Les tumeurs mammaires chez la chienne - Le Point Vétérinaire expert canin n° 404 du 01/04/2020
Le Point Vétérinaire expert canin n° 404 du 01/04/2020

ONCOLOGIE

Analyse d’article

Auteur(s) : Mélanie Olive

Fonctions : CHV Atlantia
22, rue René Viviani
44200 Nantes

Les tumeurs mammaires font partie des masses les plus fréquentes chez la chienne non stérilisée. En effet, elles représentent un peu plus de 70 % des tumeurs canines. Plusieurs races sont prédisposées comme le caniche, le yorkshire, le bichon maltais, le teckel, le setter anglais ou encore le pointer [3, 6].

PRÉVALENCE ET ANATOMIE

1. Prévalence

L’âge médian de présentation se situe entre 7 et 11 ans. Toutefois, l’âge médian d’apparition d’une tumeur mammaire chez le chien est de 9,5 ans pour les tumeurs malignes et de 8,5 ans pour les bénignes [6]. La prévalence de ces masses chez le mâle est de moins de 1 %. Le risque de survenue d’une tumeur mammaire bénigne est deux à cinq fois plus élevé que celui d’une tumeur maligne [1, 2].

2. Anatomie de la chaîne mammaire

Le chien possède cinq paires de mamelles, numérotées de l’avant vers l’arrière de l’animal : deux paires thoraciques et deux abdominales (craniale et caudale) et une paire inguinale. L’irrigation des trois premières paires provient de l’artère latérale thoracique, de l’artère épigastrique craniale superficielle, et des branches perforantes des artères intercostales, issues de l’artère thoracique interne. Les deux glandes les plus caudales sont irriguées par l’artère épigastrique caudale superficielle et via des branches de l’artère abdominale craniale et de l’artère iliaque circonflexe profonde. Le drainage ganglionnaire des deux paires thoraciques est réalisé au niveau des ganglions axillaires, mais il peut aussi avoir lieu dans les ganglions cervicaux superficiels, sternaux craniaux et caudaux. Les ganglions axillaires et inguino-fémoraux assurent le drainage des deux paires abdominales, celui de la plus caudale de ces deux paires pouvant impliquer les ganglions iliaques médiaux ou poplités. Enfin, les ganglions inguino-fémoraux, iliaques médiaux et, parfois, les ganglions poplités drainent la paire inguinale. Des anastomoses lymphatiques ipsilatérales et controlatérales existent également [6].

INDICATIONS DE LA CHIRURGIE ONCOLOGIQUE

La chirurgie oncologique reste le traitement le plus souvent utilisé dans la gestion des tumeurs mammaires.

1. Quatre grands principes

Le signalement doit être complet et préciser l’âge, l’espèce, la race, le sexe et le cycle hormonal. Un examen clinique intégral doit précéder l’analyse de la zone concernée par la tumeur, afin de dépister d’autres troubles (un syndrome paranéoplasique, d’autres masses, une insuffisance cardiaque ou rénale, etc.). La localisation de la tumeur et les ganglions satellites sont évalués (taille, texture, mobilité). Ces informations sont des facteurs pronostiques. Les tests sanguins effectués préalablement à l’intervention sont primordiaux, car les animaux affectés sont souvent âgés. Le bilan d’extension doit être minutieux (local et à distance). Dans plus de 60 % des cas, plusieurs masses coexistent. Les mamelles les plus souvent atteintes sont les paires abdominales caudales et inguinales. Il convient également de rechercher des anomalies au niveau des ganglions satellites et des organes filtres tels que les poumons et le foie [1, 2, 4].

2. Préconisations chirurgicales

Dans le cas des tumeurs mammaires, la chirurgie est le plus souvent à visée curatrice. Une excision en bloc large, avec des marges saines, est indiquée [5, 6]. Plusieurs recommandations sont en outre à prendre en compte :

- assurer l’hémostase le plus tôt possible, en prenant le contrôle des vaisseaux qui irriguent la tumeur ;

- manipuler la tumeur avec soin ;

- pratiquer une excision en bloc ;

- changer les instruments potentiellement contaminés pour la reconstruction ;

- retirer le ganglion inguinal ;

- suturer à l’aide d’un monofilament résorbable lent ;

- ne pas utiliser de drain.

3. Types d’acte chirurgical

La palpation d’une masse mammaire de plus de 2 mm de diamètre doit motiver une exérèse. Cet acte est contreindiqué lors de carcinome mammaire inflammatoire ou en présence de métastases à distance. Les tumeurs doivent être excisées en respectant des marges de 2 à 3 cm au minimum. Chez le chien, le type de chirurgie ne semble pas affecter le pronostic si toutes les tumeurs sont effectivement retirées. Différentes techniques chirurgicales sont envisageables.

- La nodulectomie : retrait local de petites masses de moins de 0,5 cm de diamètre, à éviter lors de tumeurs malignes.

- La mastectomie simple : retrait de la glande entière qui contient la tumeur, un acte souvent moins aisé à réaliser qu’une mastectomie régionale.

- La mastectomie régionale : retrait des mamelles 1 à 3 ou 3 à 5, avec le ganglion inguinal. Le ganglion axillaire n’est retiré que s’il est hypertrophié.

- La mastectomie unilatérale : retrait de la chaîne mammaire entière. Puisque les troisième et quatrième paires de mamelles sont drainées par les ganglions axillaire et inguino-fémoral, cette intervention est privilégiée en cas de tumeurs multiples, de masses de plus de 1 cm ou qui affectent les glandes 3 et 4. Elle est aussi conseillée chez le jeune animal, car la présence de tumeurs bénignes augmente le risque de développement de tumeurs malignes [4]. De plus, 58 % des animaux qui ont subi une mastectomie régionale présentent une nouvelle tumeur du même côté, d’autant plus agressive qu’elle est proche de la glande retirée ou que cette dernière était déjà le siège d’une masse maligne [3].

- La mastectomie bilatérale : retrait des deux chaînes mammaires (soit 95 % du tissu mammaire), indiqué en deux interventions réalisées avec un intervalle de quatre à six semaines [6].

Conclusion

Les tumeurs mammaires sont fréquentes chez la chienne. Après la réalisation d’un bilan d’extension complet, un traitement chirurgical est indiqué. Il permet le plus souvent la guérison de l’animal.

Références

  • 1. Chang SC, Chang CC, Chang TJ et coll. Prognostic factors associated with survival two years after surgery in dogs with malignant mammary tumors : 79 cases (1998-2002). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2005;227:1625-1629.
  • 2. Hellmén E, Bergstrom R, Holmberg L. Prognostic factors in canine mammary tumors : a multivariate study of 202 consecutive cases. Vet. Pathol. 1993;30:20-27.
  • 3. Sorenmo K. Canine mammary gland tumors. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2003;33:573-596.
  • 4. Sorenmo KU, Kristiansen VM, Cofone MA et coll. Canine mammary gland tumours; a histological continuum from benign to malignant; clinical and histopathological evidence. Vet. Comp. Oncol. 2009;7:162-172.
  • 5. Stratmann N, Failing K, Richter A et coll. Mammary tumor recurrence in bitches after regional mastectomy. Vet. Surg. 2008;37:82-86.
  • 6. Tobias K, Johnston S. Veterinary surgery : small animal, 2nd edition. St Louis : Saunders. 2018:1528-1536.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Déterminer la prévalence de la malignité des masses mammaires simples ou multiples chez le chien.

MÉTHODE

Étude rétrospective menée entre 2009 et 2014 au sein de l’Angell Animal Medical Center à Boston (États-Unis). Elle inclut 95 chiennes ayant subi un retrait chirurgical de masse (s) mammaire (s) doublé d’une analyse histologique.

RÉSULTATS

• Sur les 95 chiennes recrutées, 55 ne sont pas stérilisées (57,8 %). L’âge moyen est de 8,9 ans, pour un poids moyen de 15 kg.

• 161 tumeurs mammaires sont retirées et analysées (62 % de masses uniques versus 38 % de masses multiples). 137 sont bénignes (85 %) versus 24 malignes (15 %).

• Lors du retrait d’une masse unique, sa nature est maligne dans 29 % des cas (17 sur 59).

• Parmi les 36 chiennes atteintes de tumeurs multiples, 17 % présentent au moins une masse maligne.

• Parmi les masses bénignes, 42 sont des tumeurs mixtes et les adénomes simples sont majoritaires (38). Les masses non néoplasiques sont essentiellement des hyperplasies lobulaires. Les tumeurs malignes sont souvent des carcinomes mammaires.

• Les tumeurs mammaires multiples ont 2 fois plus de chance d’être bénignes par rapport aux masses uniques. Toutefois, cette association n’est pas significative.

• L’âge moyen de développement d’une tumeur maligne est de 9,4 ans, mais il n’existe pas de relation entre l’âge et la malignité.

• L’étude ne montre pas de corrélation significative entre le statut reproducteur et le nombre ou la malignité des masses. Cette dernière n’est pas corrélée à la localisation sur la chaîne mammaire.

• Les tumeurs sont plus fréquemment localisées au niveau des 4e et 5e paires de mamelles.

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