Établir un plan de fluidothérapie - Le Point Vétérinaire n° 397 du 01/07/2019
Le Point Vétérinaire n° 397 du 01/07/2019

SOINS INTENSIFS

Dossier

Auteur(s) : Maxime Cambournac

Fonctions : Service d’urgence,
réanimation et soins intensifs
CHV Frégis 43,
avenue Aristide-Briand
94110 Arcueil

Comme il existe plusieurs types de fluides, il est indispensable d’en connaître les propriétés pour choisir le plus adapté à chaque circonstance. Des conditions spécifiques, telles que l’anesthésie et les troubles digestifs, demandent un ajustement particulier du protocole.

La fluidothérapie regroupe tous les traitements qui visent à rétablir le statut volumique, à corriger la déshydratation ou les déséquilibres électrolytiques afin de s’assurer que les besoins cellulaires soient couverts (encadré 1). De par son utilisation quotidienne en médecine vétérinaire, la fluidothérapie est souvent standardisée, parfois même banalisée. Elle n’en reste pas moins un traitement à part entière, qui présente des effets indésirables, potentiellement mortels. Ainsi, comme toute prescription, le plan de fluidothérapie doit être individualisé, adapté à chaque animal, et régulièrement réévalué et reformulé selon l’évolution clinique. Pour ce faire, le clinicien dispose de nombreuses possibilités : types de fluides, volume, débit, ou voies d’administrations. Cet article a pour objectif de fournir des recommandations pratiques pour l’établissement d’un plan de fluidothérapie.

1 Types de fluides

Les fluides sont classés selon leur effet principal sur les composants de la loi de Starling.

→ Les cristalloïdes, solutés hydriques contenant des quantités variables d’électrolytes en solution, agissent principalement sur la composante hydrostatique. Ils sont ensuite sous-catégorisés selon leur tonicité relative par rapport au plasma normal d’un animal en état physiologique (tableau 1). Ainsi, les solutés hypertoniques, de par leur tonicité supérieure à celle du plasma en état physiologique, peuvent créer une pression osmotique positive dirigée vers le compartiment vasculaire. Cette propriété est à l’origine de leur capacité de rétention vasculaire. À l’inverse, les isotoniques ne peuvent pas créer de pression osmotique. Enfin, les hypotoniques sont à l’origine d’un mouvement d’eau du compartiment vasculaire vers le compartiment interstitiel puis intracellulaire.

Souvent catégorisés en “isotoniques” ou “hypertoniques” selon leur concentration, les solutés glucosés se comportent comme des solutés hypotoniques. En effet, le glucose possède un pouvoir osmotique physiologique. Néanmoins, une fois administré par voie intraveineuse, il est consommé par les cellules de l’organisme ou diffuse dans le compartiment intracellulaire. Ainsi, dans le compartiment vasculaire, seul reste le soluté de base utilisé pour la dilution du glucose : l’eau pure. Une attention particulière doit être portée lors de l’utilisation du glucose 30 % : son osmolarité initiale très élevée peut causer des irritations et des hémolyses locales au site d’injection en cas d’administrations répétées. Ainsi, il est systématiquement dilué (au ratio 1 :1) lors d’utilisation sur une voie veineuse périphérique.

→ Les hydroxyéthylamidons (HEA) sont des solutés de remplissage appartenant à la famille des colloïdes synthétiques, dont ils représentent le sous-groupe le plus utilisé en France. Ce sont des polysaccharides naturels synthétisés à partir d’extraits de maïs ou de pomme de terre. Leur intérêt principal est leur pouvoir d’expansion (de 1,5 contre 0,2 à 0,3 pour les cristalloïdes) ainsi que leur durée d’action [16]. Ils ont été développés initialement pour servir lors de choc hypovolémique, principalement hémorragique, ou pour soutenir la pression oncotique lors d’hypoalbuminémie. Chez le chien sain, l’administration d’un bolus de HEA permet d’obtenir une augmentation plus durable, mais plus lente et plus faible du volume plasmatique comparativement à l’utilisation de NaCl à 0,9 % [12]. Les colloïdes ont longtemps été utilisés en tant que support de la pression oncotique lors d’hypoprotéinémie, cependant de récentes données semblent remettre en question leur action réelle in vivo sur cette pression.

Enfin, chez l’homme, l’administration de colloïdes semble être associée à la survenue de complications graves (insuffisance rénale ou coagulopathie), avec pour conséquence finale une augmentation du taux de mortalité. Désormais, le débat s’étend à la médecine vétérinaire où, par mesure de précaution, leur utilisation dans la réanimation liquidienne initiale n’est plus recommandée [1]. Il est préconisé de les réserver au traitement du choc hémorragique, en remplacement initial ou en combinaison des produits sanguins, même si leur supériorité par rapport aux cristalloïdes reste encore à prouver [4, 6].

2 Établir un plan de fluidothérapie complet

Identifier le type de déficit

La physiopathologie de la déshydratation et de l’hypo­volémie doit être parfaitement comprise si le clinicien veut être en mesure de reconnaître correctement ces états et de les traiter de manière adaptée. L’utilisation abusive et inappropriée de ces termes est un risque majeur de confusions, mais surtout d’erreurs thérapeutiques.

La volémie correspond au contenant du territoire vasculaire. Elle représente de façon indirecte la perfusion tissulaire. Les paramètres cliniques de la volémie regroupent : la fréquence cardiaque, le temps de remplissage capillaire, la couleur des muqueuses, la température des extrémités, la qualité du pouls et l’état de conscience (tableau 2)(1).

L’état d’hydratation correspond à la teneur en eau du compartiment interstitiel. Son évaluation repose sur des critères cliniques (figure 1). Une déshydratation extracellulaire inférieure à 5 % n’est pas objectivable sur des critères cliniques. Un déficit en fluides du compartiment intravasculaire va apparaître dès lors que la déshydratation extracellulaire est supérieure à 10 à 12 %. Une déshydratation extracellulaire supérieure à 14 % peut entraîner la mort de l’animal. Néanmoins, il convient de rester vigilant quant à l’utilisation de ces paramètres non spécifiques, qui peuvent être faussement modifiés, et tromper le clinicien. Bien que ces types de déficits soient parfaitement distincts dans leurs mécanismes et leurs diagnostiques, un animal peut être en hypovolémie et déshydraté en même temps.

Hiérarchiser les priorités

Dans l’établissement d’un plan de fluidothérapie, systématiser le questionnement clinique garantit une prise en charge clinique appropriée. Ainsi, il est important de toujours se poser les mêmes (bonnes) questions, dans le bon ordre (encadré 2).

En répondant à ces questions, le vétérinaire aborde les trois principales composantes du plan de fluidothérapie : réanimation, remplacement et entretien (figure 2).

Correction de l’hypovolémie

Les interventions de stabilisation pour les animaux en état de choc hypovolémique doivent avoir pour objectif la restauration des paramètres cliniques et paracliniques de la volémie. La fluidothérapie dite à “rythme agressif”, ou à “dose de choc” est désormais abandonnée au profit de protocoles titrés et adaptés utilisant des boli répétés jusqu’à rétablissement de la volémie (notion de titration).

Initialement, pour l’hypovolémie, la prise en charge repose sur l’utilisation de cristalloïdes isotoniques (NaCl à 0,9 % ou Ringer lactate [RL]) (figure 3). Leur prescription nécessite une dose et un temps. Pour un chien de 17 kg en hypovolémie, par exemple, un bolus initial pourrait être de 15 ml/kg administré en 10 minutes, soit un volume total de 255 ml (15 ml/kg × 17 kg). Le débit nécessaire est de 1 530 ml/h, soit 6 × 255 ml. Dans ce contexte, les pompes à perfusion, ou pousse seringue, sont particulièrement utiles, en permettant au vétérinaire de s’assurer que le volume prescrit est correctement administré, dans le délai imparti (photo 1). En l’absence de ce type de matériel, l’utilisation d’un débitmètre ou une évaluation au compte-gouttes sont possibles (photos 2 et 3). Néanmoins, le clinicien doit mettre un rappel ou un minuteur afin de modifier le débit une fois le temps écoulé.

Une fois le premier bolus terminé, il est impératif de ré­évaluer l’état clinique de l’animal. Si l’état d’hypovolémie persiste, un deuxième bolus est nécessaire. Il doit être incrémenté : augmentation de la dose et/ou diminution de la durée d’administration. Ce deuxième bolus sur le même chien pourrait être de 15 ml/kg en 5 minutes. Enfin, un troisième bolus de cristalloïdes isotoniques est parfois nécessaire. Dans la majorité des cas, les boli de cristalloïdes isotoniques suffisent à restaurer la volémie.

En l’absence de réponse au troisième bolus, il est couramment recommandé d’utiliser un soluté hypertonique. Ainsi, le NaCl à 7,5 % ou 10 % est le fluide de choix. Il peut, selon l’évaluation du clinicien être couplé à un dernier bolus de soluté isotonique (NaCl à 0,9 % ou RL). En l’absence de réponse à une dose totale cumulée de soluté de 90 à 100 ml/kg, le recours aux vasopresseurs (noradrénaline, adrénaline, éphédrine) est souvent recommandé [3]. Désormais averti des possibles complications, le clinicien peut opter pour l’utilisation des colloïdes une fois la balance bénéfices/risques établie.

Lors de la prise en charge d’un chat en hypovolémie, le volume des boli doit être diminué, et leur durée d’administration souvent allongée [3]. La diminution des doses s’explique par un risque plus important de développer une surcharge volumique (l’apparition d’un galop cardiaque en est souvent le premier signe).

Seule la voie intraveineuse doit être envisagée pour la restauration du volume circulant. L’arrêt des boli ne se fait que lorsque le volume circulant est restauré ou que la dose cumulée des boli atteint 90 ml/kg.

Correction de la déshydratation

Après avoir efficacement traité l’hypovolémie, le plan de fluidothérapie doit viser la correction de la déshydratation, la couverture des besoins physiologiques quotidiens et les pertes. Historiquement appelés “perfusions de maintenance”, les solutés glucosés (glucose à 5 %, NaCl à 0,45 % + glucose à 2,5 %) n’ont plus leur place dans les protocoles de réhydratation initiaux [13]. Aussi, en cas d’hypoglycémie réfractaire, il est préférable d’ajouter du glucose à 30 % dans une poche de NaCl à 0,9 % ou de RL. Les solutés de choix sont les cristalloïdes isotoniques (NaCl à 0,9 % ou RL). Bien que longtemps considérés interchangeables, les publications récentes semblent converger vers une supériorité du RL, qui serait donc le fluide de choix [10, 11]. En effet, la composition du chlorure de sodium, aussi dénommé sérum physiologique, ne semble pas être réellement physiologique : la teneur en chlore du NaCl à 0,9 % est largement supérieure à celle du plasma. Ainsi, l’utilisation à long terme de ce fluide pourrait être à l’origine de déséquilibres acido-électrolytiques : acidémie, hyperchlorémie, hypokaliémie, hypomagnésemie [9]. Enfin, il semblerait que la concentration élevée en chlore du NaCl à 0,9 % puisse être à l’origine d’affection rénale [17].

Une fois le type de fluide choisi, il est indispensable de déterminer le volume de solutés nécessaires pour combler le déficit du compartiment interstitiel. Le volume total à administrer est calculé par l’équation suivante : volume à perfuser (ml) = poids (kg) × % de déshydratation × 10. Cette équation détermine le volume total à administrer sur 24 heures pour corriger le déficit tel qu’il est évalué par le clinicien. Par exemple, pour un chien de 17 kg déshydraté à 5 %, le volume à perfuser est égal à 17 × 5 × 10 = 850 ml de cristalloïdes isotoniques à apporter sur 24 heures. Ainsi, le débit pour cet animal est de 850 ml/24 h, soit 35 ml/h.

Bien que le volume total à administrer soit calculé pour 24 heures, il est impératif de réévaluer la déshydratation (donc le poids) de l’animal toutes les 6 à 8 heures. En effet, la prescription initiale dépendant de la justesse de l’évaluation clinique, il est parfois nécessaire d’adapter le plan selon l’évolution clinique, l’état de déshydratation après 6 à 8 heures de perfusion, ou encore la présence de pertes non objectivées initialement.

Calcul de la maintenance

Lorsque la volémie est rétablie, et la déshydratation corrigée, ou à défaut en cours de correction, une fluidothérapie de maintenance doit être mise en place, visant à compenser les défauts d’apports ou, le plus souvent, des pertes insensibles liées au métabolisme de base. Ce débit de maintenance s’ajoute au débit calculé pour la correction de la déshydratation. À nouveau, les solutés isotoniques sont recommandés en première intention. Néanmoins, dans certains cas (déficit en eau libre, hypernatrémie, déshydratation intracellulaire) des solutés hypotoniques (NaCl 0,45 % ou glucose 2,5 %) peuvent être envisagés.

La formule couramment admise pour le calcul de la couverture des besoins est celle de 2 ml/kg/h. Chez le chiot et le chaton, les pertes liées au métabolisme de base étant plus importantes, la maintenance est généralement de 70 ml/kg/24 h, ce qui correspond approximativement à 4 ml/kg/h. Chez les jeunes animaux, il est d’autant plus important de faire un suivi rigoureux et régulier du poids, afin d’ajuster le plan de fluidothérapie.

Correction des déséquilibres électrolytiques

Les troubles électrolytiques sont individuellement associés à la mortalité chez le chien et le chat [5]. Notamment, les anomalies de concentration du sodium, du chlore, du potassium, du calcium ou du magnésium seraient indépendamment et proportionnellement associées à la mortalité toutes causes confondues chez le chien. Ainsi, l’évaluation et le suivi des anomalies électrolytiques sont des éléments importants de la prise en charge des animaux.

Parmi les déséquilibres électrolytiques fréquents en médecine vétérinaire, l’hypokaliémie est le principal. Quelques causes associées à une hypokaliémie sont les pertes digestives (vomissements, diarrhée), les pertes urinaires (polyurie, déficit fonctionnel) et les médicaments (diurétiques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, insuline). Les signes cliniques décrits incluent une faiblesse musculaire, une démarche anormale, un iléus, une ventroflexion cervicale (particulièrement chez les chats) et des dysrythmies (contractions prématurées auriculaires ou ventriculaires). La sévérité du déficit peut être variable, et la supplémentation doit être ajustée au cas par cas (tableau 3). La vitesse de supplémentation ne doit pas dépasser 0,5 mEq/kg/h.

Le magnésium a de multiples fonctions importantes en tant que cofacteur dans les réactions enzymatiques, et contribue à la structure tertiaire des protéines ou participe à la fonction de la membrane cellulaire. Encore peu considérée, l’hypomagnésémie est cependant fréquente chez les animaux. Cette carence a été associée à un allongement de la durée d’hospitalisation, une faiblesse musculaire, des troubles digestifs ou encore des troubles du rythme cardiaque. En clinique, l’hypomagnésémie devrait être soupçonnée lors d’hypokaliémie réfractaire, malgré la complémentation. Une hypomagnésémie légère est souvent corrigée par supplémentation orale en magnésium. Lors d’un déficit plus marqué (c’est-à-dire pour une concentration en magnésium ionisé inférieure à 0,45 mmol/l), une perfusion à débit continue (constant rate infusion) de sulfate de magnésium (ou plus rarement de chlorure de magnésium) est nécessaire. La décision de supplémenter un animal ne doit pas être prise à la suite du dosage d’une faible valeur en magnésium total. En effet, seul le magnésium ionisé participe aux fonctionnements cellulaires, et cette valeur ne peut être prédite d’une valeur de magnésium total. Le protocole est de 0,75 à 1 meq/kg/j pendant 24 heures, suivi d’une réduction de 50 % de la dose pendant 3 à 5 jours supplémentaires.

3 Adaptation spécifique du plan de fluidothérapie à certaines conditions

Troubles digestifs

En médecine vétérinaire, les gastro-entérites représentent en moyenne 4 % des consultations canines, tandis que les colites ou une diarrhée du gros intestin représentent entre 3 % et 6 % [14]. D’un point de vue physiologique, de très gros volumes de liquide sont absorbés et sécrétés par le tractus digestif. Le vomissement de contenu gastrique implique le plus souvent la perte d’un liquide riche en H+, en chlore, en potassium, en sodium et en bicarbonate. Ainsi, ces troubles digestifs peuvent conduire à une déshydratation, à une hyponatrémie, à une hypochlorémie, à une hypokaliémie et à une alcalose métabolique. La diarrhée est le résultat d’un excès d’eau fécale pouvant résulter d’une diminution de l’absorption intestinale, d’une augmentation de la sécrétion intestinale, ou des deux. Les diarrhées de l’intestin grêle se traduisent généralement par un volume fécal et une teneur en liquide, en électrolytes et en protéines plus importants. Les diarrhées du gros intestin sont caractérisées par de petits volumes, de multiples défécations, avec des matières fécales de consistance molle, et la présence de mucus ou parfois de sang frais [14]. Il n’existe pas de formule ou d’approximation permettant d’estimer le volume de fluide perdu. Ainsi, la quantification approximative des pertes est indispensable pour l’ajustement du plan de fluidothérapie. La pesée des alèses, ou la quantification des volumes à l’aide de gobelet doseur sont deux techniques de quantification possibles en pratique. Enfin, cette estimation étant très approximative, le suivi clinique doit être intensifié (évaluation de la déshydratation et pesée).

Anesthésie

La fluidothérapie peropératoire est très souvent utilisée pour maintenir le volume circulant et le débit cardiaque. Néanmoins, les règles de prescription dans cette circonstance sont différentes. En effet, la période peropératoire ne doit pas être utilisée pour la correction des anomalies électrolytiques ou de la déshydratation, à moins que cela ne soit absolument indispensable.

Dans ce contexte, une importance particulière doit être portée à la réanimation liquidienne préopératoire, ou phase de stabilisation, afin de corriger autant que possible les troubles hydroélectrolytiques avant l’anesthésie. Cette phase permet de s’assurer que l’animal est en état de subir une intervention chirurgicale, et facilite la gestion de l’anesthésie.

Depuis les directives publiées en 2013, les débits de perfusion pendant l’anesthésie devraient commencer à 3 ml/kg/h chez le chat et à 5 ml/kg/h chez le chien [3]. Ces débits doivent ensuite être adaptés au cas par cas selon le statut volumique préopératoire, ainsi qu’à son évolution au cours de l’intervention. En parallèle, les pertes hémorragiques doivent être évaluées et quantifiées en période peropératoire pour s’assurer de l’adéquation entre la fluido­thérapie et les pertes. Cette évaluation est possible par la pesée des compresses ou la quantification des volumes recueillis dans les pots d’aspiration. Ainsi, lors de pertes aiguës, l’administration d’un bolus de fluides est souvent le premier réflexe du clinicien, et peut, dans certaines circonstances, permettre de limiter ou d’entraver une hypotension. Cependant, il a été démontré que l’administration rapide et volumineuse d’un cristalloïde isotonique pouvait se révéler inefficace pour contrer l’hypotension induite par l’isoflurane chez des chiens normovolémiques. Dans une étude, la fonction cardio-vasculaire ne s’est améliorée que lorsque la profondeur de l’anesthésie a été réduite [15]. Ainsi, le maintien du volume circulant en phase peropératoire nécessite une parfaite gestion de la fluidothérapie, des molécules anesthésiques, de la profondeur d’anesthésie et parfois le recours aux vasopresseurs. À l’inverse des animaux critiques, lors d’hypotension anesthésique sévère réfractaire, le recours à la dobutamine semble être le premier choix face à la noradrénaline [2]. Les sympathomimétiques (inotropes et vasopresseurs) doivent toujours être utilisés en complément de la fluidothérapie et ne doivent que très rarement être employés seuls. Du fait de leur demi-vie courte (quelques minutes), la plupart des catécholamines doivent être administrées par perfusion intraveineuse continue, et nécessitent l’utilisation d’un pousse seringue.

Hypovolémie réfractaire

En l’absence d’insuffisance cardiaque, la mise en évidence d’une hypotension réfractaire après une fluido­thérapie adaptée est souvent indicatrice d’un choc septique. Malgré une réanimation liquidienne adéquate, lors de choc septique chez l’homme, 20 à 25 % des adultes et jusqu’à 60 % des enfants présentent une hypotension réfractaire. D’une extrême complexité, le choc septique est caractérisé par une altération majeure des paramètres de perfusion. Ainsi, la perfusion tissulaire est compromise par l’hypotension, la perte d’intégrité vasculaire résultant d’une extravasation de fluide dans l’interstitium et par la modification de la distribution du flux sanguin dans la microcirculation [7]. Dans ce contexte, le recours aux vasopresseurs est indispensable pour maintenir une perfusion tissulaire et éviter une mort rapide.

Molécule de choix, la noradrénaline est couramment utilisée, en raison de ses propriétés vasoconstrictrices agonistes a fortes, pour traiter les animaux hypotendus présentant un choc septique [8]. Pour le vétérinaire praticien, il s’agit d’un défi thérapeutique majeur. En effet, l’accès restreint, le coût et la difficulté d’emploi sont autant de freins à son utilisation. Ainsi, dans la majorité des cas, la prise en charge de ces animaux doit être confiée à un centre de soins intensifs vétérinaire.

Conclusion

Aussi complexe que banalisée, la fluidothérapie est indispensable en médecine vétérinaire, tant elle est nécessaire et utilisée. La réalisation d’un plan de fluidothérapie individualisé et adapté nécessite une parfaite compréhension de la physiologie des échanges hydroélectrolytiques, ainsi que la connaissance des fluides, de leurs compositions et de leurs comportements. Afin d’être adaptée à chaque cas, la surveillance des paramètres de la volémie et leur évolution sont des prérequis indispensables.

  • (1) Voir l’article “Ajuster la fluidothérapie à l’aide du monitorage clinique et instrumental” d’Anthony Barthélemy, dans ce même dossier.

Références

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Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1

Objectifs de la fluidothérapie

→ Correction des déficits des compartiments intravasculaire, interstitiel ou intracellulaire.

→ Correction et/ou maintien de l’équilibre acido-basique et électrolytique.

→ Soutien des besoins hydroélectrolytiques lors d’affections spécifiques, de défauts d’apports ou de pertes inappropriées.

ENCADRÉ 2

Les bonnes questions à se poser pour établir un protocole de fluidothérapie

→ Cet animal présente-t-il des signes d’hypovolémie ? Quel est son degré d’hypovolémie ?

→ Cet animal présente-t-il des signes de déshydratation ?

– quel est son pourcentage de déshydratation ?

– quels sont ses besoins physiologiques ?

→ Existe-t-il des pertes :

– évidentes ?

– suspectées ?

→ Cet animal présente-t-il des déficits électrolytiques :

– en potassium ?

– en magnésium ?

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