Les drains passifs en pratique canine - Le Point Vétérinaire n° 395 du 01/05/2019
Le Point Vétérinaire n° 395 du 01/05/2019

CHIRURGIE

Dossier

Auteur(s) : Maeva Lemoule*, Jean Bassanino**

Fonctions :
*Centre hospitalier
vétérinaire Pommery
226, boulevard Pommery
51100 Reims

S’il est correctement positionné et utilisé, le drain de Penrose permet d’obtenir de bons résultats pour éviter la formation d’une collection, drainer un espace mort, une collection ou une plaie de taille réduite, sur une courte durée.

Un drain est un dispositif permettant de relier une cavité organique à l’extérieur. Les drains passifs, faisant appel à la gravité, ou certains drains actifs, avec un système d’aspiration continue, sont les plus communément utilisés en médecine vétérinaire. Le choix entre les deux se fait selon la localisation de l’espace à drainer, sa taille et la durée présumée de ce drainage. Le drain passif le plus utilisé est celui de Penrose. Il sert principalement à prendre en charge des dommages superficiels (collections sous-cutanées de type sérome, abcès, plaie avec lésion de décollement importante, etc.) et sur une courte durée.

Il est facile d’utilisation et son coût est limité, mais il présente quelques particularités qui doivent être connues, afin d’en faire le meilleur usage possible.

1 Objectifs

Le rôle d’un drain passif est d’aider à oblitérer les espaces morts, d’évacuer ou de prévenir l’accumulation d’un liquide dans un espace clos (sous la peau le plus souvent). Il s’agit la plupart du temps de pus, de sang ou de sérum. Cette collection peut faire suite à une chirurgie, ou être la conséquence d’une infection (abcès, notamment), d’un traumatisme (lacération, morsure, avulsion cutanée) ou autre [7, 9, 10]. Ces espaces morts constituent un environnement propice au développement bactérien : ils sont chauds, humides, constituent un excellent milieu de croissance et ils sont moins facilement atteignables par les médicaments et les défenses immunitaires [10].

L’objectif du drainage est de diminuer la pression sur les tissus, les nerfs, les vaisseaux sanguins, donc de favoriser la perfusion tissulaire, ainsi que sa ventilation. Cela permet d’atténuer la douleur locale, d’améliorer la cicatrisation de la plaie, tout en limitant le risque d’infection [9].

Le drainage passif étant un drainage ouvert, il dépend également de la position du corps et des mouvements. Le drain sert de conducteur pour les fluides qui s’écoulent à sa surface, jusqu’à une incision de sortie située en zone déclive. La gravité et les mouvements de l’animal permettent la sortie des fluides, qui sont collectés dans un bandage si cela est possible, en fonction de la localisation du drain [9].

Le principal drain utilisé est celui de Penrose, mais il existe également des drains tissulaires (compresses) (encadré 1). Cependant, leur composition entraîne une réaction inflammatoire importante sur le site de drainage. Ils sont peu utilisés (lorsqu’ils le sont, c’est pour drainer de petites collections), contrairement au drain de Penrose, et ne sont donc pas abordés par la suite dans cet article.

2 Présentation du drain de Penrose

Le drain de Penrose est une bande tubulaire souple en latex, avec lequel le drainage s’effectue principalement par gravité. Il est très malléable, radio-opaque et résiste aux hautes températures, il peut donc être stérilisé à la vapeur. Il existe en différents diamètres, et peut être sectionné pour s’adapter parfaitement aux dimensions de la collection (photo 4). Il est cependant déconseillé de le fenestrer, au risque de diminuer sa résistance (risque de fragmentation lors du retrait) et sa surface de drainage [10].

Il est particulièrement indiqué pour des exsudats épais et visqueux qui ont tendance à boucher facilement des tubes (système actifs). Sa souplesse le rend confortable à porter et facile à retirer [8]. Il est également responsable de peu de lésions tissulaires en raison de sa faible compression sur les différentes structures.

Le drain de Penrose est efficace pour le drainage de petites zones et sur une courte durée.

Il est principalement utilisé pour de petites collections, mais il peut aussi l’être pour gérer des collections plus grandes. Il est alors nécessaire de mettre en place plusieurs drains pour couvrir la surface à drainer (tout en limitant leur nombre au minimum). Les drains doivent être de diamètre adapté, leur trajet le plus court possible, en préservant les structures adjacentes [7].

3 Mise en place d’un drain de Penrose

Le choix de mettre un drain ou non dépend de la situation. Il peut être utilisé pour prévenir une éventuelle collection ou pour drainer une collection ou plaie déjà présente.

Préparation de l’animal

La préparation de la plaie est une étape essentielle. Le drain est placé sur un animal anesthésié ou tranquillisé avec une anesthésie locale. La zone à drainer est tondue largement. La peau est nettoyée avec des antiseptiques locaux (du type solution diluée à 0,05 % de chlorhexidine), durant 5 minutes au minimum [14].

La plaie est parée dans des conditions aseptiques (gants et chant stériles) afin d’éliminer tous les tissus nécrosés et les éventuels corps étrangers. Un prélèvement local peut être réalisé si besoin (après nettoyage et parage) afin de réaliser une culture bactériologique et de mettre en place le traitement antibiotique le plus adapté [9].

Technique

Le drain peut être humidifié avec du sérum physiologique pour faciliter son introduction [15].

COLLECTION LIQUIDIENNE

Il n’est pas nécessaire d’inciser la peau sur toute la longueur de la collection à drainer (photos 5a à 5e). Seule une incision en partie déclive est réalisée : il s’agit de l’abouchement de sortie du drain. Elle doit avoir une taille supérieure à la largeur du drain, pour que le liquide puisse s’écouler autour du drain [6]. La cavité est vidangée, nettoyée et rincée avant l’introduction du drain.

PLAIE

Pour une plaie, l’incision de sortie du drain est réalisée en dehors de la plaie d’origine (à environ 1 cm, selon la localisation de la plaie) (photos 6a à 6d). Cela évite une nouvelle porte d’entrée pour les bactéries et diminue les risques d’infection de la plaie, donc de déhiscence. Il convient de veiller à ce que le drain ne soit pas pris dans les sutures de la plaie [19].

Le drain de Penrose est fixé en partie dorsale de la collection par un point en U à travers la peau et par un point simple en partie distale, afin qu’il ne tombe pas prématurément ou qu’il ne se rétracte sur lui-même [1]. Il est aussi possible de fixer ce point sur un morceau de drain (à l’extérieur de la peau) afin d’identifier que c’est lui qui fixe le drain (photo 6e).

La partie dorsale du drain reste sous la peau, afin de limiter les risques infectieux, sauf en région inguinale ou axillaire où les frottements liés aux mouvements de l’animal peuvent provoquer de l’emphysème [15]. Pour ces zones, il est donc conseillé d’effectuer une double incision d’entrée et de sortie.

Aucune suture intermédiaire ne doit être réalisée sur le drain, au risque de le fragmenter.

Bandage

L’incision de sortie du drain doit, si possible, être couverte par un pansement ou un bandage avec des compresses stériles, compressif si possible, dont l’objectif est de diminuer le risque d’infection ascendante, de protéger le drain et d’absorber les exsudats [7, 11, 19]. Selon la localisation du drain, un pansement “corbeille” peut également être mis en place (notamment sur les abcès sur la face).

S’il est impossible de la protéger par un pansement, la plaie de sortie est nettoyée et désinfectée deux à trois fois par jour jusqu’à son retrait [3, 4].

4 Gestion du drain de Penrose

Toute manipulation des drains et des pansements doit se faire de façon stérile ou, du moins, propre.

Le pansement est changé dès que les compresses sont imbibées de liquide et avant saturation de celles-ci, afin de limiter les risques d’infection par stagnation, c’est-à-dire une ou deux fois par jour, ou autant de fois que nécessaire [5, 19]. À chaque réfection du pansement, la plaie de sortie du drain est nettoyée au sérum physiologique ; les croûtes, la fibrine ou les exsudats visqueux pouvant obstruer la sortie des sécrétions sont retirés.

L’animal est gardé dans un lieu propre et sec et au repos. Le port de la collerette est obligatoire, afin de limiter les risques de retrait prématuré du drain par l’animal.

5 Retrait du drain de Penrose

Le ou les drains doivent être retirés le plus tôt possible pour limiter les risques infectieux [14]. Le drain de Penrose est laissé en place en moyenne entre 2 et 5 jours, mais peut parfois l’être plus longtemps, si nécessaire [10]. Son retrait est envisagé lorsque le volume des sécrétions a diminué d’un quart par rapport au moment de la mise en place, ou que la nature des sécrétions a changé (moins visqueuse, moins épaisse, plus claire) [18]. Cependant, la production n’est presque jamais nulle en raison de l’inflammation provoquée par le drain lui-même [19]. Il est impossible de quantifier de manière précise le volume des sécrétions d’un drain passif, il convient donc de se fier à la quantité trouvée dans les compresses à chaque réfection de pansement.

Si le drain est retiré trop tôt, une nouvelle collection (sérome, abcès) peut apparaître, nécessitant un nouveau drainage.

Le drain de Penrose est retiré en enlevant le point en U dorsal et le point simple sur l’incision de sortie, puis en tirant délicatement sur la partie distale du drain. L’intégrité du drain est vérifiée afin de s’assurer qu’aucun fragment n’est resté à l’intérieur. Cette procédure est indolore, car aucune adhérence n’existe entre la plaie et le drain ; elle peut donc être réalisée sur animal vigile ou faiblement tranquillisé. L’incision de sortie est nettoyée et laissée ouverte pour que les dernières sécrétions puissent sortir. Elle peut être couverte par un pansement pendant quelques jours [7, 10].

6 Complications, limites

Complications

Les principales complications rapportées avec le drain de Penrose consistent en une infection ou une déhiscence de la plaie, une nouvelle collection, et le retrait prématuré du drain par l’animal.

Le risque infectieux est la principale complication : une contamination ascendante par des bactéries nosocomiales, pouvant être multirésistantes et très pathogènes, peut avoir lieu [16].

Un emphysème sous-cutané peut également être rencontré. Une tunnelisation sous-cutanée et un bandage permettent de le limiter [12].

Par ailleurs, tout drain doit être considéré comme un corps étranger ; il provoque donc une réaction inflammatoire [2, 4]. C’est pourquoi il convient de favoriser des drains avec des diamètres les plus petits possibles, de les retirer le plus tôt possible et de respecter au mieux les règles d’hygiène [1, 3, 15].

Le positionnement joue également un rôle important dans la réussite du drainage. Le drain doit au moins être protégé par un pansement pour limiter le risque de retrait précoce par l’animal [15, 17].

Le drain peut s’obstruer en cas de soins insuffisants ou si la taille de l’incision de sortie et le diamètre du drain sont insuffisants.

Ces complications résultent souvent de drains inadaptés, mal positionnés ou d’un suivi de drainage insuffisant (encadré 2, photo 7).

Limites

L’inconvénient majeur du drainage passif est qu’il ne permet pas de récupérer les sécrétions, ce qui rend leur quantification impossible, contrairement aux drains actifs. La date du retrait est donc plus approximative.

Le drainage passif n’est pas recommandé pour les péritonites (risque de hernie abdominale, résultats cliniques moins bons qu’avec un drainage actif) ou pour les pneumothorax et pyothorax (le drainage thoracique nécessite le maintien du vide pleural).

Conclusion

Le drain de Penrose est simple à mettre en place et à gérer, pour un coût assez faible. En connaissant les règles de base pour mettre en place ce type de drain, le vétérinaire peut l’utiliser dans sa pratique quotidienne et obtenir de bons résultats. Il présente cependant plusieurs inconvénients. Il est notamment difficile à utiliser sur de grandes surfaces, et ses indications restent limitées à des lésions superficielles. Pour pallier ses défauts, des drains actifs ont été mis au point. Ils permettent un drainage en continu, pour de plus grandes zones ou pour des cavités comme l’abdomen ou le thorax (1).

  • (1) Voir l’article “Les drains actifs en pratique canine” de J. Bassanino et coll., dans ce numéro.

  • (1) Dispositif humain.

Références

  • 3. Campbell BG. Dressings, bandages, and splints for wound management in dogs and cats. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2006;36:759.
  • 7. Fossum TW. Small animal surgery. 3rd ed. Mosby Elsevier, Saint Louis. 2007:172-173.
  • 9. Griffon D, Hamaide A. Surgical wound infection. In: Complications in Small Animal Surgery. Ed. Wiley-BlachWell, Oxford. 2016:3-7.
  • 10. Johnston SA, Tobias KM. Veterinary Surgery: Small Animal. 2nd ed. Elsevier, Saint Louis. 2018:252-256.
  • 15. Miller CW. Bandages and drains. D. Slatter. Textbook of Small Animal Surgery. 3rd ed. Saunders, Philadelphia. 2003:244.

ENCADRÉ 1
Drains tissulaires

→ Les drains tissulaires, aussi appelés mèches, sont faits de gaze stérile de taille variable. Plusieurs formes sont disponibles : une simple compresse stérile ou un ruban de gaze de coton hydrophile (photos 1a, 1b, 2).

→ En médecine humaine, il existe un système de mèche stérile, non tissée, composée de fibres hydrodétersives (polyacrylate), associé à une sonde stérile facilitant l’insertion de la mèche dans la plaie (Urgoclean®(1)) (photo 3). Le prix de cette présentation étant élevé, elle est très peu utilisée en médecine vétérinaire. La taille de la mèche peut être adaptée à la plaie à drainer et doit être changée tous les jours à tous les 2 jours.

→ Ces drains utilisent davantage la capillarité que la gravité. Lorsqu’ils sont placés dans des plaies infectées, ils permettent d’aider à les drainer et facilitent la granulation. Ils tendent cependant plus à retenir les fluides que le drain de Penrose, donc à être moins efficaces. De plus, ils sont souvent traumatiques et adhérents aux tissus adjacents, ce qui rend leur retrait assez douloureux. Leur utilisation est assez limitée : ils peuvent être mis en place pour des drainages de courte durée (1 à 2 jours), comme les abcès chez le chat, par exemple.

Ils présentent plus d’inconvénients que les drains en latex. Ils peuvent conduire des germes en direction de la plaie et des fibres provenant de ces drains peuvent persister dans la plaie, après le retrait du drain.

Pour ces raisons, les drains tissulaires sont peu utilisés, contrairement au drain de Penrose.

ENCADRÉ 2
Exemples d’erreurs d’utilisation d’un drain de Penrose

La majorité des complications d’un drain de Penrose survient à la suite d’une mauvaise utilisation du drain ou d’une erreur de pose :

– cavité trop grande, nécrose tissulaire importante ;

– taille et diamètre du drain inadaptés (trop large, trop long ou trop court) ;

– nombre de drains trop important ;

– mauvais placement (incision distale non déclive, pas de gravité, double incision d’entrée et de sortie du drain, drain noué sur lui-même (beaucoup de mouvement, donc inflammation importante) ;

– drain mal sécurisé ;

– retrait prématuré (par le clinicien ou l’animal) ;

– drain laissé trop longtemps ;

– réfection des pansements à une fréquence insuffisante ;

– fragmentation du drain sur une suture.

D’après [10, 13].

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