MÉDECINE INTERNE
Analyse d’article
Auteur(s) : Charline Pressanti
Fonctions : Service de dermatologie
INP-ENVT, 23, chemin des Capelles
31076 Toulouse
Le prurit cervico-facial (PCF) et les lésions ulcératives qui en découlent sont un pattern réactionnel fréquemment rencontré chez le chat allergique [2, 3]. Néanmoins, d’autres causes peuvent être à l’origine de cette présentation clinique. Il est donc indispensable de rechercher des causes infectieuses (bactériennes, fongiques, parasitaires, virales), auto-immunes ou tumorales avant de conclure à une origine allergique.
L’identification précise de la cause sous-jacente de ces lésions est souvent délicate et plusieurs examens complémentaires sont à la disposition du praticien. L’analyse histologique de biopsies cutanées demeure l’examen de choix, notamment lorsque les lésions sont chroniques ou réfractaires à plusieurs tentatives de traitement. L’analyse histologique conventionnelle peut s’accompagner de colorations complémentaires ou de réactions immunohistochimiques (IHC) afin d’affiner la recherche de certains agents infectieux ou de certaines cellules. Lorsque les lésions sont inflammatoires, indépendamment de la cause sous-jacente, il est fréquent d’observer, en microscopie, un infiltrat mixte composé d’éosinophiles, de mastocytes, de lymphocytes et d’histiocytes. Souvent, un type cellulaire prédomine [6].
Lorsque le type cellulaire est histiocytaire et qu’aucun agent infectieux n’est détectable, il peut être pertinent de rechercher des leishmanies chez des animaux vivant ou ayant voyagé en zone endémique. En effet, elles ont été identifiées chez des chats vivant dans des zones où cette maladie prédomine [1, 5]. Il est donc possible que la leishmaniose féline (FeL) entraîne des lésions similaires à celles observées lors d’allergie. Les données publiées sont rares et font état de lésions peu spécifiques, alopéciques, squameuses, nodulaires et ulcératives [4]. L’inflammation qui accompagne ces lésions est souvent “granulomateuse” et les macrophages contiennent les formes amastigotes du protozoaire dans leur cytoplasme. Il est également fréquent que l’infiltrat s’accompagne de lymphocytes et de plasmocytes. Les formes amastigotes du parasite ne sont pas toujours faciles à identifier avec les colorations conventionnelles à l’hémalun-éosine (HE). Il est donc nécessaire d’avoir recours à des techniques complémentaires pour exclure ou confirmer la présence du protozoaire. Une réaction IHC positive confirme la présence du parasite et son rôle potentiel dans l’infiltrat inflammatoire observé. En revanche, la détection de l’ADN par polymerase chain reaction (PCR) dans la peau ne prouve pas l’implication directe du parasite dans les lésions observées. En supposant que la FeL puisse induire des lésions ulcératives, l’objectif de cette étude était de déterminer l’implication de cette affection chez des chats atteints de PCF. Il s’agissait d’une étude rétrospective combinant une analyse histologique conventionnelle et des analyses complémentaires (IHC, quantitative polymerase chain reaction [qPCR]).
Vingt-sept biopsies de lésions ulcératives félines de la tête et du cou ont été analysées. Les individus étaient des chats vivant en zone endémique de leishmaniose canine. L’objectif de cette étude était de mettre en évidence des parasites dans l’infiltration inflammatoire et ainsi de démontrer le rôle potentiel des protozoaires dans cette entité lésionnelle. L’ensemble des recherches, après coloration conventionnelle, par réaction IHC et par qPCR étaient négatives pour l’ensemble des chats de cette étude. Ainsi, elle tend à démontrer la faible importance de ce parasite dans ce pattern lésionnel félin typique.
Les cellules histiocytaires sont souvent prédominantes lors de lésions associées à la leishmaniose et sont retrouvées dans les infiltrations des lésions ulcératives. Les auteurs ont donc choisi de cibler ces cellules pour faciliter la recherche des protozoaires. Ils ont ainsi pu détecter avec certitude les macrophages à l’aide d’un anticorps spécifique afin de ne pas les confondre avec d’autres cellules rondes mononucléées. En coloration conventionnelle à l’HE, il est possible de distinguer les histiocytes des autres cellules grâce à leur noyau excentré et à leur cytoplasme vacuolisé. Toutefois, la confusion demeure possible notamment avec les mastocytes dégranulés. Ainsi, l’anticorps Iba-1 a permis de différencier avec certitude les histiocytes. Dans 6 cas sur 27, la réaction IHC a été nécessaire pour identifier correctement les histiocytes. Ces cellules étaient souvent observées ici, mais ne semblent pas être associées à la leishmaniose dans ce cas.
Il existe de nombreuses limites dans cette étude. Les données disponibles pour chaque cas ne sont pas exhaustives et le diagnostic définitif associé aux lésions n’est pas toujours disponible. Des dermatoses granulomateuses ou pyogranulomateuses auraient pu être incluses pour cette recherche de FeL, mais les auteurs ont choisi de ne conserver que les chats avec une présentation clinique de dermatoses ulcératives de la tête et du cou, indépendamment de la nature de l’infiltrat. Le nombre de cas représente également une limite et l’inclusion de plus de chats permettrait d’augmenter les chances de détecter ces parasites qui demeurent rares dans l’espèce féline.
En dépit de la forte prévalence de la leishmaniose dans la région de vie des chats de cette étude, aucun protozoaire n’a été mis en évidence. De plus, malgré la présence de lésions compatibles et d’infiltrations évocatrices de cette affection, cette dernière a pu être écartée chez tous les individus étudiés. La combinaison de la réaction IHC et de la qPCR rend la technique de détection sensible. Les chats étudiés appartenaient à des propriétaires et il aurait pu être pertinent de choisir des chats vivant en extérieur strict et ayant un contact étroit et rapproché avec le vecteur de l’infection.
Aucun.
CONTEXTE
Les ulcères de la tête et du cou sont souvent rencontrés lors de dermatoses allergiques et non allergiques chez le chat. La leishmaniose pourrait être responsable de ces lésions. Aussi, lorsqu’elles surviennent chez des animaux vivant en zone endémique, il est important de rechercher cet agent infectieux.
OBJECTIFS
Mettre en évidence les leishmanies dans les lésions ulcératives félines à l’aide de différentes techniques : des réactions immunohistochimique (IHC) visant les protozoaires et une amplification par polymerase chain reaction (PCR).
MATÉRIEL ET MÉTHODES
L’étude a inclus 27 chats présentant des lésions ulcératives cervico-faciales. Les biopsies cutanées ont fait l’objet d’une lecture conventionnelle après une coloration à l’hémalun-éosine (HE). Puis les parasites ont été recherchés par réaction IHC et PCR quantitative. Les histiocytes ont été révélés par des techniques IHC grâce à l’anticorps Iba-1. Pour chaque animal, les données anamnestiques et cliniques ont été répertoriées.
RÉSULTATS
• Tous les prélèvements révélaient une infiltration modérée périvasculaire mixte.
• La présence d’histiocytes a été confirmée pour 23 cas sur 27.
• Des bactéries, des éléments fongiques ou des inclusions virales ont été recherchés mais étaient absents.
• Dans tous les prélèvements analysés, aucun protozoaire n’a été identifié ni par réaction IHC ni par PCR quantitative.
Les leishmanies ne semblent pas jouer un rôle dans les mécanismes pathogéniques responsables des lésions ulcératives cervicofaciales chez le chat. De plus, la présence d’histiocytes n’est pas associée à celle des protozoaires et ne semble donc pas être un bon marqueur de l’infection dans ce cas.