Intoxication par les fumées d’incendie - Le Point Vétérinaire n° 396 du 01/06/2019
Le Point Vétérinaire n° 396 du 01/06/2019

TOXICOLOGIE

Fiche toxicologie

Auteur(s) : Martine Kammerer

Fonctions : Capae-Ouest, Oniris
101, route de Gachet
44300 Nantes
capaeouest@oniris-nantes.fr

Les incendies sont des accidents qui ne sont pas exceptionnels, et il est fréquent que les animaux domestiques en soient victimes, dans des bâtiments d’élevage ou dans l’habitation de leur propriétaire.

Le danger d’un incendie est bien entendu lié aux brûlures par les flammes, souvent fatales, mais il résulte également de l’inhalation des fumées, qui peut concerner les animaux même s’ils ne sont pas dans la pièce où se propage le feu.

Le risque est maximal dans un espace fermé, c’est-à-dire lors d’incendies domestiques ou de locaux d’élevage fermés. Il y a alors conjonction de deux phénomènes pathologiques : la privation d’oxygène et l’exposition aux gaz toxiques. Les fumées d’incendie sont des mélanges complexes de gaz et de particules, dont la compo­sition dépend de la nature des matériaux en feu (appareils électriques, mobilier, vêtements, huiles de friture, etc.).

Les toxiques

Sur le plan pathogénique, deux types de gaz toxiques sont à distinguer : les gaz asphyxiants et les gaz irritants.

→ Les gaz asphyxiants sont principalement le monoxyde de carbone (CO) et le cyanure d’hydrogène (HCN). Le premier est un gaz incolore, inodore, dont la densité est analogue à celle de l’atmosphère (donc de diffusion homogène). Il est bien résorbé par la muqueuse respiratoire et se fixe sur l’hémoglobine en prenant la place de l’oxygène, ce qui conduit à une hypoxie tissulaire qui sera sensible en premier lieu dans le tissu nerveux et le myocarde. Les manifestations cliniques qui s’ensuivent sont peu spécifiques : faiblesse musculaire, tremblements, vertiges, accompagnés d’hypotension et de vomissements, parfois d’une rhabdomyolyse. L’évolution peut conduire au coma et à la mort, et si l’animal se rétablit, des séquelles visuelles, cognitives ou comportementales sont possibles.

Le second toxique, le cyanure d’hydrogène, est un liquide incolore très volatil à l’odeur caractéristique d’amande amère, mais lorsqu’il se dégage au cours de la combustion de polymères azotés, naturels (soie, laine, etc.) ou artificiels (polyuréthanes, polyamides, etc.), cette odeur n’est pas perceptible. Son inhalation provoque une intoxication par l’ion cyanure, qui se fixe sur le fer ferrique de la cytochrome c oxydase, ce qui bloque la chaîne respiratoire mitochondriale et provoque donc, comme le monoxyde de carbone, une anoxie cellulaire. Les symptômes apparaissent immédiatement, et la mort peut survenir rapidement après une perte de connaissance et des convulsions. Si l’exposition est moindre, l’animal présente de l’agitation, des vertiges, des convulsions et des troubles cardiovasculaires accompagnés d’une acidose métabolique.

→ Les gaz irritants sont principalement des oxydes de soufre et d’azote, des aldéhydes et des produits de pyrolyse. Selon leur hydrosolubilité, ils agressent l’arbre respiratoire plus ou moins profondément (les plus solubles sont retenus dans les voies respiratoires supérieures, les moins solubles atteignent les alvéoles). Les signes respiratoires sont donc variés : rhinite, pharyngite, toux, dyspnée, tachypnée, voire œdème pulmonaire qui peut apparaître rapidement ou au cours des 24 heures qui suivent l’exposition. La radiographie thoracique peut, dans ce cadre, fournir des informations utiles sur l’importance des lésions.

L’irritation des voies respiratoires supérieures est aggravée par l’inhalation des particules de suie, ainsi que par la brûlure thermique car ces fumées sont très chaudes. Cependant, les gaz toxiques et les particules transportent de faibles quantités de chaleur, contrairement à la vapeur d’eau qui se dégage lors de l’extinction et dont l’inhalation peut sévèrement brûler la muqueuse respiratoire. Les gaz irritants provoquent également une atteinte oculaire, le plus souvent une conjonctivite, parfois un chémosis et des ulcères cornéens.

Prise en charge

Les moyens de prise en charge des animaux victimes d’incendie sont très limités. La priorité est de maintenir une oxygénation et une ventilation suffisantes. Il convient d’éliminer les débris et les secrétions qui obstruent les voies respiratoires supérieures et, lors de défaillance respiratoire, ainsi qu’en cas de troubles nerveux ou cardiovasculaires, de mettre en place une oxygénothérapie, au masque ou après une intubation trachéale le cas échéant. En cas de bronchospasme, l’administration d’un bronchodilatateur est justifiée (clenbutérol, Ventipulmin® 0,7 µg/kg par voie intraveineuse lente). Le recours aux corticoïdes est discuté et leur intérêt n’est pas démontré. En revanche, l’usage des antibiotiques à tropisme respiratoire (b-lactamines ou macrolides) peut être recommandé, car les muqueuses exposées aux gaz irritants deviennent particulièrement vulnérables aux agents infectieux. La fluidothérapie peut se révéler utile pour corriger la déshydratation liée aux brûlures, mais elle doit être particulièrement raisonnée s’il existe un risque d’œdème pulmonaire. Par ailleurs, un rinçage oculaire est indispensable, suivi du traitement des éventuelles lésions ophtalmiques. Il est également souvent nécessaire de laver entièrement l’animal pour le débarrasser de toutes les suies et particules qui recouvrent son pelage.

Pronostic

Le pronostic dépend de la composition des fumées de l’incendie, généralement impossible à connaître précisément, et de la durée pendant laquelle les animaux les ont inhalées avant d’être extraits des pièces enfumées.

Conflit d’intérêts

Aucun.

EN SAVOIR PLUS

1. Guillaumin J, Hopper K. Successful outcome in a dog with neurological and respiratory signs following smoke inhalation. J. Vet. Emerg. Crit. Care. 2013;23(3) :328-334.

2. Mazoret S. Dangers des fumées d’incendie chez le chien et le chat. Thèse vétérinaire, Nantes, 2012.

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