Pollakiurie chez un chien - Le Point Vétérinaire n° 402 du 01/01/2020
Le Point Vétérinaire n° 402 du 01/01/2020

UROLOGIE

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Marcos Garcia*, Anaïs Jouet**, Anne-Charlotte Barrot***

Fonctions :
*Dip ACVIM, ECVIM-CA
CHV Saint-Martin
275, route Impériale
74370 Saint-Martin-Bellevue

Présentation clinique

Un chien tosa mâle entier, âgé d’un an et demi, est présenté pour une pollakiurie qui évolue depuis deux jours. Par ailleurs, cet animal reçoit un traitement immunosuppresseur et antiacide depuis deux mois afin de traiter une méningite pyogranulomateuse. L’examen clinique révèle un abattement modéré et une palpation abdominale caudale inconfortable. Le reste de l’examen clinique est normal. Des radiographies abdominales, de profil et de face, sont réalisées (photos 1 et 2). Une échographie vésicale et une analyse urinaire, effectuée par cystocentèse, permettent d’affiner le diagnostic (photos 3 et 4 complémentaires sur lepointveterinaire.com). L’urine est de couleur rougeâtre avec une densité de 1,030. La bandelette urinaire montre des traces de protéines et un pH de 7. L’examen hématologique met en évidence une neutrophilie à 24,40 × 109/l (valeurs usuelles : 2,95 à 11,64 × 109/l) et une monocytose isolée à 1,25 × 109/l (valeurs usuelles : 0,16 à 1,12 × 109/l). Le résultat de l’examen biochimique est dans les normes.

Qualité des images radiographiques

→ La densité, le contraste et la netteté sont de bonne qualité diagnostique. La qualité technique est suffisante pour l’interprétation, sauf pour le trajet, périnéal puis pénien, de l’urètre qui n’est pas observable. Le positionnement de l’animal n’est pas optimal car, sur la vue de profil, il est en légère rotation.

Description des images radiographiques

→ L’état d’embonpoint du chien est normal. La vessie est dilatée par un contenu intraluminal à l’opacité aérique (gaz). De petites structures rondes, également d’opacité aérique, sont observées en regard de l’apex vésical.

Interprétation des images

→ Les lésions radiographiques de la vessie sont évocatrices d’une cystite emphysémateuse. La présence de gaz dans le tractus urinaire n’est pas d’origine iatrogène et aucune fistule urineuse n’est décelée.

DISCUSSION

La cystite emphysémateuse est une complication rare d’une infection urinaire. Bien que la pathogenèse ne soit pas bien élucidée, cette affection est souvent rapportée chez les animaux diabétiques (glycosurie) et, sporadiquement, lors d’infections urinaires chroniques (bactéries multirésistantes, urolithiases, anomalies anatomiques, néoplasie, etc.) ou de prise de traitements immunosuppresseurs (corticothérapie à forte dose, chimiothérapie, etc.). En effet, dans les urines, certains micro-organismes peuvent produire du gaz à la suite de la fermentation de glucose ou d’albumine (par exemple Escherichia coli spp. et Clostridium spp.) [3].

Les signes cliniques typiques sont une pollakiurie, une hématurie et une dysurie. Plusieurs études rétrospectives mettent en évidence la présence de gaz dans différentes localisations vésicales : paroi et lumière vésicales (51,9 %), paroi vésicale seule (33 %) ou lumière vésicale seule (14,8 %) [1, 3].

Les techniques d’imagerie ne sont pas indiquées, en première intention, pour le diagnostic d’une infection simple du tractus urinaire. Toutefois, elles peuvent être utiles pour exclure une cystite emphysémateuse et mieux caractériser les lésions. Les causes iatrogènes susceptibles d’introduire de l’air dans la vessie (cathétérisme, cystocentèse, cystoscopie, chirurgie urologique) doivent être exclues [1]. L’échographie est une technique sensible pour la détection du gaz intravésical à un stade précoce. Elle permet aussi d’identifier les facteurs et les conditions anatomiques qui prédisposent un animal aux infections urinaires (fistules entre le vagin, l’intestin et la vessie, polypes, calculs) et de diagnostiquer l’atteinte emphysémateuse d’autres organes, comme les reins et la prostate [2]. La radiographie abdominale peut être utile pour le diagnostic de la maladie à un stade avancé (présence d’une grande quantité d’air libre dans la lumière vésicale, comme dans ce cas).

L’utilisation d’un traitement empirique, à base d’amoxicilline acide clavulanique (à la dose de 20 mg/kg deux fois par jour), est préconisée en attendant le résultat de l’analyse bactériologique [3]. Dans le cas présenté, la bactérie isolée était Escherichia coli spp., sensible aux bêta-lactamines. Le chien a donc été traité pendant quatre semaines, jusqu’à la guérison complète, corroborée par une culture urinaire négative réalisée après la fin du traitement.

Références

  • 1. Fumeo M, Manfredi S, Volta A. Emphysematous cystitis: review of current literature, diagnosis and management challenges. Vet. Med. (Auckl). 2019;10:77-83.
  • 2. Lippi I, Mannucci T, Santa DD et coll. Emphysematous cystitis: retrospective evaluation of predisposing factors and ultrasound features in 36 dogs and 2 cats. Can. Vet. J. 2019;60:514-518.
  • 3. Merkel LK, Lulich J, Polzin D et coll. Clinicopathologic and microbiologic findings associated with emphysematous cystitis in 27 dogs. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2017;53: 313-320.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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