CHIRURGIE
Analyse d’article
Auteur(s) : Alexandre Caron
Fonctions : CHV Atlantia, 22, rue René-Viviani,
44200 Nantes
La présence d’urine dans la cavité péritonéale entraîne de lourdes conséquences métaboliques, mais n’est généralement pas associée à une péritonite septique. Le développement d’une péritonite chimique, au contact de l’urine, est rare. L’uroabdomen reste cependant une urgence lors de laquelle la fuite doit être traitée rapidement afin de limiter le développement de troubles métaboliques graves [8].
Le diagnostic d’un uroabdomen passe par la découverte radiographique ou plus souvent échographique d’un épanchement abdominal. Le prélèvement de ce dernier permet la réalisation d’analyses. Des taux de créatinine et/ou de potassium plus élevés que les valeurs sériques établit le diagnostic d’uroabdomen [4]. Pour le taux de créatinine, un rapport de 2:1 est 100 % spécifique et 86 % sensible ; pour le taux de potassium, un rapport de 1,4:1 est 100 % sensible et spécifique [9]. Le dosage de l’urée n’est d’aucune utilité puisque cette molécule est rapidement réabsorbée au travers du péritoine [5, 10].
Une fois la nature de l’épanchement identifiée, une étude de contraste du tractus urinaire peut permettre de confirmer et surtout d’identifier, avant l’intervention, l’origine de la fuite urinaire (urétro-cystographie rétrograde et/ou urographie intraveineuse radiographique ou tomodensitométrique). Quand il est réalisé, cet examen donne l’origine de l’uroabdomen dans presque tous les cas (83 % dans cette étude). Ainsi, dans l’article résumé, une grande part des chiens traités présentaient une fuite identifiée avant la chirurgie [5]. Dans la majorité des cas, la vessie est à l’origine de la fuite avec secondairement les fuites urétrales (1/4 environ).
Un traumatisme est le plus souvent à l’origine d’un uroabdomen [6]. Ainsi, il est fréquent, voire systématique, qu’une urétro-cystographie rétrograde soit réalisée chez les chiens admis et traités pour des fractures pelviennes. Plusieurs études rapportent des proportions importantes de ruptures du tractus urinaire associées à des fractures pelviennes (4 à 16 %) [7].
En revanche, une proportion importante de cas d’uroabdomen sont secondaires à une obstruction ou bien à une affection iatrogénique comme dans l’article résumé [5]. Ainsi, la présence d’une tumeur créant une obstruction en aval peut mener à une telle pression au sein du tractus urinaire qu’une brèche se forme. Une autre possibilité est la création d’une brèche directement par le développement tumoral pariétal au sein d’un uretère, de la vessie ou de l’urètre.
Un uroabdomen iatrogène peut faire suite à une cystotomie, à une cystocentèse ou à un sondage urétral. Ces situations ne sont pas rares (16 % dans l’article résumé) et doivent pouvoir être gérées par tous.
Ces causes semblent similaires à ce qui a été précédemment rapporté dans l’espèce féline [2].
La fuite urinaire mérite souvent une réparation chirurgicale. En revanche, cette intervention peut être différée après la réanimation médicale afin d’améliorer les chances d’une anesthésie non compliquée. Pour cela, un cathéter péritonéal peut être mis en place pendant la réanimation médicale afin de réduire les conséquences métaboliques de l’uroabdomen. Il permet la vidange de l’épanchement, voire la réalisation d’une dialyse péritonéale [3]. Dans l’article résumé, les 7 chiens pour lesquels ce type de gestion a été mis en place ont survécu [5]. L’utilisation d’un cathéter péritonéal n’apparaît pas comme un facteur pronostique positif (p = 0,31), mais l’étude sur une population plus grande pourrait donner des résultats différents. L’étude résumée ici reprend la population de deux hôpitaux différents : le taux de mortalité est de 6 % pour celui utilisant des cathéters péritonéaux et de 33 % pour celui ne s’en servant pas. La prudence serait donc de recommander une vidange de l’épanchement avant la réanimation médicale afin d’améliorer son efficacité. Une étude chez le chien rapporte une cicatrisation spontanée de la brèche urétérale en 12 jours, à la suite d’une urétérotomie non suturée, à condition que l’urine soit constamment évacuée de la cavité abdominale. Cela illustre qu’une gestion non chirurgicale est possible bien qu’elle ne soit pas souvent la technique utilisée.
La technique chirurgicale dépend de l’organe incriminé et de l’origine de la fuite. En cas de brèche vésicale traumatique, une suture est généralement indiquée en première intention. Lors de brèche urétrale traumatique, une suture urétrale directe avec ou sans cathétérisation postopératoire est préconisée bien qu’une urétrostomie puisse parfois être nécessaire.
L’article résumé présente un taux de mortalité plus faible que les études précédemment publiées : 21 % [1, 2, 5]. L’hypothèse des auteurs, selon laquelle la créatinémie serait corrélée au pronostic, a été rejetée par l’analyse statistique. Une gestion médicale préopératoire adéquate est sans doute associée au faible poids de ce paramètre. Un paramètre supplémentaire aurait pu être évalué : la présence ou non d’une péritonite septique.
Les auteurs concluent qu’en l’absence de facteurs pronostiques identifiés en phase préopératoire, un traitement doit systématiquement être proposé, d’autant plus que les chances de succès sont bonnes. Il serait cependant intéressant de pouvoir différencier les cas en fonction du niveau de la fuite dans le tractus urinaire, mais aussi de leur origine.
Un cas a déjà été rapporté d’urothorax avec une association de hernie diaphragmatique et de rupture vésicale chez un chien [3].
Aucun.
OBJECTIF
Déterminer le taux de survie et les facteurs de risque de mort à la suite du traitement d’un uroabdomen spontané chez le chien.
MÉTHODE
Étude rétrospective. Les chiens traités pour un uroabdomen spontané dans deux hôpitaux américains sont inclus.
RÉSULTATS
Quarante-trois chiens sont inclus. Le diagnostic d’uroabdomen est confirmé par :
- le rapport entre le taux de créatine dans l’épanchement et la créatinémie (> 2) dans 90 % des cas ;
- le rapport entre le taux de potassium dans l’épanchement et la kaliémie (> 2) dans 57 % des cas ;
- une étude d’imagerie avec produit de contraste dans 87 % des cas où elle a été réalisée (n = 23).
La rupture du tractus urinaire est identifiée au niveau vésical dans 56 % des cas (n = 24), urétral dans 26 % des cas (n = 11), d’un rein dans 5 % des cas (n = 2), d’un uretère dans 2 % des cas (n = 1) et avec une double origine rénale et vésicale dans 2 % des cas (n = 1). Dans 4 cas (9 %), l’origine de l’uroabdomen n’est pas élucidée.
La cause de la rupture du tractus urinaire est traumatique à 47 % (n = 20), obstructive à 21 % (n = 9) et iatrogène à 16 % (n = 7). Dans 16 % des cas (n = 7), l’origine est inconnue.
Un traitement chirurgical est mis en place dans 86 % des cas (n = 37 chiens). Chez 34 de ces chiens, la fuite est identifiée. Pour les 3 cas restants, 2 chiens ont été euthanasiés et une brèche urétrale a été suspectée pour le troisième avec la mise en place d’une sonde urétrale. Une complication peropératoire est identifiée dans 36 % des cas (n = 13/36).
Le taux de survie global est de 79 % (n = 34). La cause ou l’origine de la fuite, la créatinémie ou l’urémie mesurées à l’admission ne sont pas identifiées comme associées au risque de mort.
Les chiens ayant démontré des complications ont un risque accru de mort.