Strangurie chez une chienne de 13 ans - Le Point Vétérinaire n° 395 du 01/05/2019
Le Point Vétérinaire n° 395 du 01/05/2019

URO-NÉPHROLOGIE

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Delphine Dullin

Fonctions : SPA, refuge de Gennevilliers
30, avenue du Général-de-Gaulle
92230 Gennevilliers

Présentation clinique

Une chienne beagle stérilisée de 13 ans est présentée pour une strangurie évoluant depuis 2 semaines, qui n’a pas répondu à un traitement de 10 jours d’anti-inflammatoires et d’antibiotiques (non spécifiés). Un épisode aigu d’hématurie est également rapporté. La note d’état corporel de la chienne est de 7/9 et son poids est stable. La palpation abdominale est limitée par un abdomen tendu. Le toucher rectal ne met pas en évidence d’anomalie de l’urètre pelvien ou du vagin. Les nœuds lymphatiques externes sont de taille et de consistance normales. L’auscultation cardio-respiratoire est sans anomalie.

Une échographie est réalisée à l’aide d’une sonde microconvexe pour rechercher l’origine de la strangurie (photos 1 et 2).

Qualité des images échographiques

Les images sont de bonne qualité, la définition et le grain permettent de distinguer de façon relativement nette les différentes structures.

Description des images échographiques

→ La vessie est faiblement distendue par un contenu anéchogène. La paroi vésicale est très épaissie au niveau du trigone.

→ Une structure anéchogène tubulaire en J est visible dorsalement à la vessie.

→ La cavité pyélique du rein droit est sévèrement distendue, son contenu est anéchogène, le parenchyme rénal est très replié en périphérie.

Interprétation

→ Les images échographiques sont évocatrices d’un processus tumoral du trigone vésical latéralisé à droite, à l’origine d’un méga-uretère et d’une hydronéphrose, ipsilatéraux par obstruction.

→ L’analyse cytologique d’une biopsie effectuée sous contrôle échographique par aspiration au travers d’un cathéter urinaire est en faveur d’un carcinome transitionnel de la vessie (photo 3).

→ Le scanner ne met pas en évidence de métastases régionales ou pulmonaires. Le rein droit ne prend pas le contraste (absence de perfusion). Le bilan hémato-biochimique est normal (rein controlatéral fonctionnel).

→ Une néphrectomie droite avec cystectomie partielle est réalisée. Le carcinome transitionnel de la vessie est confirmé et la chienne est mise sous piroxicam à 0,3 mg/kg/j par voie orale à vie. Onze mois après l’intervention, la miction est normale.

DISCUSSION

Le carcinome transitionnel de la vessie (CTV) est la tumeur vésicale la plus fréquente du chien. Les femelles sont presque deux fois plus concernées que les mâles et la prédisposition raciale est forte (essentiellement le scottish terrier, et d’autres comme le beagle) [4].

Il peut prendre la forme de structures papillomateuses intravésicales ou d’un épaississement pariétal (images non spécifiques) [1].

Le diagnostic repose sur l’histologie de biopsies prélevées par aspiration ou par cystoscopie. Dans environ 20 % des cas, les CTV présentent des métastases à distance (nœuds lymphatiques régionaux, poumons, foie, rate, haut appareil urinaire et os de la région lombosacrée) [1].

La chirurgie est à considérer lorsque la tumeur est résécable ou en cas d’obstruction pour rétablir le flux urinaire (pas toujours possible au niveau du trigone vésical, à la vascularisation et à l’innervation complexes, en cas d’envahissement urétral, de développement vésical multifocal ou de métastases à distance) [1].

De nombreuses molécules de chimiothérapie (cisplatine, carboplatine, vinblastine) ou de coxibs (piroxicam, déracoxib) permettent une régression ou un arrêt temporaire. L’intérêt des coxibs est multiple : ils ne sont pas concernés par la réglementation contraignante de la chimiothérapie vétérinaire, leur formulation est orale, leur coût et leur risque d’effets indésirables sont faibles [3, 4]. La radiothérapie est, pour le moment, associée à trop d’effets adverses.

Le pronostic est alors très encourageant, avec une réponse clinique chez plus de trois quarts des chiens et une rémission pouvant aller de plusieurs mois à 2 années [1, 2, 4].

Conflit d’intérêts

Aucun.

  • (1) L’extrémité d’un cathéter urinaire est placée au contact de la masse sous contrôle échographique, après insertion par les voies naturelles. Une dépression est réalisée à l’aide d’une seringue à l’autre extrémité, afin de détacher quelques cellules. Le prélèvement peut ensuite être propulsé sur une lame pour une analyse cytologique directe (squash cytology) ou déposé dans du formol, en vue d’une analyse histologique plus complète. Cette technique a pour avantage un échantillonnage sans risque d’ensemencement tumoral (comparativement à une cytoponction ou à une biopsie transabdominales) et requiert peu d’équipement [4, 5].

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