La réglementation en matière de radioprotection : ce qu’il faut savoir - Le Point Vétérinaire n° 403 du 01/03/2020
Le Point Vétérinaire n° 403 du 01/03/2020

DISPOSITIF RÉGLEMENTAIRE

Dossier

Auteur(s) : Catherine Roy

Fonctions : (experte en radioprotection ASN
et commission radioprotection
vétérinaire (CRV))8 Les Allées du Garlaban
La Tourtelle
13400 Aubagne

Les récentes évolutions réglementaires en matière de radioprotection allègent les exigences pour les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE/PME).

En 2018, la directive Euratom 2013/59 a été transposée via une ordonnance. C’est l’occasion de revoir le dispositif réglementaire français avec, pour fil rouge, la gradation des exigences selon les risques encourus [8, 11].

Depuis 2010, la Direction générale du travail (DGT) et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) préparent cette transposition via la mise en place de groupes de travail afin de recueillir les retours d’expérience du terrain et de concevoir les évolutions réglementaires avec les professionnels. Pour les vétérinaires, il s’agit de la Commission de radioprotection vétérinaire.

1 Révision de l’organisation de la radioprotection

Organiser la radioprotection, c’est désigner un conseiller en radioprotection pour le Code du travail mais aussi, et nouvellement, pour celui de la santé publique (encadré 1). Le conseiller en radioprotection (CRP) peut être une personne physique en interne (personne compétente en radioprotection ou PCR) ou une personne morale en externe (organisme compétent en radioprotection ou OCR). L’OCR sera certifié (version consolidée de l’arrêté du 18 décembre 2019, parue le 13 février 2020) et contractuellement relié aux PCR physiques externes, nommément désignées pour l’entreprise, qui interviennent sur le terrain. Le CRP peut être l’employeur pour les TPE/PME de moins de vingt salariés “équivalent temps plein” (section 6, article R. 4451-117 du Code du travail).

La désignation du CRP, dissociée des régimes administratifs, est corrélée à l’évaluation des risques :

- pour une activité canine (exclusivement faisceau de rayons X vertical) ou dentaire endobuccale, la formation PCR est de niveau 1 ;

- pour les autres activités (scanner, équine fixe ou mobile, arceau de chirurgie interventionnelle), la formation PCR est de niveau 2.

La formation PCR initiale de niveau 1 est organisée sur trois jours, son renouvellement quinquennal sur deux jours. La formation PCR initiale de niveau 2 est organisée sur cinq jours, son renouvellement quinquennal sur trois jours.

2 Simplification des régimes administratifs

Les démarches simplifiées à entreprendre auprès de l’ASN se rapportent à la détention et à l’utilisation de sources de rayonnements ionisants. Attention, il est obligatoire d’être en possession du récépissé de déclaration, d’enregistrement ou d’autorisation avant de commencer à utiliser la source de rayonnements ionisants. Cela conditionnera même, à terme, la livraison de l’équipement.

La déclaration

Le régime déclaratif concerne les appareils qui émettent des rayonnements X, mobiles ou non, utilisés exclusivement à un poste fixe ou couramment, dans un même local, à des fins de radiodiagnostic vétérinaire (avec un faisceau d’émission de rayons X directionnel et vertical, à l’exclusion de l’ensemble des appareils de tomographie) et de radiographie endobuccale (encadré 2).

Les pratiques interventionnelles radioguidées à des fins vétérinaires, comme la chirurgie sous rayons X ou la scopie, sont exclues du régime de déclaration [2].

L’enregistrement (à venir en 2020)

L’enregistrement est une autorisation simplifiée, prévue pour être effectuée par Internet avec, au maximum, l’envoi d’une dizaine de documents justificatifs.

Selon les orientations de l’ASN, parues en août 2019, il concernerait :

- les appareils fixes (scanner, imagerie équine en salle, cone beam) avec une validité “à vie” pour un type d’appareil, une structure juridique, une adresse ;

- les appareils mobiles d’équine avec une validité “à dix ans” pour un type d’appareil, une structure juridique, une adresse.

Il correspond à un allègement futur conséquent pour des activités soumises au régime d’autorisation (voir plus loin) avec une validité de cinq ans.

L’autorisation

L’autorisation concernera les activités “pénalisantes” en termes de radioprotection, telles que la radiothérapie, la médecine nucléaire et la chirurgie interventionnelle.

Le dépôt du dossier complet, avec 31 pièces justificatives, doit avoir lieu six mois avant la détention de la source de rayonnements ionisants. Ce dossier peut être envoyé via le site “postage ASN”. Sa validité est de cinq ans.

Réglementairement, en l’absence de réponse dans les six mois, le dossier est refusé. En effet, pour les activités vétérinaires, il est nécessaire de relancer l’ASN à la suite du dépôt du dossier, car ces cas ne sont pas traités en urgence et sont parfois stockés, voire oubliés…

3 Conception d’une installation conforme

De nouvelles données concernent la conformité, à établir selon la décision ASN n° 2017-DC-0591 du 13 juin 2017 qui liste les dispositions générales, et d’autres plus spécifiques, avec deux options (encadré 3).

Pour une installation existante, conçue, construite et mise en œuvre avant le 1er octobre 2017, les moyens affectés à la sécurité (poussoir d’arrêt d’urgence coup de poing, signalisation, etc.) doivent être vérifiés et des mesures dans les zones attenantes, compilées avec l’activité radiologique, doivent permettre de vérifier que ces zones sont non réglementées. Pour toute nouvelle installation en construction à partir du 1er octobre 2017, s’ajoute aux exigences précédentes une démonstration théorique justifiant de l’atténuation des parois de la salle, qui peut être fondée sur la norme NFC 15-160 (version octobre 2018) avec une note de calcul spécifique et “sur mesure” [10].

4 Simplification de l’évaluation des risques

Comme pour les autres risques professionnels, l’approche graduée est la nouvelle référence. L’abaissement important de la limite réglementaire d’exposition pour le cristallin, passée de 150 à 20 mSv, est à prendre en compte.

Pour la délimitation de chacune des zones, de nouveaux niveaux de référence sont définis, avec des valeurs mensuelles ou intégrées sur une heure (figures 1 et 2), ce qui simplifie le dispositif. Pour les zones d’opération en extérieur (imagerie équine mobile), la valeur de zonage est majorée (multipliée par dix), ce qui restreint leur rayon. L’accès à cette zone d’opération nécessite le port d’un dosimètre opérationnel, lu en temps réel. Seul le poste cassette, lié au maintien du support d’imagerie, est concerné.

L’approche du zonage des extrémités est liée à une seule valeur : 4 mSv par mois. Au-delà, une étude de l’exposition des extrémités, à l’aide de bagues dosimétriques, peut être mise en œuvre [6].

L’employeur peut s’appuyer sur des éléments d’appréciation documentaires, car la réalisation des mesurages est facultative.

5 Allègement des vérifications

Les vérifications (anciens contrôles) de l’efficacité des moyens de prévention vont être allégées pour proportionner les exigences au regard de l’ampleur du risque, sans altérer le niveau de protection des travailleurs.

Depuis juillet 2018, une vérification initiale doit être réalisée par un organisme agréé (prochaine accréditation) lors de la mise en service et à l’issue de modifications importantes de l’installation [6]. Pour l’heure, l’organisme agréé réalise une vérification périodique (tous les trois ans) pour une installation soumise à une déclaration (canine et dentaire endobuccal) et une vérification annuelle pour une activité soumise à une autorisation (autres activités). À terme, sous la responsabilité de l’employeur durant la vie de l’installation, des vérifications périodiques seront réalisées par le conseiller en radioprotection via un dosimètre passif, un dosimètre opérationnel ou un radiamètre. L’employeur devra en assurer la traçabilité.

Seules les activités liées au scanner interventionnel, à l’arceau interventionnel et à la radiothérapie ou à la médecine nucléaire conserveront des vérifications périodiques externes obligatoires.

6 Réorganisation du suivi médical

Une fiche d’évaluation de l’exposition aux risques doit être rédigée pour chaque travailleur. Une copie est transmise au service de santé au travail (SST) [4]. L’abonnement au SST est annuel, car la facturation à la visite est abandonnée. Les examens prescrits sont à la charge du SST (section 4, article R. 4624-36 du Code du travail). Des documents types spécifiques, par exemple un avis d’aptitude, sont exigibles pour le suivi médical (photo 1) [1].

Vétérinaires et auxiliaires

Vétérinaires et auxiliaires spécialisés vétérinaires (ASV) sont exposés aux rayonnements ionisants, aux agents biologiques pathogènes et aux produits chimiques cancérogènes mutagènes et reprotoxiques (CMR). Ils sont classés en suivi individuel renforcé (SIR) de catégorie B. Une visite obligatoire d’embauche est réalisée par le médecin du travail avant l’affectation au poste (en pratique, au plus tard dans les huit jours avec un avis d’aptitude). Une dérogation est prévue si une visite préalable a eu lieu depuis moins de deux ans, avec un avis d’aptitude pour le même type de poste. Ce dernier doit être disponible et transmis au SST. Une visite périodique est programmée par le médecin du travail au plus tard dans les quatre ans. Une visite intermédiaire est effectuée par un professionnel de santé.

Personnel administratif

Pour le personnel administratif en dehors du cadre de l’exposition aux risques SIR, une visite d’information et de prévention (VIP) est réalisée par un professionnel de santé dans un délai inférieur à trois mois à compter de la prise effective du poste de travail. Une dérogation à cette visite est possible si cette démarche a été effectuée moins de cinq ans auparavant, pour un emploi identique présentant des risques d’exposition équivalents. Dans ce cas, la dernière attestation de suivi ou le dernier avis d’aptitude doit être transmis au professionnel de santé. Enfin, une visite périodique doit être effectuée au plus tard dans les cinq ans.

Reprise du travail

Une visite de reprise est prévue :

- après un congé de maternité ;

- après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

- après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel.

Elle doit être organisée par le médecin du travail, au plus tard dans un délai de huit jours, sur saisie de l’employeur dès qu’il a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail.

Autre cas

L’employeur, le travailleur ou le médecin du travail peuvent être à l’initiative d’une visite de contrôle.

7 Organisation du suivi radiologique

Travailleurs classés

Chaque travailleur classé fait l’objet d’une surveillance dosimétrique individuelle adaptée qui a pour objet de garantir la traçabilité des expositions internes et externes. Une dosimétrie passive trimestrielle, positionnée sur la poitrine, correspond à une classification en catégorie B.

Le port d’un dosimètre opérationnel à lecture immédiate reste obligatoire pour la zone contrôlée. Il doit être porté au poste “support d’imagerie en radiologie équine”, fixe ou mobile avec un générateur portable (au maximum 100 kV et 30 mA), aux trois postes existants en radiologie équine fixe (maintien du générateur, support d’imagerie et contention à la tête), et enfin aux postes chirurgie/assistant, voire au poste anesthésiste en chirurgie interventionnelle sous rayons X.

L’obligation d’enregistrement des résultats de la dosimétrie opérationnelle via le système d’information de la surveillance de l’exposition aux rayonnements ionisants (Siseri) est désormais abandonnée. Le dosimètre opérationnel reprend son rôle d’alerte. Il peut être porté sur le tablier plombé, par exemple à l’épaule, pour détecter l’exposition non optimisée d’un travailleur classé [3].

Travailleurs non classés

Chaque opérateur non classé (c’est-à-dire non équipé d’un dosimètre passif) qui accède à une zone réglementée, à l’exception des zones orange et rouge, est soumis à un suivi de ses accès. L’objectif est de s’assurer de la robustesse de l’évaluation individuelle du risque radiologique et du respect des valeurs limites de dose. Soit ces personnes font l’objet d’un enregistrement des constantes radiologiques et du nombre de clichés radiologiques auxquels elles ont participé, soit elles portent un dosimètre opérationnel dont les résultats sont archivés.

8 Accès aux résultats du suivi dosimétrique

L’accès au système de surveillance Siseri est obligatoire pour commander des dosimètres (photo 2) [3]. L’employeur doit créer un compte Siseri en désignant son conseiller en radioprotection (CRP), son correspondant Siseri de l’employeur (CSE), ainsi que le médecin du travail. Sous la responsabilité de l’employeur, le CSE doit tenir à jour la liste des travailleurs exposés, via Siseri, et la valider en la “fractionnant” (onglets du logiciel) lors d’un second accès au site.

La personne compétente en radioprotection (PCR), avec une consultation sur 24 mois, et le médecin du travail, avec une consultation sur le cumul “vie entière”, auront accès à tous les résultats nominatifs de la surveillance de l’exposition externe (dose efficace pour le corps entier via le dosimètre porté à la poitrine, doses équivalentes des extrémités via d’éventuels dosimètres bague et du cristallin via un éventuel dosimètre cristallin).

Il est possible, pour un employeur, de se désigner PCR et CSE.

Conclusion

Tout référencement auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire (déclaration, enregistrement, autorisation) nécessite la mise en place d’un dossier administratif “radioprotection” répondant aux exigences réglementaires. Ce dossier complet est exigé lors de toute inspection sur la thématique de la radioprotection par l’Inspection du travail et les inspecteurs de l’ASN.

Les documents types, élaborés pour les dossiers de déclaration et d’autorisation de détention et d’utilisation de générateurs de rayons X, ont été mis à jour pour répondre aux évolutions réglementaires (version octobre 2019). Ils sont téléchargeables sur les sites internet de Formavéto(1) et de l’Association vétérinaire équine française (Avef) (2).

Références

  • 1. Arrêté du 16 octobre 2017 fixant le modèle d’avis d’aptitude, d’avis d’inaptitude, d’attestation de suivi individuel de l’état de santé et de proposition de mesures d’aménagement de poste.
  • 2. Arrêté du 21 novembre 2018 portant homologation de la décision n° 2018-DC-0649 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 18 octobre 2018 définissant, en application du 2° de l’article R. 1333-109 et de l’article R. 1333-110 du Code de la santé publique, la liste des activités nucléaires soumises au régime de déclaration et les informations qui doivent être mentionnées dans ces déclarations.
  • 3. Arrêté du 26 juin 2019 relatif à la surveillance individuelle de l’exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants.
  • 4. Décret 2016-1908 du 27 décembre 2016 relatif à la modernisation de la médecine du travail.
  • 5. Décret 2018-434 du 4 juin 2018 portant diverses dispositions en matière nucléaire.
  • 6. Décret 2018-437 du 4 juin 2018 relatif à la protection des travailleurs contre les risques dus aux rayonnements ionisants.
  • 7. Décret 2018-438 du 4 juin 2018 relatif à la protection contre les risques dus aux rayonnements ionisants auxquels sont soumis certains travailleurs.
  • 8. Directive 2013/59/Euratom du Conseil du 5 décembre 2013 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants et abrogeant les directives 89/618/Euratom, 90/641/Euratom, 96/29/Euratom, 97/43/Euratom et 2003/122/Euratom.
  • 9. Instruction DGT/ASN/2018/229 du 2 octobre 2018 relative à la prévention des risques d’exposition aux rayonnements ionisants.
  • 10. Norme NFC15-160, octobre 2018.
  • 11. Ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire.

Conflit d’intérêts

Formatrice référencée par Formavéto/SNVEL, organisme de formation certifié en radioprotection. Présidente de la commission de normalisation Afnor/U74 “Radioprotection et équipements radiologiques”.

ENCADRÉ 1 : Externalisation et formation de la PCR

→ Dans l’attente de l’arrêté, pour une installation qui nécessite une personne compétente en radioprotection (PCR) de niveau 2, sous le régime de l’autorisation, l’externalisation n’est possible que si la PCR externe est présente lors de l’émission des rayons [9].

→ La formation a une validité stricte de cinq ans à partir de la certification initiale. La formation de renouvellement peut se dérouler lors de la quatrième année, il est donc possible d’anticiper son renouvellement, mais il est interdit de dépasser la date butoir… même d’une journée !

ENCADRÉ 2 : Déclaration à l’ASN

→ La déclaration s’effectue en ligne sur le site de l’Autorité de sûreté nucléaire via l’onglet professionnels/téléservices. Elle référence une activité, et non le type de générateur. Sa validité a une durée indéterminée tant qu’il n’y a pas de modification de structure juridique et/ou d’adresse. La modification concernant la personne compétente en radioprotection est directement renseignée sur le site asn.fr.

ENCADRÉ 3 : Conception et aménagement des locaux

→ La surface de la salle d’imagerie n’est plus fixée réglementairement. L’aménagement d’un espace libre pour la maintenance de l’appareil et la sécurité des travailleurs est néanmoins obligatoire.

→ Une approche graduée et économe est à mettre en œuvre pour la conception des parois, avec une moindre utilisation des protections plombées, notamment en pratique radiologique canine.

→ Les cloisons en équivalent plomb, notamment le placoplâtre baryté, sont à privilégier. Avec la nouvelle donne environnementale et la révision (en cours) de la réglementation sur les risques chimiques, le plomb est à éviter.

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