Ostéosarcome des cavités nasales chez un chien west highland white terrier - Le Point Vétérinaire expert canin n° 384 du 01/04/2018
Le Point Vétérinaire expert canin n° 384 du 01/04/2018

CANCÉROLOGIE

Cas clinique

Auteur(s) : Amandine Viole*, Frédérique Ponce**, Émilie Krafft***, David Sayag****

Fonctions :
*34 rue des Monts, 69280 Sainte Consorce
**Unité de médecine, VetAgro Sup,
Campus vétérinaire de Lyon,
1, avenue Bourgelat,
69280 Marcy-l’Étoile
***Unité de médecine, VetAgro Sup,
Campus vétérinaire de Lyon,
1, avenue Bourgelat,
69280 Marcy-l’Étoile
****Unité de médecine, VetAgro Sup,
Campus vétérinaire de Lyon,
1, avenue Bourgelat,
69280 Marcy-l’Étoile

Réaliser de manière précoce des examens complémentaires d’imagerie lors de signes cliniques évocateurs d’une atteinte des cavités nasales est primordial pour pouvoir disposer d’un arsenal thérapeutique le plus large possible.

Les tumeurs des cavités nasales représentent 1 à 2 % de l’ensemble des tumeurs chez le chien, et jusqu’à 60 à 80 % de l’ensemble des affections naso-sinusales [17]. Bien que leur pouvoir métastatique soit faible, leur agressivité locorégionale assombrit fréquemment le pronostic des animaux atteints. Les signes cliniques ne sont pas spécifiques, mais certains d’entre eux (épistaxis, difficultés respiratoires notamment) doivent inviter à initier précocement une démarche diagnostique. Celle-ci inclut notamment la réalisation d’examens d’imagerie sensibles tels que l’examen tomodensitométrique. Déterminer la localisation, l’extension et la nature histologique de la tumeur permet de présenter un pronostic et de proposer une prise en charge thérapeutique adaptée aux souhaits du propriétaire.

CAS CLINIQUE

1. Anamnèse et commémoratifs

Un chien mâle entier west highland white terrier de 5 ans est présenté en consultation d’urgence pour des difficultés respiratoires évoluant depuis 3 semaines et s’aggravant depuis 48 heures, associées à des éternuements et à une épistaxis bilatérale évoluant depuis 1 mois et demi.

L’animal est correctement vacciné selon les protocoles en vigueur (valences CHPPiLR et toux de chenil Nobivac® KC), vermifugé et traité contre les ectoparasites.

Le chien a été présenté à un premier confrère en début d’évolution. Les signes cliniques s’aggravant, il a été examiné 2 semaines plus tard par un second confrère. Celui-ci a prescrit une antibiothérapie empirique (marbofloxacine 2 mg/kg, une fois par jour) et une corticothérapie (prednisolone 1 mg/kg, per os [PO], une fois par jour). La durée du traitement n’est pas renseignée. Le chien n’est toutefois plus sous traitement à son admission. L’animal est référé en consultation d’urgence pour la réalisation d’examens plus spécifiques (examen tomodensitométrique).

2. Examen clinique général

À l’admission, le chien présente une polypnée et respire avec la gueule ouverte. Des ronflements nasaux sont audibles en phase inspiratoire. Une épistaxis bilatérale est visible, plus marquée à droite. Une discrète déviation de la truffe vers la gauche est notable. De plus, une diminution du diamètre de la colonne d’air de la cavité nasale droite est mise en évidence. Le chien présente aussi une hyperhémie conjonctivale bilatérale ainsi qu’une hypertrophie des nœuds lymphatiques mandibulaires. À l’auscultation pulmonaire, des râles sont audibles. Le reste de l’examen clinique est normal.

3. Hypothèses diagnostiques

La synthèse anamnestique et clinique oriente vers une atteinte obstructive des voies respiratoires supérieures, plus particulièrement des cavités naso-sinusales. Le diagnostic différentiel est établi (tableau 1). En raison de l’épistaxis, des troubles de l’hémostase secondaire doivent être exclus en premier lieu. La présence concomitante de symptômes respiratoires oriente les hypothèses vers une origine inflammatoire stricte, infectieuse (fongique notamment) ou tumorale. La présence d’un corps étranger nasal doit également être envisagée. Un bilan sanguin et des examens d’imagerie médicale sont ainsi mis en œuvre.

4. Examens complémentaires

Bilan sanguin

La présence d’une épistaxis bilatérale chronique justifie la réalisation d’une numération et formule sanguines, afin d’exclure une thrombopénie et d’investiguer l’éventuelle présence d’un foyer inflammatoire. Une leucocytose neutrophilique (leucocytes = 34 840/mm3 [valeurs usuelles (VU) : 6 000 à 17 000/mm3]) ainsi qu’une thrombopénie modérée (plaquettes = 112 000/mm3 [VU : 200 000 à 500 000/mm3]) sont mises en évidence. Le bilan d’hémostase (temps de Quick et temps de céphaline activée) est dans les normes. Cela permet d’exclure des troubles de l’hémostase secondaire, qui auraient pu être à l’origine de l’épistaxis. Les paramètres rénaux sont dans les valeurs usuelles (urée = 6,6 mmol/l [VU : 2 à 7 mmol/l] ; créatinine = 92 µmol/l [VU : 0 à 135 mmol/l]) (tableau 2).

Examens d’imagerie

Bien que l’examen clinique oriente prioritairement vers une atteinte des voies respiratoires supérieures, la présence d’une détresse respiratoire persistante associée à des râles pulmonaires justifie la réalisation de radiographies thoraciques en première intention. Les radiographies réalisées mettent en évidence une opacification pulmonaire interstitielle diffuse non spécifique, compatible avec l’état d’embonpoint de l’animal, ainsi qu’une flaccidité trachéale. Cet examen peu invasif permet ainsi d’exclure toute affection pulmonaire ou pleurale sous-jacente.

Le bilan sanguin et les radiographies thoraciques n’ayant pas permis d’établir un diagnostic étiologique, un examen tomodensitométrique avec injection de produit de contraste iodé est proposé aux propriétaires. Un processus néoplasique étant, à ce stade, l’hypothèse principale, un scanner corps entier est réalisé d’emblée, afin de disposer d’un bilan d’extension.

Les résultats sont en faveur d’une lésion naso-sinusale érosive agressive (photos 1 et 2). Une destruction des cornets nasaux et des os paranasaux (os frontal, os sphénoïde) adjacents est en effet visible. Le septum nasal ainsi que l’os vomer sont fortement lysés. La lame criblée de l’os ethmoïde est également atteinte et un envahissement de la boîte crânienne est observé. Les nœuds lymphatiques rétropharyngiens et mandibulaires apparaissent modérément hypertrophiés bilatéralement, ce qui confirme la palpation et laisse suspecter une dissémination métastatique bien qu’une réaction non spécifique ne puisse être exclue. Un rehaussement hétérogène de la masse naso-sinusale, initialement hypodense, est constaté à la suite de l’injection du produit de contraste (iodixanol, Visipaque®). Le reste du bilan d’extension est négatif. Face à une lésion présentant des critères de malignité notables, une rhinoscopie est ensuite réalisée afin de procéder à des biopsies. La visualisation d’une néoformation de la sous-muqueuse au sein de la cavité nasale droite confirme les images obtenues lors du scanner. De discrets signes d’inflammation de la paroi latérale de la cavité nasale droite sont visualisés.

Analyses histologique et cytologique

L’analyse histologique des biopsies est en faveur d’une tumeur maligne de nature mésenchymateuse, de type ostéosarcome (visualisation de cellules mésenchymateuses multinucléolées incluant des figures de mitose). Une analyse cytologique des nœuds lymphatiques rétropharyngiens et mandibulaires est réalisée (visualisation, parmi une population de petits lymphocytes matures, de cellules atypiques à fort rapport nucléo-cytoplasmique). Bien que les lames n’aient pas été analysées par un anatomo-pathologiste spécialisé, une dissémination métastatique est fortement suspectée.

5. Diagnostic de certitude

Les résultats sont en faveur d’une lésion tumorale de type ostéosarcome nasal de stade 4, de classification T3N2M2 (tableaux 3 et 4).

6. Prise en charge thérapeutique et suivi

La prise en charge initiale recommandée inclut usuellement une radiothérapie externe, associée à un traitement de support à base d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Toutefois, en raison de l’atteinte de la lame criblée, du pronostic très défavorable à court terme et des contraintes financières, la radiothérapie est déclinée par les propriétaires.

Une chimiothérapie métronomique à base de cyclophosphamide (15 mg/m2, une fois par jour), agent alkylant de chimiothérapie anticancéreuse, est initiée. Un AINS spécifique COX-2, le firocoxib (5 mg/kg une fois par jour), y est associé.

Un mois après cette visite et le début du traitement, les propriétaires sont contactés par téléphone et rapportent une amélioration transitoire de l’état général et une régression des symptômes de l’animal. Aucun effet secondaire n’est notifié. Un mois et demi après ce suivi téléphonique, l’état général du chien se dégrade brusquement sur le plan respiratoire. Une sévère détresse respiratoire inspiratoire est rapportée. Une décision d’euthanasie est prise en accord avec les propriétaires.

DISCUSSION

1. Étiologie

Les tumeurs des cavités nasales sont rares, elles représentent environ 1 à 2 % de l’ensemble des tumeurs chez le chien, mais constituent 60 à 80 % des affections naso-sinusales [17]. Ces tumeurs surviennent le plus souvent chez des animaux âgés. Dans l’étude de Patnaik et coll., 67 % des chiens atteints d’ostéosarcome nasal avaient plus de 10 ans, seuls 6 % d’entre eux avaient moins de 4 ans [11].

La présentation du cas décrit est donc peu fréquente et invite à ne pas exclure une origine tumorale chez un jeune chien. Aucune prédisposition de race n’est connue. Les tumeurs épithéliales de type carcinome (incluant adénocarcinome, carcinome à cellules squameuses et autres types de carcinomes indifférenciés) prédominent et sont responsables de 75 % des cas [9]. Les autres cas sont dus à des tumeurs mésenchymateuses de type sarcome (ostéosarcome, fibrosarcome et chondrosarcome principalement). Dans l’étude citée précédemment, les ostéosarcomes représentaient 6 % des 285 cas recensés [11]. Les lymphomes (majoritairement chez le chat), mastocytomes, sarcomes de Sticker et hémangiosarcomes sont également à inclure dans le diagnostic différentiel, bien qu’ils soient nettement plus rares [17].

Leur agressivité provient prioritairement de leur pouvoir invasif et infiltrant localement. En règle générale, les disséminations métastatiques sont relativement faibles et tardives. Ainsi, au moment du diagnostic, la proportion de chiens présentant des métastases serait comprise entre 0 et 12 % [13]. Dans l’étude rétrospective de Sones et coll., parmi les 86 chiens présentant des sarcomes des cavités nasales, le bilan d’extension était négatif à l’admission [15]. Selon les données scientifiques, l’adénomégalie mandibulaire et rétropharyngienne objectivée dans le cas décrit pourrait être d’origine réactionnelle. La réalisation d’une analyse cytologique se révèle donc indispensable afin de préciser le bilan d’extension. Une autre étude montre que les tumeurs d’origine épithéliale métastasent plus fréquemment que celles d’origine mésenchymateuse [14]. Les nœuds lymphatiques et les poumons constituent des sites prioritaires, devant les structures osseuses, les reins et le foie.

2. Choix des examens complémentaires

Place de la radiographie, du scanner et de l’IRM

Le diagnostic de certitude repose sur la réalisation de biopsies et leur analyse histologique. Des examens d’imagerie d’orientation sont cependant à disposition du clinicien. La pertinence de l’examen tomodensitométrique vis-à-vis de la radiographie conventionnelle est bien documentée. De nombreuses études font état de meilleures sensibilité et spécificité du scanner dans le diagnostic de ces tumeurs [15]. Celui-ci permet une évaluation précise de la lésion, de sa délimitation et de son extension aux structures adjacentes. De plus, un bilan d’extension corps entier peut être réalisé simultanément.

Une étude incluant 19 chiens atteints de tumeurs nasales rapporte dans 100 % des cas une destruction unilatérale à bilatérale des cornets nasaux, dans 50 % des cas une lyse des os délimitant les cavités nasales (l’os nasal dorsalement, les os maxillaire et incisif latéralement, l’os palatin ventralement, et l’os ethmoïde caudalement) associée à une effraction de la lame criblée de l’ethmoïde dans 45 % des cas [15]. Les sinus paranasaux (sinus frontal, sphénoïdal et maxillaire) peuvent être comblés par des structures d’opacité liquidienne/tissulaire avec une atteinte fréquente du sinus frontal et de l’os frontal adjacent. Dans cette étude, la sensibilité et la spécificité du scanner s’élèvent respectivement à 90 % et à 100 %, traduisant sa réelle pertinence diagnostique [15]. Au vu des lésions mises en évidence chez ce chien, le scanner s’est révélé être l’examen de choix.

La radiographie peut être intéressante (valeur prédictive positive de 88 %) si elle est effectuée sous anesthésie générale et que toutes les incidences sont réalisées (vue dorso-ventrale, vue gueule ouverte, vue rostro-caudale) [9]. L’interprétation radiographique est cependant compliquée par les nombreuses superpositions osseuses et la trame des cornets nasaux. Le bilan d’extension radiologique est souvent incomplet dans la mesure où les différents compartiments entourant les cavités nasales ne sont pas tous explorables. La qualité topographique du scanner est ainsi indispensable à la prise en charge thérapeutique. Dans le cas décrit, l’examen tomodensitométrique, disponible en clinique, a été préféré à la radiographie. Des radiographies thoraciques ont toutefois été réalisées préalablement afin de rechercher la présence d’un éventuel foyer métastatique pulmonaire qui aurait conditionné l’investissement ultérieur du propriétaire.

L’examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM), largement utilisé en médecine humaine, est décrit comme équivalent en termes de sensibilité par rapport au scanner, bien que peu d’études aient été publiées dans le domaine vétérinaire [5]. L’IRM offre un meilleur contraste tissulaire et permet de visualiser plus nettement les structures tissulaires ou liquidiennes anormales au sein des tissus sains. Le scanner apparaît plus adapté à l’exploration des structures osseuses et présente l’avantage d’être plus rapide et moins coûteux. Une étude prospective de 2017 compare l’IRM et l’examen tomodensitométrique chez 6 chiens atteints de tumeurs nasales, quant à leur extension locorégionale et à leur classification selon certains critères tomodensitométriques [10]. L’étude révèle un fort degré de concordance concernant l’envahissement osseux des cavités nasales explorées. Toutefois, dans 83 % des cas, les images d’IRM révèlent une extension plus volumineuse des tumeurs analysées. Malgré la faible cohorte d’inclusion et la nécessité de travaux complémentaires visant à étayer ces résultats, l’IRM pourrait présenter un intérêt certain dans le cadre de l’exploration des tumeurs nasales.

Exploration directe par rhinoscopie

Contrairement aux autres examens d’imagerie, la rhinoscopie permet une exploration directe de l’intérieur des cavités nasales et la réalisation d’une ou de plusieurs biopsies à visée diagnostique. Elle nécessite d’avoir à disposition un endoscope rigide de diamètre adapté aux cavités nasales. Bien que cette méthode puisse être limitée par la présence de sang ou d’écoulements nasaux, l’emploi d’un aspirateur permet d’aspirer en partie les mucosités. L’examen, réalisé sous anesthésie générale, se fait classiquement par voie rétrograde via le nasopharynx et directe via les méats nasaux. Chez ce chien, la rhinoscopie a permis de visualiser une masse au sein de la cavité nasale droite, directement prélevée à l’aide d’une pince à biopsie introduite parallèlement le long de l’optique du rhinoscope. Une étude rapporte que, dans 64 % des cas, la rhinoscopie pratiquée seule est un examen pertinent pour le diagnostic des tumeurs nasales. Le scanner semble toutefois plus spécifique en première intention [7]. La rhinoscopie est donc complémentaire à l’examen tomodensitométrique, lequel permet d’orienter le choix de la zone à biopser. En l’absence de matériel endoscopique, un flush des cavités nasales peut a minima permettre l’envoi d’un prélèvement cytologique.

Importance d’un diagnostic précoce

Il convient d’insister sur la réalisation précoce de ces examens complémentaires, à la lumière de signes cliniques évocateurs. Bien que ceux-ci soient peu spécifiques, une démarche diagnostique doit être promptement mise en œuvre en cas de persistance des symptômes. Une visite de suivi à court terme est à conseiller aux propriétaires afin de les orienter dans les plus brefs délais vers une structure disposant de matériel spécialisé. En cas de diagnostic tardif, les lésions se révèlent fréquemment sévères, péjorant par là même le pronostic de l’animal. Le cas décrit en est un exemple révélateur.

3. Pronostic

Ces tumeurs métastasant peu, l’objectif de la prise en charge consiste à contrôler localement leur évolution. La radiothérapie est considérée comme un standard de soin dans la gestion initiale des animaux, seule ou accompagnée d’autres thérapies (chirurgie, chimiothérapie, thérapie moléculaire ciblée) [16]. Lorsque les propriétaires déclinent cette option, pour des raisons financières ou de disponibilité, des traitements alternatifs peuvent être proposés pour soulager l’animal à plus ou moins long terme. Les chiens ne recevant pas de traitement par radiothérapie ont une courte médiane de survie, de l’ordre de 3 à 5 mois contre 8 à 19,7 mois après radiothérapie. Une étude rapporte une médiane de survie de 15 mois chez des chiens présentant différents types de sarcomes traités par radiothérapie. Elle est significativement supérieure (20 mois) dans le cadre d’ostéosarcomes [16]. Sans irradiation, celle des chiens atteints de sarcomes semble toutefois supérieure à celle de ceux atteints de carcinomes (7 mois contre 3 mois), mais ce constat n’est pas retrouvé dans d’autres données publiées [4].

Différentes classifications ayant pour objectif d’évaluer les tumeurs selon des critères précis existent en cancérologie et permettent de proposer un pronostic associé à une prise en charge adaptée. Dans le cadre des tumeurs nasales, la classification TNM proposée par l’Organisation mondiale de la santé ne permet pas de corréler stade et pronostic chez le chien. Elle est toutefois couramment utilisée. Celle d’Adams et coll. définit plusieurs stades à partir de critères tomodensitométriques. Des médianes de survie y sont associées [1]. L’atteinte de la lame criblée de l’ethmoïde est ainsi reliée à une durée de survie plus courte (médiane de survie de 6,7 mois). La présence d’une épistaxis, de métastases au moment du diagnostic, la nature histologique de la tumeur ainsi que l’absence de résolution des signes cliniques après radiothérapie constituent également des facteurs pronostiques négatifs [12]. La classification du cas présenté est de type T3N2M2 stade 4, de pronostic sombre à court terme (environ 6 mois). La mort du chien, survenue 2 mois après le diagnostic, vient corroborer ces données pronostiques.

4. Prise en charge thérapeutique

Place de la chimiothérapie métronomique

La chimiothérapie métronomique est un concept thérapeutique qui consiste à administrer en continu des molécules cytotoxiques à faible dose. La plupart des protocoles reposent sur des agents de chimiothérapie administrés par voie orale (cyclophosphamide, tocéranib), auxquels s’ajoutent des AINS (dose usuelle). Cette thérapie multiciblée a pour mécanisme d’action principal l’inhibition de l’angiogenèse tumorale ainsi que la stimulation de l’immunité antitumorale. Les premiers essais cliniques ont porté sur l’utilisation concomitante du cyclophosphamide et du piroxicam. Ainsi, une étude sur 85 chiens présentant des sarcomes des tissus mous appendiculaires ou tronculaires, et ayant subi une résection chirurgicale incomplète montre une augmentation significative du temps de rémission chez les animaux traités par chimiothérapie métronomique en phase postopératoire (cyclophosphamide 10 mg/m2, piroxicam 0,3 mg/kg) comparativement au groupe témoin (411 jours versus 211 jours) [6]. Des effets secondaires, incluant l’apparition d’une cystite hémorragique stérile, peuvent survenir à la suite de l’administration de cyclophosphamide à des doses élevées (25 mg/m2). La surveillance étroite de signes d’atteinte du bas appareil urinaire (strangurie, hématurie, pollakiurie) est indispensable, les lésions vésicales (hémorragies, nécrose et fibrose de l’épithélium) pouvant dans certains cas être irréversibles. Par rapport aux protocoles classiques, la chimiothérapie métronomique présente l’avantage de limiter la toxicité induite par les agents de chimiothérapie ainsi que leurs effets secondaires. L’administration par voie orale des molécules se révèle plus simple et a un coût plus raisonnable [2]. Face au pronostic sombre chez ce chien à court terme, ces arguments ont orienté le choix des propriétaires.

Place des AINS COX-2 sélectifs

L’utilisation des AINS COX-2 en bithérapie adjuvante fait actuellement débat. La découverte de l’expression des COX-2 dans certains mécanismes d’oncogenèse et d’angiogenèse chez l’homme puis chez l’animal a conduit à élargir leur prescription en cancérologie. La cyclo-oxygénase est une enzyme qui existe sous deux isoformes, COX-1 et COX-2, et qui assure la biosynthèse des prostaglandines à partir de l’acide arachidonique. L’isoforme COX-2 n’est exprimée qu’à la faveur d’un statut inflammatoire, sous l’action de cytokines pro-inflammatoires, contrairement à COX-1 qui est exprimée de manière physiologique par de nombreuses cellules de l’organisme. Dans le cadre de tumeurs des cavités nasales de nature épithéliale, une surexpression de COX-2 est rapportée, ce qui a justifié l’ajout d’AINS spécifiques à certains protocoles de prise en charge thérapeutique palliative [8]. Leur impact semble être majoré sur des tumeurs préalablement prises en charge par radiothérapie [3]. Cependant, aucune étude n’a évalué leur expression sur les autres types histologiques (tumeurs mésenchymateuses notamment). Leur utilisation reste controversée dans la mesure où aucune réduction du taux de mortalité n’a été démontrée. Chez ce chien sous chimiothérapie métronomique, une régression des signes cliniques et une nette amélioration de son état général sont rapportées par les propriétaires. Bien que l’animal n’ait pas été douloureux en hospitalisation (d’après un suivi de scores de douleur), un état algique est fréquemment rencontré dans l’évolution de processus tumoraux. Les coxibs apportent ainsi a minima une analgésie palliative et permettent une diminution des signes inflammatoires inhérents à la tumeur.

Conclusion

Ce cas clinique décrit la prise en charge d’un cas d’ostéosarcome des cavités nasales chez un chien de 5 ans. L’examen tomodensitométrique s’avère indispensable à l’exploration de tumeurs nasales afin d’évaluer l’étendue des lésions osseuses et tissulaires adjacentes et de proposer un pronostic corrélé aux anomalies tomodensitométriques. En raison de leur agressivité locorégionale, cet examen doit être réalisé précocement en vue d’une prise en charge ciblée et efficace. Dans ce cas, la radiothérapie n’a pas été souhaitée. Aussi, une solution alternative a été proposée. Les thérapies palliatives s’appuient sur des molécules type AINS spécifiques COX-2 couplées ou non à d’autres agents de chimiothérapie anticancéreuse. Des études prospectives sont cependant nécessaires pour attester de l’efficacité de ces traitements palliatifs et de leur incidence en termes de survie.

Références

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Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Lors de toute épistaxis chronique, le diagnostic différentiel doit inclure les tumeurs des cavités nasales.

→ En première intention, le scanner est l’examen de choix du diagnostic des néoplasies des cavités nasales et doit être couplé à une rhinoscopie en vue d’une analyse histologique. Cet examen est à réaliser dans les plus brefs délais en cas de persistance des signes cliniques et permet de caractériser précocement l’étendue des lésions associées.

→ La radiothérapie externe est la pierre angulaire du traitement des tumeurs nasales.

→ Des thérapies médicales palliatives ont été proposées, mais n’ont pas montré leur efficacité sur les médianes de survie des animaux atteints.