L’arthrodèse du carpe chez le chien - Le Point Vétérinaire expert canin n° 385 du 01/05/2018
Le Point Vétérinaire expert canin n° 385 du 01/05/2018

ORTHOPÉDIE

Analyse d’article

Auteur(s) : Alexandre Caron

Fonctions : CHV Atlantia,
22, rue René Viviani,
44200 Nantes
a.caron@chv-atlantia.com

L’arthrodèse du carpe, partielle ou totale, est une intervention de sauvetage d’une articulation gravement lésée. De nombreuses techniques ont été décrites. L’article résumé en regroupe plusieurs pour évaluer objectivement les résultats cliniques à long terme [1].

Les lésions les plus fréquentes nécessitant une arthrodèse sont des lésions d’hyperextension ou des luxations avec ruptures multiligamentaires. L’articulation antébrachiocarpienne doit être préservée le plus possible pour un résultat fonctionnel plus physiologique, cet étage articulaire étant responsable de 85 à 90 % de l’amplitude articulaire du carpe [4]. Une arthrodèse totale est nécessaire dès que cet étage articulaire est lésé.

Pour déterminer l’étendue des lésions et planifier l’intervention, il est important de connaître les angles d’appui normaux. Ainsi, chez le chien, en début et en fin de phase d’appui, une extension de 10° environ est mesurée pour l’articulation antébrachio-carpienne. L’angle d’extension en position statique est plus faible que lors de la marche ou du trot.

ARTHRODÈSE DU CARPE PARTIELLE OU TOTALE ?

La décision chirurgicale entre une arthrodèse partielle et une arthrodèse totale n’est pas évidente. L’article résumé ne démontre pas de différence significative entre les deux techniques pour la récupération clinique. Une supériorité de l’arthrodèse partielle est détectée pour certains paramètres très précis d’évaluation de la démarche. Il est peu probable qu’ils aient un impact clinique réel. Ainsi, le résultat fonctionnel n’est pas un paramètre qui peut aider le clinicien dans son processus décisionnel.

Placement de la plaque dorsale

Il est bien documenté qu’une boiterie résiduelle peut persister à la suite d’une arthrodèse partielle en raison du conflit entre la plaque dorsale et le radius. C’est un point technique capital lors d’une arthrodèse partielle avec une plaque dorsale : elle doit être placée le plus distalement possible afin de réduire le conflit lors de l’extension maximale au moment de la prise d’appui. C’est pourquoi une plaque spécifique a été dessinée. Elle prévoit des trous de vis inclinés proximalement permettant une position plus distale de la plaque sur le radius [5].

Arthrose ?

Un autre paramètre intéressant a été évalué dans l’article résumé : l’arthrose métacarpo-phalangienne. En effet, à la suite de l’immobilisation des étages articulaires supérieurs, une surcharge mécanique de ces articulations est attendue. Dans l’article résumé, l’évaluation radiographique à long terme ne démontre pas de développement d’ostéophytose péri-articulaire métacarpo-phalangienne, quelle que soit la technique [1].

État de l’étage antébrachio-carpien

Les critères décisionnels restant alors à la disposition du chirurgien sont le taux de complications connu pour chaque intervention et surtout l’examen clinique préopératoire. Ainsi, il est primordial d’identifier avec précision les structures anatomiques touchées par l’affection. Une arthrodèse partielle convient si, et seulement si, l’étage antébrachio-carpien est intact. Dans le cas contraire, une arthrodèse partielle conduit à une surcharge mécanique de l’articulation antébrachio-carpienne et à une poursuite dégénérative des lésions initiales. Il est alors probable qu’une instabilité chronique entraîne la nécessité d’une arthrodèse totale à moyen terme. Afin d’éviter cette situation, une palpation/manipulation de chaque étage articulaire doit être réalisée minutieusement. Plus important encore, une étude radiographique complète des deux carpes incluant des vues en stress est indispensable [4].

CICATRISATION RADIOGRAPHIQUE

L’objectif ultime d’une arthrodèse est la cicatrisation osseuse des différents étages articulaires entre eux. Les cartilages articulaires sont alors fraisés et une greffe d’os spongieux autologue est le plus souvent effectuée. Cependant, les auteurs ne rapportent, dans l’article résumé, que 70 % de cicatrisations complètes à long terme de l’articulation antébrachio-carpienne [1]. Dans une étude clinique publiée sur 219 cas, une progression de la cicatrisation osseuse est détectée dans 50 à 60 % des cas, 7 mois en moyenne après la chirurgie, avec seulement 40 à 46 % de cicatrisations complètes à ce stade [3]. Ces données permettent de conclure qu’une mécanique robuste doit être envisagée afin de pallier une biologie insuffisante à moyen terme.

COAPTATION EXTERNE ?

Face au risque élevé d’échec du montage, une contention externe a souvent été recommandée (bandage de Robert-Jones ou résine). Une étude ex-vivo publiée récemment démontre une réduction de la tension sur la plaque d’arthrodèse grâce à l’ajout d’un plâtre [8]. Cependant, cette réduction est si faible que les auteurs concluent que l’intérêt clinique d’une coaptation externe est sans doute très limité. De même, une étude rétrospective multicentrique regroupant 219 cas ne démontre pas d’impact de la coaptation externe sur le taux de complications postopératoires [3].

Ainsi, de nombreuses études évaluent différentes configurations d’implants internes dans l’objectif de limiter le risque de complications et de pallier l’insuffisance de la coaptation externe. L’apport des implants verrouillés est sans doute une partie de la solution. L’utilisation d’implants additionnels à la plaque dorsale classique ou d’implants spécialement développés semble apporter un bénéfice évident [3, 2, 5-7].

Conclusion

L’arthrodèse du carpe partielle ou totale semble apporter des résultats fonctionnels satisfaisants à long terme. Il est cependant capital de favoriser une stabilité mécanique pour compenser l’instabilité initiale et permettre à la cicatrisation osseuse de s’installer lentement.

Références

  • 1. Andreoni AA, Rytz U, Vannini R et coll. Ground reaction force profiles after partial and pancarpal arthrodesis in dogs. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2009;23(1):1-6.
  • 2. Arnott JL, Bailey R et coll. An in vitro comparison of a 2.7/3,5 mm hybrid plate alone and combined with crossed K-wires for canine pancarpal arthrodesis. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2008;21:307-311.
  • 3. Bristow PC, Meeson RL, Thorne RM et coll. Clinical comparison of the hybrid dynamic compression plate and the castless plate for pancarpal arthrodesis in 219 dogs. Vet. Surg. 2015;44:70-77.
  • 4. Buote NJ, McDonald D, Radasch R. Pancarpal and partial carpal arthrodesis. Compend. Contin. Educ. Vet. 2009;31:180-191.
  • 5. Burton NJ, Miles AW, Pollintine P. Biomechanical comparison of a novel castless arthrodesis plate with T-plate and cross pin techniques for canine partial carpal arthrodesis. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2013;26:165-171.
  • 6. Clarke SP, Ferguson JF, Miller A. Clinical evaluation of pancarpal arthrodesis using a castLess plate in 11 dogs. Vet. Surg. 38 2009;38:852-860.
  • 7. Meeson RL, Goodship AE, Arthus GI. A Biomechanical evaluation of a hybrid dynamic compression plate and a castLess arthrodesis plate for pancarpal arthrodesis in dogs. Vet. Surg. 2012; 41:738-744.
  • 8. Woods S, Wallace RJ, Mosley JR. The effect of external coaptation on plate deformation in an ex vivo m odel of canine pancarpal arthrodesis. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2012;25:439-444.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Évaluer, grâce à un plateau de marche, les résultats fonctionnels à long terme après la réalisation d’une arthrodèse partielle ou complète chez le chien et comparer les deux techniques.

MÉTHODE

Étude rétrospective (2001 à 2007). Les chiens de plus de 15 kg ayant subi une arthrodèse partielle ou complète, bilatérale ou non, du carpe avec un suivi clinique de plus de 10 mois après la chirurgie sont inclus dans l’étude. Les chiens atteints d’autres affections médicale ou chirurgicale sont exclus. Les données obtenues sont comparées à celles d’un groupe contrôle composé de chiens ne souffrant d’aucune affection.

RÉSULTATS

• 17 chiens ayant subi une arthrodèse partielle du carpe (ParCa) et 33 autres une arthrodèse complète (PanCa) sont inclus dans l’étude.

• Un chien supplémentaire a subi les deux procédures. Seuls 14 chiens ont pu être suivis sur plateau de force à long terme : 7 chiens dans le groupe ParCa (n = 9 arthrodèses), 7 chiens dans le groupe PanCa (n = 10 arthrodèses). La technique chirurgicale est homogène dans le groupe PanCa avec 9 stabilisations au moyen d’une plaque en compression dynamique dorsale et 1 avec une plaque médiale. Le traitement chirurgical est plus hétérogène dans le groupe ParCa avec 5 types différents de combinaison d’implants.

• Tous les propriétaires sont satisfaits du traitement chirurgical, à l’exception d’un du groupe PanCa.

• Seul le délai au pic vertical de force (force de poussée maximum lors de la prise d’appui) est différent entre les deux groupes de chiens traités. En comparaison avec le groupe contrôle, les chiens traités avec l’une ou l’autre des techniques démontrent une impulsion verticale, un pic et une impulsion de force de freinage plus faibles. Les chiens du groupe PanCa présentent également un pic et une impulsion de force propulsive plus faibles que le groupe contrôle.

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