Cellulite juvénile chez le chien adulte : une analyse rétrospective de 90 cas - Le Point Vétérinaire expert canin n° 403 du 01/03/2020
Le Point Vétérinaire expert canin n° 403 du 01/03/2020

DERMATOLOGIE

Analyse d’article

Auteur(s) : Charline Pressanti

Fonctions : Service de dermatologie
INP-ENVT
23, chemin des Capelles
31000 Toulouse
c.pressanti@envt.fr

La cellulite juvénile, appelée également dermatite granulomateuse stérile juvénile, lymphadénite ou encore anasarcoïde, est une affection canine relativement rare, mais non exceptionnelle. Elle survient généralement chez de très jeunes chiens âgés de quelques semaines à 4 mois.

CONTEXTE DE L’ÉTUDE

1. Historique

L’existence de formes adultes de la cellulite juvénile est connue de nombreux dermatologues vétérinaires. S’il a longtemps été admis que cette entité était spécifique au très jeune chiot, quelques rares cas sont rapportés chez le chien de plus de 4 mois, ce qui laisse supposer que cette dermatose peut survenir chez l’adulte [1, 3, 5]. À la lumière de ce constat, les auteurs de l’étude présentée ont recensé l’ensemble des cas de cellulite juvénile du chien adulte sur une période de quatorze ans. Cette affection est répertoriée dans de nombreuses races. Toutefois, le golden, le teckel, le labrador et le setter gordon semblent prédisposés à la forme juvénile. Plusieurs individus d’une même portée peuvent être affectés, ce qui présuppose un support génétique de la maladie. Son origine semble être dysimmunitaire parce qu’aucun agent infectieux inducteur n’a pu être mis en évidence et que cette dermatose répond à un traitement immunomodulateur [6].

2. Aspects clinique et microscopique

Cliniquement, les lésions de cellulite juvénile sont typiques. Le museau apparaît gonflé, des papules et des pustules y sont observées. Elles colonisent également les paupières et la face interne des pavillons auriculaires. Des lésions sur les membres, le thorax, les zones périanale et périnéale sont plus rarement rapportées. Les chiens atteints de cellulite juvénile présentent un abattement, une hyperthermie, voire des boiteries. L’existence d’une adénomégalie rétromandibulaire, préscapulaire ou généralisée est presque systématique [4].

Sur le plan microscopique, les lésions sont également typiques. L’analyse montre des lésions dermiques granulomateuses ou pyogranulomateuses qui tendent à se regrouper à proximité des follicules pileux, dans la région de l’isthme. Cependant, elles n’envahissent pas les follicules et cette infiltration peut s’étendre dans le derme superficiel et dans le tissu sous-cutané. L’épiderme apparaît normal, épaissi ou ulcéré [2].

ANALYSE DES RÉSULTATS

1. Aucune cause identifiée

Dans certains cas publiés, les origines probables de la cellulite juvénile sont envisagées. Les causes infectieuses sont recherchées grâce à différentes techniques telles que cultures, réaction de polymérisation en chaîne (PCR), colorations, microscopie électronique, etc. La transmission potentielle d’un animal touché à un animal sain, via l’inoculation de tissu lymphatique, est également explorée sans succès [6]. Dans l’étude présentée ici, la recherche approfondie d’agents infectieux n’est pas réalisée. Seules des colorations histologiques complémentaires, visant à détecter les bactéries, les mycobactéries et les agents fongiques, sont mises en œuvre. Elles reviennent négatives dans tous les cas.

2. Aspects clinique et histologique de la forme adulte

Des similitudes histologiques sont signalées entre la cellulite juvénile, l’adénite sébacée nodulaire et le syndrome granulome/pyogranulome stérile. Ces dermatoses, stériles, induisent une inflammation granulomateuse ou pyogranulomateuse, nodulaire à diffuse. Elles sont souvent localisées en région périfolliculaire, près de l’isthme et de la glande sébacée. Ces trois affections, dont l’origine reste méconnue, répondent à un traitement immunomodulateur. Cependant, malgré les analogies observées à l’histologie, les lésions cutanées et le contexte clinique diffèrent. Il est donc essentiel de réaliser une analyse lésionnelle fine chez les animaux atteints, sans se fier uniquement à l’interprétation histologique. L’adénite sébacée nodulaire génère des lésions en relief, alopéciques, qui forment des plaques. De nombreuses squames adhérentes sont également présentes. Les lésions sont tronculaires. Le syndrome pyogranulome stérile affecte principalement la face. Les lésions sont fermes, non suintantes, bien délimitées et alopéciques, contrairement à celles de la cellulite juvénile qui sont mal délimitées et qui suintent rapidement pour laisser place à des érosions et à des ulcères en regard des surélévations cutanées.

Dans cette étude, les biopsies cutanées sont attentivement relues afin de limiter le risque de confusion entre ces différentes affections. Ce risque est malgré tout majoré en raison du caractère rétrospectif de l’étude et parfois du manque de détails des informations fournies par l’examen lésionnel.

3. Traitements

Comme pour la forme classique, le traitement de la forme adulte repose sur l’utilisation de glucocorticoïdes. À l’instar de ce qui est observé chez le chiot, les réponses cliniques sont bonnes à excellentes. Une association avec des antibiotiques est souvent préconisée lors de surinfections secondaires. La combinaison des glucocorticoïdes avec un autre immunomodulateur peut être envisagée si la réponse clinique initiale n’est pas satisfaisante. Cependant, les effets secondaires sont majorés et les risques de rechute à l’arrêt du traitement sont plus importants. Dans cette étude, aucune corrélation statistique n’est établie entre la gravité lésionnelle, la durée du traitement, les doses administrées et l’évolution clinique.

Conclusion

Les limites de l’étude résident dans son caractère rétrospectif qui induit de grandes variabilités dans les prises en charge, ainsi qu’un manque de données cliniques et anamnestiques. Cependant, l’existence d’une forme adulte de cellulite juvénile est avérée et doit être intégrée dans le diagnostic différentiel des dermatoses nodulaires à tropisme facial chez le chien.

Références

  • 1. Bassett RJ, Burton GG, Robson DC. Juvenile cellulitis in an 8-month-old dog. Aust. Vet. J. 2005;83 (5):280-282.
  • 2. Gross TL, Ihrke PJ, Walder EJ. In : Science B ed. Skin diseases of the dog and cat, clinical and histopathologic diagnosis. 2nd ed. 2005:327-329.
  • 3. Jeffers JG, Duclos DD, Goldschmidt MH. A dermatosis resembling juvenile cellulitis in an adult dog. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 1995;31 (3):204-208.
  • 4. Miller WH, Griffin CE, Campbell KL. In : Elsevier ed. Muller and Kirk’s small animal dermatology. 7th ed. 2013:708-709.
  • 5. Neuber AE, Van den Broek AH, Brownstein D et coll. Dermatitis and lymphadenitis resembling juvenile cellulitis in a fouryear-old dog. J. Small Anim. Pract. 2004;45 (5):254-258.
  • 6. Reimann KA, Evans MG, Chalifoux LV et coll. Clinicopathologic characterization of canine juvenile cellulitis. Vet. Pathol. 1989;26 (6):499-504.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Décrire les aspects cliniques de la forme adulte de cellulite juvénile. Identifier d’éventuelles prédispositions raciales et préciser les données relatives au traitement, au suivi et à l’apparence microscopique des lésions (histologie).

MÉTHODE

Étude rétrospective portant sur l’analyse de 35 dossiers disponibles parmi ceux des 90 chiens présentés, entre 2004 et 2018, au sein de plusieurs structures vétérinaires aux États-Unis. Ces animaux ont fait l’objet d’un prélèvement par biopsie et d’une analyse histopathologique dont les résultats sont compatibles avec une forme adulte de cellulite juvénile.

RÉSULTATS

• Des prédispositions raciales sont identifiées : les bichons havanais, frisé et maltais, le berger australien, le setter irlandais, le teckel sont significativement surreprésentés. Les retrievers (golden et labrador) sont moins concernés par la forme adulte que par la forme juvénile.

• L’âge moyen est de 3,5 ans, avec une surreprésentation des chiens de plus de 5 ans.

• Pour les 35 chiens dont le dossier médical est complet, la durée moyenne de traitement est de 60 jours et le temps de rémission clinique moyen de 28 jours.

• Le statut de rémission n’est pas disponible pour 5 chiens, tandis qu’une rémission totale est notée pour 19 chiens sur 30. Une rechute est observée chez 11 chiens sur 30 (suivi moyen de 60 jours).

• Les signes cutanés relevés, l’aspect histologique et le comportement clinique sont assez similaires à ceux de la forme observée chez le très jeune chiot.

• La cellulite juvénile est une hypothèse à envisager lors de dermatose chez le chien adulte.

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