Comment bien configurer son système de radiologie numérique - Le Point Vétérinaire n° 392 du 01/01/2019
Le Point Vétérinaire n° 392 du 01/01/2019

IMAGERIE MÉDICALE

Dossier

Auteur(s) : Thomas Sibarita*, Juliette Sonet**, Franck Durieux***

Fonctions :
*Centre hospitalier vétérinaire Saint-Martin
275, route Impériale
74370 Saint-Martin-Bellevue
**Service d’imagerie médicale
CHEV VetAgro Sup, campus vétérinaire de Lyon
1, avenue Bourgelat
69380 Marcy-l’Étoile
***Vedim
70, rue Nicolas Margue
Fingig, 4979, Luxembourg
www.vedim.net

Même en radiologie numérique, le choix des constantes d’exposition doit être adapté à la région d’intérêt. Des artefacts spécifiques peuvent se produire, rendant difficile, voire impraticable, l’interprétation de l’image obtenue.

Le passage à la radiologie numérique permet de s’affranchir des contraintes liées au développement des films radiographiques, mais ne garantit pas pour autant la réalisation automatique d’un cliché radiographique diagnostique. Une pratique radiographique rigoureuse (choix des constantes, utilisation d’une grille antidiffusante adéquate, positionnement et choix des incidences, reconnaissance des artefacts) doit être de mise pour obtenir un cliché de qualité optimale.

1 Gestion de la partie matérielle

Un système de radiologie numérique se compose d’une table, d’un générateur relié à un tube radiogène produisant les rayons X et d’un détecteur numérique chargé de détecter les rayons X traversant l’animal. Le générateur est donc un élément critique du système qui affecte la qualité du cliché radiographique lorsqu’il n’est pas adapté, même s’il est couplé à un détecteur numérique très performant. Il est important de veiller à ce que le générateur dispose d’une puissance suffisante (intensité maximale de 300 à 400 mA) afin de pouvoir produire suffisamment de rayons X sans avoir à augmenter la durée d’exposition lors du choix des constantes. Dans le cas contraire, le changement du générateur s’impose. Afin de maximiser la durée de vie du tube radiogène, il est important de respecter les procédures de chauffe recommandées par les fabricants, de minimiser les constantes d’exposition lorsque cela est possible et, dans l’idéal, d’espacer les expositions d’au moins 30 à 40 secondes [1, 6].

Tout tissu exposé à des rayons X émet à son tour un rayonnement diffusé dans toutes les directions. Ce rayonnement vient polluer l’image radiographique, c’est pourquoi, en radiologie conventionnelle, il est important d’employer une grille antidiffusante lorsqu’une épaisseur de tissu supérieure ou égale à 10 cm est radiographiée. En radiologie numérique, l’utilisation de la grille n’est pas toujours nécessaire, en particulier avec les systèmes récents dont le traitement de l’image compense le rayonnement diffusé [5]. Cela permet de diminuer les constantes d’exposition et ainsi de prolonger la durée de vie du tube radiogène. Si toutefois la grille est utilisée, elle doit être adaptée au système numérique utilisé et doit être parfaitement parallèle à la table de radiographie, en position centrée par rapport au faisceau de rayons X. Dans le cas contraire, elle peut être à l’origine d’artefacts (artefact de grille, artefact de Moiré) (photo 1 et tableau 1). En effet, la grille d’un système de radiologie classique n’est pas adaptable à un système numérique en raison de la trop faible densité des lignes. Les artefacts de grille sont à l’origine d’une sous-exposition diffuse ou en bandes en périphérie de l’image. L’artefact de Moiré résulte de recoupements entre la fréquence d’échantillonnage de l’image et la fréquence de la grille et se caractérise par la présence de lignes droites, courbes ou ondulées radio-opaques sur l’ensemble de l’image. Un placement correct de la grille ou l’utilisation d’une grille oscillante (Potter-Bucky) et/ou d’une grille à haute densité de lignes permettent de limiter ces artefacts [1-4, 6]. Dans le cas d’un capteur plan (système DR [digital radiography]), la grille est fournie et installée en permanence au-dessus du capteur plan. Elle est donc utilisée à chaque exposition. L’installation d’un système DR nécessite une synchronisation précise entre l’activation du capteur plan et l’émission de rayons X par le tube radiogène au moment de l’acquisition.

Dans le cas d’un système CR (computed radiography), il est important de veiller aux conditions de stockage des cassettes. Celles-ci doivent être conservées hors de la salle de radiologie, à l’abri de toute source de radiations. En effet, les écrans radioluminescents à mémoire (ERLM) contenus dans les cassettes CR sont plus sensibles aux rayons X que les couples écran-film et peuvent être affectés par le rayonnement diffusé émis lors des expositions précédentes. L’image finale présente alors un voile gris et sa qualité est altérée (photo 2) [2-4].

2 Technique radiographique adéquate

Les constantes radiographiques (ou constantes d’exposition) sont la tension, l’intensité et le temps d’exposition. Ces deux dernières sont parfois regroupées dans un produit milliampère-seconde (mAs). Elles déterminent la quantité et l’énergie des rayons X produits par le générateur et influent sur le noircissement et le contraste du cliché radiographique. Le niveau d’énergie des rayons X détermine leur interaction prépondérante avec la matière (effet Compton, effet photoélectrique). Pour des rayons X de faible énergie (kV bas), l’effet photoélectrique domine. Ce dernier étant proportionnel au numéro atomique de la matière traversée, il a tendance à discriminer l’atténuation des tissus vis-à-vis des rayons X en fonction de leur densité, donc à augmenter le contraste. À l’inverse, des rayons X de haute énergie (kV élevés) ont une meilleure capacité à traverser les tissus et permettent de distinguer des structures de densité proche sur une plus large gamme de gris.

Le moyen le plus simple de choisir convenablement ces constantes est de s’appuyer sur le tableau fourni avec le système de radiologie, proposant des valeurs adaptées selon la région à radiographier et son épaisseur. En pratique, il convient de choisir un temps d’exposition court pour les structures présentant du mouvement (moins de 25 ms pour le thorax, moins de 40 ms pour l’abdomen), afin d’éviter le flou cinétique sur l’image finale. Ensuite, le couple tension-intensité s’adapte en fonction du contraste naturel de la région à radiographier : pour une structure naturellement peu contrastée telle que l’abdomen, des tensions plutôt basses sont utilisées afin d’accentuer le contraste, alors qu’à l’inverse, pour le thorax, des tensions plus élevées sont choisies pour distinguer les différentes structures sur une large gamme de gris [6].

Une mauvaise utilisation des constantes radiographiques peut conduire à une sous-exposition (trop peu de rayons X atteignent le détecteur) ou, à l’inverse, une surexposition (tableau 2). L’artefact de sous-exposition est l’un des plus fréquents en radiologie numérique. À la différence d’une radiographie argentique sous-exposée, qui apparaîtra trop “blanche”, une radiographie numérique sous-exposée se caractérise par une augmentation du bruit lui conférant un aspect granuleux diffus, qui nuit à la qualité globale de l’image (photos 3a et 3b). Si une image numérique sous-exposée est, de ce fait, facilement reconnaissable, une légère surexposition peut, au contraire, passer inaperçue et produire une image bien contrastée d’aspect flatteur. Cela a pour conséquence une dérive à la hausse des constantes d’exposition, qui est délétère pour l’animal comme pour l’opérateur et entraîne une usure prématurée du tube radiogène (phénomène dose-creep). Un excès important dans les constantes d’exposition peut tout de même conduire à un artefact de surexposition, aussi appelé saturation : des pixels de l’image sont saturés à leur valeur maximale (correspondant au noir), conduisant à un noircissement de certaines zones de l’image qu’il n’est pas possible de corriger en post-traitement (photo 4). Il existe deux autres artefacts spécifiques des systèmes DR pouvant apparaître en cas de surexposition : l’artefact paradoxal de surexposition, avec lequel les zones surexposées apparaissent plus claires, et l’artefact de rangées (planking) se caractérisant par l’apparition de plages rectangulaires bien délimitées, d’opacité variable, correspondant aux différentes rangées de scintillateurs du capteur plan [2-4].

Comme en radiologie classique, le positionnement de l’animal ainsi que le nombre et la pertinence des incidences réalisées jouent un rôle essentiel dans l’obtention d’un cliché de qualité diagnostique. Ces aspects doivent être considérés comme des prérequis obligatoires à toute interprétation du cliché.

Conclusion

L’installation d’un système de radiologie numérique performant ne garantit pas l’obtention de clichés radiographiques de qualité diagnostique. La puissance du générateur ne doit pas être un facteur limitant dans le choix de constantes d’exposition adaptées à la région examinée. Dans le cas contraire, des artefacts se produisent et dégradent la qualité du cliché, pouvant le rendre ininterprétable. Enfin, la facilité et la rapidité de la réalisation d’un cliché radiographique numérique ne doivent pas aller à l’encontre des principes de radioprotection.

Références

  • 1. Bushberg JT. The Essential Physics of Medical Imaging. 3rd ed. Wolters Kluwer Health/Lippincott Williams & Wilkins, Philadelphia. 2012:1030p.
  • 2. Drost WT, Reese DJ, Hornof WJ. Digital radiography artifacts. Vet. Radiol. Ultrasound. 2008;49(1 Suppl 1):S48-S56.
  • 3. Jiménez DA, Armbrust LJ. Digital radiographic artifacts. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2009;39(4):689-709.
  • 4. Jiménez DA, Armbrust LJ, O’Brien RT et coll. Artifacts in digital radiography. Vet. Radiol. Ultrasound. 2008;49(4):321-332.
  • 5. Lo WY, Hornof WJ, Zwingenberger AL et coll. Multiscale image processing and antiscatter grids in digital radiography. Vet. Radiol. Ultrasound. 2009;50(6):569-576.
  • 6. Thrall DE. Textbook of Veterinary Diagnostic Radiology. 7th ed. Elsevier, St. Louis. 2018:986p.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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