Efficacité comparée de cinq traitements insecticides pour lutter contre les myiases cutanées canines - Le Point Vétérinaire expert canin n° 393 du 01/03/2019
Le Point Vétérinaire expert canin n° 393 du 01/03/2019

PARASITOLOGIE

Analyse d’article

Auteur(s) : Charline Pressanti

Fonctions : Service de dermatologie
INP-ENVT, 23, chemin des Capelles
31076 Toulouse
c.pressanti@envt.fr

Les myiases se définissent comme une invasion des tissus de vertébrés vivants par des larves de mouches. Ces dernières peuvent se nourrir ou non du tissu de leur hôte. Les myiases sont classées en fonction des interactions que ces larves ont avec l’hôte. Elles peuvent être accidentelles, facultatives ou obligatoires. Les myiases obligatoires surviennent lorsque l’asticot a besoin d’un hôte vertébré vivant pour se développer. Il s’agit, par exemple, de Cuterebra spp., de Cochliomyia hominivorax (Amérique) ou encore de Chrysomya bezziana (Europe, Asie, Afrique). Ces larves sont relativement peu spécifiques de l’hôte et peuvent se développer chez l’homme et chez l’animal.

GÉNÉRALITÉS SUR LES MYIASES ET CONTEXTE DE L’ÉTUDE

Chez les animaux de rente, le traitement des myiases consiste en l’application de lotions, de sprays insecticides tels que des organophosphorés (coumaphos, fenthion), la cryomazine, le spinosad (S), ou en des injections de lactone macrocyclique (ivermectine) [6-8, 10].

Les myiases cutanées canines, liées aux larves des mouches C. hominivorax et Chrysomya bezziana, par exemple, sont couramment traitées avec une injection d’ivermectine, à la dose de 200 à 400 µg/kg, par voie sous-cutanée, dans son utilisation hors autorisation de mise sur le marché. Il est également recommandé d’effectuer un nettoyage et un débridement de la zone sous sédation ou anesthésie générale [1]. L’action de l’ivermectine est lente et un délai de 24 à 48 heures est nécessaire pour obtenir une disparition totale des larves. Certaines poudres contenant des organophosphorés ont été utilisées dans le passé, mais sont à présent interdites (coumaphos, propoxur, etc.). L’usage d’insecticides larvicides tels que le nitenpyrame (N) et l’association de spinosad et de milbémycine (S + M) ont aussi été décrits dans quelques publications [2, 4]. En revanche, il n’existe aucune étude concernant l’efficacité des isoxazolines, en particulier l’afoxolaner (A), dans un tel contexte.

Il apparaît important de trouver une alternative thérapeutique efficace qui ne présente aucun danger pour l’animal et le manipulateur. L’objectif de cette étude était de comparer l’efficacité de plusieurs produits d’action systémique supposés avoir une action équivalente dans la prise en charge des myiases chez le chien.

CINQ SOLUTIONS THÉRAPEUTIQUES À L’ESSAI

1. Effet du nitenpyrame

Dans cette étude, le N, un néonicotinoïde insecticide, est le produit présentant l’action la plus efficace et la plus rapide. Il s’agit d’un agoniste du récepteur postsynaptique à l’acétylcholine qui inhibe la transmission cholinergique et entraîne la paralysie, puis la mort de l’insecte. Ce produit, indiqué dans le traitement des infestations par les puces chez le chien et le chat, a une durée d’action maximale de 48 heures [3]. L’efficacité contre les larves de mouche est visible 2 heures après l’ingestion du comprimé ; elle est totale 6 heures après. Ce constat confirme le résultat d’une précédente étude portant sur l’efficacité du N sur des larves de C. hominivorax : l’effet insecticide était observé 1 à 2 heures après la prise [2].

2. Effets de l’association de spinosad et de milbémycine

L’effet larvicide de l’association S + M est légèrement moins rapide que celui du N. Un effet synergique est supposé entre les deux molécules. Il est probablement lié aux propriétés du S, un substrat de la glycoprotéine P qui potentialise les effets des lactones macrocycliques [9].

Testés séparément, le S seul a un effet optimal 24 heures après l’ingestion et celui de la M est partiel (75 % d’efficacité) 24 heures après son administration per os (PO). La M ne représente donc pas le traitement de choix. Ce résultat est corrélé aux données précédemment rapportées concernant l’efficacité de l’ivermectine, avec des délais pouvant atteindre jusqu’à 48 heures.

L’effet insecticide préventif de l’association S + M persiste jusqu’à 30 jours, tandis que celui du N ne dure que 48 heures. La rémanence de S + M permet de limiter les recontaminations d’un animal soumis à un risque élevé en raison de son mode de vie ou de la persistance des lésions cutanées profondes.

3. Efficacité d’une isoxazoline : l’afoxolaner

Avec les tests menés sur l’A, c’est la première fois que des auteurs évaluent les effets sur les myiases cutanées canines d’un insecticide ou d’un acaricide d’action systémique appartenant à la famille des isoxazolines, aux doses classiquement recommandées pour le traitement des puces et des tiques. Les publications de pharmacocinétique précisent que la concentration plasmatique maximale est obtenue 2 à 6 heures après son ingestion à la dose de 2,5 mg/kg. Cette dose élimine 93,4 et 100 % des Ixodes ricinus à 12 et 24 heures après la prise orale [5]. Il est possible que l’efficacité de l’A soit dépendante de l’activité des larves et de la quantité de tissus lysée et ingérée par les asticots. L’éradication totale des larves est observée au bout de 48 heures, comme pour Ixodes ricinus. Ainsi, bien que l’A ait une rapidité d’action moindre par rapport au N ou à l’association S + M, il reste efficace et peut être utilisé dans le traitement des formes modérées de myiases cutanées canines.

PREMIÈRE ÉTUDE SUR UN ÉCHANTILLON RÉDUIT

Parmi les 40 cas recrutés, les mâles non castrés sont les plus représentés (65 %). Les causes favorisantes sont les otites, les plaies, les pododermatites, les intertrigos et les pyodermites des points d’appui. Les shih tzu et apparentés sont surreprésentés (13 cas sur 40). Dans cette race, l’intertrigo du pli du nez semble être un facteur favorisant. Les limites de cette étude résident dans les critères d’inclusion. Les animaux étaient tous infestés naturellement avec des charges parasitaires variables et des larves à des stades d’évolution différents suivant les individus. En effet, les larves de premier stade (L1) sont souvent plus sensibles aux insecticides. Toutefois, ce biais est compensé par la randomisation, qui permet de répartir les cas aléatoirement dans les différentes catégories de traitement.

Conclusion

Le N et l’association S + M sont les traitements les plus efficaces pour la prise en charge des myiases cutanées canines. Le S et l’A sont également actifs, mais les délais d’action sont plus longs. Étant donné ses résultats, comparés à ceux des autres agents testés dans cette étude, la M employée seule n’est pas recommandée.

  • 1. Chemonges-Nielsen S. Chrysomya bezziana in pet dogs in Hong Kong: a potential threat to Australia. Aust. Vet. J. 2003;81 (4):202-205.
  • 2. Correia TR, Scott FB, Verocai GG et coll. Larvicidal efficacy of nitenpyram on the treatment of myiasis caused by Cochliomyia hominivorax (Diptera: Calliphoridae) in dogs. Vet. Parasitol. 2010;173 (1-2):169-172.
  • 3. Dobson P, Tinembart O, Fisch RD, Junquera P. Efficacy of nitenpyram as a systemic flea adulticide in dogs and cats. Vet. Rec. 2000;147 (25):709-713.
  • 4. Han HS, Sharma R, Jeffery J, Noli C. Chrysomya bezziana (Diptera: Calliphoridae) infestation: case report of three dogs in Malaysia treated with spinosad/milbemycin. Vet. Dermatol. 2017;28 (2):239-e62.
  • 5. Letendre L, Huang R, Kvaternick V et coll. The intravenous and oral pharmacokinetics of afoxolaner used as a monthly chewable antiparasitic for dogs. Vet. Parasitol. 2014;201 (3-4):190-197.
  • 6. Levot GW. Response to laboratory selection with cyromazine and susceptibility to alternative insecticides in sheep blowfly larvae from the New South Wales Monaro. Aust. Vet. J. 2013;91 (1-2):61-64.
  • 7. Perkins ID. Use of insecticides to control screw-worm fly strike by Chrysomya bezziana in cattle. Aust. Vet. J. 1987;64 (1):17-20.
  • 8. Rothwell JT, Carson J, Sherwood N et coll. Residues of spinosad in the tissues of sheep after aerosol treatment of blowfly myiasis. Aust. Vet. J. 2005;83 (3):154-156.
  • 9. Schrickx JA. Spinosad is a potent inhibitor of canine P-glycoprotein. Vet. J. 2014;200 (1):195-196.
  • 10. Wardhaugh KG, Mahon RJ, Ahmad HB. Efficacy of macrocyclic lactones for the control of larvae of the Old World screw-worm fly (Chrysomya bezziana). Aust. Vet. J. 2001;79 (2):120-124.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIFS

Évaluer et comparer l’efficacité de l’afoxolaner (A), du spinosad (S), de la milbémycine (M), de l’association du spinosad et de la milbémycine (S + M) et du nitenpyrame (N) dans le traitement des myiases cutanées canines.

MÉTHODE

Quarante chiens (de propriétaires) naturellement infestés par C. bezziana (pas d’identification précise) ont été sélectionnés. Ce groupe a été subdivisé en cinq sous-groupes de 8 chiens répartis de façon aléatoire (essai randomisé). Chacun de ces groupes a reçu un traitement insecticide à la dose recommandée par le fabricant. Chaque animal a fait l’objet d’un examen cutané avec comptage et évaluation de la vivacité des larves toutes les heures pendant 7 heures, puis 24 heures après l’administration du traitement. Un score a été établi en fonction du nombre de larves présentes sur l’animal : 0 (aucun effet observé), 0,5 (élimination partielle des larves) et 1 (éradication complète). Ces scores ont été analysés et comparés entre les groupes pour chaque point de comptage. Le temps d’élimination complète des larves a été calculé pour chaque chien et comparé entre les groupes.

RÉSULTATS

• Les chiens de race shih tzu ou croisés shih tzu sont très représentés dans cette étude (32,5 %).

• Le temps d’élimination totale des larves est de 6 heures pour le N et de 7 heures pour l’association S + M, après une administration par voie orale.

• Pour les groupes recevant les molécules A et S, les larves sont tuées en 24 heures.

• Dans le groupe des chiens traités avec la M, deux chiens (25 %) étaient encore infestés 24 heures après l’administration du traitement. Une synergie entre M et S est observée dans cette étude.

L’association S + M et le N sont les produits qui semblent être le plus rapidement efficaces pour éliminer les larves. L’A et la M sont également efficaces, mais les effets sont plus lents.

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