Arthrodèse du grasset chez un yorkshire - Le Point Vétérinaire expert canin n° 393 du 01/03/2019
Le Point Vétérinaire expert canin n° 393 du 01/03/2019

ORTHOPÉDIE

Cas clinique

Auteur(s) : Chantal Ragetly*, Guillaume Ragetly**

Fonctions :
*Service de chirurgie
Clinique vétérinaire Evolia
43, avenue du Chemin-Vert
95290 L’Isle-Adam
**Service de chirurgie
Centre hospitalier vétérinaire Frégis
43, avenue Aristide-Briand
94110 Arcueil

La modernisation inéluctable de la chirurgie ne doit pas exclure certaines techniques anciennes qui ont fait leurs preuves. Dans certains cas, l’arthrodèse reste une bonne solution pour la correction d’une atteinte articulaire grave.

L’arthrodèse consiste à réaliser l’immobilisation chirurgicale d’une articulation par fusion osseuse. Ses indications sont les arthropathies dégénératives terminales douloureuses consécutives à des fractures intra-articulaires comminutives, à des luxations et subluxations chroniques ou à des arthrites érosives [6]. Lors d’atteinte sévère de l’articulation du grasset, il s’agit d’une solution thérapeutique possible en dernier recours, à considérer comme une alternative à la prothèse totale du grasset (peu ou pas pratiquée en France actuellement) ou à l’amputation (plus difficile à admettre pour les propriétaires, mais qui reste moins coûteuse, avec un suivi moins contraignant).

CAS CLINIQUE

1. Commémoratifs et anamnèse

Une chienne yorkshire terrier de 6 ans, pesant 3 kg, a présenté une boiterie due à une luxation médiale de la rotule de stade 2, qui a été opérée à plusieurs reprises. Une transposition de la crête tibiale, une imbrication et une sulcoplastie ont été réalisées dans une première clinique. Par la suite, une fracture du tibia proximal a été diagnostiquée dans une seconde structure. La présence de cette fracture a limité l’examen orthopédique précis du grasset, mais une rupture du ligament croisé a également été mise en évidence lors de la reprise chirurgicale. Une prothèse extracapsulaire a alors été placée pour stabiliser l’articulation. Un cal fibreux était présent au niveau de la fracture, qui a simplement été stabilisée à l’aide de deux broches de 1 mm, le fragment étant de petite taille. Pour mieux réduire la fracture, le cal n’a pas été enlevé, mais cela a contribué au fait que, 3 mois plus tard, la fracture tibiale s’est consolidée avec une mal-union et une déformation importante du tibia proximal (valgus et torsion), ainsi qu’une pente tibiale d’environ 70° (norme de 20 à 25°), entraînant une subluxation du grasset (photos 1a et 1b).

Avec le temps, les propriétaires ont constaté que la récupération clinique n’était pas bonne, avec une boiterie (4/5) qui a progressé jusqu’à devenir sans appui (5/5). Une troisième intervention est réalisée 6 mois après la précédente pour limiter la subluxation à l’aide de deux prothèses extracapsulaires, une latérale et une médiale. En même temps, les broches sont retirées. L’amélioration clinique n’est toujours pas correcte, avec une boiterie sans appui qui persiste et une luxation complète du grasset, objectivée sur les radiographies de contrôle à 2 mois (photos 2a et 2b). Les propriétaires décident alors de la présenter dans notre structure pour une consultation spécialisée.

2. Examen clinique

Le chien présente un bon état général. L’auscultation cardio­respiratoire est normale, la température est de 38,6 °C.

L’examen orthopédique met en évidence une boiterie sans appui du membre pelvien gauche lorsque l’animal se déplace, avec un discret appui à l’arrêt. L’examen rapproché montre une déformation et un gonflement du grasset gauche, avec des crépitements et une douleur marquée à la manipulation. Une atrophie musculaire sévère du membre atteint est présente. Un mouvement de tiroir direct est mis en évidence, avec une luxation de rotule médiale de grade 2 à 3 sur 4. Plus précisément, en position naturelle pour l’animal, c’est-à-dire en suppression d’appui avec le membre semi-fléchi et le grasset luxé, la rotule apparaît, elle aussi, luxée. Une réduction est toutefois possible, comme le montre la radiographie de face, pour laquelle le membre est artificiellement maintenu en extension par le manipulateur. En revanche, sur la vue de profil du membre au repos, la rotule est fortement déplacée proximalement et n’est plus dans la trochlée fémorale en raison de la luxation cranio-proximale du tibia.

3. Hypothèses diagnostiques

Étant donné l’historique et les radiographies postopératoires précédentes, les hypothèses diagnostiques sont limitées à une rupture du ligament croisé cranial, avec une luxation de la rotule et une mal-union du tibia proximal consécutive à une fracture de l’extrémité proximale du tibia. Une luxation du grasset à la suite d’une entorse sévère de ce dernier, une fracture intra-articulaire du tibia proximal, une atteinte tumorale du grasset ou une arthrite septique ne peuvent cependant pas être exclues.

4. Examen tomodensitométrique

Eu égard aux complications antérieures cumulées, et afin d’analyser pertinemment, donc en trois dimensions (3D), les déformations osseuses présentes, de les quantifier et de planifier, le cas échéant, une chirurgie correctrice, un examen tomodensitométrique du membre pelvien est réalisé, en accord avec les propriétaires. La visualisation spatiale des lésions est meilleure sur les images obtenues par cet examen que sur des clichés radiographiques, c’est une des raisons qui ont motivé notre choix.

L’animal est anesthésié à l’aide de valium (0,2 mg/kg par voie intraveineuse [IV]) et de propofol (4 mg/kg IV). Après l’intubation, un relais gazeux à l’isoflurane est instauré.

5. Diagnostic définitif

Le scanner permet d’objectiver plusieurs lésions : une luxation chronique du grasset, une pente de plateau tibial très excessive (70°), une arthrose sévère, un varus distal du fémur, une déformation prononcée du tibia proximal (valgus, torsion) et une inflammation marquée des tissus péri-articulaires (photos 3a et 3b). Les remaniements arthrosiques semblent plus marqués sur ces images que sur les radiographies. La visualisation en 3D obtenue permet de bien envisager la solution chirurgicale. Aucune atteinte septique ne semble présente.

6. Traitement

Il s’agit de régulariser la pente tibiale et de stabiliser le grasset, tout en corrigeant la luxation de rotule.

Deux options sont proposées : une ostéotomie correctrice de la déformation du tibia proximal pour annuler la déformation angulaire et rétablir la pente du plateau tibial, ce qui permettrait une stabilisation dynamique du grasset, ou une arthrodèse du grasset. Les avantages et les inconvénients sont évalués par les propriétaires, qui optent pour une arthrodèse totale de l’articulation. Étant donné l’ancienneté de l’atteinte et la présence d’arthrose marquée, ces derniers n’ont pas souhaité prendre le risque d’avoir de toute façon, in fine, recours à une arthrodèse, possible en effet après une correction angulaire insuffisante. Ce choix a également été motivé par le fait que les propriétaires n’envisagent pas de mettre leur animal au repos strict lors de la convalescence.

Protocole opératoire

→ Préparation : l’animal est prémédiqué à l’aide de chlorhydrate de morphine (0,2 mg/kg IV), induit au propofol (4 mg/kg IV), puis un relais gazeux à l’isoflurane est instauré pour le maintien anesthésique. Une antibioprophylaxie à base de céfalexine (20 mg/kg IV) est effectuée 30 minutes avant la première incision. La tonte du membre et l’antisepsie de la zone opératoire sont classiques. L’animal est positionné en décubitus dorsal. Une perfusion continue de fentanyl (4 µg/kg/h) est mise en place pendant l’anesthésie.

→ Intervention : un abord cranio-latéral du fémur et du tibia gauches est réalisé. Une ostéotomie de la tubérosité tibiale est pratiquée afin de rétracter proximalement le quadriceps et d’exposer le grasset. L’exploration de l’articulation permet de confirmer l’ampleur de sa dégradation (photo 4a). Un curetage est réalisé (ménisques et ligament croisé caudal sont réséqués). Des broches sont mises en place de manière temporaire pour permettre de guider les ostectomies. Deux broches de 0,8 mm sont placées à 90° de l’axe du tibia et du fémur à la hauteur des futures ostectomies, puis deux autres broches sont placées à un angle d’environ 22,5° des premières pour permettre de donner l’axe de la coupe, autorisant un angle de flexion de 135° (180 - [22,5 x 2]). Les ostectomies du fémur distal et du tibia proximal permettent l’élimination des surfaces articulaires et la création de surfaces planes, facilitant leur apposition avec un angle de flexion adéquat de 135° (photo 4b). Cette étape est cruciale, car la reprise d’appui fonctionnel dépend de cette valeur, avec un contact osseux idéal. La reconstruction est facilitée par le placement de deux broches en croix permettant la stabilisation du site opératoire (photo 4c). L’angle d’arthrodèse est alors contrôlé, de même que le bon alignement des membres. Une plaque verrouillée (locking compression plate, LCP) est ensuite appliquée sur la face craniale du fémur et du tibia maintenue en place à l’aide de vis corticales de 2 et de 1,5 mm. La crête tibiale est fixée médialement à la plaque à l’aide de deux broches parallèles de 1 mm. Après rinçage abondant, l’os spongieux présent aux extrémités distale du fémur et proximal du tibia réséquées est utilisé pour servir de greffe au site d’arthrodèse. Le site opératoire est refermé de manière classique, plan par plan.

→ Phase finale : des radiographies sont effectuées en fin d’intervention afin d’évaluer le positionnement des implants et de vérifier l’angle fémoro-tibial obtenu au site d’arthrodèse (photos 5a et 5b). Cet angle étant de 135°, le montage est correct. Enfin, un pansement de type Robert Jones modifié est appliqué pour protéger le montage et limiter les mouvements de l’animal (les propriétaires peinent à faire respecter la restriction d’activité de leur animal).

Phase postopératoire immédiate

L’analgésie postopératoire est continuée à l’aide d’injections de chlorhydrate de morphine (0,2 mg/kg IV, puis par voie sous-cutanée [SC]) pendant 24 heures. Des anti-inflammatoires non stéroïdiens (méloxicam 0,1 mg/kg/j par voie orale [PO]) et des antibiotiques (céfalexine 20 mg/kg/12 h PO) sont prescrits pendant 15 et 8 jours, respectivement. Le lendemain de l’opération, l’absence de douleur et une bonne récupération justifient le retour du chien chez ses propriétaires. Un repos est imposé, avec de courtes sorties hygiéniques, en laisse uniquement, et une interdiction de sauter ou de courir jusqu’à fusion complète de l’articulation.

7. Suivi à 15 jours

Un premier contrôle est effectué 15 jours après l’opération. La plaie est correctement cicatrisée et les fils cutanés sont retirés. En station debout, le port du membre semble correct et l’animal pose ce dernier au sol (photo 6). Le pansement de type Robert Jones modifié est refait.

8. Suivi à 1 mois

À 1 mois postopératoire, le pansement est retiré. Une boiterie de grade 3/5 du membre pelvien gauche, associée à un mouvement de circumduction de celui-ci, est observée (1). Une amyotrophie franche du membre pelvien opéré est toujours présente à ce stade. La manipulation et la mobilisation de la région du grasset ne sont pas douloureuses. D’après l’examen radiographique, la cicatrisation osseuse progresse. Une fusion osseuse au niveau du site d’ostéosynthèse se met en place avec de discrètes zones de pont (photos 7a et 7b). Un contrôle de l’activité est toujours recommandé et même précisé. L’animal peut marcher en laisse courte durant 15 à 20 minutes, faire 15 répétitions d’assis-debout, trois fois par jour, mais il a toujours interdiction de courir, sauter, monter ou descendre les escaliers ou encore bondir sur le canapé ou le lit tant que la fusion osseuse entre le fémur et le tibia n’est pas complète, c’est-à-dire au moins jusqu’au contrôle à 2 mois. Malgré ces recommandations, les propriétaires disent laisser leur animal vagabonder librement dans la maison.

9. Suivi à 2 mois et demi

Lors du dernier contrôle, à 2 mois et demi postopératoires, la chienne présente un mouvement de circumduction du membre moins important, mais toujours visible. Aucune douleur n’est mise en évidence et l’animal a retrouvé une activité complètement normale depuis 2 semaines, les propriétaires ayant pris l’initiative de lever la restriction d’activité, étant donné l’absence de boiterie observée. La masse musculaire du membre pelvien opéré s’est déjà nettement confortée et semble pratiquement similaire à celle du membre controlatéral, ce qui confirme l’activité non réduite du chien.

La manipulation de la région du grasset n’est pas douloureuse. La cicatrisation osseuse semble complète à l’examen radiographique, avec un pontage osseux objectivé entre le fémur et le tibia sur les vues de face et de profil, sur plus de 90 % de la surface d’arthrodèse (photos 8a et 8b).

DISCUSSION

1. Indications, alternatives et limites de l’arthrodèse

L’arthrodèse consiste à réaliser une fusion articulaire. C’est une solution radicale qui peut être indiquée pour plusieurs atteintes de l’articulation du grasset. C’est une alternative à la prothèse de grasset ou à l’amputation, moins définitive que cette dernière dans le sens où elle permet de préserver le membre avec une bonne fonction. Elle est toutefois nettement plus complexe techniquement et nécessite un suivi régulier jusqu’à la fusion complète. De même, l’observance des consignes postopératoires par les propriétaires doit être stricte pour limiter les complications. Par ailleurs, c’est une chirurgie plus onéreuse.

Actuellement, la prothèse totale de grasset est une méthode chirurgicale peu disponible en France et les publications à ce sujet sont rares. De plus, il n’existe pas encore sur le marché d’implants adaptés aux animaux de moins de 15 kg, tels que le yorkshire dont il est ici question. La fabrication d’implants sur mesure est encore du domaine expérimental. Comme toute chirurgie de prothèse articulaire, il s’agit d’une technique complexe dont la pose nécessite une excellente expérience et un équipement particulier [4].

Les indications classiques de l’arthrodèse du grasset comprennent les fractures intra-articulaires sévèrement comminutives, les processus articulaires dégénératifs en stade terminal entraînant une douleur permanente et les luxations et subluxations chroniques (très rares chez le chien) [6].

Dans le cas décrit, deux complications se sont cumulées : fracture et mal-union après traitement chirurgical d’une luxation de la rotule, ayant entraîné une pente tibiale excessive, avec une rupture du ligament croisé (préexistante ou secondaire).

Le recours à l’arthrodèse du grasset est devenu exceptionnel en raison du développement de nouveaux implants facilitant les reconstructions de fractures complexes du fémur distal ou du tibia proximal et d’une meilleure ­gestion des ruptures du ligament croisé et des luxations de la rotule (propriétaires plus impliqués, techniques chirurgicales entraînant moins d’arthrose, chirurgiens davantage formés). Ici, l’arthrodèse du grasset a été pratiquée en raison de complications opératoires majeures d’une chirurgie de luxation de la rotule et d’une rupture du ligament croisé cranial. A contrario, cet exemple illustre les conséquences d’une sous-estimation de la complexité des corrections des luxations de rotule, et d’un taux de complications majeures assez important, de l’ordre de 18 % [1].

2. Technique chirurgicale

Il est recommandé d’effectuer l’arthrodèse du grasset avec un angle de 135 à 140° pour un chien et de 120 à 125° pour un chat. En cas de doute, il convient de mesurer l’angle fémoro-tibial controlatéral sur l’animal vigile debout et en position d’appui physiologique. Plus l’angle d’arthrodèse est ouvert, plus le membre est allongé. Le mouvement de circumduction et le risque de frottement des doigts sont alors plus marqués. Par ailleurs, si l’angle est trop fermé, le membre sera raccourci, empêchant l’appui complet ou correct ou obligeant l’animal à poser le membre atteint sur l’extrémité des doigts uniquement. Lors d’arthrodèse du grasset, la fonction du membre est impactée (souvent moins chez les chiens de petit format, comme le yorkshire), mais le résultat fonctionnel est satisfaisant pour l’animal si le bon angle est obtenu, permettant au chien ou au chat d’avoir une bonne qualité de vie [2, 6]. Un des principes clés d’une arthrodèse est le retrait des surfaces articulaires cartilagineuses et l’utilisation d’une greffe d’os spongieux pour stimuler la fusion osseuse. Lors de section des surfaces articulaires à la scie oscillante, un excellent contact osseux spongieux est réalisé. Par conséquent, la greffe d’os spongieux n’est pas impérativement nécessaire. Le cartilage peut également être abrasé à la fraise. L’articulation est ensuite stabilisée à l’aide d’une plaque placée sur sa face craniale (encadré).

Veiller, en période postopératoire, à bien limiter l’activité de l’animal est essentiel, car la plaque est pliée et le grasset constitue un point de pivot naturel. Dans la plupart des cas, une circumduction du membre opéré est visible après l’intervention, limitée par une bonne réalisation technique.

D’autres méthodes de fixation d’une arthrodèse ont été décrites, telles que l’utilisation d’une plaque avec vis verrouillées ou d’un fixateur externe chez un berger allemand, pour traiter une fracture comminutive du condyle fémoral à la suite d’une plaie par balle [3, 5]. De plus, chez les animaux de petite taille, l’utilisation de deux vis en compression ou de deux broches en croix placées au niveau du site d’arthrodèse, associées à un hauban placé entre le fémur et le tibia, a été décrite [6].

3. Consignes postopératoires

Un pansement postopératoire est souvent mis en place pour une durée déterminée par le chirurgien, entre 15 jours et 1 mois. L’activité sera restreinte à de courtes promenades en laisse jusqu’à obtention d’une fusion osseuse objectivée par un examen radiographique. Dans le cas présenté, le non-respect du repos n’a pas eu de conséquence, mais ce risque n’aurait pas dû être encouru.

4. Intérêt de l’examen tomodensitométrique

Le scanner permet une meilleure appréciation des déformations osseuses, notamment de la torsion tibiale, car il offre une visualisation en trois dimensions, au lieu de la représentation en deux dimensions de l’examen radiographique.

5. Prescription antibiotique

Les antibiotiques à large spectre ayant une excellente pénétration osseuse, ils ont été prescrits pour une courte durée en phase postopératoire. En effet, il s’agit d’une quatrième intervention sur un tissu très remanié et très inflammatoire et une éventuelle infection postopératoire peut avoir des conséquences dramatiques. L’utilisation d’antibiotiques après une arthrodèse ne doit pas être systématique.

6. Pronostic de l’arthrodèse du grasset

La règle générale veut que plus une articulation est proximale, moins son arthrodèse est tolérée (exception faite de l’épaule). C’est pourquoi les arthrodèses du carpe et du tarse sont fréquemment pratiquées, alors que celles du grasset et du coude restent des solutions beaucoup plus rares [6]. Les complications les plus fréquentes de l’arthrodèse du grasset sont la circumduction du membre (notamment lorsque l’animal se déplace rapidement) et le raclage des phalanges lors de la foulée. Parmi les complications potentielles, un mauvais appui au sol (grasset trop fléchi) et des fractures (tibia au niveau de l’extrémité distale de la plaque ou fémur au niveau de l’extrémité proximale) peuvent être cités [5]. La plaque étant plus rigide que l’os, ce montage peut entraîner une concentration des forces sur les segments osseux situés aux extrémités de la plaque. Cela peut justifier une ablation de la plaque 6 à 9 mois après l’intervention. Dans une étude portant sur neuf arthrodèses du grasset chez 8 chiens, la récupération fonctionnelle était bonne pour 3 d’entre eux (utilisation du membre opéré à toutes les allures), moyenne pour 3 autres (utilisation à toutes les allures sauf au galop) et mauvaise pour 1 seul (membre utilisé seulement lors de la course) [2]. Dans le cas décrit, 2 mois et demi après la chirurgie, la chienne utilise sa patte à toutes les allures (malgré un mouvement modifié du membre pelvien), sauf parfois sur certaines foulées au galop, mais ces phases sont de moins en moins fréquentes. Ce résultat est d’autant plus positif que la chirurgie a suivi une phase sans appui de 9 mois.

Une étude révèle que les facteurs influençant la récupération sont l’angle de fusion du grasset et la présence de lésions au niveau de l’articulation de la hanche ipsilatérale [2]. Une bonne récupération a également été observée chez un chien sur lequel une arthrodèse bilatérale des grassets a été pratiquée. Un animal a eu des complications désastreuses incluant une infection et le lâchage prématuré des implants, ce qui a empêché la bonne fusion osseuse [2]. Tous les propriétaires sont satisfaits du résultat obtenu et tous notent l’absence de douleur postopératoire [2]. Dans une étude plus récente, sur six cas d’arthrodèse du grasset réalisée avec un implant verrouillé, une complication intra-opératoire ainsi qu’une fracture tibiale sont notées, 20 jours après l’intervention. Le site d’arthrodèse a fusionné pour tous, sans lâchage d’implants, mais avec une boiterie mécanique persistante pour les 6 chiens traités [5].

Conclusion

L’évolution des techniques chirurgicales (et sans doute la formation accrue des vétérinaires) a fait diminuer le nombre de complications sévères liées aux interventions qui entraînent, in fine, le recours à une arthrodèse de grasset. Cette technique occupe une place tout à fait légitime dans la panoplie thérapeutique, à réserver aux cas particuliers tels que celui décrit dans cet article. Dans le futur, hors considérations financières, le développement et la diffusion de prothèses de grasset pourraient remplacer définitivement le recours à l’arthrodèse.

  • (1) L’extrémité distale du membre pelvien décrit un cercle centré sur l’articulation coxofémorale.

Références

  • 1. Cashmore RG, Havlicek M, Perkins NR et coll. Major complications and risk factors associated with surgical correction of congenital medial patellar luxation in 124 dogs. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2014;27 (4):263-270.
  • 2. Cofone MA, Smith GK, Lenehan TM et coll. Unilateral and bilateral stifle arthrodesis in eight dogs. Vet. Surg. 1992;21 (4):299-303.
  • 3. Collins KE, Lewis DD, Lanz OI et coll. Use of a circular external fixatif for stifle arthrodesis in a dog. J. Small Anim. Pract. 2000;41 (7):312-315.
  • 4. Kim IS, Kim CS, Lee KC et coll. Treatment of an infected total knee replacement with two-stage arthrodesis in a dog: a case report. Veterinarni Medicina 2012;57 (5):258-262.
  • 5. Petazzoni M, Nicetto T. Stifle arthrodesis using a locking plate system. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2015;28 (4):288-293.
  • 6. Piermattei DL, Flo GL, DeCamp CE. Brinker, Piermattei and Flo’s Handbook of Small Animal Orthopaedics and Fracture Repair. 4th ed. Saunders Elsevier. 2006:229-230.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ

Choix de la plaque utilisée dans l’arthrodèse

Une plaque de type LCP, plutôt que DCP ou VCP, a été choisie pour ses avantages biomécaniques. Elle offre un contact limité avec l’os afin de limiter le stress (tout comme la LC-DCP). La plaque LCP permet aussi le verrouillage des vis, qui apporte dans ce type de chirurgie - en particulier chez un animal difficilement contrôlable par ses propriétaires - un avantage indéniable.

DCP : dynamic compression plate (plaque à compression dynamique) ; LC-DCP : limited contact dynamic compression plate (plaque à compression dynamique avec contact limité) ; LCP : locking compression plate (plaque à vis verrouillées et à compression) ; VCP : veterinary cuttable plate (plaque vétérinaire sécable).

Points forts

→ Un yorkshire est traité avec succès par arthrodèse pour corriger une luxation et une arthrose invalidantes du grasset consécutives à une luxation initiale de la rotule, déjà opérée à plusieurs reprises.

→ L’arthrodèse consiste à sceller chirurgicalement une articulation après double ostectomie pour retirer les surfaces articulaires et immobilisation définitive (en général, avec une plaque posée en face craniale).

→ Les indications classiques de l’arthrodèse du grasset comprennent les fractures intra-articulaires sévèrement comminutives, les processus articulaires dégénératifs en stade terminal entraînant une douleur permanente et les luxations et subluxations chroniques.

→ L’angle dans lequel l’articulation est figée doit être mesuré avec soin, car il conditionne la récupération fonctionnelle, souvent bonne, même avec une circumduction séquellaire fréquente du membre.