Les sacrifices vaudous ne sont ni des abattages rituels ni des actes de cruauté justifiés par la coutume - Le Point Vétérinaire n° 397 du 01/07/2019
Le Point Vétérinaire n° 397 du 01/07/2019

JURISPRUDENCE

Juridique

Auteur(s) : Christian Diaz

Fonctions : 7, rue Saint-Jean
31130 Balma

La Cour de cassation a précisé le caractère non extensif des dérogations accordées par la loi aux actes de cruauté envers les animaux.

Les faits

En octobre 2006, à la suite d’un signalement, les enquêteurs découvrent que Mme Vaudou organise, avec l’aide de son mari et moyennant finances, des cérémonies au cours desquelles elle sacrifie des animaux, avant d’asperger les personnes présentes de leur sang, celui-ci étant censé les purifier. Elle sacrifie ainsi des poules ou des chèvres, à mains nues ou à l’aide d’un sabre.

Le 11 avril 2016, le tribunal correctionnel la déclare « coupable d’abus frauduleux de l’ignorance ou de la faiblesse d’une personne (…), exploitant la sujétion psychologique ou physique des participants ». Il la condamne à cinq ans de prison dont deux avec sursis. Il ordonne aussi la confiscation de son pavillon.

En revanche, le tribunal ne retient pas le délit d’acte de cruauté, Mme Vaudou ayant fait valoir qu’ils n’avaient « nullement eu l’intention d’infliger aux animaux une souffrance » et qu’ils avaient agi « comme dans le cadre d’un abattage rituel ».

La cour d’appel, tout en réduisant la peine, confirme le jugement pour abus de faiblesse, mais retient l’acte de cruauté.

Mme Vaudou se pourvoit en cassation en posant une question prioritaire de constitutionnalité. Elle demande ainsi « si les dispositions de l’article 521­1 du Code pénal, en tant qu’elles ne prévoient pas une exception pour les actes consistant à mettre à mort un animal dans le contexte religieux d’un sacrifice à une divinité, sont contraires au principe de liberté religieuse ainsi qu’au principe d’égalité devant la loi ».

L’arrêt

La Cour de cassation, qui statue le 5 mars 2019, répond que « le principe de liberté religieuse n’implique pas que soit autorisée la pratique, sur les animaux domestiques apprivoisés ou tenus en captivité, de sévices et actes de cruauté », à savoir « des actes accomplis intentionnellement dans le but de provoquer leur souffrance ou leur mort ». La cour juge en outre que « le principe d’égalité n’impose pas d’étendre l’exonération de responsabilité pénale », prévue par le Code pénal pour les combats de coqs et les courses de taureaux « dans les régions où ils font partie d’une tradition ininterrompue », à d’autres cas.

Elle refuse de transmettre la question au Conseil constitutionnel.

Mme Vaudou est donc condamnée, pour abus de faiblesse aggravé et sévices graves ou actes de cruauté envers un animal domestique, à quatre ans de prison dont deux avec sursis.

Pédagogie de l’arrêt

De tels sacrifices ne relèvent pas de l’abattage rituel. Selon la cour d’appel, « en application de l’article R 214-73 du Code rural, il est interdit à toute personne de procéder ou faire procéder à un abattage rituel en dehors d’un abattoir ». En outre, « les époux Vaudou n’ont utilisé aucune méthode d’endormissement avant de procéder à l’abattage d’un grand nombre d’animaux ».

La liberté de culte, qui s’étend aussi aux mouvements sectaires, ne saurait être contraire à l’ordre public. Dans cette affaire, la cour ne condamne pas le fait d’organiser des cérémonies cultuelles, mais l’abus de faiblesse d’une part, les sévices et actes de cruauté d’autre part.

La coutume, source de droit rarement illustrée, autorise à titre dérogatoire la pratique d’actes de cruauté envers les animaux domestiques à condition qu’il existe une tradition locale ininterrompue. Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général. Ainsi, il n’impose pas d’étendre l’exonération de responsabilité pénale, prévue à l’article 521-1du Code pénal, à d’autres cas que ceux, limitativement énumérés, des combats de coqs et des courses de taureaux.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Source

Cour de cassation, chambre criminelle, 05/03/2019.

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