Ostéochondrite disséquante de l’épaule chez le chien - Le Point Vétérinaire expert canin n° 392 du 01/01/2019
Le Point Vétérinaire expert canin n° 392 du 01/01/2019

CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE

Analyse d’article

Auteur(s) : Alexandre Caron

Fonctions : CHV Atlantia
22, rue René-Viviani
44200 Nantes
a.caron@chv-atlantia.com

L’ostéochondrite disséquante (OCD) est un trouble de l’ossification endochondrale impliquant une nécrose focale du cartilage articulaire [6, 10]. Cette affection se déclare lors de la croissance, principalement chez les races de chiens de grande taille à géante, comme illustré par le cas de l’article résumé [3]. Des races de chiens de petite taille peuvent aussi être atteintes [1]. La rapidité de la croissance est fortement suspectée de contribuer au développement de cette affection, bien qu’une origine génétique soit connue [8].

TRAITEMENTS CHIRURGICAUX DE L’OCD

1. Conservateur

Dans les stades précoces de l’affection (ostéochondrose latens/ostéochondrose manifesta), un traitement non chirurgical peut être envisagé. De même, une approche conservatrice peut être proposée lorsque la lésion de la tête humérale est localisée médialement, car cette surface est moins mise en charge lors de la phase d’appui. En revanche, pour toutes les autres situations, notamment pour les lésions caudo-centrales de la tête humérale, un traitement chirurgical est proposé.

2. Chirurgical

L’approche chirurgicale était historiquement réalisée par arthrotomie [7]. C’est ce qui est réalisé dans l’article résumé, puisqu’un abord chirurgical est nécessaire pour la mise en place de l’implant de resurfaçage [3]. Depuis quelques années, l’essor de l’arthroscopie en a fait la technique de référence dans l’exploration, mais aussi le traitement des lésions d’OCD. Elle permet une inspection plus en détail de l’articulation, tout en étant moins invasive. Sous contrôle arthroscopique, le volet cartilagineux peut être extrait de l’articulation. La lésion sous-chondrale exposée est débridée à l’aide d’une fraise manuelle, d’une curette ou d’un instrument motorisé pour favoriser la formation d’un fibrocartilage. Enfin, un lavage abondant de l’articulation est réalisé, permettant l’évacuation optimale des liquides inflammatoires.

3. Greffe ostéochondrale

Des techniques visant à accélérer le développement du fibrocartilage ont également été décrites et peuvent être réalisées par voie arthroscopique ou par arthrotomie : le microforage et le micropicking. Elles permettent un meilleur accès de la lésion sous-chondrale à la moelle osseuse sous-jacente, qui contient des facteurs de croissance bénéfiques. Le fibrocartilage formé de cette façon possède des propriétés mécaniques, biochimiques et cellulaires insuffisantes pour recréer une surface cartilagineuse optimale. Des techniques de resurfaçage ont donc été mises au point. Une technique de greffe ostéochondrale autologue (OATS® [osteoallograft transfer system], Arthrex) a été développée chez le chien [5]. Un kit permet de réaliser des prélèvements tubulaires de cartilage et d’os sous-chondral dans une articulation saine, afin de le placer dans un forage créé en lieu et place de la lésion d’OCD. Une surface cartilagineuse non portante doit être utilisée pour limiter les conséquences sur cette articulation. Ainsi, deux zones cartilagineuses du grasset du chien sont utilisées comme site de prélèvement.

La nécessité de procéder à l’arthrotomie d’une articulation saine pour traiter une épaule atteinte d’OCD et les complications associées sont des raisons qui ont poussé au développement d’une technique utilisant un implant de resurfaçage synthétique [2].

SYNACART®

L’implant synthétique utilisé dans l’article résumé est constitué d’une surface en polyuréthane et d’une base en titane. La partie en polyuréthane offre des caractéristiques physiques et mécaniques très proches du cartilage sain. La base en titane présente une structure en 3D poreuse qui permet une croissance osseuse rapide afin d’obtenir une intégration au sein de l’os sous-chondral. L’implant est initialement mis en place par impaction dans un tunnel créé sur le site lésionnel. La technique chirurgicale d’implantation est simple, bien que, comme pour l’OATS, un accès absolument perpendiculaire à la surface lésée soit nécessaire. Ainsi, la voie d’abord de l’épaule doit être maximisée pour permettre l’introduction des instruments, puis de l’implant. Cette difficulté peut être illustrée par le positionnement suboptimal d’un des deux implants dans l’article résumé [3].

OCD HUMÉRALE ET PRONOSTIC

Une étude a été publiée sur une population de 126 chiens (150 épaules) dont les OCD de la tête humérale ont été traitées par arthroscopie seule [9]. Le pronostic semble bon, avec une résolution de la boiterie en 2 mois pour 137 cas sur 150. Dans cette étude, les résultats cliniques sont meilleurs pour les lésions situées le plus médialement dans l’articulation.

L’évolution clinique à la suite du traitement chirurgical d’une lésion d’OCD du grasset a été publiée récemment, après l’utilisation d’implants synthétiques, sur une population de 9 chiens (14 grassets). Les auteurs démontrent des résultats très satisfaisants à moyen terme [4]. L’article résumé constitue le premier cas rapporté au niveau de la tête humérale chez le chien [3]. L’expérience personnelle de l’auteur est également encourageante pour cette indication.

Conclusion

L’OCD de l’épaule est une affection pour laquelle les traitements chirurgicaux sont en pleine évolution, en raison de l’insatisfaction générée par les traitements classiques. L’épaule est cependant l’articulation pour laquelle les résultats sont les plus satisfaisants. Les traitements biologiques sont également en plein essor et seront sans doute des options intéressantes dans le futur.

En dernier recours, en cas de lésion excessivement grave de la tête humérale, voire de l’ensemble de l’articulation, une prothèse totale d’épaule peut être envisagée. Cela reste cependant difficilement accessible d’un point de vue technique et financier [11].

Références

  • 1. Bruggeman M, Van Vynckt D, Van Ryssen B et coll. Osteochondritis dissecans of the humeral head in two small-breed dogs. Vet. Rec. 2010;166 (5):139-141.
  • 2. Cook J, Kuroki K, Bozynski C et coll. Evaluation of synthetic osteochondral implants. J. Knee Surg. 2014;27 (4):295-302.
  • 3. Danielski A, Farrell M. Use of synthetic osteochondral implants to treat bilateral shoulder osteochondritis dissecans in a dog. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2018;31 (5):385-389.
  • 4. Egan P, Murphy S, Jovanovik J et coll. Treatment of osteochondrosis dissecans of the canine stifle using synthetic osteochondral resurfacing. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2018;31 (2):144-152.
  • 5. Fitzpatrick N, Van Terheijden C, Yeadon R, Smith TJ. Osteochondral autograft transfer for treatment of osteochondritis dissecans of the caudocentral humeral head in dogs. Vet. Surg. 2010;39 (8):925-935.
  • 6. Jones DG, Vaughan LC. The surgical treatment of osteochondritis dissecans of the humeral head in dogs. J. Small Anim. Pract. 1970;11 (12):803-812.
  • 7. Morris A, Anderson A. Osteochondrosis dissecans of the canine shoulder. Comp. Anim. 2013;18 (6):264-269.
  • 8. Ohlerth S, Senn S, Geissbühler U et coll. Prevalence of humeral head osteochondrosis in the Greater Swiss Mountain dog and the Border Collie in Switzerland. Schweiz Arch. Tierheilkd. 2016;158 (11):749-754.
  • 9. Olivieri M, Ciliberto E, Hulse DA et coll. Arthroscopic treatment of osteochondritis dissecans of the shoulder in 126 dogs. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2007;20 (1):65-69.
  • 10. Paatsama S, Rokkanen P, Jussila J, Sittnikow K. A study of osteochondritis dissecans of the canine humeral head using histological, OTC bone labelling, microradiographic and microangiographic methods. J. Small Anim. Pract. 1971;12 (11):603-611.
  • 11. Sparrow T, Fitzpatrick N, Meswania J, Blunn G. Shoulder joint hemiarthroplasty for treatment of a severe osteochondritis dissecans lesion in a dog. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2014;27 (3):243-248.

Conflit d’intérêts

L’auteur est consultant pour le laboratoire Arthrex.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Décrire l’utilisation d’un implant synthétique dans le traitement d’une ostéochondrite disséquante chez un chien.

MÉTHODE

Cas clinique. Un bouledogue américain de 8 ans est présenté pour l’évaluation d’une boiterie bilatérale des membres thoraciques évoluant depuis 5 semaines. Aucun traumatisme n’est connu des propriétaires. La réponse au traitement médical par anti-inflammatoires non stéroïdiens est insatisfaisante. Un examen scanner est réalisé à la suite de la suspicion d’une ostéochondrite disséquante de la tête humérale sur les radiographies initiales. Une lésion ostéochondrale de 11 × 12 mm et 8 mm de profondeur est identifiée à droite. Cette lésion est caudo-centrale sur la tête humérale. Une lésion de 10 × 11 mm et 5 mm de profondeur est identifiée à gauche. Cette lésion est légèrement plus caudo-médiale qu’à droite. Un traitement chirurgical bilatéral simultané par resurfaçage ostéochondral synthétique est décidé.

RÉSULTATS

Les implants synthétiques utilisés dans ce cas (SynACART®, Arthrex) mesurent 10 × 8 mm. Ils sont biphasiques, avec une base en titane et une surface en polyuréthane. Ils sont implantés bilatéralement dans le même temps chirurgical, grâce au kit d’implantation spécifique. Un abord cranio-latéral des deux épaules est utilisé. Une antibiothérapie postopératoire est prescrite durant 7 jours et du carprofène est prescrit pour 3 semaines. Du repos strict est conseillé pour 6 semaines. La boiterie disparaît à partir de la quatrième semaine postopératoire, ce qui est confirmé lors des contrôles vétérinaires à 6 et 12 semaines postopératoires. Neuf mois après la chirurgie, le chien est capable de faire 2 heures d’exercice sans présenter de boiterie pendant ou après l’effort.

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