Utilité de la cytologie et de l’échographie rénales chez le chien - Le Point Vétérinaire expert canin n° 388 du 01/09/2018
Le Point Vétérinaire expert canin n° 388 du 01/09/2018

NÉPHROLOGIE CANINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Laetitia Lucarelli

Fonctions : Clinique vétérinaire chateau9
16, rue Jules-Ferry
13220 Châteauneuf-les-Martigues

Les maladies rénales chez le chien sont classiquement évaluées grâce aux analyses biochimiques non invasives associées à l’analyse d’urine. Cette évaluation peut être complétée par des examens d’imagerie. Ces méthodes comportent cependant des limites pour identifier les causes exactes de la maladie. Les évaluations histologique et cytologique peuvent apporter des précisions concernant l’étiologie des maladies rénales.

RISQUES DE L’EXAMEN HISTOLOGIQUE

L’examen histologique reste la méthode de référence qui permet de déterminer l’étiologie des maladies rénales chez le chien. Effectuer des biopsies rénales comporte cependant des risques, le principal étant hémorragique.

Des anomalies de l’hémostase sont rapportées chez les patients urémiques en médecine humaine [6]. Des études chez le chien et le chat indiquent que les biopsies rénales échoguidées engendrent plus de complications graves que les biopsies hépatiques. Le risque d’hémorragie après la ponction est majoré par les anomalies de l’hémostase existant chez l’animal urémique. Les thrombopathies urémiques, la présence d’une anémie ou d’une hypertension artérielle concomitantes sont des facteurs de risque [2]. Une étude menée sur 283 chiens atteints de maladies rénales non néoplasiques révèle que les biopsies rénales s’accompagnent de 13 % de complications. La principale est une hémorragie sévère [7].

INTÉRÊT DE L’EXAMEN CYTOLOGIQUE

L’examen cytologique permet de minimiser les risques anesthésiques et le risque d’hémorragie associés aux biopsies. Plusieurs études ont déjà montré l’intérêt de la cytologie dans le diagnostic de nombreuses affections concernant d’autres organes que les reins.

Dans l’étude de McAloney CA et coll., 73 % (74 sur 102) des examens cytologiques échoguidés réalisés sur des chiens atteints de maladies rénales, toutes causes confondues, ont été jugés interprétables. Ce résultat est cohérent avec les données publiées pour les autres tissus chez le chien. L’examen cytologique apporte un diagnostic dans 243 cas sur 292 (83 %) pour les cytoponctions de masses cutanées ou sous-cutanées (hors lésions mammaires), dans 928 cas sur 1 274 (73 %) pour les cytoponctions des nœuds lymphatiques, et dans 69 cas sur 95 (73 %) pour les cytoponctions du pancréas [1, 4, 5].

De plus, dans cette étude, les lames étaient pour la plupart (67 %) modérément à très cellulaires.

L’examen cytologique se révèle plus performant lorsque des lésions focales ou multifocales sont détectées à l’échographie.

CARACTÉRISTIQUES ÉCHOGRAPHIQUES ET CYTOLOGIQUES DES TUMEURS RÉNALES

Les examens cytologique et échographique se révèlent complémentaires lors de lésions focales, en particulier pour les masses rénales. L’évaluation du caractère bilatéral ou non des lésions peut se révéler informatif. Dans cette étude, une masse unilatérale a été identifiée dans tous les cas de carcinomes rénaux (5 cas sur 5), dans 2 cas sur 7 de lymphomes, et dans 2 cas sur 4 des autres tumeurs.

Bien que rare, le carcinome rénal constitue la tumeur rénale la plus fréquente, comme le confirme cette étude. Une autre étude multicentrique menée sur 82 chiens avec une tumeur rénale primaire montre que 49 d’entre eux avaient un carcinome, 28 un sarcome et 5 un néphroblastome [3].

Dans l’étude de McAloney CA et coll., les carcinomes rénaux se présentent le plus souvent comme des lésions uniques, unilatérales et hyperéchogènes à l’échographie. L’examen échographique doit cependant être confirmé par un diagnostic cytologique qui apparaît comme un challenge avec une sensibilité de 67 % et une spécificité de 90 %.

L’examen cytologique du lymphome rénal est plus facile, avec une sensibilité de 100 % et une spécificité de 89 %.

LIMITES DE L’ÉTUDE

Dans cette étude, la majorité des examens cytologiques sont jugés interprétables et suffisamment cellulaires. Les cytoponctions échoguidées ont toutefois été réalisées par des manipulateurs expérimentés, puis les lames ont été interprétées par un vétérinaire spécialiste en biologie médicale. En pratique courante, il est probable qu’un plus grand nombre d’examens soient non conclusifs.

Les tests de précision diagnostique (détermination de la sensibilité et de la spécificité) ont été établis sur un très petit nombre de cas et majoritairement lors de tumeurs rénales. Les données concernant l’utilité de l’examen cytologique lors de lésions rénales inflammatoires, vasculaires ou congénitales sont manquantes.

Enfin, en raison de la nature rétrospective de l’étude, il n’existe aucun protocole standardisé. En particulier, soit aucun examen histologique n’est disponible pour chaque chien, soit il n’a pas été réalisé dans les mêmes conditions (biopsie versus nécropsie).

Conclusion

Les cytoponctions échoguidées des reins chez le chien sont le plus souvent interprétables. Elles sont particulièrement utiles dans le diagnostic des tumeurs rénales. Les caractéristiques échographiques, notamment la présence d’une ou de plusieurs masses, peuvent aider à faire la distinction entre les lésions néoplasiques et les lésions non néoplasiques. Une étude prospective sur un plus grand nombre d’animaux avec un examen histologique systématique et incluant une proportion égale de maladies rénales néoplasiques et non néoplasiques serait pertinente.

Références

  • 1. Amores-Fuster I, Cripps P, Graham P et coll. The diagnostic utility of lymph node cytology samples in dogs and cats. J. Small Anim. Pract. 2015;56:125-129.
  • 2. Bigge LA, Brown DJ, Penninck DG. Correlation between coagulation profile findings and bleeding complications after ultrasound-guided biopsies: 434 cases (1993-1996). J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2001;37:228-233.
  • 3. Bryan JN, Henry CJ, Turnquist SE et coll. Primary renal neoplasia of dogs. J. Vet. Intern. Med. 2006;20:1155-1160.
  • 4. Cordner AP, Sharkey LC, Armstrong PJ et coll. Cytologic findings and diagnostic yield in 92 dogs undergoing fine-needle aspiration of the pancreas. J. Vet. Diagn. Investig. 2015;27:236-240.
  • 5. Ghisleni G, Roccabianca P, Ceruti R et coll. Correlation between fine-needle aspiration cytology and histopathology in the evaluation of cutaneous and subcutaneous masses from dogs and cats. Vet. Clin. Pathol. 2006;35:24-30.
  • 6. Lutz J, Menke J, Sollinger D et coll. Haemostasis in chronic kidney disease. Nephrol. Dial. Transplant. 2014;29:29-40.
  • 7. Zatelli A, Bonfanti U, Santilli R et coll. Echo-assisted percutaneous renal biopsy in dogs. A retrospective study of 229 cases. Vet. J. 2003;166:257-264.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Résumé

OBJECTIFS

Évaluer l’intérêt diagnostique de l’examen cytologique échoguidé des reins chez le chien et déterminer les caractéristiques échographiques qui peuvent être utiles pour orienter le diagnostic final de la maladie.

MÉTHODE

Étude rétrospective menée à l’université du Minnesota entre janvier 2005 et juin 2014. Cent chiens ont été inclus. Les lames de cytologie ont été classées en “interprétables” et “non interprétables”. Elles ont été évaluées par un étudiant vétérinaire et un vétérinaire pathologiste spécialiste selon un consensus et à l’aveugle. Les images échographiques ont été interprétées de la même façon. La sensibilité, la spécificité et les valeurs prédictives de l’examen cytologique dans le diagnostic des lésions rénales néoplasiques et non néoplasiques ont été établies par comparaison avec les examens histologiques correspondants (ou les tests de clonalité lymphoïde dans le cas des lymphomes rénaux).

RÉSULTATS

• 100 chiens, 102 examens cytologiques et 97 examens échographiques ont été utilisés.

• Les lames de cytologie étaient modérément cellulaires (35 %), très cellulaires (32 %) et peu cellulaires (33 %).

• 74 examens cytologiques sur 102 échantillons (72 %) ont été jugés interprétables.

• 26 examens cytologiques ont été inclus dans l’analyse de précision diagnostique. Pour la détection de lésions néoplasiques, la sensibilité de cet examen est de 78 % et sa spécificité de 50 %. Pour les lésions non néoplasiques, sa sensibilité est de 50 % et sa spécificité de 77 %.

• La présence de masses est la caractéristique échographique la plus souvent retrouvée lors de tumeurs rénales : 5/5 des carcinomes rénaux, 5/7 des lymphomes et 3/4 des autres néoplasies. Elle est absente pour les lésions non néoplasiques (n = 5).

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