Hyphéma chez une chouette hulotte - Le Point Vétérinaire n° 388 du 01/09/2018
Le Point Vétérinaire n° 388 du 01/09/2018

FAUNE SAUVAGE

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Alexis Bertrand*, Raphaëlle Woerlé**, Lydia Schlesser***, Philippe Gourlay****

Fonctions :
*Service d’imagerie médicale
**Internat des cliniques
***Internat des cliniques
****Centre vétérinaire de la faune sauvage
et des écosystèmes (CVFSE)
CHUV Oniris, BP 50707
44307 Nantes Cedex 3
alexisbertrand@hotmail.fr

Présentation clinique

Une chouette hulotte (Strix aluco), adulte, sauvage, est admise au Centre vétérinaire de la faune sauvage et des écosystèmes (CVFSE) après avoir été découverte sur le bord d’une route par un particulier. À l’examen clinique, l’animal est légèrement déshydraté et présente un blépharospasme de l’œil droit. À l’examen ophtalmologique de l’œil droit, alors que la cornée est intègre, un hyphéma important est mis en évidence. Il empêche la visualisation des structures postérieures à la chambre antérieure. L’œil gauche ne présente pas d’anomalie.

Devant l’impossibilité de réaliser un examen ophtalmologique complet de l’œil droit, une échographie oculaire est décidée (photos 1 et 2 et vidéo complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr).

Qualité de l’image

→ La qualité des images arrêtées est satisfaisante. La définition et le grain permettent de distinguer les différentes structures.

Description de l’image

→ La chambre antérieure est dilatée. Son contenu est anéchogène, à l’exception d’un dépôt amorphe échogène en contact avec la capsule antérieure du cristallin. Des éléments similaires plus ou moins organisés en travées sont visibles dans le vitré. Le cristallin est d’échogénicité normale, mais est partiellement déplacé caudalement dans sa région dorsale. Le pecten (organe de l’œil des oiseaux composé de tissu de la rétine replié sur lui-même permettant d’approvisionner celle-ci en éléments nutritifs et une meilleure focalisation) est d’aspect irrégulier.

Interprétation

→ L’échographie objective une subluxation postérieure du cristallin. Les éléments amorphes dans la chambre antérieure correspondent à l’hyphéma et la structure similaire dans le vitré est suspectée d’être formée aussi par du sang coagulé ou de la fibrine. Ces lésions, associées à l’aspect anormal du pecten, sont compatibles avec une panuvéite, a priori d’origine traumatique. En raison de la dilatation importante de la chambre antérieure, un défaut d’évacuation de l’humeur aqueuse et une hypertension intraoculaire secondaire (uvéite hypertensive) sont suspectés (la pression intraoculaire n’a pas été mesurée).

→ Un contrôle sur l’œil controlatéral normal est effectué (photo 3). L’image est normale (le peigne, légèrement excentré, n’est pas visible sur cette coupe passant par la pupille) et montre la chambre antérieure de taille plus réduite, un aspect anéchogène normal de celle-ci et du vitré et la position physiologique du cristallin.

DISCUSSION

Les affections ophtalmiques sont fréquentes chez les rapaces sauvages (jusqu’à 14 % de prévalence) et principalement d’origine traumatique [2]. Même si l’examen ophtalmologique permet généralement d’aboutir à un diagnostic lésionnel, l’échographie peut être utile lorsque l’examen des structures profondes n’est pas possible. En effet, même si les os scléraux restreignent l’abord latéral, le globe peut être entièrement évalué [1, 2].

Les luxations du cristallin sont peu fréquentes car l’attache du cristallin sur les corps ciliaires est très solide dans ces espèces. L’échographie permet l’identification de cette lésion, de même que des signes d’uvéite ou de décollement de rétine [2]. Une hypertension intraoculaire secondaire est parfois présente, mais les os scléraux limitent la buphtalmie chez les oiseaux par rapport aux mammifères. L’évaluation du segment postérieur par échographie est, dans ces cas-là, essentielle pour le pronostic. La vision binoculaire n’est pas forcément nécessaire à la survie en milieu sauvage des rapaces nocturnes, et des cas sont rapportés (notamment chez différentes espèces de Strigiformes) de perte de vision d’un œil sans que la capacité de chasse de l’animal ne soit altérée. L’éviscération du globe est donc envisageable chez ces espèces lorsqu’il est douloureux et l’œil atteint définitivement non fonctionnel [2], et est régulièrement pratiquée au CVFSE.

Références

  • 1. Gelatt K, Kern TJ. Vet. Ophthalmol. 5th ed. St Louis, Elsevier. 2013.
  • 2. Gumpenberger M, Kolm G. Ultrasonographic and computed tomographic examinations of the avian eye : physiologic appearance, pathologic findings, and comparative biometric measurement. Vet. Radiol. Ultrasound. 2006;47,492-502.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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