Le syndrome brachycéphale chez le chien - Le Point Vétérinaire expert canin n° 402 du 01/01/2020
Le Point Vétérinaire expert canin n° 402 du 01/01/2020

CHIRURGIE DES VOIES RESPIRATOIRES

Analyse d’article

Auteur(s) : Mélanie Olive

Fonctions : CHV Atlantia
22, rue René Viviani
44200 Nantes
melanieolive@hotmail.fr

Le syndrome brachycéphale, ou brachycephalic obstructive airway syndrome, est le résultat de différentes anomalies de conformation et de leurs séquelles respectives chez les races dites brachycéphales [2]. Les plus communément touchées sont le bouledogue français, le bouledogue anglais et le carlin [3]. Les malformations congénitales conduisent à une compression des cavités nasales et à une modification de l’anatomie pharyngienne. Les principales modifications des tissus mous observées sont la sténose des narines, l’hyperplasie du voile du palais, l’éversion des ventricules laryngés, le collapsus laryngé, l’hypoplasie trachéale ou encore des anomalies bronchiques (photo) [2, 5].

LE SYNDROME BRACHYCÉPHALE

1. Âge et race

L’âge du chien lors de sa présentation en consultation est en moyenne de 1 à 2 ans. Chez les animaux plus âgés, des symptômes respiratoires d’apparition récente nécessitent la recherche d’une affection concomitante [2, 5, 8]. La race est un facteur de risque. Dans l’étude analysée, les races bouledogue français et bouledogue anglais sont associées à un facteur pronostique négatif de complication postopératoire.

2. Signes cliniques

Les chiens atteints d’un tel syndrome sont souvent intolérants à l’effort, à la chaleur et au stress. Les propriétaires rapportent des ronflements et une dyspnée inspiratoire est mise en évidence lors de l’examen clinique de l’animal. Des épisodes de cyanose, voire de syncope, sont parfois rapportés. La sténose des narines est évidente et des bruits inspiratoires laryngés sont audibles lors de l’auscultation [2, 8]. Le diagnostic différentiel doit inclure les affections obstructives des voies respiratoires supérieures (rhinite chronique, corps étranger nasal, néoplasie, anomalie laryngée, sialocèle, abcès, sténose, maladie éosinophilique du cavalier king charles, etc.).

3. Diagnostic

L’anamnèse, l’examen clinique et les examens d’imagerie médicale permettent d’établir le diagnostic. Puis, l’examen endoscopique, réalisé à la suite d’une prémédication de l’animal, permet d’évaluer la longueur du voile du palais, l’éversion des saccules laryngés, le mouvement des cartilages arythénoïdes et la présence éventuelle d’un collapsus laryngé. L’examen tomodensitométrique affine l’exploration de l’anatomie particulière du nasopharynx, de l’oropharynx, des cavités nasales, des cornets nasaux et met en évidence la conformation du voile du palais de façon plus précise [1].

CHIRURGIE ET PRONOSTIC

1. Indication chirurgicale

Le syndrome brachycéphale est une affection progressive. Ainsi, l’intervention chirurgicale est recommandée lorsque le chien présente des signes cliniques. En cas de crise obstructive des voies respiratoires supérieures, un œdème s’installe. Cette situation d’urgence nécessite un traitement médical (oxygénothérapie, refroidissement, tranquillisation à l’aide d’acépromazine, anti-inflammatoire) avant d’opérer l’animal.

2. Pronostic

Les études les plus récentes rapportent une amélioration clinique dans 90 % des cas. La mortalité périopératoire varie entre 3,2 et 7 % [6, 7]. L’étude présentée propose une grille, appelée “BRisk”, qui établit une échelle des risques de complications postopératoires corrélés à plusieurs critères préopératoires. Cet outil permet d’affiner le pronostic et d’obtenir un consentement éclairé des propriétaires avant d’entreprendre une intervention chirurgicale. Les facteurs pronostiques négatifs mis en évidence sont :

– la race : les bouledogues français et anglais présentent un risque accru de complications postopératoires par rapport aux autres races brachycéphales [4]. En outre, les narines du bouledogue français sont davantage sténosées que celles du bouledogue anglais ;

– des antécédents de traitement chirurgical des voies aériennes ;

– une opération concomitante : les chiens qui subissent une autre intervention chirurgicale au cours du traitement du syndrome brachycéphale sont plus vulnérables en raison de l’augmentation du temps anesthésique. L’étude montre que le risque de complications postopératoires augmente (multiplié par 1,22) au bout de 10 minutes supplémentaires ;

– le poids : les animaux obèses sont exposés à un risque plus important (multiplié par 1,9) de développer des signes respiratoires obstructifs que leurs congénères ;

– l’évaluation du statut respiratoire : les animaux qui nécessitent une oxygénothérapie ou une intubation à leur admission sont plus à risque que ceux dont la respiration est normale ;

– la température rectale à l’admission : sa valeur est inversement proportionnelle au risque encouru. Selon les auteurs, la température rectale est corrélée à la perfusion rectale et à l’hypoxie. Le chien et l’homme répondent à une hypoxie par un abaissement de leur température rectale.

L’ensemble des points attribués lors de cette évaluation préopératoire constitue la note finale, échelonnée de 0 à 10. Un score BRisk supérieur à 3 signale un risque de complications postopératoires 9,1 fois plus élevé que lorsqu’il est inférieur à 3. Le risque est estimé « moyen à élevé ». Les chiens avec un score supérieur à 4 sont classés dans la catégorie « à risque très élevé ».

Conclusion

Le syndrome brachycéphale est très répandu parmi les chiens de la clientèle vétérinaire française. Cette affection dégénérative implique une prise en charge chirurgicale des jeunes animaux, dès l’apparition des signes cliniques, vers l’âge de 1 à 2 ans. Le score BRisk permet d’informer les propriétaires et de quantifier le niveau de risque de complications postopératoires susceptibles de survenir chez leur animal.

Références

  • 1. Auger M, Alexander K, Beauchamp G et coll. Use of CT to evaluate and compare intranasal features in brachycephalic and normocephalic dogs. J. Small Anim. Pract. 2016;57:529-536.
  • 2. Ladlow J, Liu N, Kalma L et coll. Brachycephalic obstructive airway syndrome. Vet. Rec. 2018;182:375-378.
  • 3. Liu N, Adams V, Kalmar L et coll. Whole body barometric plethysmography characterizes upper airway obstruction syndrome in 3 brachycephalic breeds of dogs. J. Vet. Intern. Med. 2016;20:853-865.
  • 4. Liu N, Oechtering G, Adams V et coll. Outcomes and prognostic factors of surgical treatments for brachycephalic obstructive airway syndrome in 3 breeds. Vet. Surg. 2017;46:271-280.
  • 5. Lorinson D, Bright RM, White RA. Brachycephalic airway obstruction syndrome: a review of 118 cases. Canine Pract. 1997;22:18-21.
  • 6. Ree JJ, Milovacev M, MacIntyre LA et coll. Factors associated with major complications in the short term postoperative period in dogs undergoing surgery for brachycephalic airway syndrome. Can. Vet. J. 2016;57:976-980.
  • 7. Riecks TW, Brichard SJ, Stephens JA. Surgical correction of brachycephalic syndrome in dogs: 62 cases (1991-2004). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2007;230:1324-1328.
  • 8. Rubin JA, Holt DE, Reetz JA et coll. Signalment, clinical presentation, concurrent diseases, and diagnostic findings in 28 dogs with dynamic pharyngeal collapse (2008-2013). J. Vet. Intern. Med. 2015;29:815-821.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIFS

Développer et valider une échelle des risques de complication ou de mortalité postopératoires permettant de préciser le niveau de risque d’un animal en amont de la prise en charge chirurgicale d’un syndrome brachycéphale (brachycephalic obstructive airway syndrome).

MÉTHODE

Étude de cohorte multicentrique et rétrospective, menée chez 233 chiens afin d’établir le score BRisk, puis chez 50 autres chiens pour le valider. L’ensemble des données anamnestiques et cliniques sont regroupées. Les principaux critères d’évaluation incluent les risques majeurs de complications comme la nécessité d’une oxygénothérapie dans les 48 heures postopératoires, la mise en place d’une sonde de trachéostomie temporaire ou permanente, ou encore la mort de l’animal au cours de l’hospitalisation. Le score BRisk, développé d’après les données de deux universités vétérinaires (New York et Canada) puis validé par un troisième centre, s’échelonne de 0 à 10. Plusieurs éléments entrent en compte dans son calcul : la race, les antécédents chirurgicaux, la température rectale à l’admission, le niveau d’atteinte des voies respiratoires et la réalisation d’une intervention chirurgicale concomitante.

RÉSULTATS

• Le score BRisk obtenu à la suite de l’examen de l’animal est un facteur prédictif de survie postopératoire.

• Les chiens dont le score est supérieur à 3 présentent 9,1 fois plus de risques de développer des complications postopératoires que ceux avec un score inférieur ou égal à 3.

• La détermination du score BRisk individuel permet d’obtenir un consentement éclairé des propriétaires au regard des risques de complications encourus par leur animal atteint d’un syndrome brachycéphale, et ainsi d’adapter la prise en charge chirurgicale et médicale.

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