Corps étranger œsophagien chez le chien - Le Point Vétérinaire expert canin n° 387 du 01/07/2018
Le Point Vétérinaire expert canin n° 387 du 01/07/2018

CHIRURGIE DIGESTIVE

Analyse d’article

Auteur(s) : Alexandre Caron

Fonctions : CHV Atlantia
22, rue René-Viviani
44200 Nantes
a.caron@chv-atlantia.com

La présence d’un corps étranger œsophagien (CEE) est une urgence réelle : plus il reste en place longtemps, plus les risques de fausse route et surtout de nécrose pariétale sont élevés [2-4, 6, 7, 9]. L’article résumé confirme cela : le résultat clinique final est corrélé au délai de prise en charge. Les chiens pour lesquels un bon résultat final est obtenu ont une médiane de délai d’obstruction d’une journée, tandis que ceux qui développent une sténose ou ne survivent pas ont un délai médian de prise en charge de 2 jours [1]. Les corps étrangers les plus fréquemment rencontrés sont des os, avec près de 60 % des cas concernés dans l’article résumé. Les hameçons de pêche représentent 8,9 % des cas [1]. Ces deux chiffres indiquent qu’une prévention efficace permettrait d’éviter la majeure partie des CEE.

Les chiens de petit format sont le plus souvent touchés, avec les west highland white terriers et les shih tzu surreprésentés [1-3, 5, 6, 9].

DIAGNOSTIC

Le diagnostic d’un CEE est généralement aisé pour le vétérinaire expérimenté en radiographie canine. Une radiographie du thorax ou du cou avec des paramètres classiques pour ces régions permet la détection dans la majorité des cas. Dans l’article résumé, des radiographies simples ou avec produit de contraste ont permis le diagnostic dans 99,6 % des cas [1].

Dans presque tous les cas (99,2 % ; n = 128/129) où des radiographies sont réalisées à deux moments distincts avant le retrait du CEE, il n’a pas changé de position. Les rares cas (0,8 %) où le CEE a bougé justifient cependant de répéter les radiographies lorsque la prise en charge est différée (par exemple, si le cas est référé), afin de s’assurer de la nécessité d’une intervention et de l’absence de complications supplémentaires. Il est en effet important d’évaluer avec précaution les radiographies pour vérifier l’absence d’une bronchopneumonie ou d’un pneumomédiastin, signes d’une possible brèche œsophagienne qui contre-indiquerait la réalisation d’une endoscopie.

OPTIONS NON CHIRURGICALES

Le traitement de choix d’un CEE est le retrait guidé par endoscopie. L’article résumé confirme ce choix préférentiel, avec un excellent taux de succès [1]. C’est d’autant plus vrai si le CEE est localisé dans l’œsophage cervical : l’article résumé calcule un taux de succès 30,6 fois plus important que pour un CEE caudal [1].

L’évaluation endoscopique permet d’identifier le corps étranger et d’évaluer la muqueuse œsophagienne en amont du CEE. Une pince peut être passée via le canal opérateur ou parallèlement pour attraper le corps étranger et le retirer ou le pousser dans l’estomac.

Il est nécessaire d’examiner la muqueuse œsophagienne après le retrait du CEE. Une perforation pariétale partielle cicatrise sans intervention supplémentaire, mais augmente le risque de sténose. Une perforation pariétale complète nécessite souvent une intervention chirurgicale, notamment lorsqu’elle concerne l’œsophage thoracique, pour lequel les complications secondaires peuvent être dramatiques.

Lorsque le CEE est repoussé dans l’estomac, il peut être retiré au moyen d’une gastrotomie ou bien laissé pour être digéré lorsque, par exemple, il s’agit d’un os. Cette dernière situation est la plus fréquente dans l’article résumé (80,9 % des cas) [1].

Une technique de retrait assistée par fluoroscopie a également été décrite et donne de bons résultats [8].

TECHNIQUE CHIRURGICALE

Le traitement chirurgical d’un CEE peut être simple, ne nécessitant qu’une gastrotomie lorsque le CEE a pu être repoussé dans l’estomac ou s’il est dans l’œsophage le plus caudal (entre le cœur et le diaphragme). L’article résumé rapporte la nécessité d’une gastrotomie dans 8,9 % des cas.

Il peut être plus complexe lorsque le CEE est situé dans l’œsophage thoracique, puisqu’il implique une thoracotomie. Comme lors de localisation dans l’œsophage cervical, la technique de retrait consiste en une œsophagotomie, exception faite des hameçons (qui ne nécessitent pas toujours d’incision). La paroi est incisée pour le retrait du corps étranger. Elle est refermée par des points séparés simples ou à l’aide d’un surjet simple en une ou deux couches, selon la préférence du chirurgien. Dans une étude publiée en 2015, aucune différence de résultat clinique n’a été identifiée entre le traitement endoscopique et l’œsophagotomie [2]. Un taux de succès de plus de 90 % est rapporté à la suite d’une œsophagotomie de l’œsophage thoracique [4, 10].

COMPLICATIONS

La perforation, la sténose, la médiastinite ou la nécrose ischémique sont les complications majeures les plus redoutées après le retrait d’un CEE. Une sténose est rapportée dans 11,2 % des cas de l’étude résumée [1]. Cette complication est rarement associée à un CEE de type hameçon (0 %) ou os (4,4 %).

Un diverticule œsophagien, une fistule œsophagobronchique, un abcès para-œsophagien ou une rupture aortique sont également parfois rapportés [9].

Une œsophagite est toujours présente : faible dans la moitié des cas et modérée à marquée dans l’autre moitié [3, 9]. La gravité de l’œsophagite semble uniquement corrélée au délai d’intervention et ne dépend pas du type de corps étranger [9]. Un traitement médical associant un pansement gastrique et un anti-acides est souvent recommandé.

Conclusion

Le pronostic est excellent dans la majorité des cas de CEE chez le chien. C’est une affection rare chez le chat. L’article résumé confirme le retrait possible par endoscopie, dans la plupart des cas, avec un taux de mortalité de 5 % seulement. Il rapporte l’importance d’une intervention rapide pour limiter le risque de sténose, de perforation ou la nécessité d’une intervention chirurgicale.

Références

  • 1. Brisson BA, Wainberg SH, Malek S et coll. Risk factors and prognostic indicators for surgical outcome of dogs with esophageal foreign body obstructions. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2018;252(3): 301-308.
  • 2. Deroy C, Corcuff JB, Billen F et coll. Removal of œsophageal foreign bodies: comparison between œsophagoscopy and œsophagotomy in 39 dogs. J. Small Anim. Pract. 2015;56:613-617.
  • 3. Gianella P, Pfammatter NS, Burgener IA. Œsophageal and gastric endoscopic foreign body removal: complications and follow-up of 102 dogs. J. Small Anim. Pract. 2009;50:649-654.
  • 4. Houlton JEF, Herrtage ME, Taylor PM et coll. Thoracic œsophageal foreign bodies in the dog: a review of ninety cases. J. Small Anim. Pract. 1985;26:521-536.
  • 5. Jankowski M, Spu¿ak J, Kubiak K et coll. Œsophageal foreign bodies in dogs. Pol. J. Vet. Sci. 2014;16:1-2.
  • 6. Juvet F, Pinilla M, Shiel RE et coll. Œsophageal foreign bodies in dogs: factors affecting success of endoscopic retrieval. Ir. Vet. J. 2010;63:163-168.
  • 7. Leib MS, Sartor LL. Œsophageal foreign body obstruction caused by a dental chew treat in 31 dogs (2000-2006). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2008;232:1021-1025.
  • 8. Moore AH. Removal of œsophageal foreign bodies in dogs: use of the fluoroscopic method and outcome. J. Small Anim. Pract. 2001;42:227-230.
  • 9. Rousseau A, Prittie J, Broussard JD et coll. Incidence and characterization of esophagitis following esophageal foreign body removal in dogs: 60 cases (1999-2003). J. Vet. Emerg. Crit. Care. 2007;17:159-163.
  • 10. Sale CSH, Williams JM. Results of transthoracic esophagotomy retrieval of esophageal foreign body obstructions in dogs: 14 cases (2000-2004). J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2006;42:450-456.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Identifier les facteurs prédisant la nécessité d’une chirurgie dans la prise en charge d’un corps étranger œsophagien et les facteurs pronostiques à la suite de cette prise en charge.

MÉTHODE

Étude rétrospective. Les chiens pris en charge pour un corps étranger œsophagien sont inclus.

RÉSULTATS

223 chiens sont inclus (224 corps étrangers œsophagiens [CEE]). Le délai de prise en charge est corrélé au besoin d’une intervention chirurgicale ainsi qu’au résultat clinique définitif après l’intervention. Le risque de nécessiter une intervention chirurgicale est 2,6 fois plus élevé lorsqu’une anorexie est rapportée et 2,5 fois plus élevé en cas de léthargie. Les chiens lourds ont statistiquement plus de risque de nécessiter une intervention chirurgicale (risque multiplié par 1,35, par tranche de 5 kg de poids). Un corps étranger situé dans l’œsophage cervical a 30,6 fois plus de chance d’être retiré par endoscopie qu’un corps étranger situé dans l’œsophage caudal. 83,6 % des cas traités par endoscopie ont eu un bon résultat : retrait par la cavité orale dans 58,4 % des cas et CEE repoussés dans l’estomac dans 31,1 % des cas. Dans 80,9 % de ces cas, le corps étranger est laissé dans l’estomac pour être digéré. Dans 10,5 % (n = 23) des cas, une intervention chirurgicale était recommandée. L’œsophagotomie a donné un bon résultat dans 15 cas opérés sur 16 (6 cervical, 10 thoracotomies). La présence d’un os est associée à un besoin plus probable d’une chirurgie (risque multiplié par 5,02). Plus le CEE est situé caudalement, plus le risque de nécessiter une intervention chirurgicale est élevé.

Le taux de mortalité est de 5,4 % (n = 12). Le taux de sténose œsophagienne est de 11,2 %. La durée de l’intervention est négativement associée à un bon résultat. Un CEE de type alimentaire, un jouet ou un objet sont associés à un plus fort risque de sténose.

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