Perte d’audition à la suite de l’utilisation d’un topique auriculaire - Le Point Vétérinaire expert canin n° 391 du 01/12/2018
Le Point Vétérinaire expert canin n° 391 du 01/12/2018

OTOLOGIE

Analyse d’article

Auteur(s) : Charline Pressanti

Fonctions : Service de dermatologie
INP-ENVT, 23, chemin des Capelles
31076 Toulouse
c.pressanti@envt.fr

Il existe deux types de perte d’audition reconnue chez le chien : une perte liée à un défaut de conduction et une perte neurosensorielle. dans le premier cas, il s’agit d’un défaut de conduction du son lié à une obstruction. cette dernière peut se situer au sein de l’oreille externe (canal) ou dans l’oreille moyenne (bulle tympanique). à titre d’exemple, il peut s’agir d’une occlusion canalaire par sténose, hyperplasie tissulaire, due à la présence d’une masse ou de pus, de liquide ou de mucus. les formes neurosensorielles sont liées à un déficit intéressant l’oreille interne. il peut alors s’agir d’un trouble physique ou hydrodynamique de la cochlée et de ses récepteurs ou bien d’un trouble congénital ou acquis des voies nerveuses auditives [1].

CONTEXTE DE L’ÉTUDE

L’évaluation quantitative de l’acuité auditive est réalisée par des tests de stimulation appelés PEA (potentiels évoqués auditifs) [3, 5]. L’otite externe chez le chien est l’une des affections les plus fréquentes de l’oreille. Il est courant de prescrire un topique auriculaire avec des antimicrobiens et un anti-inflammatoire, contenus dans un excipient sous forme de lotion, de solution, de suspension ou de crème [2]. L’excipient étudié ici est une base d’huile minérale (paraffine), combinée à un gel hydrocarboné plastique. Ces excipients permettent de solubiliser et de stabiliser les principes actifs contenus dans le produit final. Dans le cas particulier du topique utilisé ici, la paraffine est classée comme émollient, mais est avant tout un gel occlusif. Lorsqu’une surdité survient durant un traitement par topique auriculaire, il est courant de suspecter une ototoxicité neurosensorielle. Bien que cette origine soit possible, la simple obstruction du conduit par le gel peut expliquer un défaut de guidage du son, donc une surdité. Cette cause doit être envisagée, d’autant plus qu’elle est réversible. Grâce aux PEA effectués avant et après nettoyage de l’oreille, l’objectif des auteurs était de vérifier qu’il s’agissait bien d’une obstruction mécanique au passage du son et que le retrait du gel permettait une restauration de l’audition.

RÉSULTATS DE LA SÉRIE DE CAS

Dans cette série de 4 chiens, la différence d’audition avant et après nettoyage prouve l’importance du topique dans la gêne mécanique de la conduction du son.

1. Un chien avec une bonne restauration de l’audition

Parmi les 4 chiens étudiés, celui qui présentait la meilleure restauration avant et après flush était un yorkshire terrier. Sur l’un des deux côtés traités, l’amélioration était moins spectaculaire. Les auteurs expliquent cette différence par la présence de débris et de tissus venant combler le conduit et qui peuvent également être présents dans l’oreille moyenne. Ainsi, un traitement de l’oreille moyenne aurait probablement pu permettre une récupération plus importante.

2. Trois chiens avec des résultats plus mitigés

Chez les 3 autres chiens de l’étude, la stimulation minimale après nettoyage nécessaire pour déclencher une onde V était plus élevée. Il est donc possible que leur perte d’audition ne soit pas seulement conductive, mais également neurosensorielle. Ces chiens étaient considérés comme seniors et il existe une perte d’audition neurosensorielle chez l’individu âgé, appelée presbyacousie. Toutefois, il aurait été nécessaire de réaliser des PEA chez ces animaux avant l’apparition de l’otite et l’instillation du topique auriculaire pour pouvoir conclure à une perte auditive liée à l’âge. De plus, les principes actifs contenus dans le gel auriculaire peuvent être ototoxiques par diffusion au travers de la membrane tympanique. Cette ototoxicité, bien connue, est cochléaire et pourrait également expliquer la moins bonne restauration de l’audition.

POINTS FORTS DE L’ÉTUDE

Il n’existe aucune étude similaire s’intéressant à la surdité conductive liée à l’application d’un topique auriculaire chez le chien. Une autre étude évalue la perte d’audition aiguë chez le chien en lien avec une otite [1]. Il est ainsi rapporté que le simple nettoyage de l’oreille associé au retrait des débris et des sérosités canalaires permet une amélioration significative de l’audition de ces animaux. Lors d’une étude prospective, l’insertion d’un bouchon auriculaire pour simuler un encombrement du conduit entraîne une baisse significative de l’audition mesurée par les PEA, avec une augmentation du seuil de stimulation et une différence entre l’oreille appareillée et l’oreille témoin de 35 dB [4].

Conclusion

Les études précédentes, combinées à celle présentée par l’auteur, montrent l’importance de la perte d’audition associée aux otites externes chez le chien, mais aussi le rôle possible du topique comme gêne mécanique au passage du son et l’importance de son retrait pour améliorer l’audition [1, 4]. Les PEA ont une grande importance, car ils permettent de détecter précisément ces pertes auditives ou, au contraire, d’améliorer l’audition.

Références

  • 1. Eger CE, Lindsay P. Effects of otitis on hearing in dogs characterised by brainstem auditory-evoked response testing. J. Small Anim. Pract. 1997;38 (9):380-386.
  • 2. Morris DO. Medical therapy of otitis externa and otitis media. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2004;34 (2):541-555, VII-VIII.
  • 3. Sims MH. Electrodiagnostic evaluation of auditory function. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 1988;18 (4):913-944.
  • 4. Steiss JE, Wright JC, Storrs DP. Alterations in the brain stem auditory evoked response threshold and latency intensity curve associated with conductive hearing loss in dogs. Prog. Vet. Neurol. 1990 (1):205-211.
  • 5. Wilson WJ, Mills PC. Brainstem auditory-evoked response in dogs. Am. J. Vet. Res. 2005;66 (12):2177-2187.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

CONTEXTE DE L’ÉTUDE

La perte d’audition est considérée comme obstructive/mécanique lorsque la conduction du son est compromise. Elle est qualifiée de neurosensorielle lorsque le déficit auditif est consécutif à des lésions de l’oreille interne (cochlée) ou du tractus nerveux auditif.

L’audition peut être évaluée quantitativement à l’aide de la réalisation des potentiels évoqués auditifs (PEA).

OBJECTIF

Évaluer les PEA avant et après le retrait du topique et le nettoyage du conduit auditif externe chez 4 chiens. Ces derniers présentaient une perte d’audition d’apparition aiguë à la suite de l’instillation d’un topique contenant de la bétaméthasone, du clotrimazole et de la gentamicine dans une base huileuse minérale contenant un gel hydrocarboné plastique.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

• Des chiens traités 1 à 3 semaines avant le nettoyage, présentant une perte d’audition et chez lesquels la présence du topique a été confirmée dans le canal horizontal par examen otoscopique, sont inclus.

• Le nettoyage est réalisé sous anesthésie générale. L’évaluation est réalisée par PEA. Les mesures sont initiées avec des stimuli de 116 décibels (dB). Le seuil d’audition est établi lorsqu’une persistance de l’onde V est notée avec la plus petite stimulation.

RÉSULTATS

• Quatre chiens ont été inclus, âgés de 9 à 11 ans.

• L’audition est quantitativement améliorée chez tous les chiens après nettoyage, ce qui confirme la baisse d’audition obstructive.

• Tous les propriétaires ont confirmé l’amélioration de l’audition après le nettoyage des conduits.

Cette série de cas démontre l’importance d’un nettoyage de l’oreille et du retrait du topique auriculaire lors de perte d’audition aiguë, dans le cadre d’un traitement local d’une otite.

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