Efficacité in vitro d’un gel à base de miel sur Staphylococcus pseudintermedius et Malassezia pachydermatis - Le Point Vétérinaire expert canin n° 389 du 01/10/2018
Le Point Vétérinaire expert canin n° 389 du 01/10/2018

DERMATOLOGIE FÉLINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Charline Pressanti

Fonctions : Service de dermatologie
INP-ENVT, 23, chemin des Capelles
31076 Toulouse
c.pressanti@envt.fr

Le miel est utilisé depuis longtemps en médecine humaine pour traiter des plaies sévères, surinfectées, d’origine traumatique ou diabétique. Récemment, les études portant sur les qualités du miel ont permis d’identifier ses propriétés bactéricides, bactériostatiques, antivirales, anti-oxydantes et anti-inflammatoires [4].

CONTEXTE DE L’ÉTUDE

1. Importance de Staphylococcus pseudintermedius et de Malassezia pachydermatis chez le chien

Staphylococcus pseudintermedius (SP) est le germe le plus couramment impliqué dans les pyodermites et les otites chez le chien. Les SP résistants à la méticilline (SPRM) sont de plus en plus souvent rapportés et rendent la prise en charge de ces animaux difficile en raison de la grande résistance de ces germes à de nombreux antibiotiques (multi-résistance) [3, 5]. Avec l’émergence accrue de ces bactéries, il devient nécessaire de trouver une alternative efficace à l’utilisation des antibiotiques, à la fois pour traiter les infections et pour éviter la sélection des mutants résistants. En dermatologie et en otologie, les sites d’infection sont accessibles et permettent l’utilisation de topiques aux propriétés anti-infectieuses. L’utilisation des antiseptiques comme la chlorhexidine représente une alternative efficace et pertinente dans certains cas, comme lors de pyodermite superficielle [1].

Malassezia pachydermatis (MP) est une levure qui complique souvent les otites chez le chien. Leur traitement s’appuie souvent sur l’utilisation de topiques visant à traiter l’infection fongique [2].

2. Le miel en dermatologie

L’activité antibactérienne du miel est partiellement liée à l’activité peroxyde d’hydrogène qu’il dégage et qui peut être inhibée par certaines enzymes telles que les catalases. Elles dégradent H2O2 et le transforment en eau et en oxygène. Ces catalases sont des enzymes anti-oxydantes qui sont couramment retrouvées au sein des tissus lésés.

Le L-Mesitran Soft® est un gel à base de miel (40 %) qui est indiqué dans le traitement des plaies superficielles aiguës, des brûlures, des plaies chroniques et des plaies postopératoires.

En médecine vétérinaire, les études portant sur l’utilisation du miel demeurent rares et l’efficacité antimicrobienne in vitro n’a jamais été testée.

OBJECTIF DE L’ÉTUDE ET RÉSULTATS

L’objectif de cette étude était d’évaluer l’efficacité in vitro de ce gel sur des isolats bactériens et fongiques prélevés sur des animaux atteints de pyodermites et d’otites.

1. Effet antibactérien

Cette étude documente l’effet antibactérien d’un gel à base de miel contre SP. Ce produit est également efficace contre MP, souvent impliquée dans les otites externes du chien. Elle montre également une sensibilité équivalente au miel des souches de SP sensibles et résistantes à la méticilline. L’effet bactéricide a été observé pour des concentrations de 20 % sans différence pour les SPRM et les SP sensibles à la méticilline (SPSM). Ces résultats sont en accord avec les précédentes études réalisées en médecine humaine ne montrant pas de différence d’efficacité sur les staphylocoques dorés (Staphylococcus aureus) résistants à la méticilline (SARM).

2. Gel plus efficace que le miel seul

Cette étude suggère que le gel a une meilleure efficacité que le miel seul. Cela est probablement lié aux autres composants du gel. Il peut s’agir de la lanoline, du propylène glycol, des vitamines C et E. Cette étude ne s’est pas intéressée précisément aux effets de chacun des composants du gel à base de miel, mais il est connu que le propylène glycol a des effets antibactériens contre notamment Staphylococcus aureus, Streptococcus mutans, Enterococcus faecalis et E. coli. La vitamine C, par ses propriétés anti-oxydantes, permet une meilleure cicatrisation des plaies cutanées et des brûlures.

3. Activité peroxyde d’oxygène

L’activité peroxyde d’hydrogène du miel peut être inhibée par les catalases présentes dans les plaies. Cette activité a été testée in vitro en ajoutant des catalases lors des tests effectués dans cette étude. Ces essais ont permis de montrer que les catalases n’affectaient pas les effets antimicrobiens du gel à base de miel. En revanche, le miel seul présentait une moindre activité en présence de catalases. Ainsi, l’activité H2O2 du gel serait peu importante et est certainement perdue au moment de la préparation du gel.

4. Autres études sur le gel à base de miel

Les études portant sur les effets du gel à base de miel sont rares en médecine vétérinaire. L’une d’entre elles a montré son efficacité sur 13 zones atteintes de pyodermite. Quatre-vingt-cinq pourcent des lésions ont cicatrisé en 14 jours. Le seul effet secondaire observé était un prurit après application chez 2 chiens. Ainsi, les résultats de cette étude confirment les effets in vitro du gel et tendent à démontrer la pertinence de son utilisation pour le traitement de lésions circonscrites de pyodermites superficielles et profondes chez le chien.

5. Effet antifongique

L’effet antifongique du gel à base de miel à une concentration de 10 % montre que le produit peut être dilué en conservant son action sur MP. Il avait déjà fait l’objet d’une utilisation dans le traitement des otites fongiques et bactériennes chez le chien, où il était appliqué une fois par jour pendant 21 jours. À la fin de l’étude, 90 % des chiens étaient cliniquement guéris et une diminution significative des comptages cytologiques était observée [6]. Le propylène glycol et la vitamine C ont également des effets sur MP et peuvent contribuer à l’efficacité finale observée.

Conclusion

Les résultats de cette étude montrent que le gel à base de miel possède un effet in vitro sur SP et MP. D’autres études sont cependant nécessaires pour en préciser le mécanisme d’action, pour confirmer ces résultats sur d’autres agents pathogènes et pour vérifier l’action in vivo sur des animaux atteints d’otites et de pyodermites.

Références

  • 1. Borio S, Colombo S, La Rosa G et coll. Effectiveness of a combined (4 % chlorhexidine digluconate shampoo and solution) protocol in MRS and non-MRS canine superficial pyoderma: a randomized, blinded, antibiotic-controlled study. Vet. Dermatol. 2015;26 (5):339-344, e72.
  • 2. Crespo MJ, Abarca ML, Cabanes FJ. Occurrence of Malassezia spp. in the external ear canals of dogs and cats with and without otitis externa. Med. Mycol. 2002;40 (2):115-121.
  • 3. Loeffler A, Linek M, Moodley A et coll. First report of multiresistant, mecA-positive Staphylococcus intermedius in Europe: 12 cases from a veterinary dermatology referral clinic in Germany. Vet. Dermatol. 2007;18 (6):412-421.
  • 4. Lusby PE, Coombes AL, Wilkinson JM. Bactericidal activity of different honeys against pathogenic bacteria. Archives of medical research. 2005;36 (5):464-467. PubMed PMID: 16099322.
  • 5. Onuma K, Tanabe T, Sato H. Antimicrobial resistance of Staphylococcus pseudintermedius isolates from healthy dogs and dogs affected with pyoderma in Japan. Vet. Dermatol. 2012;23 (1):17-e5.
  • 6. Sherlock O, Dolan A, Athman R et coll. Comparison of the antimicrobial activity of Ulmo honey from Chile and Manuka honey against methicillin-resistant Staphylococcus aureus, Escherichia coli and Pseudomonas aeruginosa. BMC Compl. Alt. Med. 2010;10:47.

Conflit d’intérêts

Aucun.

CONTEXTE

Staphylococcus pseudintermedius (SP) et Malassezia pachydermatis (MP) sont des agents pathogènes couramment impliqués dans les otites et les pyodermites du chien.

OBJECTIF

Déterminer l’efficacité in vitro d’un gel à base de miel sur des SP résistants et sensibles à la méticilline et sur MP. L’efficacité du miel a aussi été testée afin de la comparer à celle du gel à base de miel.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

L’efficacité a été évaluée à l’aide des concentrations minimales bactéricides (CMB) et fongicides (CMF) et du test d’efficacité antimicrobienne (time-kill assay [TKA]). Seize souches de SP et 10 souches de MP ont été sélectionnées. Tous les isolats ont été testés sur des dilutions de gel différentes à partir d’une solution initiale contenant 40 % de miel (40 %, 20 %, 10 %, 5 % et 2,5 % w/v [w/v = rapport poids/volume; 40 % w/v signifie 40 g dans 100 ml]). Les isolats ont également été évalués après contact avec du miel pur (non dilué, 40 %, 20 %, 10 %, 5 % et 2,5 % w/v). Les CMB et les CMF ont ainsi été déterminées pour chaque produit à chaque concentration et après exposition à des catalases. Le TKA a été réalisé pour 10 souches de SP et 10 autres de MP.

RÉSULTATS

• Les CMB étaient obtenues à la dilution de 20 % pour le gel à base de miel et pour le miel pur. Les CMB du gel étaient statistiquement plus basses et meilleures que celles obtenues pour le miel seul.

• Aucune différence de CMB n’a été observée entre les souches sensibles et celles résistantes à?la méticilline.

• Seul le miel pur était affecté par l’action des catalases.

• Les CMF étaient obtenues à des concentrations de 10 % pour le gel et de 40 % pour le miel.

• Les TKA ont montré que le gel tuait les bactéries et les levures au mieux 1 heure après l’exposition. Tous les isolats étaient tués après 4 heures d’exposition.

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