L’embolie fibrocartilagineuse chez le chien - Le Point Vétérinaire expert canin n° 397 du 01/07/2019
Le Point Vétérinaire expert canin n° 397 du 01/07/2019

NEUROLOGIE

Analyse d’article

Auteur(s) : Mélanie Olive

Fonctions : CHV Atlantia
22, rue René Viviani
44200 Nantes
melanieolive@hotmail.fr

L’embolie fibrocartilagineuse est définie comme « une obstruction de vaisseaux de la moelle épinière (artère et/ou veine) par du matériel fibrocartilagineux provenant probablement du noyau pulpeux d’un disque intervertébral ». En effet, ce matériel est identique, du point de vue histologique et histochimique, au nucleus pulposus du disque intervertébral [1, 3, 4].

DIAGNOSTIC DE L’EMBOLIE FIBROCARTILAGINEUSE

1. Étiologie

L’embolie fibrocartilagineuse est davantage observée chez les chiens de grande taille et de race géante. Cependant, les schnauzers miniatures sont surreprésentés (17 %). Le syndrome hyperlipémique héréditaire serait à l’origine de micro-infarctus ou d’une hyperviscosité du milieu sanguin propice à une micro-angiopathie et à la survenue de cette maladie. Selon les études, l’âge d’apparition est variable (entre 2 mois et 11 ans), mais avec une médiane régulière vers 5 ou 6 ans. Chez le lévrier irlandais, l’embolie fibrocartilagineuse survient très jeune, entre 8 et 13 semaines d’âge. Environ 80 % des chiens atteints d’une embolie fibrocartilagineuse, diagnostiquée ante mortem ou confirmée histologiquement, pèsent plus de 20 kg (médiane de 27,6 kg). Le sex-ratio varie selon les études bien que, dans les plus récentes, une légère prédisposition des mâles soit rapportée [1, 5, 7, 8].

2. Examens clinique et neurologique

La présentation clinique typique est caractérisée par l’apparition aigüe (en moins de 6 heures) d’une myélopathie non progressive et non douloureuse (après les 24 premières heures), souvent asymétrique, classiquement observée à la suite d’un traumatisme ou d’un exercice physique (photo).

La détérioration neurologique maximale survient au cours des 6 à 24 premières heures et elle est suivie d’une amélioration graduelle ou d’une stabilisation des symptômes.

La plupart des chiens ne présentent plus de réflexe cutané au niveau du site de l’embolie. Chez certains d’entre eux, examinés durant les premières heures qui suivent l’apparition des signes neurologiques, une hyperesthésie focale légère à modérée peut être provoquée à la palpation des segments vertébraux touchés.

Les symptômes relevés le plus souvent dans l’étude sont une ataxie, une éventuelle perte de sensibilité, ainsi qu’une parésie modérée qui peut aller jusqu’à une paralysie de type motoneurone central ou périphérique. L’atteinte, généralement unilatérale, peut être bilatérale en fonction de l’étendue et de la localisation des lésions. Une asymétrie des lésions est rapportée dans 69,5 % des cas [1]. Ces lésions restent non évolutives sauf si une myelomalacie se déclare. Les cas d’embolisations successives ou secondaires à une première lésion ischémique d’origine embolique sont rarement rapportés, mais peuvent être à l’origine d’une aggravation des lésions [1, 2, 5, 7].

Auparavant, les segments considérés comme les plus touchés lors d’embolie fibrocartilagineuse étaient L4-S3 et C6-T2. Cependant, les dernières études, et notamment celle présentée ici, montrent une prédominance des lésions en T3-L3 (33,1 %) [1].

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

Le diagnostic différentiel de l’embolie fibrocartilagineuse inclut une hernie discale de type III, une hernie discale extrusive, une néoplasie, une méningomyélite et une fracture ou une luxation vertébrale. Les causes prédisposantes à l’embolie fibrocartilagineuse ou à la thrombose sont à explorer et comprennent les cardiomyopathies, l’hypothyroïdie, l’hyperthyroïdie, l’hyperadrénocorticisme, l’insuffisance rénale chronique et l’hypertension. Des analyses sanguines (biochimie et numération formule) peuvent aider à exclure ces maladies [5, 7, 8].

1. Imagerie médicale

La radiographie et la myélographie sont des examens peu utiles pour diagnostiquer une embolie fibrocartilagineuse, mais elles permettent d’exclure respectivement une fracture, une luxation vertébrale, une néoplasie vertébrale, une discospondylite et des hernies discales compressives. Quant au scanner, il permet d’exclure les autres causes de myélopathies aiguës.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) de la région rachidienne affectée est l’examen de choix pour le diagnostic ante mortem d’une embolie fibrocartilagineuse. En plus d’exclure d’autres causes de myélopathies, elle permet de visualiser les changements d’intensité du signal suggérant l’existence d’un infarctus ischémique de la moelle épinière. Les chiens qui sont ambulatoires lors de la présentation à l’examen d’IRM sont davantage susceptibles de présenter des résultats normaux que les chiens paralysés. En cas d’embolie fibrocartilagineuse non diagnostiquée à l’IRM lors de la phase initiale, il convient de répéter l’examen [1, 6, 9].

2. Examen du liquide céphalo-rachidien

L’analyse du liquide céphalo-rachidien peut être normale ou révéler des anomalies non spécifiques telles qu’une xanthochromie (1), une pléiocytose légère à modérée (7 à 84 globules blancs par microlitre) et une concentration élevée en protéines. Dans l’étude présentée, le liquide céphalo-rachidien était normal chez 48,1 % des chiens atteints et anormal chez 47,6 % d’entre eux. Les liquides céphalo-rachidiens considérés comme anormaux avaient un taux de protéines supérieur à 45 mg/dl. L’analyse du liquide céphalo-rachidien est donc non spécifique lors d’embolie fibrocartilagineuse, mais elle permet d’exclure d’autres hypothèses comme la méningomyélite [1].

Conclusion

L’apparition suraigüe et spontanée de la myélopathie, la race, l’aspect non progressif et asymétrique des signes neurologiques, ainsi que l’absence de douleur à la palpation du rachis sont des éléments évocateurs d’une embolie fibrocartilagineuse. Le diagnostic repose sur des examens clinique et neurologique rigoureux, associés à une IRM de la zone rachidienne suspecte. Le diagnostic de certitude est établi sur la base d’un examen histologique des segments de la moelle épinière qui sont atteints. La prise en charge consiste en un traitement de soutien et de nursing avec une physiothérapie adaptée. Le pronostic fonctionnel est bon à excellent, sauf en cas de perte de sensibilité profonde. Il est dont important de ne pas condamner ces animaux d’emblée.

  • (1) On appelle xanthochromie la coloration jaunâtre du liquide céphalo-rachidien due à la présence de faibles concentrations d’oxyhémoglobine (rose-orange) et/ou de bilirubine.

  • 1. Bartholomew KA, Stover KE, Olby NJ, et coll. Clinical characteristics of canine fibrocartilaginous embolic myelopathy (FCE): a systemic review of 393 cases (1973-2013). Vet. Rec., 2016;179(25):650.
  • 2. Cauzinille L, Kornegay JN. Fibrocartilaginous embolism of the spinal cord in dogs: review of 36 histollogically confirmed cases and retrospective study of 26 suspected cases. J. Vet. Intern. Med. 1996;10(4):241-245.
  • 3. Chung WH, Park SA, Lee JH, et coll. Percutaneous transplantation of human umbilical cord derived mesenchymal stem cells in a dog suspected to have fibrocartilaginous embolic myelopathy. J. of Vet. Sci. 2013;14(4):495-497.
  • 4. De Risio L. A review of fibrocartilaginous embolic myelopathy and different types of peracute non-compressive intervertebral disk extrusions in dogs and cats. Front. Vet. Sci. 2015;2:24.
  • 5. De Risio L, Platt SR. Fibrocartilaginous embolic myelopathy in small animals. Vet. Clin. Small Anim. 2010;40(5):859-869.
  • 6. Fenn J, Drees R, Volk HA, et coll. Inter and intraobserver agreement for diagnosing presummtive ischemic myelopathy and acute non compressive nucleus pulposus extrusion in dogs using magnetic resonance imaging. Vet. Radiol. Ultrasound. 2016;57:33-40.
  • 7. Full AM, Heller HL, Mercier M. Prevalence, clinical presentation, prognosis and outcome of 17 dogs with spinal shock and acute thoracolumbar spinal cord disease. J. Vet. Emerg. Crit. Care. 2016;26(3):412-418.
  • 8. Gandini G, Cizinauskas S, Lang J, et coll. Fibrocartilaginous embolism in 75 dogs: clinical findings and factors influencing the recovery rate. J. Small Anim. Pract. 2003;44(2):76-80.
  • 9. Mari L, Behr S, Shea A, et coll. Outcome comparaison in dogs with a presumptive diagnosis of thoracolumbar fibrocartilaginous embolic myelopathy and acute non-compressive nucleus pulposus extrusion. Vet. Rec. 2017;181(11):293. Référence

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIFS

Procéder à une revue systématique des informations rétrospectives, recueillies dans la littérature scientifique, portant sur une grande cohorte de chiens atteints d’embolie fibrocartilagineuse afin de clarifier les caractéristiques cliniques de cette affection, ainsi que son pronostic neurologique.

MÉTHODE

Étude rétrospective menée sur l’ensemble des articles traitant de l’embolie fibrocartilagineuse à la suite d’une recherche sur PubMed. Les critères d’inclusion des articles sont le signalement, l’anamnèse, l’évolution des signes cliniques, les résultats de l’examen neurologique, la localisation neuro-anatomique, la symétrie des signes neurologiques et leur sévérité, les résultats d’analyses du liquide céphalo-rachidien, les résultats d’imagerie et d’examens post-mortem, la récupération et la durée du suivi de l’animal.

RÉSULTATS

• L’analyse des données concerne le diagnostic définitif de 393 cas d’embolie fibrocartilagineuse.

• L’embolie fibrocartilagineuse est plus fréquente chez les chiens de grande taille et d’âge moyen (30 %), bien que le schnauzer nain soit la race la plus fréquemment atteinte (17 %).

• Les races canines de petite taille représentent 24 % des cas.

• La localisation neuro-anatomique la plus courante est une myélopathie au niveau du segment T3-L3 (33,1 %).

• Le pronostic de récupération fonctionnelle est bon à excellent : les chiens récupèrent leur capacité à marcher sans aide dans 85 % des cas au cours des 3 semaines qui suivent la survenue d’une embolie fibrocartilagineuse.

• Les déficits neurologiques persistants (ataxie) restent fréquents chez les animaux redevenus ambulatoires.

• Lorsque la nociception est absente lors de la présentation de l’animal, le taux de récupération est inférieur à 10 %.

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