans plusieurs pays européens, montre que les vaccins F9 induisent des anticorps capables de neutraliser in vitro 97 % des souches de terrain [1]. D’après une autre étude, menée en Suède, la combinaison des deux souches G1 et 431 permet d’obtenir une neutralisation in vitro de 73 % des souches sélectionnées à partir de chats infectés par le calicivirus et malades [13]. Dans cette étude, la neutralisation des souches virales par les anticorps spécifiques de la souche F9 est très basse. Les résultats sont donc très différents d’une étude à l’autre et il n’existe pas, pour le moment, d’étude permettant d’affirmer que le spectre de reconnaissance de tel vaccin est meilleur que celui de tel autre.

Suivant les recommandations de la WSAVA (1), il est possible d’espacer les rappels vaccinaux après le protocole de primovaccination selon le mode de vie du chat. Les individus en contact régulier avec leurs congénères doivent être vaccinés tous les ans, alors que ceux qui vivent strictement à l’intérieur peuvent l’être tous les trois ans. Cependant, ces préconisations ne prennent pas en compte les durées d’immunité (DOI) connues pour chaque type de vaccin, la diminution de la qualité de la réponse protectrice au cours du temps pour celui avec une DOI à trois ans, et le risque de contamination indirecte, même pour les chats d’intérieur [8]. Elles doivent donc être adaptées à chaque animal.

Il est également important de préciser que les vaccins ne protègent pas contre les souches hypervirulentes, responsables d’infections systémiques.

4 Vaccins contre la leucose féline

La leucose féline est due à l’infection par un rétrovirus, le FeLV. Les signes cliniques apparaissent lorsqu’il se réplique de façon continue [3]. Les animaux peuvent aussi être infectés latents. Comme pour les herpèsvirus, c’est la pression immunitaire qui maintient le virus en latence. Celle-ci n’est donc pas forcément définitive. La transmission a lieu principalement par contact direct avec un chat virémique (via la salive ou par voie sexuelle). Une transmission par partage de gamelles, via les aliments souillés, est également rapportée.

Les formulations vaccinales sont très variées. Il existe un vaccin vectorisé non adjuvé, un vaccin inactivé adjuvé et un vaccin sous-unité adjuvé (tableau 2). Tous nécessitent deux injections en primovaccination, puis une injection au cours de l’année qui suit. Les vectorisés revendiquent une durée d’immunité d’un an, contre trois ans pour les deux adjuvés. Il est nécessaire de vacciner les animaux à risque de contamination le plus tôt possible.

En termes d’efficacité, aucun des vaccins disponibles ne protège contre l’infection [6]. La réponse vaccinale maintient le virus en latence et prévient ainsi l’apparition des signes cliniques. Par ailleurs, la vaccination n’apporterait aucun bénéfice clinique chez des animaux qui présentent une virémie persistante. Il est donc recommandé de vérifier le statut virologique du chat avant de le vacciner.

5 Vaccins contre la rage

Comme pour tous les carnivores domestiques, la vaccination antirabique est réglementée chez le chat. Les animaux doivent être identifiés et posséder un passeport. Il est obligatoire de respecter strictement le résumé des caractéristiques du produit (RCP) de chaque vaccin pour son protocole. Tous les vaccins disponibles nécessitent une seule injection de primovaccination, avec un premier rappel dans l’année. Selon les vaccins, les durées d’immunité sont ensuite d’un, deux ou trois ans.

Deux types de vaccin sont disponibles chez le chat : les inactivés adjuvés, identiques à ceux disponibles pour les autres espèces animales, et un vectorisé, conçu sur le même principe que celui contre la leucose féline.

6 Vaccins contre la chlamydiose

La chlamydiose (ou chlamydophilose) est due à l’infection par Chlamydophila felis, une bactérie à multiplication intracellulaire. Elle infecte principalement les animaux dont le système immunitaire est moins compétent. Chez les jeunes de moins de 9 mois et chez les chats qui présentent un coryza, la bactérie est responsable de conjonctivites mucopurulentes. Elle peut également provoquer des avortements.

La vaccination n’est donc pas essentielle et concerne uniquement les animaux chez lesquels un risque infectieux est identifié, c’est-à-dire ceux qui vivent en collectivité dans un environnement où la bactérie circule déjà.

Deux types de vaccins, vivants atténués et inactivés, sont disponibles. Ils nécessitent deux injections en primovaccination, puis des rappels annuels. Peu de données existent sur l’efficacité de ces vaccins. Il est cependant montré qu’ils ne protègent pas contre l’infection [14]. Par ailleurs, certaines études montrent que l’utilisation des vaccins vivants peut provoquer des conjonctivites postvaccinales.

Conclusion

Chez le chat, les vaccins disponibles ciblent des maladies infectieuses dont les caractéristiques sont très différentes, tant au niveau des modes de contamination que de la physiopathologie. Leur nature est également variée. Il est donc nécessaire, pour chaque individu, chaque maladie et chaque vaccin, d’ajuster individuellement les protocoles de vaccination.

Références

  • 1. Afonso MM, Pinchbeck GL, Smith SL et coll. A multi-national European cross-sectional study of feline calicivirus epidemiology, diversity and vaccine crossreactivity. Vaccine. 2017;35: 2753-2760.
  • 2. Aguilar JC, Rodriguez EG. Vaccine adjuvants revisited. Vaccine. 2007;25:3752-3762.
  • 3. Cattori V, Tandon R, Riond B et coll. The kinetics of feline leukaemia virus shedding in experimentally infected cats are associated with infection outcome. Vet. Microbiol. 2009;133:292-296.
  • 4. Gartlan KH, Krashias G, Wegmann F et coll. Sterile inflammation induced by Carbopol elicits robust adaptive immune responses in the absence of pathogen-associated molecular patterns. Vaccine. 2016;34: 2188-2196.
  • 5. Gaskell R, Dawson S, Radford A et coll. Feline herpesvirus. Vet. Res. 2007;38:337-354.
  • 6. Hofmann-Lehmann R, Tandon R, Boretti FS et coll. Reassessment of feline leukaemia virus (FeLV) vaccines with novel sensitive molecular assays. Vaccine. 2006;24:1087-1094.
  • 7. Jakel V, Cussler K, Hanschmann KM et coll. Vaccination against feline panleukopenia: implications from a field study in kittens. BMC Vet. Res. 2012;8:62.
  • 8. Jas D, Frances-Duvert V, Vernes D et coll. Three-year duration of immunity for feline herpesvirus and calicivirus evaluated in a controlled vaccination-challenge laboratory trial. Vet. Microbiol. 2015;177:123-131.
  • 9. Poulet H, Minke J, Pardo MC et coll. Development and registration of recombinant veterinary vaccines, the example of the canarypox vector platform. Vaccine. 2007;25:5606-5612.
  • 10. Radford A, Coyne KP, Dawson S et coll. Feline calicivirus. Vet. Res. 2007;38:319-335.
  • 11. Sjolander A, Cox JC, Barr IG. ISCOMs: an adjuvant with multiple functions J. Leukoc. Biol. 1998;64:713-723.
  • 12. Stuetzer B, Hartmann K. Feline parvovirus infection and associated diseases. Vet. J. 2014;201:150-155.
  • 13. Wensman J, Samman A, Lindhe A et coll. Ability of vaccine strain induced antibodies to neutralize field isolates of caliciviruses from Swedish cats. Acta Vet. Scand. 2016;58:14.
  • 14. Wills JM, Gruffydd-Jones TJ, Richmond SJ et coll. Effect of vaccination on feline Chlamydia psittaci infection. Infect. Immun. 1987;55:2653-2657.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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