Mastocytose maculopapuleuse féline : étude rétrospective de 13 cas - Le Point Vétérinaire expert canin n° 387 du 01/07/2018
Le Point Vétérinaire expert canin n° 387 du 01/07/2018

DERMATOLOGIE FÉLINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Charline Pressanti

Fonctions : Service de dermatologie
INP-ENVT, 23, chemin des Capelles
31076 Toulouse
c.pressanti@envt.fr

La mastocytose se décrit comme une affection cutanée associée à une infiltration dermique par un grand nombre de mastocytes non tumoraux. Cette maladie est bien décrite en médecine humaine, en revanche elle est rare chez le chat et de description assez récente. Le faible nombre de données disponibles dans cette espèce a incité les auteurs à s’inspirer des connaissances en médecine humaine pour mieux typer les formes de mastocytose cutanée féline.

GÉNÉRALITÉS SUR LES MASTOCYTOSES HUMAINES

Chez l’homme, la mastocytose est divisée en deux sousgroupes : la forme cutanée et la forme systémique. Cette dernière s’accompagne d’une infiltration de la moelle et de certains organes. Elle survient principalement chez l’adulte et est de mauvais pronostic [1, 4, 5, 7].

La forme cutanée varie en fonction de l’âge d’apparition des lésions. Parfois, les lésions intéressent toute la surface corporelle. Elle a été récemment divisée en trois sousgroupes : la forme maculo-papuleuse, la forme diffuse et le mastocytome cutané (moins de trois nodules). La forme maculo-papuleuse est la plus courante (plus de 90 % des cas) et se subdivise en forme monomorphe ou polymorphe. Les signes cutanés de la forme monomorphe sont typiques : il s’agit de petites papules, rondes, marrons ou rouges, qui ont longtemps porté le nom d’Urticaria pigmentosa. La forme polymorphe, chez l’enfant, est associée à des lésions de tailles différentes souvent larges, irrégulières, planes ou surélevées. Cette forme est souvent de bon pronostic, avec une résolution progressive avant la puberté [3].

MASTOCYTOSES FÉLINES ET MÉDECINE COMPARÉE

Cette étude regroupant 13 cas sur une période de 14 ans démontre la rareté de cette affection chez le chat. Il s’agissait exclusivement d’individus de race sphynx et devon ce qui confirme les données préexistantes de la littérature concernant la mastocytose cutanée féline (MCF).

1. Nouvelle classification

Tous les chats de cette étude présentaient une forme maculo-papuleuse de mastocytose cutanée (MC). Trois formes ont pu être distinguées et s’inspirent de la dermatologie humaine : celle associée à de larges papules (similaire à la forme polymorphe humaine), celle associant de nombreuses petites papules rouges et marrons (similaire à la forme monomorphe), puis la forme chronique pigmentée. Auparavant, cette dernière était appelée Urticaria pigmentosa, or le terme d’urticaire ne convient pas à des lésions d’évolution aussi chronique. Les auteurs suggèrent donc le nom de MC maculo-papuleuse pigmentée pour décrire cette forme chronique.

Il semblerait que la pigmentation résulte du prurit et de la chronicité. La richesse en pigment semble toutefois corrélée à l’intensité de l’infiltration par les mastocytes. La synthèse de stem cell factor par les mastocytes pourrait stimuler les productions mélanocytaires.

2. Diagnostic

À l’instar de la médecine humaine, le diagnostic de MC s’appuie souvent sur un examen histopathologique. En médecine vétérinaire, il est également important d’exclure d’autres dermatoses susceptibles de mimer cette entité. Il est notamment essentiel d’exclure la dermatophytose ou encore le mastocytome [2]. Les aspects microscopiques sont souvent variables par leur intensité lésionnelle. Dans tous les cas, il s’agit d’une infiltration excessive par des mastocytes et cette infiltration s’accompagne d’une grande proportion d’éosinophiles et d’autres leucocytes.

3. Pronostic et traitement

En médecine humaine, il n’existe pas de consensus concernant le traitement de la MC. Il s’agit le plus souvent d’une affection autorésolutive, aussi le traitement est symptomatique et sert à soulager le patient dans l’attente de cette amélioration. Il permet de contrôler le prurit et d’éviter les lésions érosives. Les antihistaminiques (AH) sont privilégiés.

Chez le chat, de nombreux traitements ont été recommandés, avec une efficacité variable. Il s’agit des glucocorticoïdes, des antibiotiques, de l’huile de graine de cassis ou encore des antihistaminiques et de la ciclosporine [6, 8].

Dans cette étude, l’effet du traitement était considéré comme bon, modéré ou absent. Les antihistaminiques étaient efficaces (dans 4/13 cas) uniquement dans les formes polymorphes. Les corticoïdes étaient aussi efficaces que la ciclosporine (respectivement 4 et 3/13 cas).

Les inhibiteurs des tyrosines kinases, par leur effet sur les mastocytes, seraient théoriquement efficaces lors de MC. Le masitinib a été utilisé sans succès chez un seul chat. Ce produit est habituellement utilisé dans le traitement du mastocytome lorsque le récepteur tyrosine kinase c-kit est muté. Cette mutation n’avait pas été cherchée chez ce chat souffrant de MCF.

L’évolution clinique ainsi que le pronostic étaient variables pour les 13 chats de cette étude. L’aspect lésionnel était soit presque asymptomatique, soit très agressif. Les symptômes apparaissaient en moyenne vers 7 mois. La résolution spontanée était observée chez les chats présentant des lésions d’apparition précoce. Il s’agissait de 6 chats avec une forme polymorphe. Chez les autres, les lésions tendaient à s’aggraver et à progresser vers une forme chronique.

Conclusion

La MC féline est comparable aux MC humaines en raison de nombreuses similitudes. Les 13 chats décrits ici permettent de dégager trois formes cliniques distinctes. Des études plus approfondies seraient nécessaires pour confirmer l’évolution clinique de ces formes de MC, leur pronostic, les prédispositions génétiques et les méthodes diagnostiques les mieux adaptées.

Références

  • 1. Ben-Amitai D, Metzker A, Cohen HA. Pediatric cutaneous mastocytosis: a review of 180 patients. The Israel Medical Association journal : IMAJ. 2005;7(5):320-322.
  • 2. Colombo S, Scarampella F, Ordeix L et coll. Dermatophytosis and papular eosinophilic/ mastocytic dermatitis (urticaria pigmentosa-like dermatitis) in three devon rex cats. J. Feline Med. Surg. 2012;14(7):498-502.
  • 3. Hannaford R, Rogers M. Presentation of cutaneous mastocytosis in 173 children. Australas. J. Dermatol. 2001;42(1):15-21.
  • 4. Hartmann K, Escribano L, Grattan C et coll. Cutaneous manifestations in patients with mastocytosis: consensus report of the European competence network on mastocytosis; the American academy of allergy, asthma & immunology; and the European academy of allergology and clinical immunology. J. Allergy Clin. Immunol. 2016;137(1):35-45.
  • 5. Meni C, Bruneau J, Georgin-Lavialle S et coll. Paediatric mastocytosis: a systematic review of 1 747 cases. Br. J. Dermatol. 2015;172(3):642-651.
  • 6. Noli C, Colombo S, Abramo F et coll. Papular eosinophilic/mastocytic dermatitis (feline urticaria pigmentosa) in devon rex cats: a distinct disease entity or a histopathological reaction pattern? Vet. Dermatol. 2004;15(4):253-259.
  • 7. Valent P, Akin C, Escribano L et coll. Standards and standardization in mastocytosis: consensus statements on diagnostics, treatment recommendations and response criteria. Eur. J. Clin. Invest. 2007;37(6): 435-453.
  • 8. Vitale CB, Ihrke PJ, Olivry T et coll. Feline urticaria pigmentosa in three related sphinx cats. Vet. Dermatol. 1996;7(4):227-233.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

CONTEXTE

La mastocytose cutanée féline (MCF) est une affection rare couramment appelée Urticaria pigmentosa.

OBJECTIF ET MÉTHODE

Recenser le diagnostic, le traitement et le pronostic chez 13 chats atteints de MCF. Les chats ont été sélectionnés au sein de la même structure vétérinaire sur une période de 14 ans. Le diagnostic était établi après examen cytologique ou analyse histologique.

RÉSULTATS

• Les races reportées étaient des sphynx (9 cas) des devon rex (2) et des croisés sphynx/devon (2). Aucune autre race n’était recensée.

• Les femelles étaient surreprésentées (9/13).

• L’évolution moyenne des symptômes avant le diagnostic était de 8 mois.

• Trois formes cliniques ont pu être décrites.

• Une forme est dominée par de larges papules sur la tête, les épaules, les plis axillaires et l’abdomen. Elle avait une tendance à la résolution spontanée.

• Une dermatose érythémateuse est caractérisée par de très nombreuses papules de très petite taille. Cette forme était compliquée de croûtes et souvent de mauvais pronostic.

• La forme chronique associant lichénification et hyperpigmentation est semblable à l’Urticaria pigmentosa décrite en médecine humaine.

• Une analyse histologique a été réalisée pour 8 chats, révélant une infiltration dermique superficielle à profonde par des mastocytes et des éosinophiles.

• La réponse aux traitements tels que corticoïdes, antihistaminiques ou ciclosporine était variable.

Cet article confirme la prédisposition raciale, pour les sphynx et les devon rex, de la MCF. Il propose une nouvelle classification en trois formes cliniques différentes, qui s’appuie sur les connaissances actuelles des MC humaines.

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