L’abattage sans étourdissement ne respecte pas les normes les plus élevées de bien-être animal - Le Point Vétérinaire n° 395 du 01/05/2019
Le Point Vétérinaire n° 395 du 01/05/2019

JURISPRUDENCE

Juridique

Auteur(s) : Christian Diaz

Fonctions : 7, rue Saint-Jean
31130 Balma

Tel est, en substance, l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), en date du 26 février 2019, en réponse à une question préjudicielle posée par la cour d’appel administrative de Versailles, le 6 juillet 2017.

Les rappels

Le renvoi préjudiciel permet aux juridictions des États membres, dans le cadre d’un litige dont elles sont saisies, d’interroger la Cour de justice sur l’interprétation du droit ou la validité d’un acte de l’Union européenne. La Cour ne tranche pas le litige national. Il appartient à la juridiction nationale de résoudre l’affaire conformément à la décision de la Cour. Cette décision lie, de la même manière, les autres juridictions nationales qui seraient saisies d’un problème similaire.

Les faits

La société B commercialise des steaks hachés certifiés halal et portant la mention “agriculture biologique”.

L’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA) saisit le tribunal administratif afin que la société B et l’organisme certificateur Écocert, soutenus par le ministère de l’Agriculture, mettent fin à la publicité et à la commercialisation de ces produits, considérant que, si un règlement autorise bien par dérogation l’abattage sans étourdissement pour des motifs religieux, cette dérogation n’est pas explicitement prévue dans le cadre spécifique de l’agriculture biologique et de ses exigences concernant le bien-être animal.

À la suite du rejet de la demande par le tribunal administratif, l’OABA saisit la cour d’appel administrative de Versailles.

Le rapprochement des textes ne permettant pas à la cour d’appel de trancher, il est sursis à statuer sur la requête présentée par l’association OABA jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne se soit prononcée sur la question suivante : « Les règles applicables du droit de l’union européenne […] doivent-elles être interprétées comme autorisant ou interdisant la délivrance du label européen “agriculture biologique” à des produits issus d’animaux ayant fait l’objet d’un abattage rituel sans étourdissement préalable ?  »(1)

L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne

La Cour constate que le législateur de l’Union européenne souligne sa volonté d’assurer un niveau élevé de bien-être animal dans le cadre de l’agriculture biologique, ce qui implique l’observation de normes renforcées dans ce domaine, y compris lors de l’abattage.

Des études scientifiques ont établi que l’étourdissement est la technique qui porte le moins atteinte au bien-être animal lors de l’abattage. La pratique de l’abattage rituel, sans étourdissement, autorisé à titre dérogatoire afin d’assurer le respect de la liberté de religion, n’est pas de nature à atténuer toute douleur, détresse ou souffrance de manière aussi efficace qu’un abattage précédé d’étourdissement.

La Cour estime, par conséquent, que les règles du droit de l’Union n’autorisent pas l’apposition du logo de production biologique de l’Union européenne sur des produits issus d’animaux ayant fait l’objet d’un abattage rituel sans étourdissement préalable.

Pédagogie du jugement

1. Une garantie pour le consommateur

La Cour ne remet pas explicitement en cause les dérogations accordées dont l’objet est de garantir la liberté de religion, cependant elle souligne que les règles de l’Union européenne relatives à l’étiquetage biologique ont pour objectif de “préserver et justifier la confiance des consommateurs dans les produits étiquetés en tant que produits biologiques” et qu’il est important de veiller à ce que les consommateurs aient l’assurance que les produits porteurs du logo ont effectivement été obtenus dans le respect des normes les plus élevées, notamment en ce qui concerne le bien-être animal.

2. Une décision qui s’impose à tous les États de l’Union européenne

Bien que le renvoi préjudiciel ait pour origine une juridiction française, cette décision s’impose à toutes les juridictions nationales saisies d’un problème similaire.

3. Les contradictions françaises

Le bien-être animal est officiellement une préoccupation majeure des pouvoirs publics. Pourtant, malgré ces déclarations, les conditions d’abattage mettent en évidence des incohérences avec ces bonnes intentions de façade :

– dans l’affaire ci-dessus, le ministère de l’Agriculture soutenait que l’absence d’étourdissement était compatible avec le label bio ;

– le gouvernement n’est pas favorable à un étiquetage informant le consommateur de l’absence d’étourdissement pour « ne pas déstabiliser le marché de la viande » (Journal officiel du 24 mai 2011) ;

– plus près de nous, l’Assemblée nationale a rejeté un amendement visant à imposer la vidéosurveillance dans les abattoirs(2).

  • (1) Voir l’article “L’abattage sans étourdissement est-il biocompatible ?” du même auteur, dans Le Point Vétérinaire. 2017;380:5.

  • (2) Voir l’article “La vidéosurveillance fait son entrée dans les abattoirs… britanniques” du même auteur, paru dans Le Point Vétérinaire. 2018;391:7.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Source

Avis de la Cour de justice de l’Union européenne du 26 février 2019.

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