Introduction à la fluidothérapie : notions de physiologie appliquée - Le Point Vétérinaire n° 397 du 01/07/2019
Le Point Vétérinaire n° 397 du 01/07/2019

PHYSIOLOGIE

Dossier

Auteur(s) : Maxime Cambournac

Fonctions : Service d’urgence,
réanimation et soins intensifs
CHV Frégis
43, avenue Aristide-Briand
94110 Arcueil

Pour pouvoir établir un plan de fluidothérapie, il convient d’abord de bien appréhender les règles de physiologie qui déterminent les mouvements des fluides dans l’organisme.

1. Les compartiments hydriques

Constituant primordial d’un organisme, l’eau représente environ 60 % du poids corporel (figure 1). L’eau se répartit pour deux tiers dans le compartiment intracellulaire et un tiers dans le compartiment extracellulaire. Situé à l’intérieur de la membrane plasmique des cellules, le compartiment intracellulaire est en équilibre osmotique avec le compartiment extracellulaire [1]. Ce dernier regroupe trois sous-compartiments :

– le compartiment interstitiel, situé entre les vaisseaux et l’intérieur des cellules, occupant 75 % du compartiment extracellulaire ;

– le compartiment intravasculaire, regroupant tout ce qui est au sein des vaisseaux sanguins, qui comble 25 % du compartiment extracellulaire ;

– le troisième secteur, représenté par l’eau libre qui n’est dans un aucun autre secteur. D’un point de vue clinique, ce troisième secteur est le plus souvent constitué par les épanchements ou les rétentions liquidiennes intestinales. En conditions physiologiques, il n’est pas censé exister.

2. Équilibre hydrique et mouvement de fluides

Loi de Starling

Un mouvement de fluides au travers des parois des capillaires est essentiel pour maintenir les échanges en nutriments (oxygène, glucose, acides aminés) et en déchets entre les cellules et le sang. Décrit initialement en 1894, ce mouvement de fluides est régi par la loi de Starling [2]. Ainsi, les mouvements de fluides entre les compartiments vasculaire et interstitiel vont dépendre de la pression hydrostatique, de la pression oncotique et du coefficient de perméabilité membranaire (figure 2). La pression hydrostatique est la pression exercée par tout fluide dans un espace clos. Par exemple, pour une colonne d’eau, la pression exercée contre les parois est plus grande en bas de la colonne qu’en haut, notamment en raison de la gravité et du poids de la colonne d’eau. Ce phénomène est similaire à ce qui se passe dans l’organisme : la force motrice, produite par le cœur, est plus forte en début de capillaire qu’à la fin. Ce mouvement de fluides ne serait pas possible sans une autre spécificité de l’organisme : la paroi vasculaire. En effet, le caractère semi-perméable de celle-ci permet le passage des fluides, ions et molécules de petite taille, tout en retenant les molécules de grande taille et les cellules. La perméabilité de la paroi vasculaire est représentée dans l’équation de Starling par le coefficient de filtration. Ce dernier peut être altéré dans certaines conditions telles que les états inflammatoires, locaux ou systémiques, les vascularites ou encore les brûlures. Enfin, au fur et à mesure que le sang parcourt le capillaire, la pression exercée sur les parois diminue en raison de la perte du filtrat au travers de la membrane, et de la diminution de la force de propulsion du cœur. La pression oncotique est la force exercée par les protéines plasmatiques pour retenir l’eau dans le compartiment vasculaire. En effet, en l’absence de force d’opposition, tout le contenu vasculaire filtrerait au travers de la paroi pour diffuser dans le compartiment interstitiel.

Chez un animal fortement déshydraté par exemple, la pression oncotique est augmentée (hémoconcentration), et la pression hydrostatique est normale ou diminuée (lors d’hypovolémie). Ces altérations des forces de Starling favorisent une diminution, voire un arrêt de la filtration au travers de la paroi vasculaire, et une augmentation de la réabsorption vasculaire en fin de capillaire du fluide interstitiel (figure 3). Ainsi, le volume circulant est augmenté, la pression oncotique diminuée par dilution, pour un retour à l’état de base, quand cela est possible.

Osmolalité et tonicité

Dans tout fluide, l’effet osmotique d’un soluté dépend en partie de la perméabilité du soluté à travers les membranes séparant les compartiments. Ainsi, chez l’animal, l’effet osmotique d’un soluté va dépendre de la perméabilité à ce soluté de la paroi vasculaire ou de la membrane cellulaire selon les compartiments. Dans la majorité des cas, l’urée ne contribue pas à la création d’une pression osmotique in vivo, puisqu’elle diffuse presque librement au travers des parois cellulaires (figure 4). Néanmoins, dans certains cas particuliers (urémie sévère, parfois chronique), elle peut contribuer à la création d’une pression osmotique, notamment intracellulaire, à l’origine de certains troubles nerveux urémiques ou de syndromes de déséquilibre postdialyse. À l’inverse, le glucose ne diffuse pas librement in vivo, mais nécessite des transporteurs. Sa présence entraîne alors un mouvement d’eau de la solution de concentration moindre en soluté vers la solution de concentration plus élevée. Ce phénomène est appelé osmose, et son importance est proportionnelle à la pression osmotique produite par le soluté (figure 5).

L’osmolalité des fluides physiologiques est dépendante des composants plasmatiques tels que le sodium, le potassium, le chlore, les bicarbonates, l’urée et le glucose, qui sont présents dans des concentrations suffisamment élevées pour créer individuellement une force osmotique. Les formules pour calculer l’osmolalité comprennent diverses combinaisons des solutés les plus osmotiques, mais aucune ne comprend tous les solutés osmotiques actifs car ils ne sont pas tous mesurés en routine. La formule la plus utilisée est : osmolalité plasmatique (mOsm/kg) = 2 × ([Na] + [K]) + [glucose] + [urée], chaque élément étant exprimé en mmol/l [3].

Néanmoins, in vivo, tous les solutés potentiellement osmotiques ne sont pas forcément à l’origine d’une pression osmotique. Les membranes cellulaires étant majoritairement perméable à l’urée et au potassium (sauf cas particuliers), il est d’usage de négliger leurs contributions. Ainsi, l’osmolalité effective du plasma est calculée selon la formule : osmolalité effective plasmatique (mOsm/kg) = 2 × [Na] + [glucose]. Afin de limiter les confusions, et par souci de simplification, il est d’usage de parler de tonicité au lieu d’osmolalité effective. En effet, la tonicité d’un liquide se réfère à sa capacité à créer une pression osmotique, et par extension à créer un mouvement d’eau d’un compartiment à un autre. Ce concept, primordial dans la compréhension de la physiologie de la fluidothérapie, sert à différencier les types de fluides, et à expliquer leur comportement in vivo.

Références

  • 1. DiBartola SP. Fluid, electrolyte, and acid-base disorders in small animal practice – E-Book. Elsevier Health Sciences. 2011:2-25.
  • 2. Michel CC, Arkill KP, Curry FE. The revised starling principle and its relevance to Peri-operative fluid management. In : Perioperative Fluid Management. Springer, Cham. 2016;19 (1):31-74.
  • 3. Silverstein D, Hopper K. Small animal critical care medicine – E-Book. Elsevier HealthSciences. 2014:352-358.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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