Tumeurs primitives hépatocellulaires : prise en charge et pronostic - Le Point Vétérinaire n° 393 du 01/03/2019
Le Point Vétérinaire n° 393 du 01/03/2019

CANCÉROLOGIE ET CHIRURGIE HÉPATIQUES

Dossier

Auteur(s) : Camille Bismuth

Fonctions : Dipl. ECVS, DU de chirurgie
hépatobiliaire et pancréatique
Centre hospitalier vétérinaire Frégis
Service de chirurgie
43, avenue Aristide-Briand
94110 Arcueil

La prise en charge d’un carcinome hépatocellulaire s’oriente principalement vers la chirurgie et la résection de la tumeur. Lors de forme massive, le pronostic après l’opération est excellent chez le chien.

Les tumeurs hépatocellulaires primitives concernent la partie cellulaire du foie, plus précisément les hépatocytes, et ne comprennent donc pas les tumeurs d’origine cholangiocellulaire (cellules constituant les voies biliaires). Ces tumeurs ont une représentation inégale entre le chien et le chat. La principale tumeur primitive d’origine hépatocellulaire chez le chien reste le carcinome hépatocellulaire (HCC). La principale atteinte tumorale primitive du foie chez le chat est l’adénome biliaire, les tumeurs d’origine hépatocellulaire étant moins fréquentes. Après le diagnostic d’une tumeur primitive d’origine hépatocellulaire, la prise en charge s’oriente principalement vers sa résection chirurgicale. La technique opératoire est complexe, notamment selon le ou les lobes concernés et doit être parfaitement préparée et maîtrisée.

1 Décision chirurgicale

Il est nécessaire de savoir dans quel cadre la résection chirurgicale d’une masse hépatique représente la meilleure option thérapeutique. Concernant les tumeurs du foie au sens large, les primitives d’origine hépatocellulaire sont celles pour lesquelles la chirurgie est la meilleure option. En nous appuyant sur notre expérience personnelle, nous avons construit une démarche clinique, qui reste variable selon de nombreux critères comme l’âge, la race, les maladies intercurrentes ou encore la décision des propriétaires (figure).

2 Prérequis chirurgicaux

La chirurgie est le traitement de choix de nombreuses tumeurs hépatiques comme les adénomes ou les HCC, et tout particulièrement celles qui présentent une forme massive (photo 1). Il est primordial que le chirurgien ait une connaissance précise de l’anatomie du foie et des images obtenues au scanner (1). En effet, l’anatomie hépatique est variable d’un animal à l’autre et doit donc être étudiée avant la chirurgie et/ou correctement identifiée lors de l’intervention chirurgicale. De nom­breuses techniques sont disponibles pour réaliser des hépatectomies. Celles-ci peuvent être totales ou partielles.

Considérations préopératoires lors de chirurgie hépatique

La majorité des chirurgies hépatiques comportent un risque d’hémorragie pouvant mettre la vie de l’animal en danger. L’évaluation préopératoire des profils de coagulation, du groupe sanguin et du cross-match (si des transfusions ont été réalisées précédemment), ainsi que la disponibilité de produits sanguins ou de substituts sont essentielles.

ANESTHÉSIE, ANTIBIOTHÉRAPIE

Pour une anesthésie optimale, les molécules ayant un métabolisme hépatique doivent être évitées autant que possible et celles peu liées aux protéines ou à moindre métabolisme hépatique favorisées (midazolam, propofol, isoflurane). Étant donné qu’une thoracotomie caudale peut être nécessaire lors de certaines chirurgies hépatiques complexes, l’anesthésiste doit se tenir prêt à ventiler l’animal. De même, les animaux présentant des masses hépatiques volumineuses peuvent nécessiter une ventilation assistée, en raison de la compression du diaphragme par le poids de la masse.

Une préparation et un positionnement appropriés de l’animal facilitent l’accès au foie et aux vaisseaux associés, si nécessaire. La tonte concerne tout le thorax cranial et doit être large sur les deux côtés du thorax, au cas où il serait nécessaire d’étendre l’incision pour une thoracotomie caudale, ou d’effectuer une incision paracostale. Les animaux présentant des masses hépatiques volumineuses doivent être préparés jusqu’au pubis, au cas où l’incision devrait être étendue caudalement, notamment pour sortir la masse de la cavité abdominale. Le positionnement de l’animal doit fournir un accès adéquat au thorax, avec les membres antérieurs étendus cranialement et un drapage large (champs positionnés de manière à ce qu’il soit possible d’agrandir l’ouverture, si besoin). L’incision abdominale doit généralement s’étendre cranialement jusqu’à la partie cartilagineuse du processus xiphoïde (ou paraxiphoïdienne).

Étant donné les principes de l’antibiothérapie en France, le protocole le plus couramment utilisé dans notre structure pour les hépatectomies sur les tumeurs hépatiques est l’association d’amoxicilline et d’acide clavulanique (20 mg/kg par voie intraveineuse, trois fois par jour) en antibioprophylaxie et en antibiocouverture pendant 8 jours (encadré 1).

ÉTUDE DE LA RÉSECTION HÉPATIQUE

Les types de résection hépatique doivent être étudiés avant la chirurgie, afin de s’assurer de la faisabilité de l’intervention, tout en minimisant la morbidité. Le volume de foie pouvant être retiré de manière sécuritaire chez un animal qui ne présente pas déjà une insuffisance hépatique est de 70 %. Le volume des lobes est donc à connaître. Il est de 28 % pour chacune des divisions droite et centrale et de 44 % pour la division gauche. Une cholécystectomie peut être réalisée de manière concomitante si la tumeur est au contact de la vésicule biliaire (vérification essentielle de la perméabilité du cholédoque).

Particularités Le foie étant inclus en grande partie sous l’hypocondre, des techniques d’aide à la rétraction doivent être envisagées (extérioriser le foie d’en dessous les côtes). La mise en place de compresses à laparotomie entre le diaphragme et le dôme du foie (surface convexe) améliore souvent l’accès, en particulier chez les chiens à poitrail profond. Cet accès est également facilité par le placement et la rétraction caudale de points de traction gastrique (action de tirer le foie caudalement pour le sortir de sous l’hypocondre). L’exposition doit être suffisante pour permettre une manipulation aisée à l’intérieur de l’abdomen. Il est aussi possible de rétracter caudalement le duodénum, mais cela doit être réalisé avec précaution (traction simultanée sur le canal cholédoque).

3 Lobectomie hépatique partielle

Indications La lobectomie hépatique partielle peut être pratiquée pour des lésions plus petites et plus périphériques ou lorsque le hile hépatique n’est pas facilement accessible. Cela est le cas lors d’atteinte de la partie distale du lobe latéral gauche. Pour rappel, les lobes hépatiques gauches sont impliqués dans plus de deux tiers des cas de HCC massifs [9].

Les techniques comprennent la dissection mousse, avec l’occlusion individuelle des vaisseaux par coagulation bipolaire, la mise en place de clips vasculaires ou de ligatures ; l’utilisation d’agrafeuses chirurgicales et de sutures encerclantes (Endoloop®(2), Surgitie®(2)).

Techniques

Pour faciliter la dissection mousse, la capsule hépatique est d’abord incisée à l’aide d’une lame de scalpel (saignement modéré) ou à la coagulation monopolaire en mode coagulation. Le parenchyme est ensuite séparé par écrasement au doigt (digitoclasie) ou par aspiration avec la canule interne d’une sonde d’aspiration Poole pour exposer les vaisseaux et les canaux biliaires. Les petits vaisseaux peuvent être occlus par coagulation bipolaire ou clips vasculaires (hémoclips ou surgiclips). Les gros vaisseaux doivent, quant à eux, être ligaturés ou occlus à l’aide de clips vasculaires ou de ligatures avant d’être sectionnés. Des agents hémostatiques topiques peuvent être appliqués sur les surfaces restantes si de petits saignements veineux persistent (encadré 2). Si l’hémorragie est massive, une conversion de la lobectomie partielle en lobectomie totale doit être pratiquée. Cette dernière est compliquée en cas de lobes appartenant à la division centrale, c’est-à-dire ceux très proches de la veine cave caudale (lobe médial droit et lobe carré).

4 Lobectomie hépatique totale

Les techniques pour réaliser des lobectomies hépatiques totales sont assez similaires à celles utilisées lors de lobectomies partielles, mais la section est réalisée à la base du lobe et une approche du hile du foie est donc nécessaire. Trois techniques sont possibles : réaliser une dissection mousse du parenchyme hépatique et une hémostase des gros vaisseaux (avec des instruments à coagulation bipolaire, des clips ou des ligatures) ; utiliser directement une agrafeuse chirurgicale avec résection en bloc ; utiliser un instrument à coagulation bipolaire (Ligasure®(2)) pour une résection progressive le long du hile du foie.

La transsection des ligaments triangulaires facilite la mobilisation du lobe.

Une étude de 2009 propose une description détaillée de l’anatomie artérielle, veineuse portale, veineuse systémique et biliaire typique pour chaque lobe, sur sept cadavres de chiens, reliée à une approche pour la dissection hilaire chez cette espèce [2]. La technique de dissection décrite est avantageuse lorsque les tumeurs hépatiques empiètent sur le hile du lobe atteint, empêchant notamment la mise en place sécuritaire d’une agrafeuse vasculaire. Bien qu’il y ait des variations individuelles mineures entre les chiens, l’anatomie portale est généralement uniforme et la plupart des lobes présentent une seule veine portale lobaire et une seule veine hépatique lobaire. Les auteurs notent finalement que la division centrale du foie est plus facilement retirée ou réséquée en bloc, en raison de l’anatomie des veines hépatiques.

Une autre étude menée en 2018 sur 61 cas de lobectomies chez le chien qui concernent la division centrale à l’aide d’agrafeuses vasculaires rapporte un taux de complications intra-opératoires de 47 %, dont 32 % d’hémorragies intra-opératoires (20 cas) [8]. Dix-neuf de ces 20 chiens ont nécessité une transfusion. Le taux de complications postopératoires était de 32 %, avec un taux de mortalité global de 15 % durant les 2 semaines qui ont suivi la chirurgie. Cette étude souligne la complexité des lobectomies hépatiques chez le chien, notamment lorsqu’il ne s’agit pas d’un lobe latéral gauche.

L’accident peropératoire le plus fréquent de la chirurgie du foie est l’hémorragie, qui peut être difficile à contrôler (5 %)(3).

5 Complications, hors hémorragies

Il est possible de compromettre la vascularisation des lobes adjacents et ainsi augmenter le volume de résection. En effet, pour les hépatectomies de la division centrale, notamment, les lobes reposent en partie sur la vascularisation des lobes gauches du foie. Ces vaisseaux ne doivent donc pas être inclus dans la résection, pour éviter le risque de retirer un trop grand nombre de lobes hépatiques. Physiologiquement, cela risquerait fortement d’engendrer une hypertension portale et une atteinte du fonctionnement hépatique (insuffisance hépatique aiguë avec hypoglycémie, troubles de la coagulation, etc.). La résection maximale est de 70 % du volume hépatique, pour éviter de s’exposer à de graves complications [10].

6 Quid des nœuds lymphatiques ?

Les nœuds lymphatiques sont, a minima, systématiquement biopsiés en phase peropératoire et obligatoirement retirés dans le cadre d’une hypertrophie à l’examen tomodensitométrique. Les nœuds lymphatiques biopsiés ou retirés sont majoritairement les hépatiques périportaux, mais tous les locorégionaux doivent être inspectés lors du scanner. L’intérêt d’un curage lymphatique systématique dans le cadre de la résection d’une masse hépatique n’a pas été étudié en médecine vétérinaire. Dans une étude préliminaire menée dans notre structure sur 16 chiens atteints d’un HCC de forme massive ou nodulaire, un seul cas de métastase ganglionnaire a été retrouvé sur des nœuds lymphatiques de taille discrètement augmentée (une seule masse revenue HCC peu différencié). Il semble cependant prudent de procéder à un retrait systématique des nœuds lymphatiques hépatiques pour analyse et adaptation du protocole adjuvant, si nécessaire.

7 Pronostic des carcinomes hépatocellulaires

HCC massif

Les facteurs pronostiques chez les chiens présentant un HCC massif comprennent le traitement chirurgical, le côté de l’atteinte hépatique (droit ou gauche), l’activité de l’alanine aminotransférase (Alat) et de l’aspartate aminotransférase (Asat), et les rapports phosphatases alcalines/Asat et Alat/Asat [6, 9].

Le pronostic pour les animaux atteints d’un HCC de forme massive sans métastases est très nettement amélioré par la résection chirurgicale de la tumeur (encadré 3). Le taux de récidive reste faible (0 à 13 %) [6, 9]. Des métastases vers d’autres régions du foie et des poumons ont été observées chez 0 à 37 % des chiens [9]. Plus récemment, le taux de métastases s’est cependant avéré beaucoup plus faible et la plupart des morts n’étaient pas en lien avec l’HCC (4,8 % seulement d’entre elles étaient en lien avec des métastases pulmonaires ou hépatiques) [9].

HCC de forme nodulaire ou diffuse

Le pronostic pour les chiens présentant un HCC de forme nodulaire ou diffuse reste, quant à lui, réservé. La résection chirurgicale n’est généralement pas possible en raison de l’implication de plusieurs lobes hépatiques.

En ce qui concerne la chimiothérapie, la gemcitabine a été expérimentée chez des chiens qui présentaient des HCC de forme massive (4 cas), nodulaire (10 cas) ou diffuse (4 cas). Le temps de survie médian (MST) des chiens ayant reçu un diagnostic de HCC massif était de 1 339 jours. Le MST des chiens atteints de HCC de forme nodulaire ou diffuse était de 983 et 113 jours, respectivement. Les tumeurs retirées chirurgicalement de façon incomplète (y compris les tumeurs massives et nodulaires) avaient un MST global de 1 339 jours, tandis que les tumeurs non résécables avaient un MST de 197 jours [3]. Dans une étude portant sur les HCC de forme massive (4 cas), un quart des chiens a présenté une réponse ­complète après un traitement adjuvant par de la mitoxantrone [12]. Une étude récente montre l’intérêt potentiel du tocéranib (Palladia®) sur les HCC non résécables chez le chien, en prenant en considération le faible nombre de cas (6) et le caractère préliminaire de cette étude [5].

8 Pronostic chez le chat

Chez le chat, les tumeurs hépatocellulaires sont moins fréquentes et ne représentent que 9 à 24 % des tumeurs hépatiques primaires [10]. Les adénomes hépatocellulaires sont beaucoup plus courants que les carcinomes. Des métastases d’un HCC ont été observées chez 25 % des chats dans une étude d’autopsie [13]. Il existe peu d’informations sur le traitement optimal et le pronostic des tumeurs hépatocellulaires chez le chat. Une résection, si réalisable, reste recommandée à l’heure actuelle, selon l’auteur.

9 Perspectives d’avenir

Gestion régionale des tumeurs hépatiques

Chez l’homme, pour les personnes atteintes de tumeurs hépatiques non résécables ou métastatiques, il a été démontré qu’un certain nombre de thérapies régionales améliorent les taux de réponse et le contrôle local des tumeurs, et augmentent la nécrose tumorale par rapport aux thérapies traditionnelles. Ces formes non résécables sont également des indications de transplantation hépatique.

En ce qui concerne les tumeurs très volumineuses, il existe des techniques d’embolisation préopératoire de la veine porte impliquant une obstruction de la branche porte ipsilatérale perfusant le segment du foie à réséquer. Toutes ces techniques entraînent une hypertrophie du segment controlatéral du foie et sont actuellement utilisées chez l’homme avant les résections tumorales massives du foie. Sans cette hypertrophie, les résections pourraient augmenter le risque d’insuffisance hépatique, en raison d’un volume hépatique résiduel insuffisant ou de l’hypertension portale qui en résulterait [10]. Chez le chien, le volume du foie augmente de 25 à 33 % après l’embolisation des branches veineuses portales.

Des techniques intravasculaires telles que la chimiothérapie intra-artérielle, l’embolisation transartérielle et la chimio-embolisation transartérielle ont été développées pour augmenter les concentrations locales de chimiothérapie, réduire les toxicités systémiques, l’apport sanguin et l’oxygénation des tumeurs et améliorer les taux de contrôle local des tumeurs. Le foie est particulièrement adapté à ces techniques. Le parenchyme hépatique sain reçoit 80 % de son sang par la veine porte et 20 % par l’artère hépatique. Les tumeurs reçoivent, quant à elles, 95 % de sang de l’artère hépatique et 5 % de la veine porte. L’embolisation de l’artère hépatique qui alimente le lobe affecté élimine donc la majeure partie du flux sanguin vers la tumeur. Le parenchyme normal dans le foie survit grâce à la perfusion portale restante [10]. L’embolisation tumorale et la chimio-embolisation ont connu un succès modéré en traitement palliatif chez 4 chiens atteints d’HCC [1, 15].

Des techniques percutanées d’ablation tumorale, prin­cipalement dans le cadre de métastases, ont été décrites sporadiquement chez le chien. Elles comprennent ­l’ablation par radiofréquence, par cryo-ablation et à l’éthanol [16].

Nouvelles techniques chirurgicales et instrumentation

Les études précédentes se sont intéressées à la chirurgie pour les formes massives d’HCC, c’est-à-dire aux tumeurs primitives ne touchant qu’un seul lobe hépatique. Aucune n’a étudié le traitement chirurgical pour les formes nodulaires, qui représentent 29 % des cas d’HCC, ni pour les formes massives avec métastases dans un autre lobe hépatique. Le pronostic concernant ces animaux reste réservé, la chimiothérapie ou autres traitements adjuvants ne permettant pas d’augmentation notable de leur durée de survie. Il en est de même pour les autres tumeurs primitives chez le chien ou le chat qui sont jugées non résécables, mais qui pourraient le devenir grâce à des hépatectomies complexes ou multiples (ces dernières pourraient aussi, peut-être, potentialiser la chimiothérapie).

DISSECTRON® : HÉPATECTOMIES MULTIPLES T OMPLEXES

Une étude prospective sur les tumeurs hépatiques primitives du chien et incluant les formes nodulaires d’HCC est en cours dans notre structure. Elle est fondée sur l’utilisation d’un nouvel instrument, un dissecteur-aspirateur à ultrasons ou Dissectron®(2), pour réaliser toutes sortes d’hépatectomies comme des lobectomies, totales ou partielles, mais aussi des « segmentectomies » et des « nodulectomies » (photos 2 à 4). Ces « segmentectomies », qui s’appuient sur une anatomie fonctionnelle du foie selon la vascularisation portale, permettent de respecter la vascularisation hépatique et de ne réséquer que les vaisseaux irriguant la tumeur. Cela n’est possible que pour deux lobes : le latéral gauche et le médial droit. Cette technique a pour objectif de préserver le maximum de parenchyme hépatique, en comparaison à des lobectomies massives [4]. Elle permet de contrôler plus précisément les saignements en isolant les vaisseaux de la tumeur et de retirer plusieurs masses, dans plusieurs lobes, sans risquer une hypertension portale ou une insuffisance hépatique. Ce type de chirurgie permettrait de rendre résécables des tumeurs précédemment considérées comme non-résécables (formes nodulaires d’HCC) (photo 5).

Les résultats préliminaires montrent que le taux de survie après la chirurgie, incluant des hépatectomies complexes (division centrale, notamment) et des hépatectomies multiples (plusieurs exérèses sur plusieurs lobes), est de 90 %. De plus, sur les 15 cas opérés vivants à 15 jours, 13 le sont toujours (une mort consécutive à une récidive, 1 an et demi après la chirurgie, et une autre à une tumeur primitive du cerveau). L’utilisation d’une thérapie moléculaire ciblée adjuvante (tocéranib) est également à l’étude, principalement dans le cadre de formes nodulaires (potentialité d’extension microscopique malgré l’exérèse des masses macroscopiques) ou de tumeurs peu différenciées.

AUTRE AIDE PEROPÉRATOIRE POTENTIELLE

Une dernière technique pourrait être associée à la méthode de dissection au Dissectron®(2), mais également aux autres techniques au sens large : la détection intra-opératoire des HCC et de leurs marges à la fluorescence proche-infrarouge. Une seule étude porte sur le sujet chez le chien et, pour le moment, la différenciation entre HCC et nodule d’hyperplasie reste peu fiable, bien que les marges soient correctement visibles [7]. Il existe des limites à cela, notamment la localisation parfois intraparenchymateuse de certaines masses ou nodules, ou encore une mauvaise fluorescence des HCC faiblement différenciés.

Conclusion

La prise en charge d’une tumeur primitive d’origine hépatocellulaire s’oriente principalement vers la chirurgie et la résection de la masse. L’intervention est complexe, notamment selon le ou les lobes concernés, et doit être à la fois préparée et maîtrisée. La planification préopératoire à l’aide des examens d’imagerie en coupe (scanner triphasique), la préparation et l’anesthésie des animaux subissant une hépatectomie et la connaissance précise de l’anatomie du foie sont primordiales. Le chirurgien doit prévoir la principale complication, qui est le saignement peropératoire. Le pronostic concernant l’HCC de forme massive est excellent chez le chien. Chez le chat, très peu d’études ont été réalisées et il est difficile de déterminer de grandes règles de prise en charge. L’HCC ne répondant que très moyennement à la chimiothérapie, la recherche se penche sur le moyen de rendre résécables des tumeurs considérées comme non résécables et sur des techniques décrites en médecine humaine, comme la chimio-embolisation, pour les cas réellement non résécables.

  • (1) Voir l’article « Anatomie et physiologie hépatiques » du même auteur, dans ce numéro.

  • (2) Instruments utilisés en médecine humaine.

  • (3) Voir l’article « Contrôle de l’hémorragie pendant une chirurgie hépatique » du même auteur, dans ce numéro.

Références

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Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Pourquoi utiliser une couverture antibiotique lors d’hépatectomie ?

Les bactéries intestinales et les endotoxines délivrées en continu par le système porte sont normalement éliminées par le système phagocytaire mononucléé du foie, principalement les cellules Kupffer. Toutefois, la présence d’une flore bactérienne normale dans le foie canin demeure controversée. Dans une étude de la flore hépatique canine normale, 60 % des chiens (12 sur 20) ont obtenu une culture positive avec divers organismes, y compris des anaérobies stricts, des aérobies stricts et des anaérobies facultatifs. L’isolat le plus courant était clostridium perfringens, suivi de staphylococcus spp. environ la moitié des chiens avait un seul isolat et l’autre en avait plusieurs [11].

De plus, dans le cadre d’une atteinte hépatique, notamment d’une masse hépatique avec compression des voies biliaires et du parenchyme hépatique, les capacités d’épuration des bactéries sont moindres que lorsque le foie est sain. Des bactéries peuvent stagner dans cet organe ou passer dans la circulation générale.

Ainsi, dans une autre étude portant sur 248 chiens et chats ayant une maladie hépatobiliaire confirmée, une culture positive a été identifiée dans 14 % des cas chez les chats et 5 % chez les chiens et des isolats simples dans 83 % des cas chez les chats et 50 % chez les chiens. Cette étude a confirmé que la majorité de ces organismes sont d’origine entérique (Escherichia coli, enterococcus spp., bacteroides spp. et clostridium spp.) et que la possibilité de plusieurs isolats justifie une couverture antibactérienne à large spectre chez les animaux ayant une atteinte hépatique [10].

ENCADRÉ 2
Comparaison des instrumentations et des?techniques lors d’hépatectomie partielle

Des comparaisons, dans le domaine de l’instrumentation et donc des techniques lors d’hépatectomie partielle, ont été réalisées entre :

- bistouri à ultrasons (Ultracision®(2)) ;

- instrument à coagulation bipolaire (Ligasure®(2)) ;

- suture encerclante (Surgitie®(2), Medtronic) ;

- dissection mousse des vaisseaux et des conduits biliaires à la sonde de Poole, puis mise en place de clips vasculaires (Surgiclip®(2), Medtronic) ;

- apposition à l’agrafeuse vasculaire (TA®(2) 30-V3, Medtronic) [14].

Cette étude a montré que les temps chirurgicaux n’étaient pas statistiquement différents d’un procédé à l’autre. Toutes les techniques ont été jugées sûres et efficaces, bien que celle de la dissection mousse associée à la mise en place de clips vasculaires entraîne une perte sanguine significativement plus importante que les autres.

ENCADRÉ 3
La chirurgie améliore le pronostic des carcinomes hépatocellulaires chez le chien

Dans une étude menée sur 48 chiens, la médiane de survie sans chirurgie est de 270 jours (6 cas), et elle est de 1 460 jours avec chirurgie (42 cas) [9]. Les tumeurs du foie du côté droit, qui impliquent le lobe latéral droit ou le processus caudé du lobe caudé, avaient un moins bon pronostic en raison du risque de traumatisme de la veine cave caudale pendant la dissection chirurgicale. Des valeurs d’alanines aminotransférases et d’aspartates aminotransférases plus élevées étaient associées à un mauvais pronostic, probablement lié à une atteinte hépatique plus marquée ou à un caractère plus agressif de la tumeur [9].

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