Étape 1 : Prélèvement et conservation des urines - Le Point Vétérinaire n° 394 du 01/04/2019
Le Point Vétérinaire n° 394 du 01/04/2019

En 10 Étapes

Auteur(s) : Typhaine Lavabre*, Cathy Trumel**

Fonctions :
*Équipe de biologie médicale-histologie, Crefre,
université de Toulouse, Inserm-UPS-ENVT
23, chemin des Capelles
31076 Toulouse Cedex 03

La récolte lors de miction spontanée et la cystocentèse sont les méthodes à privilégier. Le lieu et le moment du prélèvement sont aussi à considérer, car ils peuvent influer sur certains résultats.

L’analyse d’urine est un examen simple ne nécessitant aucun matériel spécifique et pouvant être réalisé et interprété par tout vétérinaire.

Indications

Lorsque l’ensemble des différentes étapes de l’analyse d’urine est effectué, cet examen apporte un grand nombre d’informations au clinicien [6]. En effet, cette analyse permet d’identifier :

– une atteinte rénale (par exemple, cylindrurie évoquant une souffrance rénale) ;

– une atteinte uro-génitale (par exemple, détection d’une infection du tractus urinaire via la visualisation d’une leucocyturie et d’une bactériurie) ;

– une maladie systémique et/ou métabolique (glucosurie dans le cadre d’un diabète sucré, cristallurie à cristaux d’urate d’ammonium lors de shunt hépatique, hémoglobinurie lors d’hémolyse intravasculaire, etc.).

La simplicité de l’analyse d’urine et son prix, associés au fait que certaines informations qu’elle apporte ne peuvent pas être obtenues avec le reste du bilan biologique de routine (par exemple, cristallurie, cétonurie), devraient amener le clinicien à la considérer comme un examen de routine, à inclure dans un bilan biologique “de base” lors d’une consultation de médecine interne. Elle est donc utile dans la recherche d’affections spécifiques, mais également à titre préventif dans le diagnostic d’affections asymptomatiques, dans le suivi thérapeutique et dans celui au long cours pour l’identification précoce d’éventuelles rechutes [7].

Une analyse d’urine complète consiste en l’évaluation des propriétés physiques et chimiques des urines et comprend l’examen macroscopique du prélèvement, la détermination de la densité urinaire, la lecture d’une bandelette urinaire, la possible évaluation semi-quantitative de la protéinurie par des méthodes de précipitation acide, la lecture d’un culot de centrifugation entre lame et lamelle et la lecture d’un culot coloré(1).

Prélèvement

Le prélèvement d’urine doit être réalisé de façon à prévenir toute douleur ou tout danger pour l’animal, ou pour le vétérinaire (maladies zoonotiques), et à obtenir un prélèvement de bonne qualité [6].

Plusieurs techniques de prélèvement sont décrites :

– récolte lors de miction spontanée ou par taxis externe ;

– cystocentèse ;

– sondage ;

– récupération après miction sur litière non absorbante (ou cage métabolique).

1. Méthodes de prélèvement

Récolte lors de miction spontanée et par taxis externe

→ La récolte par miction spontanée permet le plus souvent d’obtenir un prélèvement de qualité. Les urines sont recueillies dans un contenant propre du type barquette à usage unique (photo 1). Cette méthode présente l’avantage d’être inoffensive et de pouvoir être réalisée par les propriétaires. Les urines sont idéalement récoltées après un lavage des voies uro-génitales externes de l’animal et une éventuelle coupe ou tonte des poils dépassant des voies externes (vulve pour les chiennes, fourreau pour les chiens) (photos 2a à 2c). Le lavage peut être effectué à l’eau du robinet sans utilisation d’antiseptique ou de savon pour éviter une contamination du prélèvement par des agents pouvant altérer les propriétés chimiques des urines (modification du pH lors d’une contamination par de l’eau de Javel, par exemple). Les premiers jets doivent, si possible, être exclus.

Cette méthode présente deux inconvénients principaux :

– elle dépend de la “bonne volonté” de l’animal ;

– elle peut être à l’origine de confusion lors de contamination par les voies externes et d’inflammation de celles-ci (par exemple, balanoprostite chez le mâle).

De plus, cette technique ne convient pas pour l’obtention d’un prélèvement à destination d’une analyse bactériologique [7].

→ La récolte par taxis externe présente plus de risques pour l’animal :

– risque traumatique lors d’obstruction des voies urinaires ou de phase postopératoire de cystotomie ;

– risque infectieux : la pression exercée sur la vessie peut faire remonter les urines dans les uretères et les bassinets ainsi que dans la prostate, et induire une pyélonéphrite ou une prostatite lors d’infection urinaire [4, 7].

Cystocentèse

La cystocentèse échoguidée permet d’obtenir un prélèvement de très bonne qualité, au moment de la présentation de l’animal en consultation. Elle est généralement bien tolérée et le risque d’infection iatrogénique est faible. Le principal avantage est de prévenir la contamination des urines par les voies urinaires et génitales, donc la réalisation de prélèvements stériles pour l’examen bactériologique.

La cystocentèse est, en revanche, fréquemment à l’origine d’une contamination sanguine des urines prélevées. Elle est également à éviter en phase postopératoire immédiate chez des animaux présentant une coagulo­pathie ou encore lors de manifestations douloureuses [11].

Sondage

Le sondage est un acte diagnostique, permettant de vérifier la perméabilité des voies urinaires, ainsi que thérapeutique. Il ne doit pas être utilisé pour la réalisation d’une simple analyse d’urine chez le chien ou le chat. Les risques traumatique et infectieux pour l’animal sont en effet importants, particulièrement chez des animaux diabétiques, insuffisants rénaux, polyuriques, ou atteints d’hypercorticisme. Le prélèvement est généralement de qualité inférieure à celui qui est obtenu par les autres méthodes (nombreux débris, cellules épithéliales, hémodilution, contamination bactérienne, voire fongique, etc.).

Récupération des urines après miction dans un bac/une litière non absorbante

L’inconvénient principal de la méthode de récupération après miction dans un bac ou une litière non absorbante est le fait que les urines obtenues sont sujettes à de nombreuses contaminations par des agents physico-chimiques pouvant modifier leurs propriétés. De plus, l’incorporation de débris peut gêner la lecture cytologique.

2. Contenant

Les urines doivent être placées dans un tube sec, sans activateurs de coagulation, si elles sont prélevées par miction, ou laissées dans la seringue de prélèvement si elles sont prélevées par cystocentèse. Un tube transparent et non coloré ou la seringue permettent d’apprécier la couleur et la turbidité des urines (photo 3). Enfin, un tube à fond conique (du type Eppendorf®) permet la réalisation d’un culot urinaire selon les recommandations internationales.

3. Influence du mode de collecte sur les résultats

Une étude compare les résultats de densité, bandelette urinaire et cytologie sur des urines de chiens prélevées par miction spontanée avec et sans nettoyage des voies uro-génitales externes et par cystocentèse [4]. Les résultats obtenus par miction spontanée après nettoyage sont comparables à ceux obtenus par cystocentèse. Les urines récoltées par miction sans nettoyage ont en revanche environ trois fois plus de risque d’identifier un sédiment urinaire actif (hématurique et/ou pyurique et/ou desquamation épithéliale importante).

De plus, cette étude confirme des résultats antérieurs concernant la fiabilité du rapport de la protéinurie sur la créatininurie (RPCU) mesuré sur des urines obtenues par miction chez les chiens ou par taxis externe chez les chats [2, 4, 11]. Le classement des animaux dans les catégories “protéinurique”, “borderline” ou “non protéinurique” est identique pour les différentes méthodes de prélèvement, si une protéinurie post­rénale a été préalablement exclue.

D’autres marqueurs urinaires (micro­albuminurie, N-acétyl-β-D-glucosaminidase, retinol binding protein) sont également trouvés en concentrations similaires dans des urines obtenues par miction ou cysto­centèse [11].

Enfin, la récolte par miction spontanée ne semble pas avoir d’incidence majeure sur les profils d’électrophorèse des protéines urinaires [10].

4. Lieu de prélèvement

Le lieu de prélèvement des urines (domicile versus clinique) peut également avoir une importance.

Une étude montre que la valeur du RPCU mesurée sur des urines obtenues à la clinique est supérieure à la valeur mesurée sur celles récoltées au domicile de l’animal. Cette différence est imputée au stress de l’animal en consultation, et peut mener à une mauvaise interprétation (protéinurique/non protéinurique) [5]. La différence étant plus forte chez les chiens protéinuriques versus non protéinuriques, le suivi thérapeutique d’un animal protéinurique est plus pertinent s’il est effectué sur des urines prélevées à la maison [9].

La valeur du rapport cortisol sur créatinine urinaires (RCCU) est également augmentée sur des urines récoltées à la clinique, pouvant amener à de faux positifs [8].

5. Moment du prélèvement

Le moment du prélèvement d’urine peut avoir un impact sur certains résultats. La prise d’un repas récent est une cause d’alcalinisation des urines [1]. La densité urinaire est plus élevée sur les premières urines du matin que sur un autre prélèvement pendant la journée. La capacité ou non d’un animal à concentrer ses urines est donc mieux évaluée sur les urines du matin.

La valeur du RPCU est en revanche comparable sur des prélèvements uniques, quel que soit le moment de la journée, la moyenne de plusieurs prélèvements ou des urines mélangées [9].

Pour le RCCU, il est recommandé de récolter les urines du matin 2 à 3 jours de suite pour limiter l’effet des variations journalières et au moins 2 jours après une visite chez un vétérinaire pour limiter l’effet du stress [10].

Stockage et conservation

Les conditions de conservation des urines varient selon les analyses à effectuer.

Il est préférable de faire l’analyse cytologique (lecture du culot) dans les 2 heures après le prélèvement, afin de limiter au minimum la dégradation des cellules et des cylindres, et la formation artéfactuelle de cristaux d’oxalates de calcium. Une faible osmolarité ou une faible densité urinaire, ou un pH alcalin sont particulièrement propices à la lyse des éléments figurés [3].

Si la lecture ne peut être effectuée rapidement, il est possible de conserver les urines à + 4 °C pendant 6 à 8 heures, sachant que la cristallisation d’oxalates de calcium s’en trouve accélérée [7].

Il existe également des conservateurs pour mieux préserver les éléments figurés (acide hypochlorique, acide acétique glacial, formaldéhyde, toluène), mais ceux-ci sont à l’origine de modifications des propriétés physico-chimiques des urines [3, 7].

La bilirubine étant photosensible, les urines doivent être conservées à l’abri de la lumière [7].

Le RPCU semble stable pendant 15 jours à + 4 °C et 3 jours à température ambiante, selon une étude, alors qu’une autre, plus ancienne, montre une augmentation de sa valeur à température ambiante ou à + 4 °C après 12 heures. À - 20 °C ou à - 80 °C, la stabilité du RPCU est suffisante pour assurer une interprétation identique à celle faite sur urines fraîches [10].

Les prélèvements effectués pour la réalisation d’une électrophorèse des protéines urinaires sont stables pendant 5 jours à température ambiante et à + 4 °C, et jusqu’à 1 an à - 80 °C, mais pas à - 20 °C [10].

Conclusion

L’analyse d’urine de routine est un examen simple, peu coûteux et porteur de nombreuses informations. Il devrait, à ce titre, être inclus dans tout bilan biologique de base.

Plusieurs méthodes de prélèvement existent, parmi lesquelles la récolte sur miction spontanée et la cystocentèse sont à privilégier.

La lecture cytologique doit être effectuée le plus rapidement possible, dans un délai inférieur à 2 heures.

  • (1) La bactériologie urinaire ne sera pas abordée dans cette série d’articles.

Références

  • 1. Barsanti JA, Lees GA, Willard MD et coll. Urinary disorders. In : Small Animal Clinical Diagnosis by Laboratory Methods. 4th ed. Saunders, St Louis. 2004:135-164.
  • 2. Beatrice L, Nizi F, Callegari D et coll. Comparison of urine protein-to-creatinine ratio in urine samples collected by cystocentesis versus free catch in dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2010;236 (11):1221-1224.
  • 3. Delanghe JR, Speeckaert MM. Preanalytics in urianalysis. Clin. Biochem. 2016;49 (18):1346-1350.
  • 4. Diemer M. Étude visant à préciser l’influence du mode de collecte des urines sur leur analyse physico-chimique et cytologique chez le chien. Thèse d’exercice vétérinaire, université Paul-Sabatier, Toulouse. 2017:35-53.
  • 5. Duffy ME, Specht A, Hill RC. Comparison between urine protein-creatinine ratios of samples obtained from dogs in home and hospital settings. J. Vet. Intern. Med. 2015;29 (4):1029-1035.
  • 6. McBride LJ. Introduction to urianalysis and body fluids. In : Textbook of Urianalysis and Body Fluids : a Clinical Approach. Lippincott Williams and Wilkins, Philadelphia. 1998:14-19.
  • 7. Osborne CA, Stevens JB. Urianalysis : a Clinical Guide to Compassionate Patient Care. Shawnee Mission, Bayer Corporation. 1999:214p.
  • 8. Peterson ME. Diagnosis of hyper­adrenocorticism in dogs. Clin. Tech. Small Anim. Pract. 2007;22 (1):2-11.
  • 9. Shropshire S, Quimby J, Cerda R. Comparison of single, averaged, and pooled urine protein-creatinine ratios in proteinuric dogs undergoing medical treatment. J. Vet. Intern. Med. 2018;32 (1):288-294.
  • 10. Théron ML, Piane L, Lucarelli L et coll. Effects of storage conditions on results for quantitative and qualitative evaluation of proteins in canine urine. Am. J. Vet. Res. 2017;78 (8):990-999.
  • 11. Vilhena HC, Santos RR, Sargo TJ et coll. Urine protein-to-creatinine concentration ratio in samples collected by means of cystocentesis versus manual compression in cats. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2015;246 (8):862-867.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ L’analyse d’urine fait partie du bilan biologique de base.

→ Elle comprend des analyses physiques avec l’appréciation macroscopique et la détermination de la densité, des analyses chimiques avec la réalisation de la bandelette, voire l’évaluation semi-quantitative de la protéinurie par des méthodes de précipitation, et l’analyse microscopique du culot urinaire.

→ L’analyse peut être réalisée à partir d’urines obtenues par miction spontanée ou par cystocentèse.

→ Les urines doivent être analysées le plus rapidement possible après le prélèvement.

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