Étape 6 : Arthroscopie du coude : les affections traitées par arthroscopie les plus courantes, hors maladie du compartiment médial - Le Point Vétérinaire n° 389 du 01/10/2018
Le Point Vétérinaire n° 389 du 01/10/2018

En 10 Étapes

Auteur(s) : Claire Deroy-Bordenave*, Guillaume Ragetly**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire Alliance
8, boulevard Godart
33300 Bordeaux
**Centre hospitalier vétérinaire Frégis
43, avenue Aristide-Briand
94110 Arcueil

L’arthroscopie révèle encore une fois son intérêt dans l’exploration des lésions du coude.

L’arthroscopie est un outil très efficace pour le diagnostic et le traitement de la maladie du compartiment médial (MCM) du coude, mais également pour le diagnostic de la non-union du processus anconé (NUPA), l’enthésopathie des fléchisseurs et l’ossification incomplète du condyle huméral en jouant un rôle complémentaire du scanner. Elle est peu utilisée pour le traitement direct de ces affections, mais permet celui des maladies qui leur sont très souvent concomitantes.

NON-UNION DU PROCESSUS ANCONÉ

L’ulna a été décrit initialement comme présentant trois centres d’ossification, y compris la diaphyse, l’épiphyse proximale (olécrâne) et l’épiphyse distale [11]. Un centre d’ossification secondaire a été décrit plus tard au niveau du processus anconé [10]. Ce dernier se minéralise entre 10 et 16 semaines, avec une fusion complète à l’ulna à 20 semaines [10]. Le terme “non-union” correspond à l’absence de fermeture de la plaque de croissance entre le processus anconé et le reste de l’ulna [8].

La NUPA est une affection dont la physiopathologie est encore incertaine. Plusieurs hypothèses sont avancées comprenant des causes traumatiques, génétiques, métaboliques, un défaut d’ossification endochondrale, un défaut de développement de l’incisure trochléaire et une incongruence radio-ulnaire (IRU) négative [20]. L’atteinte de la plaque de croissance distale de l’ulna représente la cause la plus fréquente de croissance asynchrone entre le radius et l’ulna [20]. L’ulna devient alors plus court que le radius, ce qui engendre une pression plus importante sur le processus anconé ainsi que des microtraumatismes répétés sur le centre d’ossification, entraînant une NUPA [20].

Les animaux de race de grand format ou de format géant (bouvier bernois, berger allemand, golden retriever et labrador retriever) sont les plus atteints [14]. Une lésion bilatérale est observée dans 20 à 35 % des cas [21]. La boiterie est généralement évidente chez le chien entre 5 et 12 mois.

La NUPA est associée à une IRU, le plus souvent négative, qui est encore présente au moment du diagnostic dans au moins 50 % des cas [9, 15]. Une fragmentation du processus coronoïde médial (FPCM) concomitante est rapportée dans 13 à 30 % des cas.

Diagnostic clinique et par imagerie

→ Les chiens sont généralement présentés pour une boiterie chronique unilatérale ou bilatérale d’apparition graduelle s’aggravant avec l’exercice. Une effusion articulaire est mise en évidence lors de la palpation et une douleur est observée à l’extension de l’articulation.

→ L’examen radiographique permet d’établir le diagnostic, en particulier à l’aide d’une vue latérale en hyperflexion, ce qui évite une superposition de l’épicondyle huméral et du processus anconé. Sur la radiographie, il est important de localiser le fragment, et d’évaluer sa taille et sa forme. Un examen d’imagerie avancé et/ou une arthroscopie sont idéalement réalisés pour mettre en évidence des anomalies concomitantes (FPCM ou IRU) [14, 15, 22].

Traitement

L’arthroscopie, réalisée par voie d’abord médiale, permet de mettre en évidence en particulier la taille et la conformation du fragment, son caractère stable ou mobile, et de diagnostiquer et traiter les affections concomitantes, mais non la NUPA directement (photo 1) [17]. Elle permet de contrôler la bonne stabilisation du fragment à l’aide d’implants (vis en compression ou broches) [1]. Plusieurs paramètres sont à prendre en considération dans le choix du traitement de la NUPA : le signalement et les signes cliniques de l’animal, le degré d’ostéoarthrose, l’IRU, la forme de l’incisure ulnaire, le caractère stable ou mobile du fragment, ainsi que son aspect remodelé ou non. Plusieurs traitements sont décrits. L’exérèse du fragment est généralement choisie lorsque le processus anconé est très remodelé et chez les chiens présentant un processus dégénératif sévère. Une étude montre que 90 % des propriétaires sont satisfaits de cette technique [19]. Néanmoins, seuls 50 % des chiens ne présentent plus de boiterie en phase postopératoire [13]. Une stabilisation de la non-union peut être réalisée à l’aide de vis en compression ou de broches. Si le fragment est suffisamment gros, une broche antirotationnelle peut être mise en place. Il convient également de traiter l’IRU afin de limiter le débricolage des implants. Une ostéotomie ulnaire proximale représente le traitement de choix pour celle-ci. Le taux de fusion en associant la stabilisation du processus anconé et l’ostéotomie est de 93 % [13].

ENTHÉSOPATHIE DES FLÉCHISSEURS

L’enthésopathie des fléchisseurs regroupe les lésions des muscles fléchisseurs du carpe et des doigts au niveau de leur point d’attache sur l’épicondyle médial huméral. Elle touche les animaux jeunes de grande taille (labrador retriever, berger allemand et setter anglais) d’environ 4 à 5 ans [5, 6, 23].

L’enthésopathie peut être primaire (15 %) ou secondaire (85 %), selon l’absence ou la présence d’une maladie concomitante [6]. Les affections concomitantes incluent en majorité une maladie du compartiment médial (FPCM [71 %], ostéochondrite dissécante), un processus dégénératif et une tumeur. Une étude a montré que 40 % des chiens avec une boiterie du coude présentaient une enthésopathie des fléchisseurs [6].

Diagnostic clinique et par imagerie

→ Les signes cliniques incluent une boiterie, une distension articulaire et une douleur à la mobilisation du coude. Une douleur plus marquée peut être mise en évidence en fléchissant le coude à 90° et en étendant le carpe.

→ Le diagnostic peut être établi par échographie, radiographie et/ou scanner. Le scanner et l’arthroscopie restent les examens les plus sensibles et spécifiques. L’arthroscopie permet d’évaluer l’insertion tendineuse des muscles fléchisseurs et la présence de lésions concomitantes. Une synovite localisée, une laxité des fibres, un épaississement de l’origine du tendon, des signes d’avulsion et/ou une dégénérescence du tendon peuvent être observés (photo 2) [5, 23].

Traitement

Le traitement de l’enthésopathie primaire des fléchisseurs est le plus souvent conservateur et associé à un bon pronostic. Il consiste en une injection intra-articulaire de méthylprednisolone [5, 13, 23]. Une ténotomie ou une excision partielle du tendon fléchisseur atteint ont également été décrites [5, 13, 23].

Lors d’enthésopathie secondaire, il convient de prendre en charge la cause initiale, en association ou non avec un traitement local des muscles fléchisseurs atteints, comme pour l’enthésopathie primaire.

JUMP DOWN SYNDROME

Le jump down syndrome (JDS), ou fragmentation du processus coronoïde médial traumatique, est une affection courante chez les chiens de sport. La cause la plus probable serait la répétition de chocs qui entraîneraient des microfractures/microfissures de l’os sous-chondral [3]. Contrairement à la FPCM classique, le JDS affecte les chiens de toute race et de tout âge, habituellement sportifs [3].

Diagnostic clinique et par imagerie

→ Les chiens présentent une boiterie d’intensité variable (allant de subtile à sans appui), généralement exacerbée par l’exercice et une activité intense. Une abduction du coude est souvent observée.

→ Le diagnostic est établi par radiographie et/ou idéalement par examen tomodensitométrique. L’arthroscopie permet de confirmer le diagnostic.

Traitement

L’approche multimodale représente le traitement de choix du JDS, ­comprenant le traitement arthroscopique (avec une technique similaire à celle décrite pour la MCM(1) permettant le retrait du fragment), un traitement médical (des anti-inflammatoires pendant 15?jours) et de la physiothérapie (photo 3) [3, 24].

OSSIFICATION INCOMPLÈTE DE L’HUMÉRUS

L’ossification complète de l’humérus est généralement observée entre 8 et 12 semaines. Lorsque l’union des condyles médial et latéral ne se produit pas, une bande fibreuse persiste. Dès lors, des micromouvements entre les deux condyles peuvent causer une boiterie et prédisposent aux fractures des condyles huméraux.

Les races les plus atteintes sont le cocker spaniel et le springer spaniel, bien que cette affection soit décrite chez le berger allemand et le labrador retriever aussi. L’atteinte est souvent bilatérale et une FPCM est décrite dans 25 % des cas [16].

Diagnostic clinique et par imagerie

→ Les chiens avec une ossification incomplète de l’humérus peuvent être présentés en raison d’une boiterie du membre thoracique, signe éventuel d’une fracture aiguë du condyle huméral. L’affection peut également être une découverte fortuite. Une douleur lors de l’hyperextension et de l’hyperflexion associée à un mouvement de pronation du carpe est souvent remarquée [2].

Le diagnostic est établi par radiographie ou/et idéalement par examen tomodensitométrique [16]. L’arthroscopie permet de mettre en évidence une fissure au niveau du cartilage, ainsi que d’explorer le compartiment médial pour exclure une éventuelle MCM associée (photos 4a et 4b).

Traitement

→ Le traitement d’une ossification incomplète de l’humérus est controversé [4, 7, 18]. La prise en charge de choix est chirurgicale afin de réduire la boiterie, de prévenir la fracture du condyle huméral et de promouvoir la fusion osseuse de la fissure intracondylienne [7]. Les chiens sont généralement traités par la mise en place d’une vis transcondylienne. Néanmoins, des radiographies postopératoires à long terme démontrent que la lésion intracondylienne persiste après l’intervention chirurgicale et que l’union des condyles est rarement observée [2, 7, 12]. Le débricolage de l’implant représente la complication la plus importante, probablement en raison des forces cycliques importantes exercées sur la vis en l’absence de fusion [2, 4, 12].

→ Le traitement conservateur est déconseillé car il présente un taux très important de fractures du condyle, plusieurs jours ou mois après le diagnostic [13].

Conclusion

L’articulation la plus fréquemment explorée par arthroscopie est le coude. Bien que les indications principales soient les affections constituant la MCM, il convient de ne pas négliger l’intérêt de cette technique en présence d’autres lésions dans cette articulation.

  • (1) Voir l’étape 5 “Arthroscopie du coude : généralités et maladie du compartiment médial”, des mêmes auteurs. Point Vét. 2018;388:14-19.

Références

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Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ L’arthroscopie du coude lors de non-union du processus anconé, d’enthésopathie des fléchisseurs et d’ossification incomplète de l’humérus a un objectif essentiellement diagnostique.

→ L’arthroscopie permet le diagnostic et le traitement du jump down syndrome, qui est similaire à la fragmentation du processus coronoïde médial.

→ La voie d’abord médiale du coude par arthroscopie est utilisée pour ces affections.

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