Étape 3 : Déroulement d’une arthroscopie - Le Point Vétérinaire n° 386 du 01/06/2018
Le Point Vétérinaire n° 386 du 01/06/2018

En 10 étapes

Auteur(s) : Claire Deroy-Bordenave*, Guillaume Ragetly**

Fonctions :
*Centre hospitalier vétérinaire Frégis
43, avenue Aristide-Briand,
94110 Arcueil

L’arthroscopie doit se dérouler dans un ordre bien précis et de manière systématique : chaque étape a son importance.

L’arthroscopie est une procédure mini-invasive qui permet une exploration de la cavité articulaire souvent diagnostique associée à un geste thérapeutique efficace. Elle requiert un équipement spécifique et spécialisé (1).

Pour effectuer une arthroscopie confortable, il est nécessaire de connaître et de respecter des étapes précises [3].

PRÉPARATION DE L’ANIMAL

La préparation chirurgicale pour l’arthroscopie, réalisée déjà sous anesthésie générale, dépend tout d’abord de l’articulation à opérer (2). Elle peut-être limitée à une petite zone en comparaison à une approche ouverte [1, 3]. En effet, seule une tonte de quelques centimètres suffit (10 cm2, à moduler suivant la taille du chien et l’expérience du chirurgien). Lorsqu’une intervention supplémentaire est prévue, la tonte doit être plus large. Par exemple, si après l’arthroscopie du genou, une ostéotomie de nivellement du plateau tibial (TPLO) est envisagée, il sera donc nécessaire de préparer tout le membre pour cette dernière.

Le positionnement correct de l’animal et la distraction de l’articulation par l’aide chirurgicale sont essentiels au succès de l’arthroscopie et à la minimisation des traumatismes articulaires iatrogènes. Ils dépendent de l’articulation à opérer, de la voie d’abord utilisée et de l’affection présente. Le plus fréquemment, un décubitus dorsal est envisagé pour le genou, latéral pour le coude, l’épaule et la hanche, et ventral pour le tarse (photo 1).

Les règles d’asepsie et de drapage sont identiques à celles requises pour toute autre intervention orthopédique [1, 3].

La disposition de l’équipement doit permettre au chirurgien de visualiser facilement l’écran à tout moment afin de contrôler en temps réel l’ensemble des gestes effectués. Le chien est donc placé entre le chirurgien et le moniteur vidéo. Les instruments sont placés sur un assistant muet afin que le chirurgien ait facilement accès à ceuxci (photo 2). L’arthroscope est ensuite connecté au câble lumière, qui est raccordé à la colonne d’arthroscopie.

EXAMEN DE L’ARTICULATION

1. Ponction et distension de la cavité articulaire

L’arthroscopie commence par la distension de l’articulation à l’aide d’une solution de Ringer lactate afin d’augmenter l’espace de travail et ainsi de faciliter l’entrée de l’arthroscope et des instruments chirurgicaux, si nécessaire.

Une aiguille de 19 G peut être placée dans l’articulation au niveau de l’egress (ou, moins souvent, du port arthroscopique). Des précautions sont à prendre lors de la mise en place de cette aiguille afin de minimiser les dommages du cartilage : en effet, il convient pour cela d’ouvrir l’espace articulaire et de respecter les points de repère pour chaque articulation [1, 3].

Le placement adéquat de l’aiguille est confirmé par :

– l’obtention de liquide synovial (photo 3). En effet, lorsque l’aiguille est correctement placée, le liquide synovial est facilement aspiré, à l’aide d’une seringue de 2 ml. La couleur et la consistance du prélèvement sont examinées et une lame cytologique est réalisée dans les cas douteux ;

– une instillation facile de la solution, à l’aide d’une seringue de 10 ml ;

– une pression inverse lorsque l’articulation est sous tension. Généralement, une pression modérée doit être perçue dans la seringue. De plus, une distension de la capsule articulaire peut être visualisée.

Si aucun liquide synovial n’est aspiré et que le chirurgien est certain d’être dans l’articulation, il convient d’instiller un peu de solution et ensuite d’aspirer à nouveau le liquide instillé. Le volume nécessaire pour distendre de manière satisfaisante la cavité articulaire varie selon l’articulation, la taille de l’animal et l’affection articulaire spécifique [3].

2. Mise en place du port arthroscopique

Une fois l’articulation distendue (la seringue utilisée reste connectée à l’aiguille pour maintenir cette distension), une deuxième aiguille est insérée au niveau du port arthroscopique, puis une petite incision (0,5 cm) est réalisée à l’aide d’une lame de bistouri (lame n° 11) le long de l’aiguille à travers la peau et les tissus mous, à l’exception de la capsule articulaire. En effet, l’incision de cette dernière entraînerait une perte de distension de l’articulation et une difficulté accrue lors de l’insertion de l’arthroscope [1, 3].

La chemise accompagnée du mandrin, préférablement à pointe mousse, est ensuite introduite lentement dans l’articulation avec une main qui la retient pour éviter une introduction trop profonde. Une sensation particulière est habituellement ressentie lorsque le mandrin rentre dans l’articulation et du liquide de distension reflue dans la chemise. Le mandrin peut alors être retiré de la chemise et remplacé par l’arthroscope. Le système d’irrigation est relié à la chemise. La seringue est déconnectée et l’aiguille utilisée pour distendre l’articulation est laissée en place pour permettre l’évacuation des fluides (photo 4). Selon l’articulation, le drainage peut être aussi assuré par une canule de sortie [3].

3. Évaluation de l’articulation

L’articulation doit être soigneusement examinée. Il est recommandé d’utiliser une méthode systématique d’examen de chaque articulation afin d’évaluer toutes ses parties. Il convient également d’obtenir des images ou des enregistrements vidéo des structures normales et anormales, afin de documenter le cas, d’avoir des éléments de comparaison si un nouvel examen devait être réalisé, d’avoir une base de données et également de montrer les images aux propriétaires.

4. Mise en place du port instrumental

Dans la plupart des cas, l’examen de l’articulation est complété par une palpation (diagnostic) ou par un geste thérapeutique, nécessitant la création d’un nouveau port (port instrumental).

L’emplacement de ce port varie selon l’articulation et la procédure à effectuer [3]. Généralement, un seul port instrumental est suffisant. Sa création doit être précise et résolue pour minimiser l’extravasation de liquide dans les tissus mous. Une aiguille est utilisée comme guide pour localiser le site approprié pour le port de l’instrument. Elle doit pénétrer la surface de la peau avec un angle de 75 à 90 degrés et maintenir cette orientation à travers les tissus mous. Lorsque l’aiguille entre dans l’articulation et est visible sur le moniteur, le chirurgien évalue l’emplacement correct du port par rapport à la lésion à traiter. Une fois que celui-ci est confirmé, une incision est réalisée au bistouri (lame n° 11) le long de l’aiguille (photo 5). Cette incision peut atteindre la capsule articulaire et sa taille dépend de la procédure à exécuter. Une erreur courante est de réaliser un port trop petit, ce qui rend difficile l’utilisation des instruments.

L’instrument est ensuite inséré dans le port afin de réaliser le geste diagnostique ou thérapeutique prévu, avec ou sans la mise en place au préalable d’une canule [1, 3].

L’utilisation des instruments doit suivre le principe de triangulation : en effet, l’arthroscope et l’instrument sont insérés par des ports différents, mais leurs extrémités convergent l’une vers l’autre en formant l’apex d’un triangle, ce qui permet de manipuler l’instrument juste devant l’arthroscope.

La pratique est nécessaire pour développer les compétences inhérentes à cette technique. Une boîte permettant de s’entraîner a été développée (photo 6).

5. Fermeture

Un lavage articulaire doit être réalisé tout au long de l’arthroscopie et avant la fermeture afin d’éliminer les débris créés lors de l’intervention, ainsi que les médiateurs de l’inflammation et les produits de dégradation du cartilage [1, 3].

Seule la fermeture de la peau des ports arthroscopique et instrumental est nécessaire. Des agrafes chirurgicales ou un point simple cutané (monofilament non résorbable) sont utilisés.

Une analgésie locale peut être mise en place à la fin de l’intervention à l’aide d’une injection de bupivacaïne (3) ou de morphine (3) dans l’articulation via l’aiguille de l’egress [2]. Cette administration permet de réalisée une analgésie multimodale et de diminuer les doses des molécules administrées par voie générale [2].

Généralement, aucun pansement n’est mis en place en phase postopératoire. Un pansement Robert Jones compressif est réalisé et maintenu pour 24 heures si une importante extravasation de fluides est observée pendant l’intervention.

SUIVI POST-OPÉRATOIRE

L’animal est rendu au propriétaire généralement le lendemain de l’intervention chirurgicale. Une analgésie adaptée est mise en place pour les premières 24 heures et ajustée ensuite en fonction du confort individuel. Le traitement postopératoire de la douleur et la thérapie supplémentaire varient considérablement selon le processus et la gravité de la maladie. Généralement, au minimum un traitement anti-inflammatoire est instauré pour le retour à la maison (par exemple, carprofène à la dose de 4 mg/kg per os une fois par jour pendant 3 semaines).

L’administration d’antibiotiques est inutile en raison d’un temps opératoire court (surtout chez les chirurgiens confirmés), d’un risque de contamination très faible et de la réalisation du lavage articulaire [4, 5].

Les propriétaires sont avertis de la possible extravasation de fluide autour de l’articulation, en particulier après une arthroscopie de l’épaule, qui se résorbe généralement dans les 24 heures.

La complication la plus sévère de l’arthroscopie est la réalisation de lésions articulaires iatrogènes. D’autres complications spécifiques à l’arthroscopie sont possibles mais rares : le développement d’une infection et/ou d’une lésion nerveuse et la formation d’un hématome [4, 5].

Conclusion

L’arthroscopie requiert une longue courbe d’apprentissage et une connaissance parfaite de ses différentes étapes. Une simple erreur peut rendre l’arthroscopie très complexe. Une connaissance de l’anatomie et des voies d’abord de chaque articulation est essentielle.

  • (1) Voir l’étape 2 “Arthroscopie : équipements”. Point Vét. 2018;385:16-21.

  • (2) Les recommandations pour la tonte et le positionnement de l’animal seront données pour chaque articulation dans les étapes à venir.

  • (3) Médicament à usage humain.

Références

  • 1. Beale B, Hulse D, Schulz K et coll. Arthroscopically assisted surgery of the elbow joint. Small animal arthroscopy. Saunders. Philadelphia. 2003:51-79.
  • 2. Gurney MA, Rysnik M, Comerford EJ et coll. Intra-articular morphine, bupivacaine or no treatment for postoperative analgesia following unilateral elbow joint arthroscopy. J. Small Anim. Pract. 2012;53:387-392.
  • 3. Johnston SA, Tobias KM. Section IV: Musculoskeletal system. In: Veterinary Surgery. 2nd ed. Jonhston & Tobias. Saunders CO. St Louis. 2017:1323-1347.
  • 4. Perry KL, Li L. A retrospective study of the shortterm complication rate following 750 elective elbow arthroscopies. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2014;27:68-73.
  • 5. Ridge PA. A retrospective study of the rate of postoperative septic arthritis following 353 elective arthroscopies. J. Small Anim. Pract. 2011;52:200-202.

Points forts

→ L’arthroscopie est une méthode systématique d’examen d’une articulation. Le bon respect du déroulement de chaque étape est crucial.

→ Le positionnement de l’animal et la distraction de l’articulation par l’assistant sont spécifiques à chaque articulation.

→ L’articulation doit être distendue par une solution de Ringer lactate avant l’arthroscopie.

→ L’instrumentation suit le principe de triangulation.

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