Étape 4 : Réalisation du culot urinaire et examen du sédiment normal - Le Point Vétérinaire n° 397 du 01/07/2019
Le Point Vétérinaire n° 397 du 01/07/2019

En 10 Étapes

Auteur(s) : Margot Grebert*, Cathy Trumel**

Fonctions :
*Équipe de biologie médicale-histologie,
Crefre, université de Toulouse, Inserm-UPS-ENVT
23, chemin des Capelles
31076 Toulouse Cedex 03

La préparation du culot urinaire doit être rapide et standardisée. Sa lecture permet ensuite d’identifier plusieurs éléments tels que les cellules, les cylindres, les cristaux et d’éventuels agents contaminants ou infectieux.

L’examen microscopique du sédiment urinaire constitue une partie essentielle de l’analyse d’urine conventionnelle. Il permet de détecter des signes de saignement, une inflammation ou une infection, une atteinte rénale, ou encore des éléments reflétant les conditions physico-­chimiques du milieu.

Cette étape complète l’évaluation macroscopique et biochimique des urines, ainsi que la mesure de la densité urinaire, et permet d’interpréter et d’expliquer certaines anomalies détectées lors des étapes précédentes. Par exemple, lorsque la bandelette indique une protéinurie, un culot actif, caractérisé par la présence d’hématies et de leucocytes, oriente vers une protéinurie postrénale, alors qu’un culot inactif, c’est-à-dire dépourvu de cellules, est en faveur d’une protéinurie d’origine rénale ou prérénale.

INDICATIONS

L’examen du sédiment urinaire est a priori à réaliser pour chaque analyse d’urine, en particulier lors d’affection médicale et de signes cliniques évocateurs tels que des troubles mictionnels ou une pigmenturie, ou lors d’antécédents d’affection urogénitale [4].

MÉTHODE

Une réalisation rapide et standardisée est essentielle, afin de limiter l’incidence des facteurs de variation préanalytiques et analytiques auxquels cet examen est particulièrement sensible [1].

PRÉLÈVEMENT ET CONSERVATION

Il est recommandé de réaliser l’analyse juste après le prélèvement des urines, compte tenu de la dégradation des constituants du sédiment urinaire qui intervient de façon rapide et non prévisible. La modification du pH, qui constitue l’une des principales altérations physiques lors de la conservation des urines à température ambiante, résulte d’une prolifération de bactéries contaminantes et de l’élimination du CO2 dans l’air. L’alcalinisation des urines accélère la lyse des hématies, des cylindres et des leucocytes, et peut modifier la composition des cristaux. Ces modifications apparaissent rapidement, dans les heures qui suivent le prélèvement [4].

Si l’analyse ne peut être réalisée au cours des 30 minutes suivant le prélèvement, les urines peuvent être réfrigérées afin de minimiser l’altération des constituants et la prolifération de bactéries. L’analyse du sédiment d’urines réfrigérées s’effectue dans les heures qui suivent le prélèvement [4].

CENTRIFUGATION

L’emploi de tubes coniques en plastique est conseillé pour réaliser le culot de centrifugation, car ceux-ci facilitent le retrait du surnageant. Le volume d’urines à centrifuger doit être standardisé. Dans les ouvrages de référence, un volume de 5 ml, voire 10 ml, est généralement recommandé [1, 4]. En pratique, la quantité d’urine étant parfois un facteur limitant, il est également possible d’utiliser un volume plus faible, de 1 à 1,5 ml, en veillant à conserver environ 10 % du volume initial après l’élimination du surnageant [6].

Le contenant initial est homogénéisé délicatement, puis le volume à centrifuger est transféré dans un tube conique de type Eppendorf (photos 1a à 1d). Les urines sont centrifugées avec une force de 400 à 500 G pendant 5 minutes, ce qui correspond à environ 1 000 à 1 500 tours par minute selon la centrifugeuse utilisée, lorsque la vitesse peut être choisie. La centrifugation des urines pour l’examen du sédiment augmente la concentration des différents éléments du culot, ce qui améliore la sensibilité du test, mais constitue néanmoins une source d’erreur (volume variable, force ou durée de centrifugation inadaptée par exemple) [3]. Une force de centrifugation excessive détruit les cylindres et les cellules [1]. Le type de tube, le volume d’urines centrifugées ou encore la force de centrifugation sont autant de facteurs susceptibles d’influencer les résultats quantitatifs de l’analyse du sédiment urinaire [2].

ÉLIMINATION DU SURNAGEANT ET REMISE EN SUSPENSION

Deux techniques d’élimination du surnageant sont décrites.

L’élimination par décantation, qui consiste en un simple retournement du tube à la verticale, permet de conserver un volume relativement constant au fond du tube et doit correspondre à environ 10 % du volume initial (0,5 ml environ lorsque le volume initial est de 5 ml, ou 0,2 ml lorsqu’il est de 2 ml) pour la remise en suspension du sédiment. Cette technique est réalisable lorsque le tube est à fond conique.

Si le tube utilisé pour la centrifugation des urines est à fond plat, il est préférable d’éliminer le surnageant à l’aide d’une pipette, en veillant à ne pas aspirer le sédiment pas toujours bien visible au fond du tube, et en conservant un volume résiduel de surnageant constant [1, 4]. La remise en suspension du sédiment dans le surnageant résiduel, qu’il soit visible macroscopiquement ou non, s’effectue à l’aide d’une pipette via quelques aspirations délicates.

COLORATION DU SÉDIMENT HUMIDE(1)

Des colorants (Sternheimer-Malbin, Sedi-Stain, Kova Stain ou bleu de toluidine) peuvent être ajoutés au culot urinaire afin de faciliter l’identification de différents éléments. Un volume approprié de colorant est déposé dans le tube après le retrait du surnageant, selon les recommandations du fabricant, puis homogénéisé via des aspirations délicates. Si l’ajout de colorant facilite l’identification des cellules nucléées, il peut cependant contaminer le sédiment (cristaux, bactéries). Le facteur de dilution est à prendre en compte dans les résultats chiffrés obtenus [1, 4]. Cette étape n’est pas nécessaire en pratique.

DÉPÔT ENTRE LAME ET LAMELLE

Une goutte du culot est déposée au centre d’une lame de verre propre, puis recouverte d’une lamelle de verre. La goutte doit être de taille constante, suffisamment grande pour que la lamelle soit entièrement en contact avec le liquide, mais pas trop volumineuse afin d’éviter que celle-ci ne flotte sur le liquide. La lamelle permet l’étalement du culot, évite le contact entre les objectifs du microscope et l’urine et permet, lorsque cela est nécessaire, l’observation à l’huile à immersion. Elle limite par ailleurs l’évaporation du liquide.

D’autres méthodes standardisées pour l’examen du sédiment urinaire sont décrites, telles que des grilles volumétriques pour le comptage ou des méthodes automatisées, mais elles sont peu utilisées en médecine vétérinaire [1].

EXAMEN MICROSCOPIQUE DU SÉDIMENT

L’examen microscopique du sédiment urinaire, entre lame et lamelle, est à réaliser juste après la préparation. Le contraste est augmenté en fermant le diaphragme et/ou en abaissant le condenseur du microscope, et en ajustant l’intensité lumineuse. De légers mouvements de la vis micrométrique du microscope permettent d’observer les différents éléments en trois dimensions et de déterminer s’ils sont situés sur le même plan ou non. Sur un microscope à lumière polarisée, l’observation du culot avec une lentille de verre permet de détecter des cristaux plus facilement.

1. Examen à faible grossissement

La première étape consiste à balayer l’ensemble de la lamelle à faible grossissement (objectif 10). Elle permet une appréciation semi-quantitative et l’identification des différents éléments du culot, notamment ceux présents en faible quantité (cylindres, cristaux, pigments, cellules, etc.). Certains éléments se placent préférentiellement en périphérie de la lamelle, il est donc important de la parcourir intégralement.

Pour l’évaluation semi-quantitative des cylindres, le comptage est réalisé sur 10 champs et est exprimé par une moyenne par champ [8].

2. Examen à fort grossissement

La deuxième étape consiste à évaluer le sédiment à plus fort grossissement (objectif 40) afin d’identifier les cellules (hématies, leucocytes, cellules épithéliales, spermatozoïdes), les cylindres, les cristaux, la présence d’agents infectieux ou contaminants (bactéries, éléments fongiques, parasites, débris végétaux/pollens). Il est également possible d’identifier d’autres éléments, comme des gouttelettes lipidiques ou encore des grains de talc.

L’évaluation semi-quantitative est réalisée en comptant les différents éléments présents sur 10 champs à fort grossissement, exprimés en moyenne par champ [8].

Hématies

Des hématies peuvent être présentes dans les urines d’animaux sains lors de prélèvement par cystocentèse, sondage ou taxis externe résultant d’un traumatisme des voies urinaires, ou lors de miction spontanée chez les chiennes en chaleurs. De couleur jaune pâle, elles ont une forme ronde à biconcave avec un aspect lisse ou crénelé et mesurent de 6 à 7 µm de diamètre. Les hématies sont légèrement plus petites que les leucocytes et ne contiennent aucune structure interne. Leur aspect peut apparaître modifié selon les conditions physico-chimiques des urines : disparition de la coloration due à la perte d’hémoglobine (ghost cells), membrane à l’apparence crénelée liée à la perte d’eau (l’aspect crénelé des échinocytes est à distinguer de l’aspect granuleux des leucocytes). Leur taille varie suivant la densité de l’urine : lorsque cette dernière est faible, les hématies gonflent, apparaissent plus grosses et globuleuses, et peuvent être lysées. Leur quantification est réalisée à l’objectif 40 (tableau 1 et photo 2) [4].

Leucocytes

Des leucocytes peuvent être retrouvés en faible quantité dans les urines d’animaux sains : neutrophiles, lymphocytes, monocytes/macrophages et éosinophiles. Leur aspect, à l’examen du sédiment urinaire, dépend du type de cellule et des caractéristiques physico-chimiques des urines. Les neutrophiles mesurent 1,5 à 2 fois la taille d’une hématie, sont sphériques et caractérisés par un aspect granuleux. Le noyau n’est généralement pas visible à l’examen du sédiment non coloré.

Comme les hématies, les leucocytes sont rapidement lysés lorsque les urines sont conservées à température ambiante. La quantité de leucocytes peut chuter de moitié en une heure. Leur quantification, réalisée à fort grossissement, est à confronter aux valeurs seuils fournies par les ouvrages de référence si le sédiment a été préparé dans des conditions similaires, c’est-à-dire avec une proportion équivalente d’urines centrifugées par rapport au volume restant après l’élimination du surnageant [4].

Cellules épithéliales

Des cellules épithéliales peuvent être observées dans le sédiment urinaire de chiens et de chats sains. Leur présence est le résultat de l’exfoliation physiologique de l’épithélium. Elles sont de plusieurs types : des cellules épithéliales tubulaires provenant des tubules rénaux, des cellules épithéliales transitionnelles, ou cellules urothéliales, et des cellules squameuses qui sont les plus grandes (environ 50 µm) et de forme plate. En pratique, les différentes cellules épithéliales sont difficiles à distinguer les unes des autres, et seule la classification squameuse/non squameuse est effectuée [7]. La quantité de cellules épithéliales est variable et il n’existe pas, dans la littérature, de seuil précis chez l’animal sain [4].

Cylindres

Des cylindres hyalins en faible quantité, composés essentiellement de protéine de Tamm-Horsfall sécrétée par les cellules épithéliales tubulaires, peuvent être observés dans les urines d’animaux sains. De très rares cylindres granuleux sont aussi parfois visibles chez ces animaux [3, 5].

Cristaux

De nombreux types de cristaux(2) peuvent être présents dans les urines d’animaux sains. Ils sont notamment à confronter à l’existence de signes cliniques, d’une hématurie, à la densité urinaire, à l’imagerie et au bilan biologique de l’animal.

Agents infectieux et antiparasitaires

Des bactéries peuvent être détectées à fort grossissement (objectif 40) et apparaissent sous la forme de bacilles ou de coques formant des amas ou des chaînettes. Leur présence est parfois liée à une infection du tractus urogénital ou à une contamination lorsqu’il s’agit d’une miction naturelle, mais elle est toujours considérée comme anormale dans le cadre d’un prélèvement par cystocentèse en raison du faible risque de contamination.

Des éléments fongiques, de type hyphe ou levure, sont presque toujours le reflet d’une contamination, à de rares exceptions près, notamment en présence de souches de Candida ou d’Aspergillus potentiellement pathogènes.

Enfin, de façon plus anecdotique, il est possible d’observer des œufs de parasites provenant d’une contamination fécale ou, plus rarement, pathogène (œufs ou adultes de nématodes Pearsonema et Dioctophyme renale) [8].

Autres éléments

Certains éléments sans grande signification clinique sont également retrouvés dans le sédiment urinaire d’animaux sains : des gouttelettes lipidiques, des spermatozoïdes chez le mâle, des hyphes fongiques/spores, des pollens, des débris ou fibres de végétaux, des grains de talc, des débris de verre provenant de la lamelle, des bulles d’air, des colorants. Ils doivent être identifiés afin d’éviter toute confusion avec d’autres éléments. Par exemple, les gouttelettes lipidiques sont à différencier des hématies : leur taille est variable et elles n’apparaissent généralement pas sur le même plan. De même, les grains de talc et les débris de verre doivent être distingués des cristaux (tableau 2 et photos 3a à 3f) [8].

Conclusion

L’examen microscopique du sédiment urinaire est une étape fondamentale dans l’analyse d’urine. Afin de limiter les sources d’erreurs pré­analytiques et analytiques, il est essentiel d’en standardiser la réalisation. La lecture du culot, qui s’effectue à faible puis à fort grossissement, doit permettre de détecter et de réaliser une estimation semi-quantitative des cellules et des éléments d’intérêt présents dans le sédiment.

  • (1) La cytologie colorée des urines sera développée dans l’étape 9.

  • (2) Les différents types de cristaux et leur signification seront détaillés dans l’étape 5.

Références

  • 1. ASVCP Quality assurance and lab standards committee quality control guidelines : SCOPE, https://cdn.ymaws.com/www.asvcp.org/resource/resmgr/qals/asvcp_2009_guide_destin.pdf, 2006 revision : finalized ACVP meeting, Monterey, CA, December 2009.
  • 2. Bunjevac A, Gabaj NN, Miler M et coll. Preanalytics of urine sediment examination : effect of relative centrifugal force, tube type, volume of sample and supernatant removal. Biochem. Med. (Zagreb) 2018;28 (1):010707.
  • 3. Delanghe JR, Speeckaert MM. Preanalytics in urinalysis. Clin. Biochem. 2016;49:1346-1350.
  • 4. Osborne CA, Stevens JB. Urianalysis : a clinical guide to compassionate patient care. Shawnee Mission, Bayer Corporation. 1999:214p.
  • 5. Stockham SL, Scott MA. Fundamentals of veterinary clinical pathology, 2nd edition. Ames, Iowa, Blackwell Publishing. 2008:908p.
  • 6. Valenciano AC, Cowell RL. Cowell and Tyler’s diagnostic cytology and hematology of the dog and cat, 4th edition. Saint Louis, Missouri, Elsevier. 2013:608p.
  • 7. Vap L, Shropshire SB. Urine cytology collection, film preparation and evaluation. Vet. Clin. Small Anim. 2017;47:135-149.
  • 8. Villiers E, Ristic J. BSAVA Manual of canine and feline clinical pathology, 3rd edition, Gloucester 2016:183-218.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Le culot urinaire, pour être interprétable, doit être préparé de façon standardisée.

→ L’examen du sédiment urinaire fournit des informations complémentaires à celles de la bandelette et de la densité, et est notamment nécessaire à l’interprétation de certaines variables.

→ L’examen du sédiment urinaire permet de rechercher des signes d’inflammation, d’infection, de saignement et d’atteinte rénale, ainsi que la présence de cristaux, etc.

1. Préparation standardisée du culot. 1a. Volume constant d’urines centrifugées dans un tube conique. 1b. Élimination du surnageant par décantation. 1c. Remise en suspension du culot par aspiration délicate. 1d. Dépôt d’une goutte de volume constant sur une lame et utilisation d’une lamelle de verre.PHOTOS : LABORATOIRE CENTRAL DE BIOLOGIE MÉDICALE, ENVT
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