Complication rare d’une valvulopathie mitrale canine - Le Point Vétérinaire expert canin n° 402 du 01/01/2020
Le Point Vétérinaire expert canin n° 402 du 01/01/2020

CARDIOLOGIE

Cas clinique

Auteur(s) : Yassine Ben Abdennebi

Fonctions : Clinique vétérinaire HOPia
14, boulevard des Chênes
78280 Guyancourt

Le diagnostic de rupture atriale est obtenu à l’échocardiographie qui montre un épanchement péricardique de faible volume, associé ou non à un thrombus endocardique atrial et/ou épicardique.

Un chien de race caniche, âgé de 11 ans, suivi pour une maladie valvulaire mitrale dégénérative, est présenté en consultation pour l’apparition aiguë d’une fatigabilité et de syncopes. Lors du précédent examen échocardiographique, réalisé huit mois plus tôt, l’animal, classé au stade C selon le consensus de l’Acvim(1), présentait un capotage partiel systolique des feuillets mitraux, associé à un reflux mitral systolique important et à une dilatation marquée de l’oreillette gauche. Avec le traitement per os mis en place (furosémide à la dose de 2 mg/ kg deux fois par jour, pimobendane à raison de 0,25 mg/kg deux fois par jour, bénazépril à 0,3 mg/kg une fois par jour), les signes cliniques sont restés stables.

DIAGNOSTIC

À l’examen clinique, le chien est abattu, hypotherme (36,8 °C), ses muqueuses sont humides mais pâles, et le temps de recoloration cutanée est prolongé. L’animal est en polypnée et des crépitants sont audibles dans toute l’aire d’auscultation pulmonaire. L’auscultation cardiaque révèle un cœur distant et un souffle systolique apexien gauche. Une fréquence cardiaque élevée (170 bpm) est enregistrée, associée à un rythme régulier et à un pouls filant synchrone.

Le chien est sédaté à l’aide de butorphanol, à la dose de 0,4 mg/kg par voie intramusculaire, et une sonde nasale à oxygène est posée. L’examen échocardiographique réalisé permet d’explorer la dégradation brutale de la fonction cardiaque. Il montre un épanchement péricardique circonférentiel de volume modéré, contenant un matériel hyperéchogène suggérant un caillot sanguin (photo 1). Le capotage mitral est dégradé par rapport à l’examen précédent. Un reflux systolique mitral important envahit la totalité d’une oreillette gauche sévèrement dilatée (rapport atrium gauche/aorte supérieur à 2). Un thrombus adhérent à l’endocarde est présent au sein de l’oreillette gauche (photo 2). De nombreuses lignes B sont visibles à l’échographie pulmonaire. Une rupture atriale gauche secondaire à une maladie valvulaire mitrale dégénérative, compliquée d’une insuffisance cardiaque congestive gauche et de bas débit, est diagnostiquée.

Une hospitalisation est proposée mais, compte tenu de la gravité de l’affection, une euthanasie est décidée par les propriétaires.

DISCUSSION

La rupture atriale correspond à une brèche acquise, qui concerne toute l’épaisseur de la paroi de l’un des deux atria (dans ce cas le gauche), au travers de laquelle le sang s’échappe vers l’espace péricardique. Cette complication rare de la maladie valvulaire mitrale dégénérative résulte de l’augmentation de la pression au sein de l’oreillette gauche et de l’altération endothéliale, consécutive au reflux chronique unidirectionnel à haute vélocité (jet lesions) [2].

Les chiens atteints de maladie valvulaire mitrale dégénérative présentent majoritairement des signes cliniques qui évoquent une insuffisance cardiaque congestive gauche. En revanche, lors de rupture atriale, les signes cliniques observés sont en faveur d’une insuffisance cardiaque gauche de bas débit : choc cardiogénique, syncope, pouls et pression artérielle faibles. Ils doivent orienter le clinicien [2].

La présentation clinique, l’auscultation thoracique, ainsi que la détection d’une cardiomégalie globuleuse à la radiographie, sont autant d’indices révélateurs d’une rupture atriale, mais seule l’échocardiographie permet d’établir le diagnostic [1, 2]. Le plus souvent, cette dernière montre un épanchement péricardique de faible volume, associé ou non à un thrombus endocardique atrial et/ou épicardique. L’absence de caillot au sein de l’épanchement péricardique n’est pas suffisante pour exclure une rupture atriale [2].

Aucun consensus n’existe quant à la prise en charge thérapeutique d’une rupture atriale. Les publications s’accordent sur la nécessité de traiter l’état de choc par une oxygénothérapie et une fluidothérapie, ainsi que la maladie cardiaque sous-jacente, afin de limiter la pression intraauriculaire. L’utilisation de molécules anticoagulantes est plutôt écartée car le (s) caillot (s) permettent d’exercer un effet "rustine" sur la brèche atriale. L’intérêt de la péricardiocentèse n’est pas encore déterminé. Ce geste peut être rendu difficile en raison du faible volume de sang non coagulé présent au sein du sac péricardique [1, 2].

Longtemps considéré comme très sombre à court terme, le pronostic associé à la rupture atriale semble controversé. La médiane de survie rapportée (chez un petit nombre de chiens) est de 203 jours, si l’animal survit aux premières 24 heures [1].

  • (1) Les stades C et D sont ceux de la maladie cardiaque décompensée selon la classification de l’American College of Veterinary Internal Medicine (Acvim).

Références

  • 1. Nakamura RK, Tompkins E, Russell NJ et coll. Left atrial rupture secondary to myxomatous mitral valve disease in 11 dogs. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2014;50:405-408.
  • 2. Reineke EL, Burkett DE, KJ Drobatz. Left atrial rupture in dogs: 14 cases (1990.2005). J. Vet. Emerg. Crit. Care. 2008;18:158-164.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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